Dr Mathieu Gayda, Ph.D.

Chercheur au Centre ÉPIC de l’ICM, Professeur associé, Département de médecine de l'Université de Montréal.

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L’entrainement avec sprints supra-maximaux ou « sprint-interval training » : la nouvelle panacée en entrainement ?  

Plusieurs études indiquent que l’entrainement par intervalles à haute intensité (« high-intensity interval training » en anglais) procure de nombreux bénéfices, autant chez les personnes sans maladies cardiaques (sédentaires et athlètes), les patients avec facteurs de risque cardiovasculaires (obèses, hypertendus, syndrome métabolique) que les patients cardiaques (coronariens et insuffisants cardiaques). Au Centre ÉPIC, nous utilisons depuis 2009 cette méthode pour l’entrainement de nos membres ; par exemple, un protocole couramment utilisé consiste à pédaler 15 sec sur un vélo stationnaire au maximum de la capacité, suivi d’une période de récupération de même durée, soit de façon passive (repos complet) ou active (exercice de faible intensité), et ce pendant 8 minutes.  Après une courte pause, on recommence le tout pour un autre bloc de 8 minutes.  Au total, la personne fait donc 16 minutes d’activité physique, mais seulement 8 minutes d’activité réelle puisqu’elle est en arrêt la moitié du temps. Lorsqu’on mesure la capacité aérobique après ce type d’entraînement, on observe que ces 8 minutes d’activité physique intense, mais fractionnée, sont plus efficaces que 30 minutes d’activité modérée continue.

Depuis peu, une autre forme d’entrainement encore plus court et plus intense à fait son apparition, tout d’abord en recherche, puis dans le domaine du conditionnement physique. Ce type d’entrainement est appelé en anglais « sprint interval training », ce que nous traduirons par entrainement avec sprints supra-maximaux. Il consiste à répéter de 4 à 8 sprints de 10 à 30 sec à des puissances très importantes (>170% de la puissance maximale aérobie (PMA)), entrecoupés par des périodes de repos variant de 10 sec à 5 min (voir l’encadré pour mieux comprendre à qui correspond la PMA).

En 1996, le chercheur japonais Izumi Tabata a été un des premiers à expérimenter ce type d’entrainement en utilisant 7 à 8 sprints de 20 sec à 170% de la PMA avec récupération passive de 10 sec, ce qui correspond à 4 min au total pour la séance.  Lorsque réalisé pendant 4 semaines comparativement à un entrainement  modéré continu de 1 heure (à 70% de la PMA), ce type d’entrainement au sprint améliorait la capacité anaérobie (ce qui semble logique) mais aussi la VO2max de façon équivalente à l’entrainement modéré continu (plus surprenant) chez des sujets jeunes en bonne santé. D’autres chercheurs, comme l’Australien Nigel Stepto, ont montré qu’un entrainement de 3 semaines à l’aide de sprints de 30 sec à 175 % de la PMA (12 sprints) avait des effets similaires sur la performance qu’un entrainement de même durée utilisant 8 intervalles de 4 min à 85% de la PMA chez de jeunes cyclistes entrainés. Plus récemment, l’équipe du Dr Martin Gibala a montré qu’un entrainement de 12 semaines, utilisant 3 sprints de 20 sec (250% de la PMA) 3 fois par semaine avait des effets équivalents sur la VO2max, la fonction mitochondriale musculaire ou la sensibilité à l’insuline qu’un entrainement modéré continu (45 min à 70% PMA) chez de jeunes sujets sédentaires. Il a même été démontré qu’un programme de sprints de 2 semaines utilisant 4 à 6 sprints maximaux de 10 sec (>200% de la PMA) avec 2 ou 4 min de repos était tout aussi efficace que des sprints de 30 sec. On sait maintenant que les mécanismes d’adaptations de l’entrainement aux sprints supra-maximaux passent par notamment par des améliorations des enzymes oxydatives musculaires comme la citrate syntase.

Il semble donc qu’un entrainement à très haute intensité puisse procurer des bénéfices cardiovasculaires importants, et ce de façon beaucoup plus rapide que l’entrainement modéré. Cependant, bien que comprimer le temps consacré à l’exercice et avoir des séances très courtes (<10 min) soit séduisant, on remarque que ce type d’entrainement peut être très exigeant et n’a été étudié que chez les sujets sains jeunes (<40 ans) en santé et sur de courtes périodes de temps (2 à 12 semaines). Son application à des populations plus âgées en bonne santé ou encore qui présentent des facteurs de risques ou des maladies cardiaques stables reste à être déterminée, autant en terme d’efficacité que de sécurité (blessures).

Puissance, temps d’effort et sources d’énergie

La puissance aérobie maximale (PMA) est la puissance produite à VO2max, c’est-à-dire lorsque le corps atteint sa capacité maximale à consommer de l’oxygène lors d’un effort progressif maximal d’une durée de 8-12 minutes. Le métabolisme aérobie est la principale source d’énergie après quelques minutes (voir figure de droite).  Chez une personne peu entrainée, cela correspond à une puissance qui peut être maintenue environ 3 à 5 minutes (voir figure de gauche).  On peut facilement reconnaître l’atteinte de la PMA par les sensations ressenties lors de l’effort, soit l’apparition d’une douleur musculaire, une augmentation de la ventilation, une incapacité de parler durant l’exercice et, évidemment, l’épuisement. Comme son nom l’indique, un sprint supra-maximal correspond à un effort qui dépasse la puissance aérobie maximale d’une personne (ex : 135 et 200% PMA – voir figure de gauche). Ces dépassements sont rendus possibles par la capacité du corps de se tourner vers d’autres sources d’énergie sans oxygène (phosphocréatine/glycolyse anaérobie : voir figure de droite) qui donne beaucoup d’énergie sur un temps très court, mais s’épuisent vite. L’utilisation de ces réserves énergétiques permet donc de soutenir un effort très intense pendant une courte période de temps, par exemple lors d’un sprint réalisé à bout de souffle.

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