Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Étude PURE sur l’alimentation et la santé:  des résultats surprenants, mais des conclusions prématurées.

Les résultats de l’étude PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology) présentés au dernier congrès de l’European Society of Cardiology ont fait couler beaucoup d’encre la semaine dernière. Cette grande étude d’observation avait comme objectif d’examiner l’impact des habitudes alimentaires sur la santé des habitants de 18 pays ayant un statut socioéconomique faible (Bangladesh, Inde, Pakistan, Zimbabwe), moyen (Argentine, Brésil, Chili, Chine, Colombie, Iran, Malaysie, Palestine, Pologne, Afrique du Sud, Turquie) ou élevé (Canada, Suède, Émirats arabes unis). Environ 135,000 personnes ont rempli un questionnaire sur leurs habitudes alimentaires au début de l’étude et leur état de santé a été suivi pendant une période de 7 ans.

Les résultats obtenus font l’objet de trois articles publiés simultanément dans le journal britannique Lancet.  Le premier porte sur la relation existant entre la consommation de fruits, légumes et légumineuses et l’incidence de maladies (cardiovasculaires ou autres) et la mortalité, le deuxième porte sur l’influence des différents macronutriments (glucides, lipides, protéines) sur ces mêmes paramètres, tandis que le troisième présente les variations des taux de lipides sanguins et de la tension artérielle en fonction de l’apport en macronutriments.

Deux principaux résultats ont retenu l’attention :

  • la consommation de fruits, légumes et légumineuses est associée à une meilleure santé et une réduction de la mortalité, mais cet effet protecteur est maximal à 3 portions par jour, ce qui suggère que, contrairement aux recommandations actuelles, manger plus de végétaux n’apporte pas de bénéfices concrets pour la santé.
  • La consommation élevée de glucides (plus de 60 % des calories) est associée à un risque accru de mortalité, tandis qu’un apport plus élevé en gras (incluant en gras saturés) diminue le risque de mortalité.

Selon les auteurs de l’étude, ces observations suggèrent que les glucides sont plus néfastes pour la santé que les gras et qu’on devrait revoir les recommandations nutritionnelles actuelles, notamment en ce qui  concerne la réduction de l’apport en gras saturés.

Ces conclusions sont prématurées pour plusieurs raisons, la première étant que les études d’observation de ce type servent généralement à générer des hypothèses qui seront par la suite testées à l’aide d’études d’intervention, par exemple des essais randomisés.

Les études d’observation sont également très sensibles à l’influence de plusieurs facteurs de confusion (facteurs confondants) qui peuvent perturber le lien entre une exposition donnée (l’alimentation, par exemple) et l’effet mesuré (une maladie, mortalité).  Selon plusieurs experts, l’étude PURE semble vulnérable à certains de ces facteurs, en particulier la situation socio-économique des participants à l’étude.  Par exemple, une personne qui mange 70 % de ces calories sous forme de glucides (le riz par exemple) est forcément une personne mal nourrie, qui présente plusieurs carences alimentaires qui la rendent plus susceptible d’être touchée par différentes maladies et de décéder prématurément.

Pour un tour d’horizon des principales critiques de l’étude PURE, on peut consulter le texte du Dr David Katz de l’Université Yale, la réaction d’experts en nutrition, différents billets par le Dr Joel Kahn, NutritionWonk, Nutrevolve ainsi que certains commentaires publiés sur Twitter.  Ces commentaires très pertinents  soulignent à quel point il serait prématuré de modifier les recommandations actuelles sur la base d’une seule étude d’observation.

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