L’influence de la santé buccale sur le risque de maladies cardiovasculaires

L’influence de la santé buccale sur le risque de maladies cardiovasculaires

EN BREF

 

  • La parodontite est une réaction inflammatoire touchant le parodonte, soit l’ensemble des structures responsables de l’ancrage des dents (gencives, ligaments, os alvéolaire).

  • Un très grand nombre d’études ont observé un lien étroit entre la parodontite et une hausse du risque de plusieurs pathologies, incluant l’infarctus du myocarde et les AVC.

  • L’élargissement de l’assurance-santé pour couvrir les soins dentaires serait donc une avancée importante pour la prévention cardiovasculaire et la prévention de plusieurs autres maladies chroniques

Il est maintenant clairement établi que le microbiome, la vaste communauté bactérienne qui vit en symbiose avec nous,  joue un rôle absolument essentiel dans le fonctionnement du corps humain et le maintien d’une bonne santé.  Ce lien est particulièrement bien documenté en ce qui concerne le microbiome intestinal, c’est-à-dire les centaines de milliards qui sont localisées dans le système digestif, en particulier au niveau du côlon : au cours des dernières années, un nombre impressionnant d’études ont montré que ces bactéries jouent un rôle de premier plan dans le bon fonctionnement du métabolisme et du système immunitaire et que des débalancements dans la composition du microbiome sont associés au développement de plusieurs maladies chroniques.

Microbiome oral

La bouche représente un autre site privilégié de colonisation par les bactéries : chaque mL de salive provenant d’un adulte en bonne santé contient environ 100 millions de cellules bactériennes, sans compter les millions de bactéries présentes à d’autres endroits de la cavité orale comme la plaque dentaire, la langue, les joues, le palais, la gorge et les amygdales.  Il n’est donc pas étonnant qu’un simple baiser de 10 secondes avec contact de la langue et échange de salive (french kiss) puisse transférer environ  80 millions de bactéries entre les partenaires !

En moyenne, la bouche d’une personne donnée contient environ 250 espèces bactériennes distinctes, provenant des quelque 700 espèces de bactéries orales qui ont été répertoriées jusqu’à maintenant.  La composition de cette communauté bactérienne est unique à chaque personne et est influencée par sa génétique, son âge, son lieu de résidence, la cohabitation avec d’autres personnes, la nature de l’alimentation et, évidemment, la fréquence des soins d’hygiène buccale.

Dans une bouche en bonne santé, la communauté bactérienne orale est un écosystème en équilibre qui accomplit plusieurs fonctions bénéfiques pour l’hôte.  Certaines bactéries possèdent par exemple une activité anti-inflammatoire qui peut bloquer l’action de certains pathogènes, tandis que d’autres diminuent l’acidité au niveau de la plaque dentaire (par la production de composés basiques comme l’ammoniaque) et empêchent ainsi la déminéralisation des dents, la première étape du processus de la carie dentaire.  Les bactéries orales possèdent également la capacité de transformer les nitrates présents dans les fruits et légumes en oxyde nitrique (NO), un vasodilatateur qui participe au contrôle de la pression artérielle (voir notre article à ce sujet).

Écosystème perturbé

C’est la rupture de cet équilibre de l’écosystème bactérien (dysbiose) qui est l’élément déclencheur des deux principales maladies touchant les dents, soit les caries dentaires et les maladies parodontales.  Dans le cas des caries, c’est l’établissement d’une communauté bactérienne enrichie en certaines espèces (Streptocoques du groupe mutans, en particulier), capables de fermenter les sucres alimentaires et de diminuer suffisamment le pH pour initier la déminéralisation de la dent, qui est en cause.  L’action de ces bactéries est cependant locale, restreinte au niveau de l’émail des dents, et n’a donc généralement pas d’impact majeur sur la santé en général.

Les répercussions globales associées aux maladies parodontales sont quant à elles beaucoup plus sérieuses et c’est pour cette raison que ces infections ont suscité au cours des dernières années énormément d’intérêt de la part des communautés scientifique et médicale. Non seulement en ce qui concerne l’identification des bactéries responsables de ces infections et de leurs mécanismes d’action, mais aussi, et peut-être surtout, en raison de la relation étroite observée dans plusieurs études épidémiologiques entre les parodontites et plusieurs maladies chroniques graves, incluant les maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers et même la maladie d’Alzheimer.

La parodontite 

Comme son nom l’indique, la parodontite est une réaction inflammatoire touchant le parodonte, c’est-à-dire l’ensemble des structures responsables de l’ancrage des dents (gencives, ligaments, os alvéolaire) (Figure 1). La parodontite débute sous la forme de gingivite, soit l’inflammation locale des gencives causée par les bactéries présentes dans la plaque dentaire (le biofilm bactérien qui se forme sur les dents). Cette inflammation est généralement  assez bénigne et réversible, mais peut cependant progresser en parodontite chronique chez certains individus plus susceptibles.  Il y a alors une résorption graduelle des gencives, des ligaments et de l’os alvéolaire, ce qui cause l’apparition de poches parodontales autour de la dent et, éventuellement, sa chute. Les maladies parodontales sont l’une des maladies inflammatoires chroniques les plus communes, touchant à divers degrés presque 50 % de la population, incluant 10 % qui développent des formes sévères de la maladie, et représentent une des principales causes de la perte de dents.

Figure 1. Illustration schématique des principales caractéristiques de la parodontite. Image provenant de Shutterstock.

Le facteur déclencheur de la parodontite est un déséquilibre dans la composition de la communauté microbienne présente dans la plaque dentaire qui favorise la croissance des espèces pathogènes responsables de cette infection.  Parmi les quelques 400 espèces différentes de bactéries associées à la plaque dentaire, la présence d’un complexe composé des bactéries anaérobies Porphyromonas gingivalis, Treponema denticola et Tanneralla forsythia  (connu sous le nom du complexe rouge) est étroitement corrélée avec les mesures cliniques de la parodontite, et plus particulièrement avec les lésions parodontales avancées, et pourrait donc jouer un rôle important dans le développement de ces pathologies. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’analyse de squelettes humains a révélé que la parodontite est devenue plus fréquente il y a environ 10,000 ans (au Néolithique) et que cette hausse coïncide avec la présence accrue d’une de ces bactéries (P. gingivalis) dans la plaque dentaire.  Il est probable que ce changement dans la composition microbienne de la plaque soit une conséquence des changements à l’alimentation des humains introduits par l’agriculture, en particulier un apport plus élevé en glucides.

Une réponse inflammatoire disproportionnée

C’est la réponse inflammatoire exagérée causée par la présence de ce déséquilibre bactérien au niveau de la plaque dentaire qui est la grande responsable du développement de la parodontite (Figure 2).

Figure 2. Impact de l’inflammation générée par le déséquilibre bactérien (dysbiose) sur le développement de la parodontite.  Dans une bouche en bonne santé (figure de gauche), le biofilm bactérien est en équilibre avec le système immunitaire de l’hôte et ne génère pas de réponse inflammatoire. La rupture de cet équilibre (par une hygiène dentaire déficiente ou le tabagisme, par exemple) peut provoquer une gingivite, qui est une inflammation des gencives de faible intensité caractérisée par la formation d’une légère crevasse  gingivale (≤ 3mm de profondeur), mais sans atteinte osseuse.  La gingivite peut progresser en parodontite lorsque le déséquilibre bactérien du biofilm induit une forte réaction inflammatoire qui détruit les tissus entourant la dent pour former des poches parodontales plus profondes (≥ 4mm) et une destruction de l’os alvéolaire. Tiré de Hajishengallis (2015).

Lorsqu’elles parviennent à coloniser l’espace subgingival, les bactéries pathogènes comme P. gingivalis sécrètent de nombreux facteurs de virulence (protéases, facteurs hémolytiques, etc.) qui dégradent les tissus présents au site d’infection et génèrent les éléments essentiels à la croissance de ces bactéries. Le saignement des gencives causés par cette infection est particulièrement bénéfique pour P. gingivalis puisque la croissance de cette bactérie requiert un apport élevé en fer, présent dans le groupement hème de l’hémoglobine des globules rouges.

Le système immunitaire réagit évidemment fortement à cette invasion microbienne (qui peut atteindre plusieurs centaines millions de bactéries dans certaines poches parodontales profondes) en recrutant au site d’infection l’immunité innée de première ligne (neutrophiles, macrophages), spécialisée dans la réponse rapide à la présence d’agents pathogènes. Il y a alors production massive de cytokines, de prostaglandines et de métalloprotéinases matricielles par ces cellules immunitaires qui, collectivement, créent une inflammation de forte intensité destinée à éliminer les bactéries présentes au niveau des tissus parodontaux.

Cette réponse inflammatoire n’a cependant pas du tout les effets escomptés : d’une part, les bactéries parodontales ont développé plusieurs subterfuges pour échapper à la réponse immunitaire et sont donc peu affectées par la réponse de l’hôte; d’autre part, la présence continue d’un micro-environnement inflammatoire cause des dommages considérables aux tissus parodontaux qui accélèrent leur destruction et à la résorption des gencives, ligaments et de l’os caractéristiques de la parodontite.  Cette attaque inflammatoire contre le parodonte a également comme effet pervers de générer plusieurs nutriments essentiels à la croissance bactérienne, ce qui amplifie encore plus l’infection et accélère la dégradation des tissus entourant la dent.  Autrement dit, la parodontite est le résultat d’un cercle vicieux dans lequel le déséquilibre bactérien associé à la plaque dentaire provoque une forte réponse immunitaire inflammatoire, cette inflammation menant à une destruction des tissus parodontaux qui favorise à son tour la croissance de ces bactéries (Figure 3).

Figure 3. L’amplification de la réponse inflammatoire est responsable du développement de la parodontite. Le débalancement du microbiome de la plaque dentaire (dysbiose) entraine une activation des défenses immunitaires (principalement le système du complément et les Toll-like receptors (TLR)) et le déclenchement d’une réponse inflammatoire. Cette inflammation provoque la destruction des tissus entourant la dent, incluant l’os alvéolaire, ce qui génère plusieurs nutriments qui soutiennent la prolifération des bactéries pathogènes, adaptées à croître dans ces conditions inflammatoires. Il y a donc création d’une boucle d’amplification dans laquelle l’inflammation favorise la croissance bactérienne et vice versa, ce qui soutient la progression de la parodontite.

Les mécanismes impliqués dans cette « immunodestruction » sont extraordinairement complexes et ne seront pas décrits en détail ici, mais mentionnons seulement que la présence soutenue de bactéries parodontales active certains systèmes de défense spécialisés dans la réponse rapide aux infections (Toll-like receptors et système du complément) présents à la surface des cellules immunitaires, ce qui active la production de molécules inflammatoires très irritantes pour les tissus environnants.  Au niveau de l’os alvéolaire, par exemple, la production de cytokines (l’interleukine-17, en particulier) stimule les cellules impliquées dans la dégradation du tissu osseux (les ostéoclastes) et entraine la résorption de l’os.

Il est important de mentionner que même si l’initiation de la parodontite dépend de la présence de bactéries pathogènes au niveau de la plaque dentaire, l’évolution de la maladie demeure fortement influencée par plusieurs facteurs, autant génétiques qu’associés au mode de vie.  Par exemple, il existe une forte prédisposition génétique aux maladies parodontales, avec une héritabilité estimée à 50 % : certaines personnes ne développent pas de parodontite en dépit d’une accumulation massive de tartre (et de bactéries) autour des dents, tandis que d’autres vont être affectées par la maladie malgré une faible quantité de plaque dentaire. On pense que ces différences de susceptibilité  à la parodontite sont causées par la présence de variations (polymorphismes) dans certains gènes impliqués dans la réponse inflammatoire.

Du côté des habitudes de vie, la nature de l’alimentation, certaines maladies métaboliques comme l’obésité et le diabète de type 2, le stress et le tabagisme sont des facteurs aggravants bien documentés de la parodontite. Cette influence est particulièrement spectaculaire pour le tabagisme, qui a des effets catastrophiques sur l’apparition, la progression et la sévérité de la parodontite, avec une augmentation du risque de la maladie qui peut atteindre plus de 25 fois (voir le Tableau 3). Il faut noter qu’un point commun à l’ensemble de ces facteurs de risque est qu’ils influencent tous d’une façon ou d’une autre le degré d’inflammation, ce qui souligne à quel point le développement de la parodontite dépend de l’intensité de la réponse inflammatoire de l’hôte en réponse à la présence de bactéries pathogènes au niveau de la plaque dentaire.

Parodontite et maladies cardiovasculaires

Bien que les dégâts causés par cette réponse inflammatoire disproportionnée soient d’abord et avant tout locaux, au niveau des tissus entourant la dent, il n’en demeure pas moins que les molécules inflammatoires qui sont générées au site d’infection sont en contact étroit avec la circulation sanguine et peuvent donc diffuser dans le sang et affecter l’ensemble du corps.  L’impact de cette inflammation systémique est probablement très important, car de nombreuses études ont rapporté que l’incidence de la parodontite est fortement corrélée avec la présence de plusieurs autres maladies (comorbidités) dont le développement est influencé par l’inflammation chronique, notamment les maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers et l’arthrite (Tableau 1).

Comorbidités de la parodontitePhénomènes observésSources
Maladies cardiovasculairesLa parodontite est associée à une hausse du risque d’infarctus et d’AVC.Voir les références du Tableau 2.
Diabète (type 1 et 2)L’inflammation chronique associée au diabète accélère la destruction des tissus parodontaux.
Lalla et Papapanou (2011)
Cette association entre les deux maladies est bidirectionnelle, car l’inflammation chronique générée par la parodontite augmente la résistance à l’insuline et perturbe à son tour le contrôle de la glycémie.
AlzheimerPlusieurs études épidémiologiques ont rapporté une association entre la parodontite et le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Dioguardi et coll. (2020)
La bactérie parodontale P. gingivalis (ADN, protéases) a été détectée dans le cerveau de patients décédés de la maladie d’Alzheimer ainsi que dans le liquide cérébrospinal de personnes souffrant de la maladie. Dominy et coll. (2019)
Le risque de mortalité liée à la maladie d’Alzheimer est corrélé avec les taux d’anticorps dirigés contre un groupe de bactéries parodontales, incluant P. gingivalis, Campylobacter rectus et Prevotella melaninogenica.Beydoun et coll. (2020)
Arthrite rhumatoïdePlusieurs études épidémiologiques ont observé une association entre la parodontite et l’arthrite rhumatoïde.Sher et coll. (2014)
L’inflammation causée par la parodontite stimule la production de cellules qui augmentent la résorption osseuse au niveau des articulations.Zhao et coll. (2020)
CancerL’incidence de cancer colorectal est 50 % plus élevée chez les individus ayant un historique de parodontite.Janati et coll. (2022)
Une bactérie parodontale (Fusobacterium nucleatum) a été à maintes reprises observée dans les cancers colorectaux. Castellarin et coll. (2011)
Des niveaux élevés de P. gingivalis ont été détectés dans les cancers de la bouche.Katz et coll. (2011)
Des niveaux élevés d’anticorps contre P. gingivalis sont associés à un risque 2 fois plus élevé de cancer du pancréas. Michaud et coll. (2013)
Maladies hépatiquesLa parodontite est corrélée avec une hausse d’incidence de maladies hépatiques. Helenius-Hietala et coll. (2019)
Chez les patients atteints de stéatose hépatique ou de stéatohépatite non alcoolique, le traitement de la parodontite diminue les taux sanguins de marqueurs de lésions hépatiques. Yoneda et coll. (2012)
Maladies intestinalesLes maladies inflammatoires chroniques de l'intestin sont associées à un risque accru de parodontite.Papageorgiou et coll. (2017)
Cette relation est bidirectionnelle, car les bactéries parodontales ingérées via la salive contribuent à l’inflammation intestinale et perturbent le microbiome et la barrière intestinale.Kitamoto et coll. (2020)
Complications de grossesseLa parodontite maternelle est associée à un risque plus élevé d’issues de grossesse indésirables comme les fausses couches, les accouchements prématurés et un petit poids du bébé à la naissance.Madianos et coll. (2013)
Des bactéries parodontales (P. gingivalis, F. nucleatum) ont été observées au niveau du placenta et des études cliniques ont rapporté un lien entre la présence de ces bactéries et les complications de grossesse.Han et Wang (2013)

Tableau 1. Association de la parodontite avec différentes pathologies.

Le lien entre la parodontite et les maladies cardiovasculaires a été particulièrement étudié, car il est clairement établi que l’inflammation participe à toutes les étapes du développement de l’athérosclérose, de l’apparition des premières lésions causées par l’infiltration de globules blancs qui emmagasinent le cholestérol, jusqu’à la formation des caillots qui bloquent la circulation du sang et causent l’infarctus et l’AVC (voir notre article à ce sujet).   Ces conditions inflammatoires sont généralement une conséquence de certains facteurs associés au mode de vie (tabagisme, mauvaise alimentation, stress, sédentarité), mais peuvent être aussi créées par des infections aiguës (influenza et COVID-19, par exemple) ou chroniques (Chlamydia pneumoniae, Helicobacter pylori, virus de l’immunodéficience humaine). Puisque toutes ces infections augmentent le risque de maladies cardiovasculaires, il est donc possible qu’un phénomène similaire existe pour l’inflammation chronique qui découle de la parodontite.

Le premier indice de l’existence d’un lien entre la parodontite et le risque de maladies cardiovasculaires provient d’une étude parue en 1989, où on a observé qu’un groupe de patients ayant subi un infarctus du myocarde présentaient une moins bonne santé buccale (plus de caries, gingivite, parodontite) qu’un groupe contrôle. Depuis, des centaines d’études qui se sont penchées sur la question ont confirmé cette association et montré que la présence de problèmes de santé buccale, la parodontite en particulier, est très souvent corrélée avec un risque accru d’infarctus et d’AVC (Tableau 2).

Paramètre mesuréObservationsSources
Maladie
coronarienne
La parodontite est associée à une hausse du risque d’infarctus (hommes < 50 ans).DeStefano et coll. (1993)
Une mauvaise santé buccale (caries, parodontite) est associée à une hausse du risque d’infarctus et de mort subite chez des patients coronariens.Mattila et coll. (1995)
La perte de dents causée par une parodontite est associée à une hausse du risque d’infarctus et de mort subite.Joshipura et coll. (1996)
La perte osseuse causée par la parodontite est associée à une hausse du risque d’infarctus, fatal et non fatal.Beck et coll. (1996)
La sévérité de la parodontite (perte osseuse) est associée à un risque accru d’infarctus.
Arbes et coll. (1999)
La parodontite est associée à une hausse du risque d’infarctus fatal.
Morrison et coll. (1999)
La parodontite est associée à une légère hausse (non significative) du risque d’accidents coronariens.
Hujoel et coll. (2000)
La parodontite est associée à une légère hausse (non significative) du risque d’infarctus.
Howell et coll. (2001)
Le saignement des gencives est corrélé avec un risque plus élevé d’infarctus.Buhlin et coll. (2002)
La parodontite est associée à un risque plus élevé d’hospitalisation pour infarctus, angine ou angine instable.
López et coll. (2002)
Des niveaux élevés d’anticorps contre deux pathogènes responsables de la parodontite (A. actinomycetemcomitans et P. gingivalis) sont associés à un risque accru de maladie coronarienne.
Pussinen et coll. (2003)
Les patients coronariens présentent plus souvent une mauvaise santé orale et une hausse de marqueurs inflammatoires.Meurman et coll. (2003)
La parodontite est associée à une hausse du risque de mortalité due aux maladies coronariennes.
Ajwani et coll. (2003)
Des niveaux élevés d’anticorps contre une bactérie responsable de la parodontite (P. gingivalis) sont associés à un risque accru d’infarctus.
Pussinen et coll. (2004)
La parodontite est associée à une hausse (15%) du risque de maladie coronarienne (méta-analyse).
Khader et coll. (2004)
La parodontite,combinée à la perte de dents, est associée à un risque accru de maladie coronarienne.
Elter et coll. (2004)
Les pathologies orales sont plus fréquentes chez les patients coronariens. Janket et coll. (2004)
La parodontite est plus fréquente chez les patients coronariens.
Geerts et coll. (2004)
Des niveaux élevés d’anticorps contre les bactéries responsables de la parodontite sont associés à un risque accru de maladie coronarienne, autant chez les fumeurs que les non-fumeurs.Beck et coll. (2005)
Des niveaux plus élevés d’anticorps dirigés contre des bactéries impliquées dans la parodontite (P. gingivalis et A. actinomycetemcomitans) sont associés à une hausse du risque de maladie coronarienne.
Pussinen et coll. (2005)
La présence de poches parodontales profondes est plus fréquente chez des femmes atteintes d’une maladie coronarienne.
Buhlin et coll. (2005)
La parodontite est associée à un risque plus élevé d’infarctus aigu. Cueto et coll. (2005)
La parodontite et les niveaux de bactéries pathogènes (A. actinomycetemcomitans en particulier) au niveau du biofilm subgingival sont associés à un risque accru de maladie coronarienne.
Spahr et coll. (2006)
La parodontite est plus fréquente chez les patients atteints d’une maladie coronarienne.
Geismar et coll. (2006)
Une mauvaise santé parodontale est associée à un risque accru de maladie coronarienne. Briggs et coll. (2006)
La gingivite, les caries et la perte de dents sont toutes associées à un risque accru d’angine.
Ylostalo et coll. (2006)
Les patients atteints d’un syndrome coronarien aigu sont plus à risque d’être affecté simultanément par une parodontite.Accarini et de Godoy (2006)
La sévérité de la parodontite (perte osseuse) est associée à un risque accru d’infarctus chez les 40-60 ans
Holmlund et coll. (2006)
Les patients touchés par une parodontite ont un risque accru (15%) de maladie coronarienne (méta-analyse). Bahekar et coll. (2007)
La parodontite est associée à une hausse du risque de syndrome coronarien aigu.
Rech et coll. (2007)
Les patients atteints d’un syndrome coronarien aigu sont plus susceptibles de présenter une flore microbienne orale enrichie en bactéries responsables de la parodontite. Rubenfire et coll. (2007)
La parodontite est associée à une hausse du risque d’infarctus, autant chez les hommes que chez les femmes.
Andriankaja et coll. (2007)
Les patients coronariens présentent des poches parodontales plus profondes et des niveaux plus élevés d’une bactérie (Prevotella intermidia) impliquée dans la parodontite.
Nonnenmacher et coll. (2007)
Les hommes et femmes ayant <10 dents ont un risque plus élevé de maladie coronarienne que ceux et celles avec >25 dents. Hung et coll. (2007)
La sévérité de la maladie coronarienne (nombre de vaisseaux touchés) est corrélée avec la sévérité de la maladie parodontale.
Gotsman et coll. (2007)
La parodontite sévère est plus fréquente chez les patients atteints d’une maladie coronarienne.
Starkhammar Johansson et coll. (2008)
La parodontite chronique est associée à une hausse du risque de maladie coronarienne chez les hommes < 60 ans.
Dietrich et coll. (2008)
La parodontite est associée à une hausse du risque d’angine et d’infarctus, autant chez les hommes que chez les femmes.
Senba et coll. (2008)
Des niveaux plus élevés d’anticorps dirigés contre des bactéries impliquées dans la parodontite (P. gingivalis, A. actinomycetemcomitans, T. forsythia et T. denticola) sont associés à un risque accru d’infarctus. Lund Håheim et coll. (2008)
Des niveaux plus élevés d’anticorps dirigés contre des bactéries impliquées dans la parodontite (P. gingivalis et A. actinomycetemcomitans) sont associés à une hausse de la calcification des artères coronaires chez les diabétiques de type 1.
Colhoun et coll. (2008)
La sévérité de la parodontite est corrélée avec un blocage plus important des artères coronaires.
Amabile et coll. (2008)
Le risque d’accident coronarien est plus élevé (34 %) chez les patients présentant une parodontite (méta-analyse).
Blaizot et al. (2009)
La parodontite est associée à une hausse de 24-35% du risque de maladie coronarienne (méta-analyse). Sanz et coll. (2010)
La mortalité causée par la maladie coronarienne est 7 fois plus élevée chez les patients avec < 10 dents comparativement à ceux qui ont >25 dents.
Holmlund et coll. (2010)
Des niveaux élevés de deux bactéries impliquées dans la parodontite (Tannerella forsythensis et Prevotella intermedia) sont corrélés avec une hausse du risque d’infarctus. Andriankaja et coll. (2011)
La parodontite est associée à un risque plus élevé d’infarctus, indépendamment du tabagisme et du diabète.
Rydén et coll. (2016)
La parodontite est associée à un risque deux fois plus élevé d’infarctus (méta-analyse).
Shi et coll. (2016)
Les patients atteints de parodontite sont plus à risque d’infarctus, de mortalité cardiovasculaire et de mortalité toute cause.
Hansen et coll. (2016)
La parodontite double le risque d’infarctus (méta-analyse).
Xu et coll. (2017)
Les infections orales durant l’enfance (incluant les caries et la parodontite) sont associées à un épaississement de la paroi de la carotide à l’âge adulte.
Pussinen et coll. (2019)
La parodontite et la perte de dents sont associées à un risque plus élevé de maladie coronarienne (méta-analyse)
Gao et coll. (2021)
L’inflammation causée par la parodondite est associée à un risque accru d’accidents cardiovasculaires.
Van Dyke et coll. (2021)
Les personnes touchées par une parodontite ont un risque accru d’accidents coronariens et de mortalité prématurée.
Bengtsson et coll. (2021)
AVCLa perte osseuse causée par la parodontite est associée à une hausse du risque d’AVC.
Beck et coll. (1996)
Une mauvaise santé buccale est associée à une hausse du risque d’AVC chez des hommes >60 ans.
Loesche et coll. (1998)
La gingivite sévère, la parodontite et la perte de dents sont associées à une hausse du risque d’AVC fatal.
Morrison et coll. (1999)
La parodontite est associée à une hausse du risque d’AVC (non hémorragique). Wu et coll. (2000)
La parodontite est associée à une légère hausse (non significative) du risque d’AVC. Howell et coll. (2001)
Le saignement des gencives est associé à un risque plus élevé d’AVC. Buhlin et coll. (2002)
La parodontite et la perte de dents (<24 dents) sont associées à une hausse du risque d’AVC.
Joshipura et coll. (2003)
Le risque d’AVC associé à la parodontite est 2 fois plus élevé que le risque de maladie coronarienne (2,85 vs 1,44) Janket et coll. (2003)
La parodontite sévère (perte osseuse) est associée à une hausse du risque d’AVC
Elter et coll. (2003)
La parodontite sévère est associée à une hausse du risque d’AVC.
Dorfer et coll. (2004)
Des niveaux élevés d’anticorps contre deux pathogènes responsables de la parodontite (A. actinomycetemcomitans et P. gingivalis) sont associés à un risque accru d’AVC (primaire et secondaire). Pussinen et coll. (2004)
La parodontite est associée à une hausse du risque d’AVC chez les hommes de <60 ans.
Grau et coll. (2004)
Une perte de dents supérieure à la normale est associée à un risque plus élevé de mortalité liée à un AVC et de la mortalité toute cause.
Abnet et coll. (2005)
Une mauvaise santé parodontale est associée à un risque accru d’AVC. Lee et coll. (2006)
Des niveaux plus élevés d’anticorps dirigés contre une bactérie impliquée dans la parodontite (P. gingivalis) sont associés à un risque accru d’AVC.
Pussinen et coll. (2007)
La perte de > 9 dents est associée à un risque accru d’AVC
Tu et coll. (2007)
La parodontite est associée à un risque accru d’AVC chez des hommes de 60 ans et normotendus.
Sim et coll. (2008)
La perte de > 7 dents est associée à un risque accru d’AVC (ischémique et hémorragique).
Choe et coll. (2009)
La perte osseuse causée par la parodontite est associée à un risque plus élevé d’AVC, en particulier chez les hommes <65 ans. Jimenez et coll. (2009)
La perte de > 17 dents est associée à une hausse de marqueurs inflammatoires et à un risque accru d’AVC.
You et coll. (2009)
La parodontite est associée à une hausse du risque d’AVC fatal.
Holmlund et coll. (2010)
La parodontite (poche parodontale >4,5 mm) est associée à un risque accru d’AVC.
Pradeep et coll. (2010)
La parodontite est associée à une hausse du risque d’AVC hémorragique chez les hommes obèses.
Kim et coll. (2010)
Les patients atteints de parodontite sont plus à risque d’AVC, de mortalité cardiovasculaire et de mortalité toute cause. Hansen et coll. (2016)
La parodontite est associée à une hausse du risque d’athérosclérose de la carotide (méta-analyse)
Zeng et coll. (2016)
La sévérité de la parodontite est associée à un risque accru d’AVC. À l’inverse, des soins dentaires réguliers sont associés à une diminution du risque. Sen et coll. (2018)
La parodontite est associée à un risque accru d’AVC touchant les grandes artères.
Mascari et coll. (2021)

Tableau 2. Résumé des principales études rapportant une association entre la parodontite et le risque d’infarctus et d’AVC.

Invasion bactérienne

En plus de l’inflammation chronique générée par l’infection des gencives, il a également été proposé que les lésions aux tissus parodontaux pourraient procurer aux bactéries une porte d’entrée vers la circulation, un phénomène similaire a celui fréquemment observé pour de nombreux agents pathogènes (une cinquantaine d’espèces bactériennes et de nombreux virus).  Un des meilleurs exemples est sans doute l’endocardite, une infection qui survient lorsque des bactéries provenant de la plaque dentaire pénètrent dans la circulation sanguine via les gencives et se fixent aux parois internes des cavités cardiaques et des valves. C’est pour cette raison que les patients qui doivent subir une intervention chirurgicale pour traiter des pathologies cardiaques valvulaires (le remplacement ou la réparation de valves cardiaques) et qui présentent des problèmes dentaires sont référés à leur dentiste pour traiter ces conditions avant l’opération pour prévenir une infection valvulaire post opératoire. De plus, les patients porteurs de prothèses valvulaires cardiaques ou de pathologies valvulaires se font prescrire des antibiotiques avant des interventions dentaires pour prévenir une endocardite (infection bactérienne d’une valve cardiaque).

La bactériémie (présence de bactéries dans le sang) associée à la parodontite permet également aux pathogènes d’entrer en contact avec la paroi des vaisseaux sanguins et de pénétrer dans les cellules endothéliales et musculaires de ces vaisseaux, incluant au niveau des plaques d’athérosclérose.  En ce sens, il faut noter que l’infection par  la principale bactérie parodontale (P. gingivalis) est associée à une accélération du développement de l’athérosclérose dans des modèles animaux, possiblement en réponse à la réponse immunitaire innée inflammatoire dirigée contre la bactérie au niveau des vaisseaux. En somme, le lien entre la parodontite et les maladies cardiovasculaires est biologiquement plausible, que ce soit en raison de la diffusion de molécules inflammatoires qui diffusent dans la circulation ou de la présence de bactéries au niveau des vaisseaux.

Facteurs de risque communs

Comme le souligne une déclaration de l’American Heart Association sur la question, il est cependant difficile de démontrer que ces associations sont causales, c’est-à-dire que la parodontite est directement responsable de l’augmentation du risque de MCV observée dans ces études.  Cette difficulté est en grande partie due au fait que les facteurs de risque de parodontite sont très similaires à ceux responsables des maladies CV (ce qu’on appelle en épidémiologie des facteurs de confusion ou facteurs confondants, c’est-à-dire des variables qui peuvent influencer à la fois le facteur de risque et la maladie qui sont à l’étude) (Tableau 3).  Le meilleur exemple est sans doute le tabagisme qui est à la fois le plus important facteur de risque de maladies cardiovasculaires et de parodontite, mais cette similitude est également observée pour l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaires « classiques », qu’il s’agisse d’hypertension, de diabète, d’obésité, d’hypercholestérolémie ou d’une mauvaise alimentation.  Autrement dit, ce qui hausse le risque de parodontite augmente également le risque de maladies cardiovasculaires et vice versa, ce qui rend très difficile d’établir un lien de cause à effet entre les deux maladies.

Facteurs de risque cardiovasculairesImpact sur le risque de parodontiteSources
TabagismeComparativement aux non-fumeurs, le risque de parodontite est 18 fois plus élevé chez les fumeurs de 20-49 ans et 25 fois plus élevé chez les fumeurs de 50 ans et plus. Hyman et Reid (2003)
HypertensionLa parodontite, en particulier les formes sévères de la maladie, est associée à des pressions systolique et diastolique plus élevées et à un risque accru d’hypertension (≥140 mmHg systolique, ≥90 mmHg diastolique).
Aguilera et coll. (2020)
DyslipidémiesLa parodontite est associée à des taux plus élevés de cholestérol-LDL et de triglycérides, de même qu’à une diminution des taux de cholestérol-HDL. Nepomuceno et coll. (2017)
Diabète (types 1 et 2) Voir Tableau 1
ObésitéL’obésité, en particulier au niveau abdominal, est associée à une plus forte prévalence de parodontite chez les jeunes adultes.
Al-Zahrani et coll. (2003)
Qualité de l’alimentation
Carence en végétauxUne alimentation riche en fruits et légumes est associée à une diminution du risque de parodontite. Dodington et coll. (2015)
Carence en fibres et en grains entiersUn apport élevé en fibres est associé à une plus faible prévalence et une sévérité moindre de la parodontite. Nielsen et coll. (2016)
Cet effet protecteur des fibres contribue à la diminution du risque de parodontite associée à un apport élevé en grains entiers. Merchant et coll. (2006)
Apport élevé en glucides simples La consommation de sucres ajoutés est associée à une hausse d’environ 50 % de la prévalence de la parodontite (et de caries).Lula et coll. (2014)
Apport élevé en gras saturésUne plus grande portion de l’apport énergétique sous forme de gras saturés est associée à une hausse du risque de parodontite, possiblement en raison de l’action pro-inflammatoire de ces acides gras. Iwasaki et coll. (2011)

Tableau 3. Similitude entre les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires et de parodontite.

Cela étant dit, certaines études ont tout de même tenté d’établir ce lien en ajustant les risques de parodontite pour tenir compte de l’impact de ces facteurs de confusion.  Par exemple, l’étude suédoise PAROKRANK  a rapporté une hausse significative (28 %) du risque d’un premier infarctus chez les personnes touchées par la parodontite, et ce même après avoir soustrait la contribution des principaux facteurs de risque cardiovasculaire. Selon les données cliniques actuellement disponibles, on estime que la parodontite pourrait être un facteur de risque indépendant de maladies cardiovasculaires, avec une hausse d’environ 10-15 % du risque.

Traitement bénéfique

Un lien de cause à effet entre la parodontite et les maladies cardiovasculaires est également suggéré par certaines études montrant que les traitements parodontaux (détartrage et surfaçage radiculaire) sont associés à une amélioration de certains paramètres de la santé cardiovasculaire et/ou à une diminution d’accidents cardiovasculaires.  Par exemple, chez des patients atteints de parodontite, l’élimination de la plaque subgingivale par surfaçage radiculaire (sous anesthésie locale) a entrainé une amélioration de la fonction endothéliale (dilatation des vaisseaux par le flux sanguin) dans les 6 mois suivant le traitement. Plusieurs autres études ont confirmé cet impact positif du traitement parodontal sur la fonction des vaisseaux, de même que sur d’autres paramètres importants de la santé cardiovasculaire comme les taux de molécules inflammatoires et de taux de cholestérol (total, LDL et HDL).   Cette amélioration est particulièrement notable chez les patients qui présentent des co-morbidités comme le syndrome métabolique,  le diabète ou une maladie cardiovasculaire, ce qui suggère que le traitement parodontal pourrait s’avérer utile pour les patients à haut risque d’accidents cardiovasculaires.  En ce sens,  il est intéressant de noter qu’une étude récente a rapporté que le traitement parodontal de patients ayant récemment subi un AVC était associé à une diminution du risque global d’accidents cardiovasculaires dans l’année suivante, tel que mesuré par une combinaison de l’incidence d’AVC, d’infarctus et de mort subite.

Globalement, ces études soulèvent la possibilité que le développement des maladies cardiovasculaires puisse être effectivement directement influencé par la présence de lésions parodontales. Ce lien étroit illustre à quel point un déséquilibre touchant une partie l’organisme, dans ce cas-ci les tissus entourant les dents, peut influencer négativement l’ensemble du corps humain. Une bonne santé est un état global : même si nos organes ont chacun un rôle bien défini, leur fonctionnement adéquat demeure fortement influencé par les conditions générales qui règnent dans l’ensemble du corps. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne l’inflammation, une condition qui favorise le développement de l’ensemble des maladies chroniques et qui sont responsables de la majorité des décès touchant la population. Dans ce contexte, la hausse du risque de plusieurs maladies associées à la parodontite, en particulier les maladies cardiovasculaires, n’est pas tellement étonnante, car elle représente essentiellement un autre exemple des dommages qui peuvent être causés par la présence de ces conditions inflammatoires chroniques.

L’association étroite entre la santé buccale et cardiovasculaire suggère donc que la prévention et le traitement de la parodontite peuvent jouer des rôles importants dans la prévention des maladies cardiovasculaires, en particulier chez les personnes à plus haut risque en raison d’un surpoids, d’un diabète ou d’un antécédent d’accident cardiovasculaire.  Ce lien important entre les dents et le reste du corps demeure malheureusement sous-exploité, car la médecine et la dentisterie sont des disciplines distinctes, qui ont évolué de façon parallèle, sans trop d’interactions entre elles.  Alors qu’on peut être traité gratuitement pour l’ensemble des maladies qui affectent le corps, les soins dentaires ne bénéficient pas de cette couverture et sont par conséquent hors de portée pour les personnes moins nanties.  Il n’y a pas de doute que cette situation contribue à la forte prévalence de parodontite dans notre société et aux répercussions négatives associées à ces infections sur la santé en général. L’élargissement de l’assurance-santé pour couvrir les soins dentaires serait donc une avancée importante pour la prévention cardiovasculaire et la prévention de plusieurs autres maladies chroniques.

La mort cardiaque subite chez les athlètes séniors de haut niveau

La mort cardiaque subite chez les athlètes séniors de haut niveau

EN BREF

 

  • La mort cardiaque subite qui touche les athlètes séniors pendant l’exercice est un phénomène très rare, dont l’incidence est environ 100 fois plus faible que celle de la mort subite touchant la population en général.
  • L’exercice régulier est au contraire associé à une forte diminution du risque de mort subite et de la mortalité prématurée en général.
  • Les grands volumes d’exercice réalisés par les athlètes séniors sont associés à un risque accru de certaines anomalies cardiaques (calcification des coronaires, fibrose du myocarde), mais la contribution de ces anomalies au phénomène de mort subite demeure incertaine.
  • Dans la majorité des cas, c’est plutôt la présence d’une maladie coronarienne sous-jacente qui est responsable des morts subites touchant les athlètes et ceux-ci doivent donc demeurer attentifs à l’apparition de symptômes inhabituels et s’assurer de bien contrôler les facteurs de risque bien établis d’athérosclérose, comme le taux de cholestérol, la pression artérielle et le diabète de type 2.

Comme son nom l’indique, la mort cardiaque subite est définie comme la mortalité causée par l’arrêt subi et inattendu des battements du cœur, généralement une heure ou moins après l’apparition des premiers symptômes. La mort subite est responsable d’environ 50 % des décès dus aux maladies cardiovasculaires et représente souvent le premier (et dernier) symptôme d’une maladie cardiovasculaire sous-jacente. Dans les pays occidentaux, l’incidence de la mort cardiaque subite varie de 50-100 événements par 100,000 personnes par année et est causée dans environ 75 % des cas par la présence d’une maladie coronarienne (connue ou inconnue), le reste étant principalement d’origine congénitale (cardiomyopathies, canalopathies).  Au Canada, par exemple, on estime que la mort cardiaque subite touche 97 personnes par 100,000, ce qui correspond à environ 35,000 décès annuellement (environ 9000 par année au Québec), soit environ 10 % de la mortalité globale (il y a eu 307,132 décès au Canada en 2020-21).

Mort subite du sportif : un phénomène rare

Bien que la mort cardiaque subite soit très courante, on entend surtout parler de ce phénomène lorsqu’elle touche les sportifs, par exemple lors d’un marathon.  Ceci est paradoxal, car même si on peut comprendre que les morts touchant des personnes en excellente forme physique et dans la fleur de l’âge puissent frapper l’imagination, la forte couverture médiatique entourant ces décès peut donner l’impression que la pratique d’activité sportive représente un important facteur de risque de mort subite, ce qui n’est absolument pas le cas. En réalité, il est clairement établi que les morts subites associées au sport sont des phénomènes très rares, qui ne représentent qu’environ 5 % de l’ensemble des morts subites qui surviennent chaque année dans la population en général.

Malgré cette faible incidence, il est important de comprendre les facteurs responsables de ces morts subites chez les athlètes et un très grand nombre d’études se sont penchées sur cette question au cours des dernières années pour mieux cerner les mécanismes impliqués, bien entendu, mais aussi pour déterminer si le risque de ces décès prématurés pourrait être lié, au moins en partie, aux très grands volumes d’exercice qui sont requis pour réaliser les performances sportives.  En d’autres mots, peut-on faire trop d’exercice ? Y a-t-il une limite au-delà de laquelle la quantité d’exercice devient excessive pour le cœur et peut causer des dommages qui vont augmenter le risque de mort subite?

Athlètes séniors

La mort cardiaque subite du sportif est définie comme un décès survenu pendant ou dans l’heure qui suit la réalisation d’une activité sportive. Une étude française, qui est depuis devenue un classique, a montré que la très grande majorité de ces décès touchent des personnes de 35 ans et plus et surviennent principalement (90%) dans le cadre d’activités sportives de loisir (Figure 1). Ces athlètes séniors (master athletes) représentent la sous-population la plus à risque de mort subite sportive, surtout que ce groupe de personnes est en progression constante, avec de plus en plus de personnes d’âge mûr qui participent aux sports d’endurance. Aux États-Unis, par exemple, le nombre de personnes ayant complété un marathon a quadruplé au cours des 25 dernières années, passant de 5 à 20 millions de coureurs par année, dont plus de la moitié est âgée de plus de 35 ans.

Figure 1. Distribution des morts cardiaques subites liées au sport selon l’âge.  Les valeurs représentent le nombre total de sportifs décédés en France pendant une période de 5 ans dans la population en général (rectangles bleus) et chez les jeunes participant à des sports de compétition organisés individuels ou par équipe (rectangles rouges).  Notez que la très grande majorité (95 %) des décès sont survenus chez les personnes de 35 ans et plus. Tiré de Marijon et coll. (2011).

Hommes à risque

Comme mentionné plus tôt, les morts subites provoquées par un effort physique intense demeurent un phénomène rare, avec une incidence d’environ 0,5-1,0 décès par 100,000 participants, soit environ 100 fois moins que les morts subites qui surviennent dans la population en général, en dehors d’un contexte de sports (50-100 par 100,000 personnes) (Tableau 1).

Les athlètes masculins représentent la très grande majorité de ces décès, avec un risque de mort subite sportive de 10 à 20 fois plus élevé que celui observé chez les femmes.  Cette différence est observée pour l’ensemble des activités sportives, incluant le marathon, et est probablement reliée à l’effet protecteur des estrogènes contre le développement de la maladie coronarienne, une des principales causes de mort subite (voir plus loin).

Incidence de mort cardiaque subite
(par 100,000 participants)
Sport en généralTotalHommesFemmes
Tous les âges0,551,010,05
35-54 ans0,661,250,05
55-75 ans0,751,420,07
Marathon
Tous les âges
(22-65 ans)
0,540,900,16
Triathlon1,742,40,74
40-49 ans3,966,080,96
50-59 ans6,679,612,12
≥ 60 ans12,918,610
Mort subite en général
(non liée au sport)*
5366,739,7

Tableau 1.  Incidence de mort cardiaque subite liée au sport, selon l’âge et le sexe.  Notez le risque augmenté de mort subite chez les hommes plus âgés, en particulier pour le triathlon. *À titre de comparaison, l’incidence de mort subite observée pour la région métropolitaine de Montréal en 2001 est indiquée.

Le risque de mort subite des hommes sportifs semble aussi augmenter avec l’âge (hausse de 20 % chez les 55-75 ans comparativement aux 35-55 ans pour le sport en général), tandis que les femmes ne semblent pas être tellement affectées par le vieillissement.

Cet impact de l’âge est particulièrement frappant pour le triathlon, où le risque de mort subite commence à grimper dès l’âge de 40 ans et augmente chaque décennie par la suite pour  devenir plusieurs fois plus élevé à 60 ans (18,6 par 100,000) que le risque observé pour l’ensemble des triathloniens (1,74 par 100,000).  Il est à noter que les deux tiers des morts subites qui se produisent lors des triathlons surviennent dans l’étape initiale de natation, ce qui pourrait expliquer le risque de décès beaucoup plus élevé lors de ces épreuves que celui observé pour le marathon. Il a été proposé que cette plus forte incidence de mort subite pendant l’épreuve de natation pourrait être due à une combinaison de plusieurs facteurs, notamment 1) une hausse subite des taux de catécholamines (adrénaline, noradrénaline) causée par le stress du début de la compétition; 2) le départ chaotique causé par l’entrée simultanée de plusieurs participants dans l’eau qui provoque des contacts entre les compétiteurs et l’exposition à des conditions difficiles (grosses vagues, eau froide).  Ces facteurs pourraient jouer un rôle dans le déclenchement d’arythmies menant à l’arrêt cardiaque, en particulier chez les personnes présentant une maladie coronarienne sous-jacente.

Globalement, les morts subites liées au sport sont donc relativement peu fréquentes et la plupart des athlètes séniors ne courent pas de risque majeur de décès pendant les périodes consacrées à l’exercice. Par contre, les hommes plus âgés (40 ans et plus) doivent être conscients que certains sports très exigeants comme le triathlon présentent un risque plus élevé de mort cardiaque subite.

Le paradoxe de l’exercice

Comme mentionné plus tôt, les morts subites causées par l’effort sont la plupart du temps la manifestation clinique d’une maladie coronarienne sous-jacente et asymptomatique, mais qui se manifeste brutalement suite à l’augmentation importante de la charge de travail du cœur lors d’un exercice intense.  Dans la plupart des cas, le stress imposé au cœur cause une rupture des plaques d’athérosclérose présentes à l’intérieur des artères coronaires, menant à la formation de thrombi (caillots) qui bloquent l’arrivée de sang au muscle cardiaque.

Il faut tout d’abord mentionner que les athlètes sont beaucoup moins à risque de mort cardiaque subite causée par un effort intense que les personnes qui sont sédentaires et donc en moins bonne forme physique. Plusieurs études (ici, ici et ici, par exemple) ont en effet rapporté des augmentations vertigineuses (17 à 56 fois) du risque de mort subite liée à l’effort chez ces personnes sédentaires, avec notamment une hausse du risque d’infarctus pouvant atteindre presque 100 fois.

Dans tous les cas, cependant, ces hausses importantes du risque de mort subite sont fortement atténuées chez les personnes qui font régulièrement de l’activité physique.  Cette protection est particulièrement spectaculaire en ce qui concerne le risque d’infarctus causé par l’effort, avec une baisse du risque d’environ 50 fois observée chez les personnes qui s’entrainent régulièrement, au moins 5 fois par semaine (Figure 2).  Il semble donc exister un certain « paradoxe de l’exercice » : d’un côté, l’exercice vigoureux peut hausser considérablement le risque de mort cardiaque subite à court terme, tandis que de l’autre, l’exercice régulier confère une forte protection face à ce risque de mort subite. Par exemple, plusieurs études ont montré que seulement 30 minutes d’activité modérée comme la marche, 5 fois par semaine, réduit le risque de maladies cardiovasculaires de 20 %, une diminution qui atteint de 30-40 % pour une quantité équivalente d’exercice vigoureux. Les bénéfices associés à l’activité physique régulière dépassent donc largement les faibles risques de mortalité pouvant survenir pendant une activité sportive.

Figure 2. Effet de l’exercice physique régulier sur le risque d’infarctus du myocarde causé par un exercice vigoureux. Tiré de Mittelman et coll. (1993).

Plafonnement des bénéfices

On recommande habituellement de faire un minimum de 150 minutes d’exercice modéré (la marche, par exemple) ou 75 minutes d’exercice vigoureux (la course à pied, par exemple) par semaine pour profiter des bénéfices de l’activité physique sur la santé.  Il faut cependant mentionner que ces recommandations sont un peu « timides », dans la mesure où plusieurs études indiquent que des volumes d’exercice plus élevés permettent de maximiser la réduction du risque de mortalité prématurée associée à l’activité physique (Figure 3).

Figure 3. Diminution du risque de mortalité selon le volume d’exercice réalisé par semaine.  Notez le plafonnement des bénéfices (40 % de réduction de la mortalité) observé à partir d’un volume d’exercice correspondant à 2-3 fois la quantité recommandée par l’OMS. Adapté de Arem et coll. (2015).

Une personne qui suit à la lettre les recommandations de l’OMS, par exemple en faisant 150 minutes d’activité modérée, ce qui correspond à environ 7,5 MET-h par semaine (voir l’encadré pour le calcul), voit son risque de mourir prématurément diminuer de 20 %. Une protection intéressante, mais qui demeure néanmoins bien en deçà de celle obtenue si elle augmente son volume d’exercice pour atteindre 2 à 3 fois les quantités recommandées (réduction de 40 % de la mortalité). Par contre, il est important de noter qu’il y a une limite aux bienfaits de l’exercice, car des volumes plus élevés d’activité physique n’apportent pas de réductions additionnelles de la mortalité, même à des quantités 10 fois supérieures à celles recommandées (Figure 3).  En conséquence, les volumes considérables d’exercice qui sont réalisés par les athlètes séniors doivent surtout être considérés comme des exploits sportifs, souvent remarquables et hors de portée du commun des mortels, mais non comme une façon d’améliorer la santé.

Intensité et volume d’exercice

L’intensité d’un exercice est généralement exprimée sous forme d’équivalent métabolique (MET), en utilisant comme référence la dépense d’énergie basale au repos. Par exemple, marcher rapidement provoque une dépense d’énergie 3 à 4 fois plus grande que de demeurer assis (3 à 4 METs), ce qui est considéré comme une activité physique d’intensité modérée. La dépense énergétique de la course à pied est quant à elle 6 à 8 fois plus grande qu’au repos (6 à 8 METs), ce qui est considéré comme une activité physique vigoureuse. Le volume d’exercice réalisé par une personne peut être facilement calculé en multipliant la durée de l’exercice par son intensité. Ainsi, 150 minutes d’activité modérée (4 METs) ou encore 75 minutes d’activité vigoureuse (8 METs) correspondent dans les deux cas à un volume de 600 MET-min ou 10 MET-h par semaine.

Dans l’étude présentée à la Figure 3, la réduction maximale du risque de mort prématurée est observée chez les personnes qui font de 2 à 3 fois les quantités d’exercice recommandées, soit 300-450 minutes d’activité modérée ou 150-225 minutes d’activité vigoureuse (15-22,5 MET-h par semaine). Concrètement, ces volumes d’exercice correspondent à environ une bonne heure de marche ou une demi-heure de course par jour.

Si le plafonnement des bénéfices procurés par l’activité physique régulière sur la réduction de la mortalité est bien établi, il reste néanmoins une zone d’ombre en ce qui concerne les volumes extrêmement élevés d’exercice effectués pendant de nombreuses années par certains athlètes séniors. Dans plusieurs études (ici, ici, ici, ici, ici et ici, par exemple), on observe en effet que les athlètes qui font des quantités énormes d’exercice (10 fois et plus les quantités recommandées) ont un risque de mortalité légèrement supérieur à ceux qui en font de façon optimale (3 fois les quantités recommandées) (voir par exemple la Figure 3).  Cette diminution des bénéfices n’est pas statistiquement significative en raison du petit nombre d’athlètes extrêmement actifs (typiquement moins de 3 % des participants aux études), mais elle soulève néanmoins la possibilité que de très grandes quantités d’exercice, réalisées à répétition pendant de nombreuses années, puissent excéder les capacités physiologiques du corps et provoquer certains dommages qui réduisent les bénéfices normalement associés à une quantité optimale d’exercice. Les morts subites touchant les athlètes en dépit de leur grande forme physique pourraient donc être une manifestation de ces dommages.

Cœur d’athlète

On a observé que des niveaux très élevés d’exercice pouvaient favoriser l’apparition de trois principales anomalies cardiaques, soit la fibrillation auriculaire, la calcification des artères coronaires et la fibrose du myocarde.  La hausse du risque de fibrillation auriculaire chez les athlètes séniors est un phénomène très bien documenté (voir notre article à ce sujet), mais ce désordre électrique ne semble pas jouer de rôle majeur dans le phénomène de mort subite chez les personnes en bonne santé et ne sera donc pas discuté plus en détail ici.

La calcification des artères coronaires et la fibrose myocarde méritent cependant une attention plus particulière en raison de la contribution potentielle de ces anomalies aux deux principales causes de mort cardiaque subite, soit l’ischémie (blocage de l’arrivée de sang) cardiaque et les arythmies ventriculaires (dérèglement des signaux électriques permettant la contraction ordonnée du cœur).

Calcification des artères coronaires. L’athérosclérose des artères coronaires représente la principale cause de mort cardiaque subite liée au sport, autant dans la population en général que chez les athlètes, incluant ceux de haut niveau comme les marathoniens. Une méthode fréquemment utilisée pour visualiser ces plaques consiste à mesurer la présence de calcium au niveau de la paroi des coronaires par tomodensitométrie cardiaque (CT-scan) et de multiplier la surface par la densité du signal pour obtenir ce qu’on appelle un score calcique (CAC score). Ces scores ont une certaine valeur pronostique : un score entre 1 et 100 est associé à une probabilité d’événements cardiovasculaires au cours des 3 prochaines années de 13 %, un risque qui atteint 16% pour des scores entre 101-400 et 34 % pour des scores >400.

Cette approche a été utilisée pour comparer le degré de calcification des artères coronaires de 284 hommes âgés en moyenne de 55 ans selon la quantité habituelle d’exercice réalisée chaque semaine depuis l’âge de 12 ans. Les résultats montrent que 68 % des participants les plus actifs tout au long de leur vie (>2000 MET-min par semaine, ce qui équivaut environ à une heure de course à pied chaque jour) présentaient un score calcique supérieur à zéro, comparativement à seulement 43 % chez ceux modérément actifs (<1000 MET-min par semaine) (Figure 4).

Figure 4.  Comparaison de la prévalence de la calcification des artères coronaires selon le volume d’exercice réalisé chaque semaine pendant plusieurs années. Notez l’augmentation du pourcentage d’athlètes présentant un score calcique supérieur à zéro (rectangles rouges) pour les volumes plus élevés d’exercice (>2000 MET-min par semaine pendant plus de 30 ans). Tiré de Aengevaeren et coll. (2017).

Dans la même veine, une étude réalisée auprès d’athlètes séniors (plus de 40 ans) qui pratiquaient depuis au moins 10 ans un programme d’entrainement très intensif (plus de 16 km de course ou 50 km de vélo par jour, avec une participation à au moins 10 compétitions d’endurance comme les marathons, demi-marathons) a montré que ces athlètes présentaient une plus forte prévalence de plaques d’athérosclérose au niveau des coronaires que les hommes du groupe contrôle qui faisaient des quantités d’exercice beaucoup moins élevées  (44 % comparativement à 22 %).  Dans cette étude, des scores CAC élevés (>300) ont été observés seulement chez les athlètes, tout comme un rétrécissement significatif (≥ 50 %) du diamètre des artères (sténose) et la présence de ces rétrissements dans plus d’un vaisseau. Des résultats similaires ont également été observés chez des marathoniens de plus de 50 ans et il semble donc de plus en plus clair que des quantités élevées d’exercice sont étroitement corrélées avec une plus forte prévalence de plaques d’athérosclérose au niveau des artères coronaires. Un mode de vie très sportif n’empêche donc pas le développement de l’athérosclérose, tant au niveau des coronaires que des artères périphériques.

Par contre, la très faible prévalence de mort cardiaque subite (et d’accidents cardiovasculaires dans leur ensemble) observée chez les athlètes séniors suggère que cette accélération de l’athérosclérose n’est pas aussi risquée que chez la population en général. D’une part, les études indiquent que la majorité des plaques calcifiées retrouvées chez les athlètes sont présentes sous une forme stable, peu susceptibles de se fissurer et de former un thrombus (caillot) bloquant les coronaires. Autrement dit, un score calcique plus élevé chez un athlète n’aurait pas la même valeur pronostique qu’un score de même valeur chez un individu sédentaire. D’autre part, les adaptations physiologiques associées à l’exercice régulier (augmentation du diamètre et de l’élasticité des vaisseaux, entre autres) améliorent le flot sanguin coronaire, ce qui permettrait aux athlètes d’être moins affectés par la présence de sténoses et ainsi d’éviter les accidents coronariens qui toucheraient la plupart des personnes ayant un degré similaire d’athérosclérose.

Cela étant dit, l’athérosclérose demeure tout de même un important facteur de risque cardiovasculaire et il serait prématuré de conclure que la présence accrue de plaques au niveau des coronaires des athlètes n’a aucune incidence sur leur santé. En ce sens, il faut noter qu’un suivi de marathoniens pendant 6 ans a montré qu’une augmentation du score calcique est quand même associée à un risque accru d’accidents cardiovasculaires chez ces athlètes, passant de 1% pour des scores <100 à 12 % pour des scores de 100-400 et à 21 % pour des scores >400.  Ceci est en accord avec une étude montrant que les arrêts cardiaques subis par des marathoniens pendant une épreuve étaient en majeure partie causés par une maladie coronarienne sous-jacente qui a entrainé un apport insuffisant de sang au cœur (ischémie) pour soutenir l’effort. Par contre, et contrairement à ce qui est observé dans la population en général, aucune de ces ischémies n’avait été causée par une rupture des plaques d’athérosclérose.  Globalement, il semble donc que les plaques d’athérosclérose sont effectivement plus stables chez les athlètes et que leur rupture ne représente pas un risque majeur d’ischémie et de mort subite. Par contre, chez certains athlètes, la présence de ces plaques peut tout de même diminuer le flux sanguin vers le cœur et causer un arrêt cardiaque lors d’un effort soutenu et intense.

Il ne faudrait donc pas négliger la contribution de la calcification des artères coronaires  au phénomène de mort subite associée au sport, même chez les athlètes qui affichent une forme physique exemplaire.  Ceci est particulièrement vrai pour ceux qui se sont « convertis » au sport sur le tard, après avoir été exposés pendant plusieurs années à des facteurs qui accélèrent le développement des plaques d’athérosclérose, en particulier le tabagisme et une mauvaise alimentation.  Puisque l’athérosclérose est un processus généralement irréversible, le fardeau des plaques qui se sont accumulées pendant la période précédant l’adoption d’un mode de vie plus sportif demeure présent et peut s’exprimer en cas d’effort intense et soutenu.  Il faut donc demeurer attentif à certains signaux qui pourraient suggérer la présence d’une maladie coronarienne sous-jacente (essoufflement inhabituel, palpitations, douleurs thoraciques, ou au niveau des bras ou de la gorge).  D’ailleurs, il faut noter qu’environ la moitié des athlètes séniors qui ont subi un arrêt cardiaque sportif avaient ressenti des symptômes dans le mois précédant l’accident cardiaque.

Fibrose du myocarde. On a observé qu’un exercice intense et prolongé (le marathon) était associé à une hausse importante des taux sanguins de certains marqueurs de dommages aux cellules cardiaques (troponine, peptide natriurétique de type B) et à un dysfonctionnement (réduction de la fraction d’éjection) du ventricule droit (VD) du cœur immédiatement après l’épreuve. Cette réduction de la fonction du VD en réponse à l’exercice très intense a été observé dans plusieurs autres études (voir cette méta-analyse), ce qui suggère que cette région du cœur serait particulièrement à risque d’être endommagée par de très hauts niveaux d’exercice, réalisés à répétition et sur de longues périodes.

Ces blessures au myocarde causent le bris de cellules et l’apparition de zones fibrotiques qu’il est possible de visualiser par résonnance magnétique cardiaque en utilisant la technique du rehaussement tardif après injection de gadolinium (late gadolinium enhancement ou LGE). On injecte un produit de contraste (le gadolinium) qui est rapidement éliminé du myocarde normal,  mais persiste cependant plus longtemps dans les zones de fibroses.  En acquérant des images plus de 10 minutes après l’injection, le signal obtenu tardivement permet d’identifier les zones de fibrose.

Une analyse de 19 études portant sur un total de 509 athlètes d’endurance en bonne santé a révélé qu’environ 6 % des athlètes présentaient un signal LGE positif, indicatif d’une fibrose du myocarde. Les études qui ont comparé la LGE chez les athlètes d’endurance avec celle touchant des personnes moins actives (activité physique égale ou inférieure aux recommandations) montrent que la fibrose est beaucoup plus fréquente chez les athlètes, avec une prévalence de 12 % comparativement à seulement 1,5 %.   Plus récemment, une méta-analyse de 12 études (1350 participants) a estimé que le risque de fibrose est augmenté d’environ 7 fois chez les athlètes d’endurance comparativement aux personnes sédentaires ou peu actives (Figure 5).

Figure 5. Hausse du risque de fibrose du myocarde chez les athlètes séniors.  Les athlètes qui font de grands volumes d’exercice pendant plusieurs années présentent un signal LGE significativement plus élevé que les contrôles, faisant 3 heures ou moins d’exercice par semaine. Tiré de Zhang et coll. (2020).

Cette plus forte prévalence du signal LGE (et donc de fibrose) chez les athlètes est fortement corrélée avec le nombre d’années d’entrainement intensif ainsi que le nombre de compétitions d’endurance complétées, ce qui suggère fortement que de grands volumes d’exercice à haute intensité représente un facteur de risque de fibrose du myocarde.  Comme mentionné auparavant, le ventricule droit semble plus sensible au stress imposé par l’exercice intense et la majorité des cas de fibrose détectée chez les athlètes sont situées dans ce ventricule, plus particulièrement au niveau de la région qui est en contact avec le septum séparant les deux ventricules du coeur.

La présence de ces zones fibrotiques peut en principe perturber le signal électrique et créer un « court-circuit » qui peut engendrer des tachycardies ventriculaires rapides, capables de dégénérer en fibrillation ventriculaire (causant la mort subite). Il serait donc possible que la fibrose du myocarde qui touche préférentiellement les athlètes d’endurance puissent jouer un rôle dans la mort subite touchant certains d’entre eux. En ce sens, il faut noter qu’une étude a observé que des marathoniens qui présentaient un signal LGE étaient plus à risque d’accidents cardiovasculaires dans les deux années suivant le diagnostic que les athlètes sans signal LGE et qu’une étude a observé des arythmies ventriculaires chez des athlètes présentant des zones de fibrose (au niveau de l’épicarde).

En somme, les études réalisées jusqu’à présent indiquent que les athlètes séniors qui ont fait de grands volumes d’exercice de forte intensité pendant de longues périodes sont plus susceptibles de présenter des lésions fibrotiques au niveau du myocarde. Les conséquences de ces fibroses demeurent cependant incertaines étant donné la faible incidence de mort cardiaque subite dans cette population, de même qu’en raison des études montrant que l’activité physique vigoureuse ne semble pas augmenter le risque d’arythmies ventriculaires et que les personnes en excellente forme physique sont à moindre risque de mortalité prématurée.  Par exemple, les athlètes d’élite (les médaillés olympiques, par exemple) vivent de 3-6 ans plus longtemps que la population en général.

En conclusion, la mort cardiaque subite qui survient lors d’une activité sportive demeure un phénomène rarissime, surtout chez les athlètes séniors qui sont régulièrement actifs.  Les bénéfices pour la santé procurés par l’activité physique dépassent donc largement les très légers risques encourus lors de la pratique d’un sport.  Les quantités d’exercice requises pour bénéficier au maximum de cette protection sont équivalentes à environ 1 heure de marche ou ½ heure de course par jour, ce qui est loin d’être excessif et représente un objectif  à la portée de la plupart des gens.

De très grands volumes d’exercice intense, comme ceux réalisés par les athlètes séniors de haut niveau, peuvent induire certaines anomalies cardiaques (calcification des coronaires, fibrose du myocarde), mais l’impact de ces anomalies sur le risque de mort subite touchant ces athlètes demeure incertain.  Des études prospectives d’envergure portant spécifiquement sur les athlètes, par exemple la Master Athlete’s Heart study récemment initiée en Europe, devraient permettre de mieux cerner les facteurs de risque de mort subite chez les athlètes.

Dans l’état actuel des connaissances, le principal facteur de risque de mort subite chez les athlètes semble être le même que celui de la population en général, c’est-à-dire la présence d’une maladie coronarienne sous-jacente qui bloque l’arrivée de sang au muscle cardiaque.   Par exemple, dans l’étude portant sur les morts subites survenues dans le cadre du triathlon, les chercheurs ont constaté que 30 % des athlètes décédés présentaient des signes d’athérosclérose avancée au niveau des coronaires.  Mettre des souliers de course chaque matin n’empêche donc pas complètement le développement de plaques au niveau des coronaires et surtout ne fait pas disparaitre l’athérosclérose qui s’est développée au fil des années. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les athlètes qui ont adopté le sport sur le tard, après avoir eu un mode de vie suboptimal (sédentarité, tabagisme, mauvaise alimentation) pendant plusieurs années. Comme la population en général, les athlètes séniors qui font régulièrement de grands volumes d’exercice et/ou participent à des épreuves d’endurance ont donc tout avantage à contrôler les facteurs de risque bien établis d’athérosclérose, comme le taux de cholestérol, la pression artérielle et le diabète de type 2.

Il ne faudrait pas non plus négliger certains facteurs comme les débalancements des électrolytes (hyponatrémie, en particulier), les coups de chaleur ou encore l’épuisement pur et simple qui peuvent altérer la fonction cardiaque, indépendamment de l’état de santé des coronaires.  Ces facteurs causent un stress physiologique intense qui pourrait expliquer pourquoi la très grande majorité des décès qui surviennent durant les marathons surviennent dans le dernier quart de l’épreuve.

 

 

COVID-19 et maladies cardiovasculaires

COVID-19 et maladies cardiovasculaires

EN BREF

 

  • Les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires sont plus susceptibles de développer les formes plus sévères de COVID-19, ce qui hausse considérablement le taux de mortalité de cette maladie.

  • En plus de représenter un important facteur de risque de COVID-19, les maladies cardiovasculaires peuvent également être une conséquence de l’infection par le coronavirus SARS-CoV2.

  • Les patients sévèrement atteints par la COVID-19 présentent fréquemment des lésions cardiaques qui augmentent la sévérité de l’infection et mettent en jeu le pronostic vital.

Mis à jour le 5 mai 2020

La COVID-19 est une maladie respiratoire causée par un nouveau virus, le coronavirus SARS-CoV2. L’épidémie de COVID-19 a débuté en décembre 2019 à Wuhan, dans la province de Hubei en Chine, et s’est propagée rapidement à l’échelle internationale avec plus de 740,000 personnes touchées et 35,000 décès en date du 30 mars 2020. Même si la plupart des patients infectés par le virus ne présentent pas de symptômes majeurs, environ 15 % d’entre eux développent une forme beaucoup plus grave de la maladie, caractérisée notamment par un syndrome respiratoire aigu sévère qui requiert une ventilation mécanique.  Cette forme sévère de COVID-19 est particulièrement dangereuse pour les personnes âgées : alors que le taux de mortalité est d’environ 1 % chez les 50 ans et moins, il monte à 3,6 % chez ceux de 60 ans, 8 % chez les 70 ans et atteint 14,8 % chez les 80 ans et plus.

 

Un facteur aggravant : les maladies chroniques

Les données recueillies lors des épidémies antérieures causées par des coronavirus analogues au SARS-CoV2 actuel ont montré qu’une forte proportion des patients infectés étaient affectés par des conditions chroniques sous-jacentes.  Par exemple, au cours de l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2002, la prévalence de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires préexistantes était de 11 et 8 %, respectivement, et la présence de l’une ou l’autre de ces conditions chroniques était associée à une hausse très importante (près de 10 fois) du taux de mortalité.  De la même façon, chez les patients infectés par le Middle East respiratory syndrome coronavirus (MERS-CoV) en 2012 et présentant des symptômes graves, 50% souffraient d’hypertension et de diabète et jusqu’à 30% de maladies cardiaques.

La présence de ces comorbidités (coexistence chez un même patient de deux ou plusieurs maladies) est également observée au cours de l’épidémie actuelle de COVID-19 : dans toutes les études réalisées jusqu’à maintenant, une proportion significative des patients étaient affectés par une condition chronique préexistante, les plus communes étant l’hypertension, le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires (Tableau 1).

PopulationComorbiditésSource
99 patients infectés
(Wuhan, Chine)
Maladies cardiovasculaires (40 %)
Diabète (12 %)
Chen et coll. (2020)
191 patients infectés
(Wuhan, Chine)
Hypertension (30 %)
Diabète (19 %)
Maladies cardiovasculaires (8 %)
Zhou et coll. (2020)
138 patients infectés
(Wuhan, Chine )
Hypertension (31 %)
Diabète (10 %)
Maladies cardiovasculaires (15 %)
Wang et coll. (2020)
1099 patients infectés
(Chine)
Hypertension (15 %)
Diabète (7,4 %)
Maladies cardiovasculaires (2,5 %)
Guan et coll. (2020)
46,248 patients infectés
(Chine, méta-analyse)
Hypertension (17 %)
Diabète (8 %)
Maladies cardiovasculaires (5 %)
Yang et coll. (2020)
355 patients décédés
(Italie)
Hypertension (76 %)
Diabète (36%)
Maladies cardiovasculaires (33 %)
Fibrillation auriculaire (25 %)
Cancer (20 %)
Instituto Superiore di Sanita (2020)

Dans tous les cas, ces conditions chroniques sont plus fréquemment observées chez les patients atteints par les formes plus sévères de COVID-19 : par exemple, une étude réalisée à Wuhan a montré que la proportion de patients souffrant d’hypertension, de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires est presque deux fois plus élevée chez ceux qui ont développé une forme sévère de COVID-19.  Cette contribution des maladies chroniques au fardeau imposé par la COVID-19 semble particulièrement importante en Italie, un des pays les plus durement touchés par la COVID-19 : les données recueillies par les autorités sanitaires du pays montrent que 99 % des personnes qui sont décédées de cette maladie présentaient au moins une condition chronique comme l’hypertension (76 %), le diabète de type 2 (36 %) les maladies coronariennes (33 %), la fibrillation auriculaire (25 %) ou le cancer (20 %).

L’impact de ces maladies chroniques est considérable, avec des augmentations du taux de mortalité de la COVID-19 de 5 à 10 fois comparativement aux personnes qui ne présentent pas de pathologies préexistantes  (Figure 1).

Figure 1.  Influence de conditions chroniques préexistantes sur le taux de mortalité de la COVID-19.  Tiré de : The Novel Coronavirus Pneumonia Emergency Response Epidemiology Team (2020).

Les personnes affectées par une condition chronique, notamment les maladies cardiovasculaires, sont donc beaucoup plus à risque de développer une forme sévère de COVID-19, en particulier si elles sont plus âgées. Cette population doit donc redoubler de vigilance et éviter autant que possible d’interagir avec des personnes qui auraient pu être en contact avec le virus.

Lésions cardiaques

En plus de représenter un important facteur de risque de COVID-19, les maladies cardiovasculaires peuvent également être une conséquence de l’infection par le coronavirus SARS-CoV2.  Les études réalisées dès le début de la pandémie ont  observé des signes cliniques de lésion cardiaque (taux sanguin élevé de Troponine I cardiaque (, anomalies d’électrocardiogrammes ou d’échographies cardiaques) chez 7,2 % des patients infectés, une proportion qui atteint 22 % chez ceux affectés par les formes sévères de COVID-19 et qui avaient nécessité une hospitalisation aux soins intensifs. Dans une autre étude sur 138 patients atteints de COVID-19 à Wuhan, 36 patients présentant des symptômes graves et traités en unité de soins intensifs présentaient des niveaux de marqueurs de lésions myocardiques significativement plus élevés que chez ceux non traités en unité de soins intensifs.  Les cas sévères de COVID-19 présentent donc souvent des complications impliquant une lésion myocardique aiguë, ce qui complique sérieusement le traitement de ces patients.  Il est d’ailleurs fort probable que ces atteintes cardiaques contribuent à la mortalité causée par la COVID-19, car une étude a observé des valeurs de hs-cTnI supérieures au 99e percentile  (ce qui dénote une lésion du myocarde) chez 46 % des patients qui étaient décédés de la maladie, comparativement à seulement 1 % des survivants. De plus, deux études récentes (ici et ici) ont révélé que le taux de mortalité des patients touchés par une atteinte cardiaque étaient beaucoup plus élevé que chez ceux épargnés par ces atteintes, une augmentation qui peut atteindre jusqu’à 10 fois chez les personnes ayant des antécédents de maladies cardiovasculaires (Figure 2).

Figure 2.  Différences de mortalité des patients touchés par la COVID-19 selon la présence d’une maladie cardiovasculaire préexistante et/ou de lésions cardiaques causées par l’infection. Tiré de Guo et coll. (2020).

Les mécanismes responsables de ces atteintes cardiaques sont très complexes et font intervenir plusieurs phénomènes. D’un côté, le mauvais fonctionnement des poumons fait en sorte que les taux d’oxygène peuvent devenir insuffisants pour assurer le fonctionnement du muscle cardiaque.  Cette carence en oxygène est d’autant plus dangereuse que la fièvre causée par l’infection augmente le métabolisme du corps, ce qui hausse la charge de travail du cœur. Ce déséquilibre entre l’apport et la demande oxygène augmente donc le risque d’arythmies et de lésions cardiaques.

Un autre facteur impliqué dans les atteintes cardiaques causées par les virus respiratoires est ce qu’on appelle une « tempête de cytokines » (cytokine storm), un phénomène caractérisé par une réponse inflammatoire exagérée suite à l’infection virale.  Le système immunitaire devient « fou furieux » et attaque sans discernement tout ce qui se trouve à proximité, incluant nos propres cellules, ce qui endommage la fonction des organes et peut augmenter la susceptibilité aux infections bactériennes. Le cœur est particulièrement sensible à cette inflammation incontrôlée étant donné son interaction étroite avec les poumons : le sang oxygéné par les poumons qui arrive au cœur a été en contact direct avec les foyers d’infection et contient donc forcément une plus grande concentration des molécules produites par l’excès d’inflammation. Lorsque ce sang est expulsé par le ventricule gauche vers l’aorte, une portion de ce sang oxygéné est immédiatement acheminée au myocarde pour nourrir les cellules cardiaques, avec comme conséquence que ces cellules sont exposées à des quantités anormalement élevées de molécules inflammatoires.  Un excès de molécules inflammatoires peut également provoquer des thromboses (formation de caillots) qui bloquent l’arrivée de sang au cœur et causent un infarctus : une étude récente a montré que des taux élevés de d-dimères, un marqueur de thrombose, était associé à une hausse très importante (18 fois) du risque de mortalité par la COVID-19.

Une étude clinique dirigée par le Dr Jean-Claude Tardif, directeur du centre de recherche de l’ICM, vient d’être lancée pour déterminer si une réduction de l’inflammation produite par l’infection virale par la colchicine, un anti-inflammatoire peu coûteux et généralement bien toléré, pourrai prévenir cette réponse immunitaire excessive  et améliorer l’évolution de la maladie.

Il faut aussi mentionner que dans certains cas, plus rares, il semble que le cœur soit la première cible visée par le virus SARS-CoV2 et que ce sont des symptômes cardiovasculaires qui sont les premiers signes de l’infection : par exemple, même si les premiers signes cliniques de la COVID-19 sont généralement la fièvre et la toux, la Commission nationale de la santé de Chine (NHC) a rapporté que certains patients ont d’abord consulté un médecin pour des palpitations cardiaques et une oppression thoracique plutôt que des symptômes respiratoires, mais ont ensuite été diagnostiqués avec la COVID-19. Des cas récents de myocardites aiguës provoquées par la COVID-19 chez des patients sans antécédents de maladies cardiovasculaires ont également été récemment rapportés, un phénomène qui avait été précédemment observé pour d’autres coronavirus, notamment le MERS-CoV.  Une caractéristique commune à ces virus est de pénétrer dans les cellules humaines en interagissant avec la protéine de surface ACE2 (angiotensin-converting enzyme 2), présente en grandes quantités au niveau des poumons, du cœur et de cellules des vaisseaux sanguins.  Il est donc possible que le virus utilise ce récepteur pour pénétrer directement dans les cellules du myocarde et causer des lésions cardiaques. En ce sens, il faut noter que l’analyse des tissus cardiaques provenant de patients décédés au cours de l’épidémie du SRAS de 2002 a révélé la présence du matériel génétique viral dans 35 % des échantillons. Le SARS-CoV2 étant très semblable (75% identique) à ce virus, il est donc possible qu’un mécanisme similaire soit à l’œuvre.

COVID-19 et hypertension

L’interaction du SARS-CoV2, le virus à l’origine du COVID-19, avec l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE2) est intrigante, car cette enzyme joue un rôle clé dans le développement de l’hypertension et que ce sont justement les personnes hypertendues qui présentent une forme plus sévère de l’infection. Étant donné que les médicaments antihypertenseurs couramment prescrits provoquent une augmentation de la quantité de ACE2 à la surface des cellules, on a vu apparaître sur les médias sociaux plusieurs textes affirmant que ces médicaments pouvaient augmenter le risque et la sévérité d’infection par le SARS-CoV2 et devraient donc être discontinués. Ce n’est cependant absolument pas le cas, carles résultats récents indiquent au contraire que ces médicaments pourraient protéger des complications pulmonaires chez les patients infectés par les coronavirus et diminuent le risque de mortalité associée à la Covid-19. En conséquence, l’ensemble des associations de cardiologie du monde recommandent encore aux patients hypertendus de continuer à prendre leurs médicaments, qu’il s’agissent des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (captopril, enalapril, etc.) ou des antagonistes du récepteur à angiotensine  (losartan, valsartan, telmisartan, etc.). 

La mort subite d’origine cardiaque chez le jeune athlète

La mort subite d’origine cardiaque chez le jeune athlète

La mort subite d’un athlète est un évènement rare, mais tragique, qui retient beaucoup l’attention des médias et du public. C’est difficile à comprendre dans le cas de jeunes athlètes, apparemment en excellente santé et bien entraînés, en particulier parce que la cause la plus commune (90 %) de mort subite est d’origine cardiaque et que les maladies cardiaques surviennent généralement à un âge plus avancé. La mort subite est définie comme un décès naturel (non traumatique), brutal, survenant dans l’heure suivant l’apparition de symptômes, chez un sujet apparemment en bonne santé. On parle de mort subite d’origine cardiaque (MSOC) lorsqu’une cardiopathie susceptible de causer une mort subite était connue, qu’une autopsie a établi une cause cardiaque, ou qu’aucune autre cause n’a été déterminée.

La mort subite dans la population en général et chez les jeunes athlètes.
La mort subite dans la population en général survient plus souvent chez les hommes (environ 2/3 des cas), d’âge moyen de 65 ans. La majorité de ces décès surviennent au domicile et un témoin est présent dans 70 à 80 % des cas. Le taux de survie est très faible, aux environs de 7 %. L’incidence de mort subite dans la population en général est difficile à estimer précisément à cause de la multitude de causes et de l’hétérogénéité des définitions utilisées, mais elle se situe entre 20 et 100 cas par 100 000 personnes par année. L’incidence de MOSC chez les jeunes athlètes (<35 ans) est beaucoup plus faible, soit environ 0,7-3,0 par 100 000 athlètes par année. L’incidence est plus élevée chez les athlètes plus âgés (>35 ans) et l’on s’attend à ce qu’elle augmente dans les prochaines années puisque de plus en plus de gens pratiquent des sports organisés. L’exercice physique pratiqué régulièrement est associé à de nombreux bienfaits pour la santé, incluant la diminution du risque de mortalité, toutes causes confondues, d’infarctus du myocarde, de diabète de type 2, de dyslipidémie et de certains cancers. Il y a donc un « paradoxe du sport » en ce sens qu’en plus des bienfaits incontestables de l’activité physique sur la santé, des efforts physiques vigoureux peuvent augmenter transitoirement le risque d’incidents cardiaques aigus. Il a été estimé que le risque de MSOC est approximativement doublé durant l’activité physique et jusqu’à 1 h après l’arrêt. En comparant les avantages et désavantages, il est évident que les nombreux bienfaits de l’exercice physique régulier pour la santé l’emportent de loin sur le risque accru de MSOC. Toutefois, le ratio avantages-risques pourrait être amélioré si les personnes qui ont un problème cardiaque sous-jacent, qui augmente le risque de MSOC, pouvaient être identifiées assez tôt par le dépistage.

Parmi les 2046 morts subites de jeunes athlètes identifiées entre 1980 et 2011 dans le US National Registry of Sudden Death in Athletes, 842 ont été confirmées par autopsie comme étant d’origine cardiaque. L’incidence était 6,5 fois plus élevée pour les hommes que pour les femmes. La cardiomyopathie hypertrophique était la cause la plus importante cause de MSOC : 36 % des jeunes athlètes (39 % des hommes). Les causes les plus importantes chez les femmes étaient des anomalies congénitales des artères coronaires (33 % vs 17 % des hommes), la dysplasie ventriculaire droite arythmogène (13 % vs 4 % des hommes), la cardiopathie hypertrophique (11 % vs 39 % des hommes) et le syndrome du QT long (7 % vs 1,5 % des hommes). L’incidence de MSOC était 5 fois plus élevée chez les Afro-Américains et autres minorités que chez les blancs (1 : 12 778 vs 1 : 60 746 athlète-année) et la cardiomyopathie hypertrophique était plus fréquente chez les Afro-Américains et autres minorités (42 %) que chez les blancs (31 %). Parmi les joueurs et joueuses de basketball décédées par MSOC, il y avait 3 fois plus d’Afro-Américains et autres minorités que de blancs. La mort subite de ces jeunes athlètes américains est survenue lors de la pratique d’une grande diversité de sports compétitifs ; pour les hommes surtout au football (34 %), au basketball (20 %), au baseball (7 %) et à la course/athlétisme (7 %). Pour les femmes, les sports où il y a eu le plus de morts subites sont le basketball (19 %), la course/athlétisme (16 %), le soccer (10 %) et le cheerleading (9 %).

 Dans la population en général, les causes sont nombreuses et dépendent du sexe et de l’âge de la personne. Dans la population en général, la première cause de MSOC est la maladie coronarienne (75-80 %), le plus souvent au cours d’un syndrome coronaire aigu (infarctus du myocarde). Chez les jeunes athlètes, la maladie coronarienne est la cause de seulement 4 % des morts subites. Les cardiomyopathies sont la deuxième cause principale (10-20 %) et plus rarement des cardiopathies électriques primitives, sans anomalie structurelle (5-10 %). Pour comparaison, les causes de la mort subite d’origine cardiaque dans la population en général et chez de jeunes athlètes américains sont illustrées dans la figure 1.

Figure 1. Causes de la mort subite d’origine cardiaque dans la population en général (adapté de Waldmann et coll., 2017) et chez de jeunes athlètes américains (adapté de Maron et coll., 2016).

 

La plupart des études répertorient les morts subites d’origine cardiaque plutôt que les arrêts cardiaques subits chez les athlètes ; or l’arrêt cardiaque subit est loin d’entraîner la mort dans tous les cas. Une étude récente a examiné les arrêts cardiaques subits survenus entre 2009 et 2014, durant la participation à des sports compétitifs et non compétitifs, dans une région précise de la province de l’Ontario au Canada. Durant les 6 années de l’étude, environ 18,5 millions de personnes-années ont été suivies et 74 arrêts cardiaques subits sont survenus lors de la participation à un sport : 16 durant la participation à un sport compétitif et 58 durant la participation à un sport non compétitif. L’incidence d’arrêts cardiaques subits durant la pratique d’un sport compétitif par des personnes âgées de 12 à 45 ans était de 0,76 cas par 100 000 athlètes-années, avec un taux de survie de 43,8 % après avoir reçu le congé de l’hôpital. Le taux de survie des personnes ayant subi un arrêt cardiaque subit en pratiquant un sport récréatif non compétitif était de 44,8 %. Trois cas d’arrêt cardiaque subits sur les 16 survenus en participant à un sport compétitif auraient probablement été prévenus si ces athlètes avaient participé à un programme de dépistage.

Principales causes de mort subite d’origine cardiaque.
La maladie coronarienne, aussi appelée cardiopathie ischémique, est une maladie des artères qui irriguent le cœur (artères coronaires) qui cause une diminution de l’apport sanguin (ischémie), et par conséquent de l’apport d’oxygène, au muscle cardiaque. Malgré les progrès importants réalisés depuis quelques dizaines d’années dans la prise en charge des syndromes coronaires aigus, 3 à 10 % des infarctus du myocarde se compliquent d’un arrêt cardiaque à la phase aiguë. La cardiomyopathie hypertrophique (CH) est une maladie cardiaque d’origine génétique, caractérisée par un épaississement de la paroi du ventricule gauche, sans cause habituelle (telle l’hypertension artérielle de longue date par exemple). Les causes génétiques de cette maladie sont des mutations dans des gènes codant pour une douzaine de protéines musculaires, dont la beta-myosine, la troponine T cardiaque, l’alpha-actine cardiaque, l’alpha-tropomyosine et la troponine I cardiaque et d’autres protéines. De 1 à 2 personnes sur 1000 naissent avec cette anomalie génétique et la plupart sont asymptomatiques ou ont des symptômes minimes. Les symptômes les plus fréquents (douleurs abdominales, dyspnée à l’effort , œdème, essoufflement, palpitations, syncope) sont causés par 4 conditions pathophysiologiques majeures : une dysfonction diastolique ventriculaire, une obstruction à l’éjection du ventricule gauche, un déséquilibre entre les besoins et les apports en oxygène au niveau du myocarde et des arythmies cardiaques. Malgré l’existence de morts subites et de crises cardiaques chez une minorité de personnes atteintes, la cardiomyopathie hypertrophique est une maladie le plus souvent relativement bénigne puisqu’environ les 2/3 des personnes atteintes ont une durée de vie normale, sans morbidité importante. Cela est particulièrement le cas pour des personnes atteintes qui n’ont pas d’obstruction importante à l’éjection du ventricule gauche et qui peuvent être asymptomatiques ou qui n’ont qu’une légère difficulté à respirer lorsqu’ils font de l’exercice.

La dysplasie ventriculaire droite arythmogène est une maladie génétique du muscle cardiaque, une condition rare qui touche 1 individu sur 1000 à 5000 personnes dans la population générale. Le remplacement progressif du muscle cardiaque par du tissu graisseux crée des zones de cicatrice qui peuvent entraîner des épisodes d’arythmies ainsi qu’une dysfonction des ventricules droit et gauche. La conséquence la plus grave de cette maladie est l’arrêt cardiaque secondaire à une arythmie maligne (ventriculaire). Malheureusement, cet événement peut être la première manifestation de la maladie chez un individu. Le gène défectueux causant la maladie peut être identifié dans environ la moitié des cas. Les trois principaux gènes associés à cette maladie sont le gène RYR2 qui code le récepteur cardiaque de la ryanodine, le gène DSP qui code la desmoplakine et le gène PKP2 qui code la plakophiline 2. Le récepteur cardiaque de la ryanodine est une composante majeure d’un canal calcique situé dans le réticulum sarcoplasmique (un compartiment intracellulaire), qui permet le relargage de calcium nécessaire pour la contraction du muscle cardiaque durant la systole. La desmoplakine et la plakophiline 2 sont des composantes essentielles des desmosomes, des structures du muscle cardiaque dont le rôle est de maintenir l’intégrité structurale des contacts entre deux cellules adjacentes.

Parmi les cardiopathies arythmiques, en l’absence d’anomalies structurelles, qui causent parfois des morts subites, on retrouve le syndrome du QT long. Il y a 13 types de QT long, avec une prévalence de 1 pour 2500 dans la population en général. 90 % des formes d’origine génétique sont dues à des mutations dans 3 gènes distincts, codants pour des canaux potassique et sodique impliqués dans la repolarisation. Les personnes atteintes sont à risque de mort subite, particulièrement lors de l’effort ou la baignade (LQT1), émotions fortes (LQT2) ou pendant le repos ou le sommeil (LQT3). Le syndrome de Brugada est une maladie génétique rare, et dans 1 cas sur 5 il est possible d’identifier des mutations spécifiques dans des gènes tels SCN5 et CACN1Ac, qui causent une perte de fonction du canal sodique.

Le dépistage pour prévenir la mort subite chez les jeunes athlètes
Bien que les cas de mort subite soient très rares chez les jeunes athlètes, il est approprié de se demander si ces morts subites ne pourraient pas être prévenues. En tenant compte des causes les plus communes de décès, des comités scientifiques tels que l’American Heart Association (AHA), l’American College of Cardiology, l’European Society of Cardiology (ESC), des associations sportives telles la Commission médicale et scientifique du comité international olympique et la Fédération internationale de football (FIFA) recommandent des programmes de dépistage avant de permettre aux jeunes athlètes de participer à sports compétitifs, afin de prévenir la mort subite chez ceux qui ont une maladie cardiaque congénitale ou génétique. Ces programmes comprennent des questionnaires sur les antécédents familiaux et personnels et un examen physique. Aux États-Unis, les directives de l’AHA ne recommandent pas le dépistage systématique par électrocardiographie (ECG) lors de l’évaluation de la condition physique des athlètes avant leur admission dans une équipe compétitive, mais cela demeure un sujet de débats (voir ici, ici, et ici), principalement à cause du rapport coût-efficacité et du nombre de faux positifs qui excède 10 %. Le dépistage par ECG est obligatoire en Italie et l’ESC recommande que le premier dépistage auprès de jeunes athlètes âgés de 12 à 35 ans inclue un ECG au repos et qu’il soit répété tous les deux ans. En Italie, après que le dépistage par ECG fut devenu obligatoire, l’incidence annuelle de mort subite a diminué, de 3,6 par 100 000 en 1979-1980 à 0,4 par 100 000 en 2003-2004. Par contre, en Israël, l’incidence de mort subite n’a pas changé après l’implantation du dépistage. Dans les sports professionnels, les directives médicales pour le dépistage sont plus strictes ; la FIFA, par exemple, inclut systématiquement un ECG à 12 dérivations et une échographie cardiaque dans les examens médicaux d’avant compétition.

 

Gras saturés, huile de coco et maladies cardiovasculaires

Gras saturés, huile de coco et maladies cardiovasculaires

Mis à jour le 26 mars 2020

L’American Heart Association (AHA) a récemment publié une mise à jour des connaissances acquises sur le lien existant entre les graisses alimentaires et les maladies cardiovasculaires. En prenant en considération l’ensemble des données scientifiques disponibles, le comité conclut qu’une diminution de l’apport en graisses saturées, et leur remplacement par des graisses insaturées représente la combinaison optimale pour diminuer l’incidence des maladies cardiovasculaires dans la population, surtout si elle s’accompagne d’une transition vers un régime alimentaire globalement sain, comme l’alimentation méditerranéenne.

Cet impact positif d’une substitution des graisses saturées par des graisses insaturées s’explique en majeure partie par les effets opposés de ces deux types de gras sur les taux de cholestérol-LDL, un facteur de risque bien établi de maladies cardiovasculaires. Tandis que les gras saturés sont associés à une augmentation de ce cholestérol, et donc à une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires, les gras insaturés entraînent plutôt une réduction des taux sanguins de cholestérol-LDL et sont associées à une diminution significative de la mortalité.  Puisque les sources de protéines animales (viandes, produits laitiers, œufs) sont les principales sources de graisses saturées de l’alimentation, tandis que les matières grasses d’origine végétale sont principalement insaturées, le simple fait de réduire la consommation de produits animaux et d’augmenter en parallèle celle de végétaux représente donc une façon très simple d’améliorer la qualité des matières grasses de l’alimentation et d’ainsi réduire le risque de maladie cardiovasculaire. Il est d’ailleurs intéressant de noter que plusieurs régions du monde reconnues pour leur faible incidence de maladies cardiovasculaires (Okinawa au Japon, Ikaria en Grèce, la Sardaigne ou encore les Chimane d’Amazonie) ont toutes en commun une alimentation riche en végétaux et dans laquelle l’apport en protéines animales et en gras saturés est faible.

Des gras saturés d’origine végétale

Si la quasi-totalité des corps gras d’origine végétale contiennent principalement des gras insaturés, il existe néanmoins une exception notable : les huiles tropicales de palme et de coco (voir le Tableau). L’huile de palme (extraite de la pulpe du fruit) et l’huile de palmiste (dérivée des graines) contiennent en effet des quantités très élevées de gras saturés (50 % pour l’huile de palme et 82 % pour celle de palmiste), ce qui leur confère une texture semi-solide à la température ambiante. Cette propriété est utilisée par l’industrie alimentaire pour améliorer la texture de biscuits, gâteaux et autres produits, et la forte quantité de graisses saturés fait aussi en sorte que ces huiles sont beaucoup plus résistantes à l’oxydation et améliorent considérablement la durée de conservation de ces aliments. Cependant, comme toutes les sources de gras saturés, ces huiles augmentent les taux de cholestérol sanguin et sont donc peu recommandables pour la santé cardiovasculaire.  Sans compter l’impact environnemental dévastateur de la culture intensive du palmier à huile, en particulier en Indonésie : presque deux millions d’hectares de forêt tropicale sont détruits chaque année pour cette culture, une déforestation qui a des conséquences écologiques désastreuses et qui menace d’extinction des animaux comme le tigre et les orangs-outans de Sumatra et de Bornéo.

Source de grasGras saturés
(g/100g)
Gras monoinsaturés
(g/100g)
Gras polyinsaturés
(g/100g)
Beurre63264
Huile de canola76328
Huile de coco8262
Huile de maïs132855
Huile d’olive147310
Huile de palme49379
Huile de palmiste82112
Saindoux394511
Huile de soja162358
Huile de tournesol10844
Proportion de gras saturés, monoinsaturés et polyinsaturés dans différents corps gras d'origine animale et végétale.

 

Huile de coco : des gras saturés aux effets positifs ?

L’huile de coco est une autre source végétale contenant une très forte proportion de gras saturés (82 %), mais qui, curieusement, a acquis au fil des années une bonne réputation : un sondage récent rapportait en effet que 72 % des Américains considéraient l’huile de coco comme un aliment « santé » ! Deux principales caractéristiques de l’huile de coco, fréquemment mentionnées par la presse « grand public », expliquent cette popularité :

1)  Études populationnelles. Les études épidémiologiques réalisées auprès de populations qui consomment de grandes quantités de noix de coco comme les habitants des îles polynésiennes Tokelau ou encore ceux de l’île mélanésienne de Kitava ont révélé une faible incidence de maladies cardiovasculaires, et ce en dépit d’un apport élevé en graisses saturées provenant de ce fruit. Il faut cependant noter que c’est la chair du fruit, très riche en fibres, qui est consommée par ces populations et qu’on ne peut extrapoler cette absence d’effet sur les maladies cardiovasculaires à celui qui serait associé à l’ajout de l’huile de coco purifiée à une alimentation de type occidental, contenant une forte proportion d’aliments transformés.

2) L’impact sur le cholestérol. Les gras saturés ont des chaines plus courtes que ceux retrouvés dans l’huile de palme ou dans le beurre et auraient en théorie des effets moins néfastes sur les taux de cholestérol. Environ la moitié des gras saturés de l’huile de coco sont sous forme d’acide laurique (12 atomes de carbone) et les études montrent que l’effet de cet acide gras sur le cholestérol-LDL est moitié moindre de celui de l’acide palmitique (16 atomes de carbone). En pratique, toutefois, une revue systématique des études réalisées jusqu’à présent indique que l’huile de coco augmente les taux de cholestérol-LDL de façon similaire à d’autres sources de gras saturés (beurre, huile de palme) et de façon plus importante que les gras insaturés, l’huile d’olive par exemple. Ceci a été confirmé par une méta-analyse de 16 études cliniques ayant comparé l’effet de l’huile de coco sur les taux de cholestérol-LDL à celui d’autres huiles végétales non tropicales.  En moyenne, la consommation d’huile de coco fait augmenter le cholestérol-LDL de 0,3 mmol/L (10,47 mg/dL) comparativement aux autres huiles, ce qui confirme que son contenu en gras saturés a un impact négatif sur cet important facteur de risque de maladie coronarienne.

Globalement, ces observations suggèrent que l’huile de coco est une source de gras saturés comme les autres et qu’elle ne devrait être utilisée qu’à l’occasion pour éviter une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires. Pour cuisiner au quotidien, l’huile d’olive vierge est un bien meilleur choix en raison de ses effets positifs très bien documentés sur la santé cardiovasculaire.  Pour les autres huiles végétales, il est recommandé d’utiliser préférentiellement l’huile de canola, car c’est elle qui contient la plus forte proportion de gras polyinsaturés de type oméga-3, reconnus pour leurs effets anti-inflammatoires.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et le risque cardiovasculaire

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et le risque cardiovasculaire

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont des médicaments aux propriétés analgésiques (antidouleur), antipyrétiques (contre la fièvre) et anti-inflammatoires, les plus connus étant l’acide acétylsalicylique (aspirine) et l’ibuprofène (Advil). Les AINS réduisent l’inflammation et la douleur en inhibant l’activité de cyclo-oxygénases (COX), une classe d’enzymes impliquées dans la biosynthèse de thromboxanes, prostacycline et prostaglandines (Figure 1). Les effets analgésiques et anti-inflammatoires des AINS sont principalement dus à l’inhibition de l’isoforme COX-2 au site d’inflammation, mais les AINS classiques inhibent aussi l’isoforme COX-1 qui est exprimée de façon constitutive dans la plupart des organes. L’inhibition de COX-1 est le mécanisme principal responsable des ulcères gastriques et duodénaux et des saignements qui sont associés à l’utilisation à long terme des AINS.

Figure 1. Mécanisme d’action des AINS. Les enzymes COX-1 et COX-2 catalysent la conversion de l’acide arachidonique en prostaglandine H2, un métabolite intermédiaire dans la formation des prostaglandines. L’activité des diverses prostaglandines dans un tissu donné dépend de l’expression de récepteurs spécifiques ainsi que d’enzymes (prostaglandine synthases) impliquées dans leur biosynthèse. Les AINS classiques inhibent l’activité de COX-1 et COX-2 alors que les coxibs inhibent sélectivement l’enzyme COX-2, entraînant une diminution de la biosynthèse des prostaglandines et des activités biologiques associées. COX-1 est exprimée constitutivement dans la plupart des tissus alors que COX-2 n’est exprimée que dans quelques tissus. L’expression de COX-2 peut être induite en réponse à des stimuli inflammatoires et c’est par ce mécanisme que les niveaux de prostaglandines augmentent dans les sites d’inflammation (p. ex. les articulations). Les AINS classiques inhibent donc l’ensemble des activités biologiques (en vert pâle) alors que les coxibs sont actifs dans certains tissus seulement (en vert foncé) à cause de la sélectivité pour COX-2.  Abréviations : COX, cyclo-oxygénase ; TXA2, Thromboxane A2; PGH2, Prostaglandine H2 ; PGE2, Prostaglandine E2; PGI2, Prostaglandine I2; PG synthases, Prostaglandine synthases ; coxibs, inhibiteurs sélectifs de COX-2.

Les AINS et le risque de maladie cardiovasculaire.
Dans les années 1990, des efforts importants ont été investis pour créer de nouveaux AINS plus sélectifs pour COX-2 dans l’espoir de réduire les effets secondaires associés à l’inhibition de COX-1, tout en conservant l’activité anti-inflammatoire. Il s’est avéré, peu après leur introduction sur le marché, que ces nouveaux inhibiteurs sélectifs de COX-2 (coxibs) augmentaient le risque de maladie cardiovasculaire (MCV) et ils ont tous été retirés du marché à l’exception du célécoxib. Les autorités réglementaires ont permis que le célécoxib reste sur le marché, mais ont demandé que des études cliniques randomisées de phase 4 soient réalisées. L’étude « PRECISION » était une étude conçue pour étudier l’innocuité cardiovasculaire du célécoxib en comparaison avec deux AINS classiques, l’ibuprofène et le naproxène, chez des patients souffrants d’arthrose ou d’arthrite rhumatoïde et qui avaient un risque accru de développer une MCV. La conclusion principale de l’étude a été que le célécoxib n’est pas associé à un risque de MCV plus élevé que l’ibuprofène ou le naproxène. Cependant, comme le souligne un article de revue récent, la dose moyenne de célécoxib administrée dans cette étude était moindre que celles qui avaient été précédemment associées à un risque plus élevé de MCV, et davantage de patients ont cessé leur traitement avec le célécoxib qu’avec les autres AINS à cause d’un manque d’efficacité clinique.

Une importante méta-analyse sur le risque d’infarctus aigu du myocarde (IAM) par les anti-inflammatoires non stéroïdiens a été publiée récemment par un groupe québécois. L’étude porte sur une cohorte de 446 763 individus dont 61 460 ont subi un infarctus aigu du myocarde. Tous les AINS étudiés, ibuprofène (Advil, Motrin), diclofénac (Voltaren, Arthrotec), le célécoxib (Celebrex et génériques), naproxène (Anaprox, Naprosyn) et rofécoxib (Vioxx) ont été associés à une augmentation du risque d’infarctus aigu du myocarde. Le risque d’IAM associé au célécoxib était comparable à ceux des AINS classiques et était moins grand que celui associé au rofécoxib, un inhibiteur sélectif de COX-2 qui a été retiré du marché en 2004 à cause de problèmes liés à un risque accru d’infarctus du myocarde. Le risque associé aux AINS était déjà connu, mais cette nouvelle étude permet d’établir que le risque est le plus grand lors des toutes premières semaines d’utilisation des AINS et qu’il augmente avec la dose. En accord avec l’étude PRECISION, l’étude québécoise montre aussi que le naproxène est associé à un risque d’infarctus aussi élevé que tous les autres AINS, contredisant une étude antérieure qui laissait supposer que ce médicament avait un risque cardiovasculaire plus faible.

Estimation du risque absolu d’IAM associé aux AINS.
Même si l’étude ne fait pas mention du risque absolu, les auteurs ont fait des estimations peu après la publication. Sans utilisation d’AINS, on s’attend à ce que le nombre d’IAM soit moins de 1 cas par année par 100 personnes pour celles qui sont à faible risque (< 10 % sur 10 ans), de 1 à 2 cas par année par 100 personnes pour celles qui ont un risque moyen (10-20 % sur 10 ans), et plus de 2 cas par année par 100 personnes pour celles qui ont un risque élevé (> 20 % sur 10 ans). En assumant une augmentation du risque relatif d’IAM de 20 à 50 % selon la dose et la durée de la prise d’AINS, le nombre d’IAM supplémentaires associés à l’utilisation d’AINS serait moins de 0,2 à 0,5 cas par année par 100 personnes pour celles qui ont un faible risque d’IAM (2 à 5 cas par année par 1000 personnes), jusqu’à 0,4 à 1 ou plus de cas d’IAM par année par 100 personnes pour les personnes qui ont un risque coronarien élevé (> 4 à 10 cas par année par 1000 personnes). Par conséquent, l’augmentation en pourcentage absolu d’IAM en raison de la prise d’AINS est susceptible de se situer entre 0,2 % et 1 % par an.  Le  risque absolu d’événements cardiovasculaires associés à l’utilisation régulière des AINS est donc relativement faible, ce qui est plutôt rassurant pour les personnes qui doivent absolument utiliser de ces médicaments pour soulager la douleur.

Malgré tout, étant donné le vieillissement de la population et la projection qu’une proportion croissante de la population souffrira d’arthrite ou verra leurs activités limitées par des maladies inflammatoires, il y a un besoin urgent de créer de nouveaux analgésiques et autres médicaments pour éviter le risque cardiovasculaire, faible mais réel, associé à tous les AINS.