Nouveaux médicaments anti-cholestérol : des effets plus modestes que prévu

Nouveaux médicaments anti-cholestérol : des effets plus modestes que prévu

Les résultats de l’essai clinique FOURIER, dévoilés vendredi dernier, ont été accueillis avec une certaine déception par la plupart des experts. Rappelons que l’objectif de cette étude clinique était de déterminer si les inhibiteurs de la PCSK9 (PCSK9i), une nouvelle classe de médicaments qui diminuent drastiquement les taux de cholestérol-LDL, pouvaient réduire l’incidence d’événements cardiovasculaires et la mortalité chez des patients cardiaques à haut risque.

Les 27,564 patients, qui recevaient déjà des statines pour contrôler leur taux de cholestérol-LDL, ont été séparés de façon aléatoire en deux groupes, soit un qui ne recevait pas de traitement additionnel (placebo) tandis que l’autre recevait 420 mg/mois de Repatha (evolocumab), le PCSK9i à l’étude. Comme prévu, les taux sanguins de cholestérol-LDL ont chuté drastiquement chez les patients traités au Repatha, passant d’une moyenne de 2,4 à 0,78 mmol/L (baisse de 59 %), avec près de la moitié des patients qui présentaient même un taux extrêmement bas de 0,65 mmol/L.

Malheureusement, ces diminutions spectaculaires du cholestérol-LDL se traduisent par des bénéfices beaucoup plus modestes qu’on pouvait s’y attendre en terme d’événements cardiovasculaires.  Le risque absolu d’infarctus du myocarde et d’AVC est diminué de seulement 1,2  et 0,4 %, respectivement, chez les patients traités au Repatha, et il n’y a aucun impact du médicament sur la mortalité cardiovasculaire ou la mortalité en général.  En somme, comme je le mentionnais sur Twitter, malgré la baisse tout à fait remarquable des taux de cholestérol-LDL associée à l’administration de PCSK9i, les patients traités demeurent à haut risque d’événements cardiovasculaires et de mortalité cardiovasculaire.

Ces résultats sont d’autant plus décevants que le prix de cette nouvelle classe de médicaments est très élevé (environ 14,000$ par année aux États-Unis et 7000$ par année au Canada), ce qui soulève beaucoup d’interrogations sur leur rapport coût-bénéfice.  Selon les données de l’étude, il faut traiter 74 patients pendant deux ans pour éviter un seul événement cardiovasculaire, ce qui correspond à un montant d’environ 2 millions de dollars au coût actuel du médicament aux États-Unis. C’est énorme, et la plupart des experts s’accordent pour dire qu’il aurait fallu observer une réduction plus importante de l’incidence d’événements cardiovasculaires et de la mortalité pour recommander l’utilisation à grande échelle de ces médicaments.

L’étude FOURIER est néanmoins très importante pour plusieurs raisons.  D’une part, il s’agit d’un exemple impressionnant de la rapidité avec laquelle une découverte réalisée par la recherche fondamentale il y a seulement 14 ans (l’identification de la PCSK9) a pu être appliquée cliniquement au traitement de patients atteints de maladies cardiovasculaires graves. Même si les effets mesurés du médicament sur la santé cardiovasculaire sont assez modestes chez les patients qui sont déjà traités avec le traitement standard actuel (statines), leur capacité à réduire drastiquement les taux de cholestérol-LDL peut s’avérer très bénéfique pour les personnes qui sont intolérantes aux statines ou encore celles qui présentent des taux de cholestérol extrêmement élevés en raison d’un désordre génétique (hypercholestérolémie familiale).  Il s’agit donc d’une arme supplémentaire dans l’arsenal thérapeutique des cardiologues, même s’il est probable que l’utilisation de ces médicaments sera étroitement balisée en raison de leur coût très élevé.

Un autre aspect important de l’étude FOURIER est de confirmer que le cholestérol-LDL n’est pas le seul facteur de risque de maladies cardiovasculaires. Comme l’illustre l’étude, une réduction des taux de cholestérol, même à des niveaux extrêmement bas, est associée à un risque résiduel élevé d’événements cardiovasculaires chez les patients cardiaques. Cela n’est pas du tout étonnant, car la formation des plaques d’athérosclérose est un phénomène d’une grande complexité qui est fortement influencé par une foule de facteurs du mode de vie. Le cholestérol est l’un de ces facteurs, bien sûr, mais les effets modestes de l’ajout des PCSK9i viennent nous rappeler qu’il faut absolument cibler d’autres paramètres impliqués dans le processus d’athérosclérose. Ce concept est particulièrement bien illustré par l’étude de Lyon où les patients ayant subi un infarctus du myocarde et qui adhéraient à un régime méditerranéen avaient un risque absolu d’événements cardiovasculaires diminué de 7 % (une diminution relative de 72 %) et ce, sans aucune réduction de leur taux de cholestérol-LDL. Une étude réalisée par le cardiologue canadien Salim Yusuf a observé un phénomène similaire, c’est-à-dire que les patients qui prenaient tous les médicaments recommandés, dont une statine, mais qui modifient en plus leur alimentation et adhèrent à un programme régulier d’exercice après un infarctus, voient leur risque de mortalité diminuer de moitié comparativement à ceux qui ne modifient pas leurs habitudes, encore une fois sans changement des taux de cholestérol-LDL.  L’étude FOURIER confirme donc encore une fois qu’aucun médicament, aussi efficace soit-il, ne peut corriger à lui seul les problèmes de santé associés à de mauvaises habitudes de vie comme une alimentation de mauvaise qualité et la sédentarité.

 

 

 

Une nouvelle classe de médicaments anti-cholestérol : les inhibiteurs de la PCSK9

Une nouvelle classe de médicaments anti-cholestérol : les inhibiteurs de la PCSK9

Des niveaux élevés de cholestérol dans la circulation sanguine favorisent le développement de l’athérosclérose et augmentent du même coup le risque d’accidents cardiovasculaires comme l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral. Depuis presque 25 ans, une classe de médicaments appelés « statines » est devenue le traitement standard pour abaisser ces taux élevés de cholestérol, non seulement chez les patients qui ont déjà subi un événement cardiovasculaire (prévention secondaire), mais aussi en prévention primaire, chez les personnes qui n’ont pas de maladie coronarienne documentée, mais qui présentent certains facteurs de risque (hypercholestérolémie familiale, historique familial de maladie coronarienne précoce, hypertension, diabète, obésité abdominale, cholestérol élevé).  L’utilisation de ces médicaments est basée sur les résultats de plusieurs études cliniques qui ont montré que la diminution des taux de cholestérol par les statines est associée à une réduction du risque absolu d’accident cardiovasculaire d’environ 4 % en prévention secondaire et de 1 à 2 % en prévention primaire. Les statines peuvent donc diminuer le risque d’événements cardiovasculaires, mais cette protection offerte est toutefois incomplète puisqu’une forte proportion de personnes traitées avec ces médicaments demeurent à haut risque d’être touchées par un accident cardiaque. C’est pour cette raison que j’insiste fortement sur la nécessité de modifier de façon importante les habitudes de vie, même si on prend une statine, puisque la protection est loin d’être totale.

Au cours des dernières années, il a étémontré qu’une nouvelle classe de médicaments appelés «  inhibiteurs de PCSK9 » pouvait réduire encore plus fortement les taux de cholestérol sanguins, ce qui, selon plusieurs spécialistes, pourrait se traduire par une diminution du risque d’accidents cardiovasculaires plus importante que celle obtenue avec les statines. Découverte en 2003 par le groupe du Dr Nabil Seidah de l’Institut de recherche clinique de Montréal, la PCSK9 (Proprotéine Convertase Subtilisine Kexine 9) est une enzyme qui dégrade les récepteurs qui captent les particules de cholestérol (LDL) présentes dans le sang et les éliminent de la circulation. En diminuant le nombre de ces récepteurs,  l’action de la PCSK9 conduit donc à une accumulation de cholestérol-LDL dans le sang et à la formation de plaques qui augmentent le risque d’obstruction des vaisseaux.  Ce lien entre la PCSK9 et le taux de cholestérol-LDL circulant est bien illustré par l’identification de mutations qui affectent la fonction de l’enzyme: par exemple, il a été démontré qu’une mutation qui abolit l’activité de la PCSK9 est associée à une diminution des taux de cholestérol-LDL et à une réduction remarquable  (88 %) du risque de maladie cardiovasculaire. Ces observations ont entrainé une véritable course contre la montre pour identifier des molécules capables de neutraliser l’activité de la PCSK9, efforts qui furent couronnés par le développement de deux anticorps anti-PCSK9, soit l’evolocumab (Repatha) par la compagnie Amgen et l’alirocumab (Praluent) par Regeneron et Sanofi. Ces deux anticorps possèdent un potentiel clinique certain, car les résultats obtenus jusqu’à présent indiquent que ces médicaments provoquent effectivement une baisse très importante (entre 60 et 70 %) du cholestérol-LDL.

L’essai clinique FOURIER (Further cardiovascular OUtcomes Research with PCSK9 Inhibition in subjects with Elevated Risk) devrait permettre de déterminer si ces diminutions drastiques du cholestérol-LDL se traduisent par des bénéfices cardiovasculaires.  Cet essai multicentrique randomisé, réalisé auprès de 27,500 patients atteints d’une maladie cardiovasculaire et qui sont traités avec une statine, a comme objectif de déterminer si l’ajout de l’inhibiteur de PCSK9 evolocumab (Repatha) au traitement standard permet d’améliorer la santé cardiovasculaire. Les critères de jugement principaux de l’essai (« primary endpoints ») sont une combinaison de  mortalité cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde non fatal, d’AVC non fatal, d’hospitalisation pour angine instable ou de revascularisation. L’impact du médicament sur trois événements cardiovasculaires (mortalité cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal et AVC non fatal) sert quant à lui de critère de jugement secondaire (« secondary endpoint »). Les principaux résultats de l’essai FOURIER seront divulgués le 17 mars prochain dans le cadre du congrès annuel de l’American College of Cardiology.