Le tabagisme continue de diminuer chez les jeunes

Le tabagisme continue de diminuer chez les jeunes

EN BREF

  • Le pourcentage de jeunes Canadiens de 16-19 ans qui fument régulièrement la cigarette a continué à diminuer entre 2017 et 2019, passant de 3,8 à  2,3 %.
  • Cette baisse du tabagisme juvénile est corrélée avec une utilisation accrue de la cigarette électronique, la proportion de jeunes ayant vapoté au moins une fois dans leur vie passant  de 29 à 41 % durant cette période.
  • Ces vapoteurs sont cependant très majoritairement des fumeurs occasionnels ou réguliers, ce qui suggère que la cigarette électronique représente une alternative à la cigarette traditionnelle et contribue à la baisse du tabagisme observée chez les jeunes.

Un des plus grands succès de la lutte au tabac des 20 dernières années est la baisse importante du tabagisme chez les jeunes adolescents. Comme nous l’avons mentionné dans un autre article, alors que près de 25 % des jeunes du secondaire 5 fumaient quotidiennement la cigarette au début des années 2000, cette proportion se situe maintenant aux environs de 2 %. Cette baisse drastique du tabagisme juvénile est d’une importance capitale, car plus de 90 % des fumeurs réguliers adultes ont commencé à fumer avant l’âge de 18 ans, durant la période d’expérimentation de l’adolescence. Un si faible taux de tabagisme chez les jeunes se traduira donc nécessairement par une réduction importante du nombre d’adultes fumeurs au cours des prochaines années et par une baisse de l’incidence des nombreuses maladies causées par le tabac, ce qui représente l’objectif ultime de la lutte au tabac.

Ces bonnes nouvelles sont pourtant rarement mentionnées : au lieu de célébrer cette baisse du tabagisme juvénile, on s’est plutôt beaucoup plus attardé à l’apparition récente d’une nouvelle tendance, soit l’augmentation du nombre de jeunes qui ont expérimenté la cigarette électronique au cours des dernières années.  Selon une étude récente réalisée par le groupe du Dr David Hammond, l’utilisation de la cigarette électronique est effectivement en hausse chez les jeunes Canadiens, avec environ 41 % des 16-19 ans qui ont essayé au moins une fois ces produits, comparativement à 29 % en 2017 (Figure 1).  Cette augmentation est corrélée avec l’apparition sur le marché des cigarettes électronique de type Juul, des dispositifs extrêmement attrayants, faciles d’utilisation et qui permettent l’absorption d’une quantité importante de nicotine (voir notre article sur le sujet).

Figure 1. Fréquence d’utilisation des cigarettes électroniques par les jeunes de 16-19 ans. Adapté de Hammond et coll. (2020). Notez que les non-fumeurs représentent moins de 1 % du total des vapoteurs.

Il est cependant important de noter que la grande majorité de ce vapotage est de nature expérimentale : si près de la moitié des jeunes ont utilisé au moins une fois dans leur vie ces produits, cette proportion diminue à 18 % durant le dernier mois, 12 % au cours de la dernière semaine, pour finalement atteindre un peu plus de 5 % de vapoteurs réguliers (20 fois ou plus dans le dernier mois). L’utilisation quotidienne de la cigarette électronique est donc un phénomène encore assez peu répandu chez les jeunes et n’atteint certainement pas des proportions « épidémiques », comme on entend souvent dire. Non seulement les vapoteurs réguliers demeurent très minoritaires, mais ce sont aussi pour la plupart (plus de 85 %) des jeunes qui fument déjà la cigarette de façon occasionnelle ou régulière. Les jeunes qui n’ont jamais fumé de cigarettes représentent quant à eux moins de 15 % des vapoteurs réguliers, ce qui correspond à moins de 1 % de l’ensemble des vapoteurs (Figure 1, rectangle rouge).

Dans l’ensemble, ces résultats dressent un portrait beaucoup plus nuancé du phénomène du vapotage chez les jeunes que ce qu’on entend régulièrement dans les médias : la très grande majorité de ceux qui veulent expérimenter l’effet du tabac se tourne désormais vers de nouvelles formes de nicotine comme les cigarettes électroniques, mais même dans ce cas, les utilisateurs réguliers de ces produits demeurent assez peu nombreux, et sont pour la plupart des jeunes qui sont à la base attirés par le tabac.

Au départ, la principale préoccupation soulevée par l’utilisation accrue de la cigarette électronique par les jeunes est qu’elle pourrait entrainer une recrudescence du tabagisme dans cette population.  Ce n’est manifestement pas le cas : le nombre de jeunes fumeurs continue de baisser chaque année, même depuis l’arrivée sur le marché de la cigarette électronique, et des études indiquent même que ces produits ont entrainé une accélération de ce déclin du taux de tabagisme.  L’étude mentionnée plus tôt observe le même phénomène, c’est-à-dire que la hausse de vapotage observée au cours des deux dernières années au Canada est directement corrélée avec une diminution importante (40 %) du tabagisme chez les jeunes (Figure 2).  Figure 2. La hausse du pourcentage de jeunes vapoteurs est corrélée avec une diminution du pourcentages de jeunes fumeurs. Tiré de Hammond et coll. (2020).

Au lieu d’être une porte d’entrée vers le tabac comme on le craignait au départ, la cigarette électronique semble donc plutôt représenter une alternative à la cigarette traditionnelle.  L’abandon par les jeunes de la cigarette au profit de cette nouvelle technologie n’est pas tellement étonnant si l’on considère l’odeur désagréable de la cigarette, les prix exorbitants du tabac et l’interdiction de fumer dans la quasi-totalité des lieux publics. Dans un tel contexte, il est difficile de concevoir pourquoi un utilisateur de cigarette électronique pourrait être tenté de se tourner vers les produits de tabac conventionnels.

Évidemment, tout le monde s’entend pour dire qu’il serait préférable que les jeunes n’utilisent ni cigarette électronique, ni tabac.  Mais si on part du principe que l’adolescence est une période intense d’expérimentation, il est grandement préférable que cette expérimentation des effets de la nicotine se fasse sous la forme de vapotage que de la cigarette de tabac.

Il faut rappeler que dans une cigarette électronique, le vapoteur inhale un aérosol contenant de la nicotine, mais sans les multiples molécules cancérigènes, le monoxyde de carbone et les particules fines qui sont générées lors de la combustion du tabac (à environ 900 °C). Ce dernier point est le plus important : ce sont les produits de combustion de la cigarette de tabac qui causent les problèmes de santé, et non la nicotine. Cette dernière est une drogue qui crée la dépendance au tabac et qui pousse les personnes à fumer, mais elle n’a pas d’effets majeurs sur la santé et n’est surtout pas responsable des maladies cardiovasculaires, ni du cancer du poumon qui découlent du tabagisme.  Selon l’agence de santé publique britannique, Public Health England, la vapeur générée par les cigarettes électroniques est beaucoup moins toxique que la fumée produite par la combustion du tabac et en conséquence vapoter présente considérablement moins de risque pour la santé que de fumer.

Il faut aussi se rappeler que même si on s’inquiète beaucoup de la hausse du vapotage chez les jeunes, la cigarette électronique ne représente certainement pas la principale menace à leur santé. Par exemple, les sondages réalisés aux États-Unis indiquent que plus de 15 % des jeunes du secondaire boivent régulièrement de grandes quantités d’alcool (binge drinking), un comportement extrêmement nocif et qui est associé à un risque accru d’accidents, de violence et de plusieurs maladies graves (AVC, cirrhose, cancer).  Même si la consommation d’alcool est plus acceptée socialement que celle de cigarettes électroniques, il faut garder en tête que la consommation excessive d’alcool représente une des principales causes de mortalité à l’échelle du globe et est donc beaucoup plus dommageable pour la santé des jeunes que la cigarette électronique. Avant de songer à bannir les produits de vapotage sous prétexte de « protéger nos jeunes », comme on l’entend parfois, il faut donc tenir compte de ces risques relatifs et éviter tout forme de prohibition qui pourrait avoir pour effet de les entrainer vers des produits de tabac combustibles qui eux sont beaucoup plus nocifs pour la santé. Malgré les reportages souvent très alarmistes,  la transition du tabac vers la cigarette électronique est donc une tendance moins inquiétante qu’il n’y parait à première vue et représente un exemple typique de la réduction des méfaits en santé publique .

L’exercice peut-il protéger contre les infections respiratoires ?

L’exercice peut-il protéger contre les infections respiratoires ?

EN BREF

  • Des participants à plus de 14 études ont été séparés au hasard en deux groupes : un groupe qui n’a pas fait d’exercice et un autre qui a fait de l’exercice régulièrement et sous supervision.
  • L’exercice n’a pas réduit l’incidence d’infections respiratoires aiguës.
  • L’exercice semble réduire la sévérité des symptômes associés aux épisodes d’infections respiratoires aiguës.
  • Selon plusieurs autres études, l’exercice peut améliorer la réponse immunitaire aux virus, bactéries et autres antigènes. L’activité physique régulière et l’exercice fréquent pourraient réduire ou retarder le vieillissement du système immunitaire.

La COVID-19 causée par l’infection par le virus SRAS-CoV-2 affecte particulièrement les personnes qui ont certains facteurs de risque (âge avancé, sexe masculin) ou une comorbidité tels une maladie respiratoire chronique, l’obésité, une maladie cardiovasculaire, le diabète, l’hypertension et un cancer (voir cet article). Un style de vie sain, incluant une bonne alimentation, ne pas fumer, consommer de l’alcool avec modération et faire de l’exercice régulièrement est la meilleure façon de prévenir plusieurs maladies telles le diabète, le cancer et les maladies cardiovasculaires.  De même, certaines conditions sont associées à une baisse de l’activité immunitaire. Le stress, le diabète et la carence en certains composés alimentaires comme la vitamine D et le zinc, par exemple. Par son action sur ces conditions, il est probable que l’exercice influence notre résistance aux infections.

L’exercice peut-il prévenir les infections respiratoires aiguës, incluant la COVID-19 ? Des chercheurs de la Cochrane Library ont mis à jour récemment une synthèse systématique de l’effet de l’exercice sur l’occurrence, la sévérité et la durée des infections respiratoires aiguës.

La revue systématique incluait 14 études auprès de 1377 personnes en santé et âgées de 18 à 85 ans qui ont été suivies durant une période médiane de 12 semaines. Les participants ont été séparés au hasard en deux groupes : un groupe qui n’a pas fait d’exercice et un autre qui a fait de l’exercice régulièrement. Dans la plupart des cas, l’exercice était supervisé et était pratiqué à une fréquence d’au moins trois fois par semaine. Les séances d’exercice avaient une durée de 30 à 45 minutes et consistaient à faire des exercices d’intensité modérée telle la marche, vélo, tapis roulant ou une combinaison de ces exercices. L’exercice n’a pas eu d’effet significatif sur les paramètres biochimiques, sur la qualité de vie et sur le nombre de blessures.

Faire de l’exercice n’a pas fait diminuer le nombre d’épisodes d’infections respiratoires aiguës (IRA), non plus que la proportion de participants qui ont eu au moins un épisode d’IRA durant l’étude, ou le nombre de jours avec des symptômes lors de chacun de ces épisodes. Par contre, l’exercice a été associé à une diminution de la sévérité des symptômes dans deux études et du nombre de jours avec des symptômes durant la durée totale de l’étude (4 études). Les auteurs de l’étude indiquent que la certitude sur les données est peu élevée et que les données des études en cours ou à venir pourraient avoir un impact sur leurs conclusions.

Exercice et système immunitaire
Le système immunitaire est très réactif à l’exercice, en fonction à la fois de la durée et de l’intensité de l’effort (voir cet article de synthèse en anglais). L’exercice cause de multiples microblessures dans les muscles, ce qui déclenche une réaction d’inflammation locale et systémique. Durant une séance d’exercice d’intensité modérée à élevée d’une durée de moins de 60 minutes, le nombre de leucocytes (ou globules blancs) et de plusieurs cytokines (protéines produites par le système immunitaire pour stimuler la prolifération de cellules de défense) augmente rapidement dans la circulation sanguine. L’augmentation du nombre de neutrophiles (un type de leucocytes) perdure souvent jusqu’à 6 heures après la fin de la séance d’exercice. Cette réponse physiologique au stress causé par l’exercice est suivie, lors de la période de récupération, par une baisse du nombre de leucocytes dans la circulation sanguine jusqu’à un niveau inférieur à celui mesuré au début de la séance d’exercice.

Bien que l’exercice fasse augmenter de manière transitoire les marqueurs de l’inflammation, dont plusieurs cytokines (interleukines, chimiokines, interférons et autres), au repos, les personnes qui font de l’exercice régulièrement ont des concentrations sanguines moins élevées de ces protéines pro-inflammatoires que les personnes qui font peu ou pas du tout d’exercice ou celles qui sont obèses. L’exercice régulier semble donc atténuer la réponse inflammatoire et promouvoir un environnement anti-inflammatoire dans le corps. L’augmentation persistante des marqueurs de l’inflammation (inflammation chronique) est liée à plusieurs conditions et maladies, incluant l’obésité, l’arthrose, l’athérosclérose et les maladies cardiovasculaires, les maladies rénales chroniques, les maladies du foie, le syndrome métabolique, la résistance à l’insuline, le diabète de type 2, la maladie pulmonaire obstructive chronique, la démence, la dépression et divers types de cancers. Bref, l’exercice réduit les effets négatifs sur le système immunitaire d’un facteur reconnu qu’est le diabète et la résistance à l’insuline qui y est associée.

Nous savons que dans les formes sévères de COVID-19 une réaction inflammatoire exagérée nommée tempête, orage ou choc cytokinique détruit les cellules de l’endothélium pulmonaire qui permettent l’oxygénation du sang et de notre organisme. L’exercice régulier qui procure un environnement moins inflammatoire pourrait-il nous protéger advenant une infection par le virus SRAS-CoV-2 ? Cela n’a pas été démontré, mais cela constitue certainement une hypothèse qui devra être examinée. D’ailleurs il semble que chez la personne âgée, le vieillissement immunitaire (qu’on appelle aussi « immunosénescence ») serait associé à une baisse des cellules régulatrices de la réponse immunitaire. Ce serait en raison de cette baisse qu’on observe une augmentation des dérèglements immunitaires comme les maladies auto-immunes et une augmentation des cancers. Or la tempête cytokinique serait secondaire au manque de contrôle par ces cellules. Un système immun en bonne santé aurait moins de chance de manquer de ces cellules « régulatrices ».

Suppression de l’immunité chez les athlètes : mythe ou réalité ?
Depuis quelques dizaines d’années, une idée s’est implantée dans la littérature scientifique selon laquelle l’exercice de type aérobique, particulièrement s’il est vigoureux et de longue durée, peut nuire à l’immunocompétence, c.-à-d. à la capacité du corps de produire une réponse immunitaire normale en réponse à l’exposition à un antigène. Cette idée est aujourd’hui de plus en plus remise en question et est même qualifiée de mythe par certains chercheurs. Cette hypothèse date du début du XXe siècle, alors qu’on croyait que la fatigue contribuait aux infections qui causaient des pneumonies, mais ce n’est que dans les années 1980-1990 que des études ont vérifié cette assertion auprès d’athlètes professionnels et amateurs. De manière générale, il est de plus en plus certain que ce serait le stress « psychologique » plutôt que le stress physique qui serait immunosuppresseur. Par exemple, une étude faite dans les années 1980 auprès d’étudiants en médecine montra que la capacité immunitaire s’effondre dans les 24 à 48 heures qui précèdent les examens. Le stress « mental » à la veille de compétitions pourrait en être la comparaison. L’exercice est un excellent « dé-stresseur » pour la majorité des gens.

Une des études indiquait qu’un tiers des 150 coureurs participants à l’ultramarathon de 56 km « Two Oceans » en 1982 en Afrique du Sud ont rapporté des symptômes d’infection des voies respiratoires supérieures (nez qui coule, mal de gorge, éternuements) dans les deux semaines suivant la course. Le groupe témoin avait rapporté la moitié moins de symptômes d’infection des voies respiratoires supérieures que les coureurs. Des résultats similaires ont été obtenus auprès d’athlètes qui ont participé au marathon (42 km) de Los Angeles en 1987. Parmi les 2311 participants qui ont complété la course et qui n’avaient pas rapporté de symptômes d’infection durant la semaine précédant la course, 12,9% ont rapporté des symptômes d’infection durant la semaine suivant la course. Seulement 2,2% des participants qui ont abandonné la course (pour des raisons autres que des raisons de santé) ont rapporté des symptômes d’infection durant la semaine après la course. Une autre étude réalisée à la même époque n’avait pas trouvé d’association entre l’exercice aérobique et le risque d’infection des voies respiratoires supérieures pour des courses sur de plus courtes distances, soient 5, 10 km, et 21 km (demi-marathon). Cela suggérait que les risques d’infections augmentent seulement après avoir fait de l’exercice durant une longue période.

Le problème majeur avec ces études est qu’elles reposent sur des questionnaires et qu’aucune des infections rapportées par les athlètes n’a été confirmée en laboratoire. Dans une étude réalisée en 2007, les chercheurs ont fait des prélèvements et des tests chez des athlètes qui ont rapporté des symptômes d’infection des voies respiratoires supérieures sur une période de 5 mois. Seulement 30% des cas rapportés par les participants étaient associés à la présence de virus, de bactéries, ou de mycoplasmes. Ces résultats suggèrent que les symptômes éprouvés par les athlètes dans les études précédentes pourraient ne pas avoir été causés par une infection, mais plutôt par d’autres causes, incluant les allergies, l’asthme, inflammation des muqueuses ou un traumatisme aux cellules épithéliales des voies respiratoires causé par une augmentation de la respiration ou par exposition à de l’air froid.

La baisse de leucocytes dans la circulation sanguine qui est observée après l’exercice a mené à l’hypothèse dite « open window » selon laquelle l’exercice intense cause une immunodépression transitoire durant la période de récupération. Durant cette « open window » les athlètes seraient plus susceptibles aux infections virales et bactériennes. Une autre hypothèse serait celle du recrutement des globules blancs pour aller réparer les petits dégâts aux muscles. En effet, une lésion tissulaire qu’elle soit mécanique ou infectieuse entraîne le relargage de cytokines qui « appelle » les défenses pour « voir ce qui se passe ».   Pourtant, contrairement aux études citées plus haut, des études récentes indiquent que l’exercice est plutôt associé à une réduction de l’incidence des infections. Il y a autant d’études épidémiologiques qui montrent que l’exercice régulier est associé à une réduction des infections qu’il y en a qui montrent que l’exercice régulier est associé à une augmentation des infections, mais les premières sont moins prises en compte que les secondes dans la littérature sur l’immunologie de l’exercice.

Par exemple, une étude suédoise auprès de 1509 hommes et femmes âgés de 20 à 60 ans a révélé que des niveaux d’activité physique élevés sont associés à une incidence réduite d’infections des voies respiratoires supérieures. Des études auprès de coureurs d’ultramarathon, l’une des disciplines sportives les plus éprouvantes, ont montré que ces personnes rapportent moins de jours d’absence à l’école ou au travail pour cause de maladie comparé à la population en général. Par exemple, le nombre moyen de journées de maladie rapporté annuellement était de 1,5 jour dans une étude auprès de 1212 coureurs d’ultramarathon et 2,8 jours dans une autre étude auprès de 489 coureurs d’ultramarathon de 161 km, alors que cette année-là le nombre de journées de maladie rapporté dans la population américaine était de 4,4 jours. Un aspect souvent oublié de l’exercice à l’extérieur c’est son apport en vitamine D avec l’exposition au soleil. Plus les trajets sont longs, plus l’exposition et la production cutanée endogène de vitamine D sont grandes. L’apport en vitamine D serait bénéfique pour les cellules régulatrices du système immunitaire.

En résumé, contrairement à l’hypothèse de l’immunosuppression (« open window »), la pratique régulière de l’exercice peut être bénéfique pour le système immunitaire, ou à tout le moins ne pas nuire. L’exercice ne fait pas augmenter le risque d’infections opportunistes diagnostiquées. L’exercice peut améliorer la réponse immunitaire aux virus, bactéries et autres antigènes. L’activité physique régulière et l’exercice fréquent pourraient réduire ou retarder le vieillissement du système immunitaire.

L’environnement social, essentiel à la santé mentale et physique

L’environnement social, essentiel à la santé mentale et physique

EN BREF

  • Un très grand nombre d’études ont établi une association étroite entre un réseau social inadéquat et un risque accru de développer une panoplie de maladies et de mourir prématurément.
  • Un des grands défis de la lutte aux maladies infectieuses comme la Covid-19 est donc de trouver un équilibre entre les mesures nécessaires pour prévenir la transmission virale, tout en maintenant un niveau d’interactions sociales suffisantes pour le bien-être mental et physique de la population.

Le confinement de la population en réponse à la pandémie de Covid-19 a permis de réduire substantiellement le nombre de personnes infectées par le coronavirus SARS-CoV-2 : selon les estimations récentes, les mesures implantées pour contenir l’épidémie ont permis de prévenir environ 530 millions d’infections au niveau mondial, incluant 285 millions en Chine et 60 millions aux États-Unis.  Ces mesures font cependant en sorte que moins de 4 % de la population semble avoir été infectée par le virus, ce qui signifie que le combat est loin d’être gagné et qu’il faut demeurer vigilant si on veut éviter d’autres vagues d’infection.

Un des principaux défis de la lutte à la Covid-19 est de trouver un équilibre entre les mesures nécessaires pour prévenir la transmission virale tout en maintenant un niveau d’interactions sociales suffisantes pour le bien-être de la population.  Les humains sont des animaux sociaux et on a beaucoup parlé, à juste titre, des effets délétères du confinement sur la santé mentale.  Ceci est confirmé par les résultats d’un sondage récemment publié dans le journal de l’association médicale américaine (JAMA) : à l’aide d’un questionnaire développé pour évaluer la présence de troubles mentaux (Kessler 6 Psychological Distress Scale),  les chercheurs ont noté qu’en avril 2020, soit pendant l’épidémie de Covid-19, 14 % des adultes américains présentaient des symptômes sérieux de détresse psychologique comparativement à 4 % en 2018. Ces symptômes étaient particulièrement fréquents chez les jeunes adultes âgés de 18 à 29 ans (24 %), ainsi que chez les ménages à faible revenu (moins de 35,000$ par année).

Atteintes physiques

Il ne faudrait pas non plus oublier que l’environnement social exerce une énorme influence sur la santé physique en général.  On sait depuis longtemps que certains paramètres de notre vie en société, en particulier le niveau d’intégration sociale, le statut socioéconomique et les expériences négatives en bas âge, sont parmi les principaux facteurs prédicteurs de l’état de santé des individus et de leur espérance de vie. Des perturbations de la vie en société, comme celles engendrées par une épidémie à grande échelle, peuvent donc à moyen et long terme avoir des conséquences négatives sur la santé de la population.

Un très grand nombre d’études ont d’ailleurs établi une association très nette entre l’adversité sociale (expériences négatives de la vie en société) et un risque accru de développer une panoplie de maladies et de mourir prématurément (Figure 1).  Trois principaux aspects ont été étudiés : Intégration sociale. Les études montrent que le niveau d’intégration sociale (interactions positives avec famille, amis et/ou collègues, support émotionnel et physique de l’entourage) augmente de 30 à 80 % l’espérance de vie des personnes (Fig. 1B).  À l’inverse, une faible intégration sociale (ce qu’on appelle aussi l’isolement social) est associée à une hausse du risque de plusieurs maladies, en particulier les maladies cardiovasculaires (Fig. 1E), et à une hausse d’environ 50 % de la mortalité globale, soit un risque similaire à celui associé à des facteurs de risque bien connus comme l’obésité, l’hypertension ou la sédentarité (voir aussi notre article à ce sujet).  Cet impact du niveau d’intégration sociale sur la santé semble être biologiquement « programmé », car des effets similaires ont été observés chez un grand nombre d’animaux sociaux, incluant les primates, les rongeurs, les baleines et les chevaux. À l’échelle de l’évolution de la vie sur Terre, le lien entre le degré d’intégration sociale et l’espérance de vie existe donc depuis plusieurs millions d’années et peut donc être considéré comme une caractéristique fondamentale de la vie de plusieurs espèces, incluant la nôtre.

Statut socioéconomique.  Une autre conséquence des mesures de distanciation sociale est de perturber l’activité économique et, du même coup, de causer une baisse ou même une perte de revenus chez plusieurs personnes.  On sait depuis longtemps qu’il existe une corrélation étroite entre les inégalités socioéconomiques (généralement mesurées par le revenu des ménages) et la santé de la population : dès les années 1930, par exemple,  on a observé au Royaume-Uni que le risque de décéder d’une maladie cardiovasculaire était deux fois plus élevé chez les hommes de classe sociale inférieure comparativement à ceux des classes supérieures.  Les études réalisées depuis ce temps ont montré que ces différences de revenus sont associées à une hausse de la prévalence d’un grand nombre de maladies (Fig. 1D) et à une diminution importante de l’espérance de vie (Figure 1A). Aux États-Unis, la comparaison du 1 % de la population la moins riche au 1 % de la population la plus riche indique que cette différence de longévité est de l’ordre de 15 ans chez les hommes et de 10 ans chez les femmes. Cette différence peut être moins prononcée dans les pays ayant un meilleur filet social que les Américains (comme le Canada), mais demeure néanmoins importante : à Montréal, par exemple, l’espérance de vie de résidants de Hochelaga-Maisonneuve était de 74,2 ans en 2006-2008, comparativement à 85,0 ans pour les résidents de Saint-Laurent, un écart de près de 11 ans. (voir notre article sur le sujet).

Expériences négatives de l’enfance.  Les premières années de vie représentent une période d’extrême vulnérabilité à l’environnement extérieur, autant physique que social. Un des dangers associés aux périodes de confinement prolongé est d’exposer certains enfants vivant dans des conditions précaires à un risque accru de traumatismes. Il semble que ce soit malheureusement le cas pour l’épidémie de Covi-19, car des pédiatres américains ont récemment rapporté une hausse anormale d’enfants admis à l’hôpital pour des traumatismes physiques sévères.

Il s’agit d’une situation extrêmement inquiétante, car il a été clairement démontré que l’adversité sociale en bas âge est associée à une hausse du risque de plusieurs maladies, incluant les maladies cardiovasculaires, les AVC, les maladies respiratoires et le cancer (Fig. 1 F), de même qu’à une plus grande susceptibilité aux infections virales et à une mortalité prématurée (Fig. 1C). Ces impacts négatifs qui se produisent durant l’enfance semblent former une empreinte durable qui persiste tout au long de la vie, même lorsqu’il y a une amélioration des conditions de vie: par exemple, une étude réalisée auprès de médecins américains a rapporté que les sujets qui avaient vécu en bas âge dans une famille à statut socioéconomique faible avaient un risque deux fois plus élevé de maladies cardiovasculaires prématurées (avant 50 ans), et ce même s’ils étaient parvenus à atteindre un statut socioéconomique élevé à l’âge adulte.

Figure 1. Association entre l’adversité sociale et le risque de maladies et de mortalité prématurée.  (A) Espérance de vie à 40 ans pour les hommes et femmes américaines selon le revenu annuel. (B) Proportion des sujets en vie après un suivi de 9 ans en fonction de l’indice du réseau social (quantité et qualité des relations sociales) (n = 6298 personnes). (C) Age moyen au décès en fonction de nombre d’expériences négatives qui se sont produites durant l’enfance (n = 17,337 personnes). (D) Prévalence de diverse maladies chez les adultes Américains en fonction de leur revenu annuel (n = 242,501 personnes). (E) Risque de maladie selon le niveau d’intégration sociale chez les adultes Américains (n = 18,716 personnes) (F) Risque de maladie selon le nombre d’expériences négatives de l’enfance (n = 9508 personnes). Tiré de Snyder-Mackler et Coll. (2020).

Rôle du stress chronique

Plusieurs études indiquent que le stress joue un rôle important dans l’association entre l’adversité sociale et la hausse du risque de maladies et de mortalité prématurée.  Toutes les formes d’adversité sociale, qu’il s’agisse d’isolement social, d’une insuffisance de revenus pour combler les besoins ou les traumatismes infantiles sont perçus par le corps comme une forme d’agression et provoque de ce fait l’activation des mécanismes physiologiques impliqués dans la réponse au stress, comme la sécrétion de cortisol et d’adrénaline.  Par exemple, il a été montré que l’exposition à une forme d’adversité sociale était associée à des modifications épigénétiques (méthylation de l’ADN) qui modifient l’expression de certains gènes inflammatoires et impliqués dans la réponse au stress. Les études montrent également que les individus qui sont isolés socialement  tendent à adopter des comportements plus néfastes pour la santé (tabagisme, sédentarité, excès d’alcool, etc.), ce qui contribue évidemment à diminuer l’espérance de vie.