La marche associée à une réduction du risque de démence, de maladies cardiovasculaires et de cancer

La marche associée à une réduction du risque de démence, de maladies cardiovasculaires et de cancer

EN BREF

  • Les participants à une étude prospective qui marchaient davantage avaient un risque considérablement réduit de démence, de mortalité prématurée (toutes causes), de mortalité due à une maladie cardiovasculaire et d’incidence du cancer.
  • L’effet bénéfique optimal de la marche est obtenu à près de 10 000 pas/jour pour les risques de démence, de mort prématurée et de cancer.
  • Aussi peu que 3800 pas/jour sont associés à une diminution du risque de démence de 25 %, soit la moitié de l’effet maximal (50 %) obtenu à 9 800 pas/jour.
  • Une plus grande intensité (nombre de pas/minute) de la marche était associée à des effets favorables sur la mort prématurée et l’incidence de maladie cardiovasculaire et de cancer.

Plusieurs études publiées à ce jour suggèrent qu’augmenter le nombre de pas marchés quotidiennement est important pour prévenir le développement des maladies chroniques et la mort prématurée. On entend souvent dans les médias ou sur les réseaux sociaux que le nombre de 10 000 pas/jour est la cible à atteindre pour bénéficier d’un maximum de bienfaits pour la santé (voir notre article sur le sujet). Certaines études indiquent pourtant qu’à 6 000 à 8 000 pas/jour l’effet protecteur maximal est atteint et que faire davantage de pas ne fait pas diminuer significativement le risque de mortalité de toutes causes, par exemple. Il y a cependant relativement peu de données sur le sujet et les études publiées à ce jour ne distinguent pas les différents types de marches (vie quotidienne vs exercice) et se sont peu intéressées à l’importance relative de l’intensité ou cadence de la marche.

Une étude prospective a récemment examiné l’association dose-effet entre la quantité (nombre de pas/jour) ou l’intensité (cadence) de la marche et l’incidence de démence. L’étude d’une durée moyenne de 6,9 années a été réalisée auprès de 78 430 personnes âgées de 40 à 79 ans faisant partie de la cohorte UK Biobank. Les participants ont porté un accéléromètre autour de leur poignet dominant 24 h par jour, 7 jours par semaine durant au moins 3 jours consécutifs et n’avaient pas de maladie cardiovasculaire, cancer ou démence diagnostiqués au début de l’étude. À partir des données recueillies par l’accéléromètre, il a été possible de déterminer :

  • le nombre de pas total/jour ;
  • le nombre de pas reliés aux activités de la vie quotidienne (ex. : marcher d’une pièce à l’autre), défini comme moins de 40 pas/minute ;
  • le nombre de pas lors d’une activité physique intentionnelle, défini comme 40 pas ou plus par minutes (ex. : marche pour faire de l’exercice) ;
  • la cadence maximale sur 30 minutes (c.-à-d. le nombre moyen de pas par minute enregistrés pour les 30 minutes, pas nécessairement consécutives, où la cadence était maximale).

À la fin de l’étude, soit 6,9 années après le début de l’étude, 866 participants avaient développé une démence. Les résultats montrent une association non linéaire entre le nombre de pas total/jour et le risque de démence . Le risque de démence diminue avec le nombre de pas total/jour jusqu’à 51 % de diminution à 9 826 pas/jour. Un nombre de pas/jour de 3 826 est associé à une diminution du risque de démence de 25 %, soit la moitié de l’effet maximal.

Figure 1. Association dose-effet entre le nombre total de pas marchés quotidiennement et l’incidence de démence.Adapté de del Pozo Cruz et coll., 2022.

 

Pour le nombre de pas reliés à la vie quotidienne, la dose optimale était de 3 677 pas/jour, avec une diminution du risque de démence de 42 %. En ce qui concerne le nombre de pas intentionnels , la dose optimale était de 6 315 pas, avec une diminution du risque de démence de 57 %. Pour la cadence maximale sur 30 minutes, la dose optimale était de 112 pas/minute, avec une diminution du risque de démence de 62 %.

Associations avec le risque de mortalité, maladie cardiovasculaire et cancer
Dans une seconde publication réalisée par les mêmes chercheurs et auprès de la même cohorte de la UK Biobank citée plus haut, l’association dose-effet entre la quantité ou l’intensité de la marche et la mortalité prématurée, la mortalité due aux maladies cardiovasculaires et l’incidence de cancer ont été examinées. Durant les sept années de l’étude, 1325 participants sont morts à cause d’un cancer et 664 participants sont morts à cause d’une maladie cardiovasculaire.

Le risque de mortalité prématurée diminue avec l’augmentation du nombre de pas total/jour, jusqu’à approximativement 10 000 pas/jour . Pour chaque 2 000 pas supplémentaires, le risque de mort prématurée diminue de 8 % , 10 % et 11 % .

Figure 1. Association dose-effet entre le nombre total de pas marchés/jour et la mortalité toutes causes confondues (panneau A), la mortalité due aux maladies cardiovasculaires (panneau B) et l’incidence de 13 cancers connus pour leur association avec un faible niveau d’activité physique (panneau C). Adapté de del Pozo Cruz et coll., 2022.

 

Les forces de cette étude sont la très grande taille de la cohorte, l’utilisation de l’accélérométrie et d’algorithmes qui ont permis de distinguer les pas marchés d’autres activités ambulatoires (un problème dans certaines études antérieures). Parmi les limitations, il y a premièrement que ce type d’étude, de nature observationnelle, ne permet pas d’établir un lien de cause à effet. Deuxièmement, les données d’accélérométrie au début de l’étude n’ont été collectées qu’une seule fois et pourraient par conséquent ne pas refléter parfaitement les habitudes de marche des participants. Cependant, des mesures multiples réalisées 4 années après le début de l’étude indiquent qu’il y a peu de variations entre les données obtenues lors des différentes mesures. De plus, il subsiste un risque de causalité inverse, c.-à-d. que la maladie (démence, cardiovasculaire, cancer) pourrait être la cause d’un faible nombre de pas marchés, malgré certaines précautions prises par les chercheurs pour minimiser ce risque.

Les chercheurs sont d’avis que la partie droite des courbes dose-effet ne reflète pas une réelle baisse d’effet favorable de la marche après 10 000 pas, mais qu’elle est plutôt le reflet de la rareté des données de marche ou d’événements (diagnostics de démences, maladie cardiovasculaire, décès) pour ces peu nombreux grands marcheurs. De plus, il est possible que certains participants particulièrement soucieux de leur santé se soient fixé une cible (popularisée dans les médias) de 10 000 pas/jour, ce qui pourrait expliquer pourquoi l’effet optimal est observé à cette quantité de marche.

Marcher davantage et marcher plus vite sont associés à des bienfaits pour la santé et la longévité. Bien que l’effet optimal pour la santé semble atteint aux alentours de 10 000 pas/jour, il faut réaliser que marcher entre 5 000 et 8 000 pas/jour permet de bénéficier grandement des effets positifs associés à la marche. De plus, il n’y a pas de seuil minimal pour l’association bénéfique entre le nombre de pas total marchés quotidiennement et la mortalité et la morbidité. Par exemple, rappelons qu’aussi peu que 3800 pas/jour sont associés à une diminution du risque de démence équivalente à la moitié de l’effet maximal obtenu à approx. 10 000 pas/jour. Les futures recommandations pour la prévention de la démence, des maladies cardiovasculaires et du cancer pourraient tenir compte de ces nouvelles données et encourager la population à marcher davantage et à une plus vive allure, afin de bénéficier optimalement des bienfaits de la marche pour la santé.

Remplacer le tabac par la cigarette électronique réduit le risque d’accidents cardiovasculaires

Remplacer le tabac par la cigarette électronique réduit le risque d’accidents cardiovasculaires

Le tabagisme est chaque année directement responsable de 8 millions de morts dans le monde, principalement des suites du cancer (30 % de tous les cancers sont dus au tabac) et des maladies cardiovasculaires et respiratoires.  Il n’y a donc clairement rien de pire que la cigarette pour la santé et cesser de fumer demeure, et de très loin, la meilleure décision qu’une personne peut prendre pour diminuer son risque de mortalité prématurée.

Au cours des dernières années, la cigarette électronique s’est imposée comme une alternative valable à la cigarette de tabac pour réduire ces méfaits du tabagisme sur la santé. Cette approche est basée sur un concept relativement simple :  alors que la dépendance au tabac est due à la nicotine, ce sont plutôt les produits de combustion du tabac présents dans la fumée de cigarette qui sont responsables des problèmes de santé liés au tabagisme.  Si on peut assouvir les besoins d’un fumeur en nicotine, tout en éliminant l’exposition à la fumée de cigarette, on peut donc réduire substantiellement les dommages sur sa santé. C’est exactement ce que fait la cigarette électronique,  car ces dispositifs permettent l’inhalation de nicotine, mais sans les quelque 7000 composés chimiques présents dans la fumée de cigarette, et exposent donc les utilisateurs à des quantités beaucoup plus faibles de toxiques. Cette diminution marquée de molécules toxiques dans les aérosols de cigarettes électroniques a été confirmée par plusieurs organismes indépendants (Public Health England, National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine et Committee on Toxicity of Chemicals in Food, Consumer Products, and the Environment) et c’est pour cette raison que des organismes comme Public Health England ou encore en France l’Académie nationale de médecine recommandent fortement aux fumeurs de faire la transition vers le vapotage.

Bénéfices cardiovasculaires

Une étude récemment publiée dans Circulation, le journal phare de l’American Heart Association, est une bonne illustration de l’impact positif de cette approche de réduction des méfaits.

Dans cette étude longitudinale, environ 32,000 adultes américains ont été suivis pendant une période de 6 ans (2013-2019) pour évaluer le risque de maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC, insuffisance cardiaque) chez les fumeurs comparativement aux non-fumeurs, aux utilisateurs exclusifs de cigarettes électroniques ou aux doubles utilisateurs (tabac et cigarette électronique).

Les chercheurs ont tout d’abord observé, sans surprise, que les fumeurs présentaient un risque de maladie cardiaque beaucoup plus élevé (presque 2 fois) que les non-fumeurs (voir la Figure 1).

Figure 1. Hausse du risque de maladies cardiovasculaires chez les fumeurs, mais non chez les vapoteurs. Adapté de Berlowitz et Coll. (2022).

Cette augmentation n’est cependant pas observée pour les utilisateurs exclusifs de cigarette électronique (hausse de 15%, statistiquement non significative), en accord avec deux études récentes (ici et ici). Autrement dit, le lien très fort et bien documenté qui existe entre le tabagisme et les maladies cardiovasculaires n’est tout simplement pas observé pour le vapotage, ce qui confirme la toxicité beaucoup plus faible de ces dispositifs comparativement à la fumée de cigarette.  Il faut cependant mentionner que les doubles utilisateurs (qui fument et vapotent) ont un risque de maladies cardiovasculaires du même ordre que celui des fumeurs, ce qui indique que l’exposition résiduelle aux toxiques du tabac, même si elle est légèrement diminuée chez ces personnes, demeure toutefois nocive et suffisante pour endommager le cœur et les vaisseaux.

La supériorité de l’utilisation de la cigarette électronique est également mise en évidence lorsqu’on compare directement le risque d’accidents cardiovasculaires entre les fumeurs et les vapoteurs, avec une réduction d’environ 34 % du risque qui est observée chez les vapoteurs exclusifs (Figure 2).  Encore ici, les bénéfices apportés par la cigarette électronique sont complètement annulés chez les doubles utilisateurs et il semble donc clair que pour être réellement efficace en termes de réduction des méfaits, la cigarette électronique doit être un substitut au tabac et non simplement un complément, par exemple pour obtenir une dose de nicotine en cas d’impossibilité de fumer la cigarette.

Figure 2.  Diminution du risque de maladies cardiovasculaires chez les vapoteurs, mais non chez les doubles utilisateurs. Adapté de Berlowitz et Coll. (2022).

Ces résultats sont extrêmement importants, car même si on savait déjà que la cigarette électronique était plus sécuritaire que la cigarette de tabac, c’est la première fois qu’on parvient à quantifier la diminution du risque associée à la transition du tabac vers le vapotage exclusif.  Il va sans dire qu’une réduction du tiers du risque d’accidents cardiovasculaires a des implications majeures en termes de santé publique et devrait inciter les gouvernements à encourager les fumeurs à adopter le vapotage pour réduire leur risque de maladies chroniques et de mortalité prématurée.