Avoir un mode de vie sain pourrait ralentir le déclin de la mémoire

Avoir un mode de vie sain pourrait ralentir le déclin de la mémoire

Une bonne mémoire est essentielle pour bien fonctionner dans la vie quotidienne. En vieillissant, la plupart d’entre nous continueront d’avoir une bonne mémoire. Nos connaissances générales et nos compétences sont en général maintenues toute la vie et peuvent même s’améliorer à un âge avancé. Mais la mémoire des événements précis, qu’on appelle la mémoire épisodique, est plus sensible au vieillissement, ce qui peut diminuer la qualité de vie et la productivité au travail. Les pertes de mémoire qui surviennent chez les personnes âgées sont la plupart du temps bénignes, et peuvent être inversées ou stabilisées plutôt que de progresser vers un état pathologique. La prévention et le ralentissement du déclin de la mémoire lié au vieillissement sont donc très importants pour les personnes âgées.

Les études indiquent que plusieurs facteurs peuvent affecter la mémoire, incluant le processus de vieillissement, le génotype de l’apolipoprotéine E ε4 (APOE4), les maladies chroniques et les habitudes de vie. Les habitudes de vie étant un facteur modifiable, il a retenu l’attention des instances de santé publique puisque des changements relativement aisés à réaliser peuvent améliorer considérablement aussi bien la santé en général que la santé cognitive.

Une étude prospective de type longitudinale a récemment tenté de cerner quel est le mode de vie optimal qui protège les personnes âgées contre le déclin de la mémoire. L’étude a été réalisée auprès de participants de la cohorte China Cognition and Aging Study, âgés de 60 ans ou plus et provenant de 12 provinces de la Chine. Les 29 072 participants avaient un âge moyen de 72,2 ans lors du recrutement et ne présentaient pas de déficit cognitif léger ou de démence au début de l’étude d’une durée de 10 ans. Environ un cinquième (20,4 %) des participants étaient porteurs de l’allèle APOE4, un facteur de risque génétique pour la maladie d’Alzheimer et autres démences.

Les informations sur le mode de vie des participants ont été recueillies à l’aide de questionnaires détaillés, au début de l’étude et à d’autres occasions dans les années suivantes. Six facteurs modifiables du mode vie ont été évalués : exercice physique, régime alimentaire, consommation d’alcool, tabagisme, activité cognitive et contacts sociaux (voir Tableau 1).

Tableau 1. Critères retenus pour un mode de vie sain (Jia et coll., 2023)

FacteurParamètresCritère retenu pour un mode vie sain
Exercice physiqueFréquence, intensité, durée≥ 150 min d’exercice modéré ou ≥ 75 min d’exercice intense par semaine
Régime alimentaireConsommation de 12 types d’aliments (fruits, légumes, poissons, viande, produits laitiers, sel, huile, œufs, céréales, légumineuses, noix, thé)Consommation quotidienne d’au moins 7 des 12 types d’aliments
Consommation d’alcool• Non-buveur
• Consommation faible à élevée (1-60 gramme d’alcool par jour)
• Consommation excessive (> 60 g/jour)
Non-buveur
Tabagisme• Non-fumeur (<100 cigarettes à vie)
• Ex-fumeur (arrêt depuis ≥ 3 ans)
• Fumeur
Non-fumeur ou ex-fumeur
Activité cognitiveExemples : écriture, lecture, jeux de cartes, mah-jong et autres jeux.Participation à au moins 2 activités par semaine
Contacts sociauxExemples : réunions, fêtes, visites chez des amis ou des membres de la famille, voyages, conversation en ligne.Participation à au moins 2 activités par semaine

Les participants ont été catégorisés en trois groupes : « favorable » (4-6 facteurs d’un mode de vie sain), « moyen » (2-3 facteurs), ou « défavorable » (0-1 facteur). La mémoire épisodique verbale a été évaluée par le test Auditory Verbal Learning Test (AVLT), qui inclut des mesures de rappel libre immédiat, à très court terme (3 minutes), à long terme (30 minutes) et de reconnaissance à long terme (30 min).

Durant les dix années de l’étude, les participants du groupe au mode de vie favorable ont eu un déclin de la mémoire plus lent que ceux du groupe au mode de vie défavorable (0,028 points AVLT/année, 95% IC 0,023-0,032). Parmi les participants porteurs de l’allèle APOE4, ceux du groupe au mode de vie favorable ont aussi eu un déclin de la mémoire plus lent que ceux au mode de vie défavorable (0,027 point AVLT/année, 95% IC 0,023-0,031). Avoir un mode de vie sain serait donc un facteur qui peut aider à ralentir la perte de mémoire, aussi bien chez les porteurs de l’allèle APOE4 que chez les non-porteurs.

Contribution de chacun des facteurs
Les chercheurs ont aussi évalué la contribution de chacun des six facteurs associés à un mode de vie sain sur le déclin de la mémoire. Une alimentation saine est le facteur qui a eu le plus grand effet sur la mémoire (β=0,016, 95% IC 0,014-0,017), suivi par la pratique d’activités cognitives (β=0,010, 95% IC 0,008-0,012), l’exercice physique (β=0,007, 95% IC 0,005-0,009), les contacts sociaux (β=0,004, 95% IC 0,002-0,006), le tabagisme (β=0,004, 95% IC 0,000-0,008) et la consommation d’alcool (β=0,002, 95% IC 0,000-0,004).

Déclin cognitif et démence
En comparaison aux participants qui avaient un mode vie « défavorable », ceux qui avaient un mode de vie « favorable » étaient 89 % moins à risque de développer un déficit cognitif léger ou une démence. Pour les participants au mode de vie « moyen », le risque était 29 % moindre. Des résultats similaires ont été obtenus parmi les participants porteurs de l’allèle APOE4.

La nature de l’étude, observationnelle, ne permet pas d’établir de lien de cause à effet entre le mode de vie et le déclin de la mémoire. De plus, cette étude comporte certaines limites, car le mode de vie était évalué à partir de questionnaire d’autodéclaration. De plus, un biais de sélection ne peut pas être exclu puisque certains participants ont cessé de prendre part à l’étude au cours des 10 années de suivi. Néanmoins, c’est une étude de grande envergure et d’une durée relativement longue, ce qui a permis de bien évaluer certains aspects de la mémoire dans le temps. Les auteurs sont d’avis que les résultats de l’étude sont solides et qu’ils suggèrent fortement qu’adopter un mode de vie sain, incluant plusieurs comportements favorables, serait associé à un déclin plus lent de la mémoire, même chez les personnes qui sont génétiquement à risque de développer une démence ou un trouble cognitif majeur.

Les bienfaits d’une marche à l’extérieur sur le cerveau

Les bienfaits d’une marche à l’extérieur sur le cerveau

Les bienfaits de l’exercice sur la fonction cognitive sont bien connus et bien établis. Cependant, l’environnement dans lequel l’exercice est pratiqué pourrait jouer un rôle tout aussi important que l’exercice lui-même. Certaines études suggèrent que le simple fait de passer du temps dans la nature, en forêt ou dans un espace vert, aurait un effet bénéfique sur la cognition d’une ampleur similaire à celui procuré par l’exercice soutenu. Ces effets sont-ils additifs ? Autrement dit l’exercice pratiqué à l’extérieur pourrait-il être plus bénéfique pour la fonction cognitive que l’exercice pratiqué à l’intérieur, au gym ou à la maison ? C’est une question à laquelle des chercheurs canadiens ont tenté de répondre récemment dans une étude contrôlée.

Les chercheurs ont recruté 32 étudiants à l’Université de Victoria en Colombie-Britannique. Ce nombre de participants peut sembler peu élevé, mais il est suffisamment élevé pour assurer une bonne puissance statistique. On a demandé aux participants de ne pas faire d’exercice ou de consommer d’alcool 24 h avant le test, et de ne pas manger ou boire de café 2 h avant le test. Le jour 1, les participants ont complété un test standard de cognition (oddball task) sur un iPad en portant des capteurs sur la tête pour enregistrer un électroencéphalogramme (EEG). Ce test et l’enregistrement EEG ont été réalisés avant et après avoir fait 15 minutes d’exercice (marche) à l’intérieur ou à l’extérieur. Les participants qui ont marché à l’intérieur le jour 1 ont marché à l’extérieur le jour 2 (2-7 jours après le jour 1) et ceux qui ont marché à l’extérieur le jour 1 ont marché à l’intérieur le jour 2 (plan d’étude croisé).

Le temps de réaction mesuré par le test était en moyenne 7,7 millisecondes (ms) plus rapide après avoir marché 15 minutes à l’extérieur qu’avant (213,3 ms vs 221,0 ms). Par contre, les participants qui ont marché à l’intérieur ont eu un temps de réaction seulement 2 ms plus rapide en moyenne qu’avant d’avoir marché (218,1 ms vs 220,1 ms). L’analyse statistique des résultats indique que seule la différence du temps de réaction après avoir marché à l’extérieur est significative. En ce qui concerne le nombre d’erreurs commises durant le test, il n’y a pas eu de différence significative avant ou après avoir marché, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Les résultats des EEGs montrent que l’amplitude de l’onde P300 (activité du cerveau associée à la mémoire de travail et à l’attention) ne change pas significativement après avoir marché 15 min à l’intérieur (1,6 µV vs 1,5 µV), mais augmente significativement après avoir marché 15 min à l’extérieur (2,4 µV vs 1,4 µV). Cette augmentation de 71 % de l’amplitude de l’onde P300 est le reflet d’une amélioration de la cognition par l’exercice pratiqué à l’extérieur.

Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent qu’une marche légère de 15 minutes à l’extérieur aurait des effets bénéfiques sur le fonctionnement cognitif. Cette observation supporte l’idée que l’exposition en milieu naturel est bénéfique pour la santé cérébrale.  Dans un monde où les gens vivent de plus en plus en milieu urbain, on passe de moins en moins de temps à l’extérieur et faire de l’exercice à l’intérieur (gymnases, exerciseurs à la maison, etc.) est très populaire. Faire de l’exercice est bénéfique pour la santé cognitive, qu’il soit pratiqué à l’intérieur ou à l’extérieur, mais pourquoi ne pas le faire le plus souvent possible à l’extérieur, quand la météo le permet, et ainsi profiter au maximum des bienfaits pour la santé cognitive ?

Un régime alimentaire riche en flavonols est associé à un ralentissement du déclin cognitif

Un régime alimentaire riche en flavonols est associé à un ralentissement du déclin cognitif

EN BREF

  • Les participants à une étude qui avaient un apport alimentaire élevé en flavonols ont eu un déclin cognitif plus lent que ceux qui avaient un apport plus faible.
  • Un apport plus élevé en flavonols totaux était associé à un déclin significativement plus lent de la mémoire épisodique, de la mémoire sémantique, de la vitesse perceptuelle et de la mémoire de travail.
  • Parmi les flavonols considérés individuellement, le kaempférol et la quercétine étaient associés à un ralentissement du déclin cognitif, mais non pas la myricétine et l’isorhamnétine.

Les flavonoïdes sont des composés polyphénoliques retrouvés dans les plantes et en grande quantité dans les fruits et légumes tout particulièrement. Ces composés sont surtout connus pour leurs propriétés anti-inflammatoire et antioxydante. Les flavonoïdes ont été associés dans plusieurs études antérieures à un ralentissement du déclin cognitif lié au vieillissement et de la démence. Cependant, peu d’études ont tenté d’identifier quelles sous-classes de flavonoïdes ou quelles molécules individuelles sont les plus actives pour protéger la santé du cerveau. Une étude américaine publiée récemment apporte des éléments de réponse en ce sens, en évaluant l’effet de l’apport en flavonols totaux et flavonols individuels (kaempférol, quercétine, myricétine, isorhamnétine) sur la performance cognitive de personnes âgées.

L’étude a été menée auprès de 961 participants de la ville de Chicago aux États-Unis, âgés de 60 à 100 ans, qui faisaient partie de la cohorte « Rush Memory and Aging Project », et qui ont été suivis durant 6,9 années en moyenne. Les participants, dont l’âge moyen était de 81 ans au début de l’étude, étaient en majorité des femmes (75 %), de race blanche (98 %) et avaient en moyenne 15 années de scolarité. Le régime alimentaire des participants a été évalué en utilisant un questionnaire semi-quantitatif validé, et l’apport alimentaire en flavonols a été déduit à partir des données recueillies. Les performances cognitives des participants ont été évaluées annuellement avec une batterie de 19 tests standardisés.

Un apport alimentaire plus élevé en flavonols totaux et flavonols individuels était associé à une baisse du taux de déclin cognitif global et de plusieurs domaines cognitifs. Un apport plus élevé en flavonols totaux était associé à un déclin plus lent de la mémoire épisodique (souvenirs d’événements personnels), de la mémoire sémantique (mémoire des faits et des concepts), de la vitesse perceptuelle, de la mémoire de travail (mémoire à court terme), mais n’avait pas d’effet sur l’habileté de construction visuospatiale (compréhension et représentation de l’espace en 2 et 3 dimensions).

L’analyse des flavonols individuels indique que des apports plus élevés en kaempférol et en quercétine sont associés à un ralentissement du déclin cognitif. Par contre, la myricétine et l’isorhamnétine n’étaient pas associées à un effet sur le déclin cognitif global. Le kale (chou frisé), les haricots, le thé, les épinards et le brocoli étaient les aliments les plus riches en kaempférol parmi ceux consommés dans cette étude. Les tomates, le kale (chou frisé), les pommes et le thé étaient les aliments les plus riches en quercétine dans cette étude.

Les mécanismes sous-jacents à cette association favorable ne sont pas encore bien compris. Les auteurs de l’étude suggèrent que les propriétés anti-inflammatoires des flavonols pourraient diminuer l’amplitude ou la durée de la neuroinflammation. De plus, les propriétés antioxydantes des flavonols pourraient diminuer, voir prévenir, les dommages cellulaires causés par le stress oxydatif qui génère des dérivés réactifs de l’oxygène (radicaux libres, ions oxygénés, peroxydes).

Une étude antérieure du même groupe de chercheurs avait rapporté que les légumes à feuilles vertes (épinard, chou frisé, chou vert, laitue) et certains constituants dont le kaempférol était associé à un ralentissement du déclin cognitif global. Les auteurs ont conclu que « la consommation d’environ une portion par jour de légumes à feuilles vertes et d’aliments riches en phylloquinone, lutéine, nitrate, folate, α-tocophérol et kaempférol peut aider à ralentir le déclin cognitif avec l’âge. »

Le rôle protecteur de certains flavonols sur la cognition a été démontré dans des modèles animaux. Ainsi, la supplémentation en quercétine améliore la mémoire et l’apprentissage de souris transgéniques utilisées comme modèle animal de la maladie d’Alzheimer. Dans une autre étude, le kaempférol et la myricétine ont amélioré la mémoire et l’apprentissage et réduit le stress oxydatif chez des souris utilisées comme modèle de la maladie d’Alzheimer.

Le design prospectif de l’étude américaine ne permet pas d’établir de lien de causalité entre l’apport alimentaire en flavonols et la cognition. Des essais cliniques randomisés permettraient de confirmer le rôle des flavonols sur les performances cognitives et à plus long terme la prévention du déclin cognitif associé à l’âge. Ce type d’étude permettrait aussi de préciser la relation dose-réponse pour une santé cérébrale optimale. Quoiqu’il en soit, l’étude comporte aussi plusieurs points forts : grand nombre de participants, durée de l’étude, mesure robuste de la cognition par les 19 tests cognitifs, questionnaires validés. Les résultats ont été ajustés pour minimiser les facteurs de confusion résiduels, puisqu’il est possible qu’un apport alimentaire plus élevé en flavonols soit un effet indirect d’une alimentation plus saine. Parmi les limites de cette étude, il y a : l’apport alimentaire auto-rapporté est sujet au biais de rappel ; à cause de leur âge avancé, les participants ont un risque d’atteinte cognitive légère qui pourrait causer des erreurs lorsqu’ils ont répondu aux questionnaires sur l’alimentation ; il subsiste une possibilité de causalité inverse (le déclin cognitif pourrait avoir modifié les habitudes alimentaires des participants). Selon les auteurs, des analyses supplémentaires (analyses de sensibilité) indiquent cependant que la causalité inverse est peu probable.

Les résultats de cette étude suggèrent que la consommation de fruits et légumes (particulièrement les légumes à feuilles vertes) chez les personnes âgées pourrait non seulement les aider à maintenir une bonne santé en général, mais en plus à retarder ou prévenir le déclin cognitif. Toutefois, d’autres études devront être menées pour confirmer et mieux comprendre comment les flavonols ralentissent le déclin cognitif et celui de la mémoire.

Marcher en forêt a des impacts positifs sur le cerveau

Marcher en forêt a des impacts positifs sur le cerveau

Une multitude d’études ont montré que l’interaction des humains avec la nature génère plusieurs effets positifs sur la santé, autant du point de vue physique que psychologique. Une revue de ces études, récemment réalisée par notre équipe, a révélé que ces effets bénéfiques sont particulièrement convaincants en ce qui concerne la diminution du stress et de l’anxiété qui découle d’une interaction avec un milieu naturel.

Diminution de l’activité de l’amygdale

Pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans cette réduction du stress médiée par la nature, une équipe de chercheurs allemands s’est intéressée à la participation potentielle de l’amygdale, une région du cerveau qui joue un rôle prédominant dans la réponse au stress.

Dans cette étude, les chercheurs ont recruté 63 participants qu’ils ont répartis au hasard en deux groupes : 1) un groupe « ville », dans lequel les volontaires (31 participants) devaient marcher pendant une heure en milieu urbain (une rue commerciale de Berlin) et 2) un groupe « nature », dans lequel les volontaires (32 participants) devaient aussi marcher pendant une heure, mais cette fois dans la nature (la forêt de Grunewald, située au sud-ouest de Berlin).

En mesurant l’activité de l’amygdale de l’ensemble des participants à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), avant et après le trajet qui leur avait été assigné, les chercheurs ont observé des différences majeures entre les deux groupes : alors que la marche en milieu urbain n’a eu aucun effet mesurable, la marche en forêt a quant à elle provoqué une baisse importante (environ 50 %) de l’activité de l’amygdale des participants.  De plus, cet effet était observé de façon équivalente quand les participants étaient exposés à des visages neutres ou à des visages exprimant la peur, supposés induire une réponse de stress supérieure.  Il semble donc que le simple fait d’interagir avec la nature pendant une courte période de temps est suffisant pour influencer positivement le centre cérébral impliqué dans le stress.

Même s’il est à ce stade prématuré de conclure que cette diminution de l’activité de l’amygdale est responsable à elle seule des propriétés apaisantes de la nature, ces résultats demeurent néanmoins fort intéressants, car ils montrent pour la première fois que l’interaction avec la nature a des effets positifs mesurables sur l’activité de certaines zones du cerveau, notamment dans une zone impliquée dans la réponse au stress.

La marche associée à une réduction du risque de démence, de maladies cardiovasculaires et de cancer

La marche associée à une réduction du risque de démence, de maladies cardiovasculaires et de cancer

EN BREF

  • Les participants à une étude prospective qui marchaient davantage avaient un risque considérablement réduit de démence, de mortalité prématurée (toutes causes), de mortalité due à une maladie cardiovasculaire et d’incidence du cancer.
  • L’effet bénéfique optimal de la marche est obtenu à près de 10 000 pas/jour pour les risques de démence, de mort prématurée et de cancer.
  • Aussi peu que 3800 pas/jour sont associés à une diminution du risque de démence de 25 %, soit la moitié de l’effet maximal (50 %) obtenu à 9 800 pas/jour.
  • Une plus grande intensité (nombre de pas/minute) de la marche était associée à des effets favorables sur la mort prématurée et l’incidence de maladie cardiovasculaire et de cancer.

Plusieurs études publiées à ce jour suggèrent qu’augmenter le nombre de pas marchés quotidiennement est important pour prévenir le développement des maladies chroniques et la mort prématurée. On entend souvent dans les médias ou sur les réseaux sociaux que le nombre de 10 000 pas/jour est la cible à atteindre pour bénéficier d’un maximum de bienfaits pour la santé (voir notre article sur le sujet). Certaines études indiquent pourtant qu’à 6 000 à 8 000 pas/jour l’effet protecteur maximal est atteint et que faire davantage de pas ne fait pas diminuer significativement le risque de mortalité de toutes causes, par exemple. Il y a cependant relativement peu de données sur le sujet et les études publiées à ce jour ne distinguent pas les différents types de marches (vie quotidienne vs exercice) et se sont peu intéressées à l’importance relative de l’intensité ou cadence de la marche.

Une étude prospective a récemment examiné l’association dose-effet entre la quantité (nombre de pas/jour) ou l’intensité (cadence) de la marche et l’incidence de démence. L’étude d’une durée moyenne de 6,9 années a été réalisée auprès de 78 430 personnes âgées de 40 à 79 ans faisant partie de la cohorte UK Biobank. Les participants ont porté un accéléromètre autour de leur poignet dominant 24 h par jour, 7 jours par semaine durant au moins 3 jours consécutifs et n’avaient pas de maladie cardiovasculaire, cancer ou démence diagnostiqués au début de l’étude. À partir des données recueillies par l’accéléromètre, il a été possible de déterminer :

  • le nombre de pas total/jour ;
  • le nombre de pas reliés aux activités de la vie quotidienne (ex. : marcher d’une pièce à l’autre), défini comme moins de 40 pas/minute ;
  • le nombre de pas lors d’une activité physique intentionnelle, défini comme 40 pas ou plus par minutes (ex. : marche pour faire de l’exercice) ;
  • la cadence maximale sur 30 minutes (c.-à-d. le nombre moyen de pas par minute enregistrés pour les 30 minutes, pas nécessairement consécutives, où la cadence était maximale).

À la fin de l’étude, soit 6,9 années après le début de l’étude, 866 participants avaient développé une démence. Les résultats montrent une association non linéaire entre le nombre de pas total/jour et le risque de démence . Le risque de démence diminue avec le nombre de pas total/jour jusqu’à 51 % de diminution à 9 826 pas/jour. Un nombre de pas/jour de 3 826 est associé à une diminution du risque de démence de 25 %, soit la moitié de l’effet maximal.

Figure 1. Association dose-effet entre le nombre total de pas marchés quotidiennement et l’incidence de démence.Adapté de del Pozo Cruz et coll., 2022.

 

Pour le nombre de pas reliés à la vie quotidienne, la dose optimale était de 3 677 pas/jour, avec une diminution du risque de démence de 42 %. En ce qui concerne le nombre de pas intentionnels , la dose optimale était de 6 315 pas, avec une diminution du risque de démence de 57 %. Pour la cadence maximale sur 30 minutes, la dose optimale était de 112 pas/minute, avec une diminution du risque de démence de 62 %.

Associations avec le risque de mortalité, maladie cardiovasculaire et cancer
Dans une seconde publication réalisée par les mêmes chercheurs et auprès de la même cohorte de la UK Biobank citée plus haut, l’association dose-effet entre la quantité ou l’intensité de la marche et la mortalité prématurée, la mortalité due aux maladies cardiovasculaires et l’incidence de cancer ont été examinées. Durant les sept années de l’étude, 1325 participants sont morts à cause d’un cancer et 664 participants sont morts à cause d’une maladie cardiovasculaire.

Le risque de mortalité prématurée diminue avec l’augmentation du nombre de pas total/jour, jusqu’à approximativement 10 000 pas/jour . Pour chaque 2 000 pas supplémentaires, le risque de mort prématurée diminue de 8 % , 10 % et 11 % .

Figure 1. Association dose-effet entre le nombre total de pas marchés/jour et la mortalité toutes causes confondues (panneau A), la mortalité due aux maladies cardiovasculaires (panneau B) et l’incidence de 13 cancers connus pour leur association avec un faible niveau d’activité physique (panneau C). Adapté de del Pozo Cruz et coll., 2022.

 

Les forces de cette étude sont la très grande taille de la cohorte, l’utilisation de l’accélérométrie et d’algorithmes qui ont permis de distinguer les pas marchés d’autres activités ambulatoires (un problème dans certaines études antérieures). Parmi les limitations, il y a premièrement que ce type d’étude, de nature observationnelle, ne permet pas d’établir un lien de cause à effet. Deuxièmement, les données d’accélérométrie au début de l’étude n’ont été collectées qu’une seule fois et pourraient par conséquent ne pas refléter parfaitement les habitudes de marche des participants. Cependant, des mesures multiples réalisées 4 années après le début de l’étude indiquent qu’il y a peu de variations entre les données obtenues lors des différentes mesures. De plus, il subsiste un risque de causalité inverse, c.-à-d. que la maladie (démence, cardiovasculaire, cancer) pourrait être la cause d’un faible nombre de pas marchés, malgré certaines précautions prises par les chercheurs pour minimiser ce risque.

Les chercheurs sont d’avis que la partie droite des courbes dose-effet ne reflète pas une réelle baisse d’effet favorable de la marche après 10 000 pas, mais qu’elle est plutôt le reflet de la rareté des données de marche ou d’événements (diagnostics de démences, maladie cardiovasculaire, décès) pour ces peu nombreux grands marcheurs. De plus, il est possible que certains participants particulièrement soucieux de leur santé se soient fixé une cible (popularisée dans les médias) de 10 000 pas/jour, ce qui pourrait expliquer pourquoi l’effet optimal est observé à cette quantité de marche.

Marcher davantage et marcher plus vite sont associés à des bienfaits pour la santé et la longévité. Bien que l’effet optimal pour la santé semble atteint aux alentours de 10 000 pas/jour, il faut réaliser que marcher entre 5 000 et 8 000 pas/jour permet de bénéficier grandement des effets positifs associés à la marche. De plus, il n’y a pas de seuil minimal pour l’association bénéfique entre le nombre de pas total marchés quotidiennement et la mortalité et la morbidité. Par exemple, rappelons qu’aussi peu que 3800 pas/jour sont associés à une diminution du risque de démence équivalente à la moitié de l’effet maximal obtenu à approx. 10 000 pas/jour. Les futures recommandations pour la prévention de la démence, des maladies cardiovasculaires et du cancer pourraient tenir compte de ces nouvelles données et encourager la population à marcher davantage et à une plus vive allure, afin de bénéficier optimalement des bienfaits de la marche pour la santé.