Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Remplacer le tabac par la cigarette électronique réduit le risque d’accidents cardiovasculaires

Le tabagisme est chaque année directement responsable de 8 millions de morts dans le monde, principalement des suites du cancer (30 % de tous les cancers sont dus au tabac) et des maladies cardiovasculaires et respiratoires.  Il n’y a donc clairement rien de pire que la cigarette pour la santé et cesser de fumer demeure, et de très loin, la meilleure décision qu’une personne peut prendre pour diminuer son risque de mortalité prématurée.

Au cours des dernières années, la cigarette électronique s’est imposée comme une alternative valable à la cigarette de tabac pour réduire ces méfaits du tabagisme sur la santé. Cette approche est basée sur un concept relativement simple :  alors que la dépendance au tabac est due à la nicotine, ce sont plutôt les produits de combustion du tabac présents dans la fumée de cigarette qui sont responsables des problèmes de santé liés au tabagisme.  Si on peut assouvir les besoins d’un fumeur en nicotine, tout en éliminant l’exposition à la fumée de cigarette, on peut donc réduire substantiellement les dommages sur sa santé. C’est exactement ce que fait la cigarette électronique,  car ces dispositifs permettent l’inhalation de nicotine, mais sans les quelque 7000 composés chimiques présents dans la fumée de cigarette, et exposent donc les utilisateurs à des quantités beaucoup plus faibles de toxiques. Cette diminution marquée de molécules toxiques dans les aérosols de cigarettes électroniques a été confirmée par plusieurs organismes indépendants (Public Health England, National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine et Committee on Toxicity of Chemicals in Food, Consumer Products, and the Environment) et c’est pour cette raison que des organismes comme Public Health England ou encore en France l’Académie nationale de médecine recommandent fortement aux fumeurs de faire la transition vers le vapotage.

Bénéfices cardiovasculaires

Une étude récemment publiée dans Circulation, le journal phare de l’American Heart Association, est une bonne illustration de l’impact positif de cette approche de réduction des méfaits.

Dans cette étude longitudinale, environ 32,000 adultes américains ont été suivis pendant une période de 6 ans (2013-2019) pour évaluer le risque de maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC, insuffisance cardiaque) chez les fumeurs comparativement aux non-fumeurs, aux utilisateurs exclusifs de cigarettes électroniques ou aux doubles utilisateurs (tabac et cigarette électronique).

Les chercheurs ont tout d’abord observé, sans surprise, que les fumeurs présentaient un risque de maladie cardiaque beaucoup plus élevé (presque 2 fois) que les non-fumeurs (voir la Figure 1).

Figure 1. Hausse du risque de maladies cardiovasculaires chez les fumeurs, mais non chez les vapoteurs. Adapté de Berlowitz et Coll. (2022).

Cette augmentation n’est cependant pas observée pour les utilisateurs exclusifs de cigarette électronique (hausse de 15%, statistiquement non significative), en accord avec deux études récentes (ici et ici). Autrement dit, le lien très fort et bien documenté qui existe entre le tabagisme et les maladies cardiovasculaires n’est tout simplement pas observé pour le vapotage, ce qui confirme la toxicité beaucoup plus faible de ces dispositifs comparativement à la fumée de cigarette.  Il faut cependant mentionner que les doubles utilisateurs (qui fument et vapotent) ont un risque de maladies cardiovasculaires du même ordre que celui des fumeurs, ce qui indique que l’exposition résiduelle aux toxiques du tabac, même si elle est légèrement diminuée chez ces personnes, demeure toutefois nocive et suffisante pour endommager le cœur et les vaisseaux.

La supériorité de l’utilisation de la cigarette électronique est également mise en évidence lorsqu’on compare directement le risque d’accidents cardiovasculaires entre les fumeurs et les vapoteurs, avec une réduction d’environ 34 % du risque qui est observée chez les vapoteurs exclusifs (Figure 2).  Encore ici, les bénéfices apportés par la cigarette électronique sont complètement annulés chez les doubles utilisateurs et il semble donc clair que pour être réellement efficace en termes de réduction des méfaits, la cigarette électronique doit être un substitut au tabac et non simplement un complément, par exemple pour obtenir une dose de nicotine en cas d’impossibilité de fumer la cigarette.

Figure 2.  Diminution du risque de maladies cardiovasculaires chez les vapoteurs, mais non chez les doubles utilisateurs. Adapté de Berlowitz et Coll. (2022).

Ces résultats sont extrêmement importants, car même si on savait déjà que la cigarette électronique était plus sécuritaire que la cigarette de tabac, c’est la première fois qu’on parvient à quantifier la diminution du risque associée à la transition du tabac vers le vapotage exclusif.  Il va sans dire qu’une réduction du tiers du risque d’accidents cardiovasculaires a des implications majeures en termes de santé publique et devrait inciter les gouvernements à encourager les fumeurs à adopter le vapotage pour réduire leur risque de maladies chroniques et de mortalité prématurée. 

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