Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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14 juin 2023
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Les habitudes de vie sont la clé pour améliorer l’espérance de vie en bonne santé

Le développement de nombreux antibiotiques, vaccins, médicaments, interventions chirurgicales et autres prouesses médicales qui ont marqué le dernier siècle a permis de permis de réduire le fardeau imposé par plusieurs maladies (en particulier les maladies infectieuses) et d’augmenter considérablement l’espérance de vie.  Au Canada, par exemple, tout comme dans l’ensemble des pays industrialisés, l’espérance de vie d’un enfant qui naît aujourd’hui est d’environ 80 ans, soit presque le double qu’il y a 150 ans.

Cette augmentation spectaculaire de l’espérance de vie masque toutefois une réalité plus sombre : nous vivons sans doute plus longtemps, mais une proportion importante de ces années supplémentaires sont souvent marquées par la maladie, la souffrance et la perte d’autonomie. Au Canada et au Québec, par exemple, la forte incidence de plusieurs des maladies chroniques qui surviennent au cours du vieillissement (maladies cardiovasculaires, diabète, cancer et démences, en particulier) fait en sorte qu’une personne perdra presque dix années de vie en bonne santé, soit un peu plus de 12 % de son existence totale si elle atteint 80 ans (Figure 1). Il va sans dire que la diminution de la qualité de vie causée par ces années en mauvaise santé réduit considérablement les bénéfices que pourrait procurer une vie plus longue.

Figure 1. Espérance de vie à la naissance et espérance de vie en bonne santé mesurées au Canada et au Québec. Les données proviennent de Statisque Canada (2022) (espérance de vie) et de Statistique Canada (2019) (espérance de vie en santé).

Espérance de vie en bonne santé

En termes de vieillissement, l’objectif primordial ne devrait donc pas être seulement de vivre plus longtemps, mais surtout d’améliorer la qualité de ces années de vies supplémentaires en retardant le plus longtemps possible l’apparition des maladies chroniques (voir notre article à ce sujet).

Selon une étude récente, l’adoption d’une série de mesures qui permettent d’optimiser la santé cardiovasculaires serait un excellent moyen d’y arriver.  Dans cette étude, réalisée auprès de 135 199 participants de la UK Biobank study, les chercheurs ont examiné l’association entre le niveau de santé cardiovasculaire, mesuré en utilisant le score Life’s essential 8 (LE8) qui combine 8 paramètres reconnus pour optimiser la santé cardiovasculaire (Figure 2), et l’espérance de vie an absence des quatre principales maladies chroniques liées au vieillissement, soit les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer et les démences.

Figure 2.  Les 8 paramètres essentiels pour optimiser la santé cardiovasculaire, tels que définis par l’American Heart Association. Notez que pour l’alimentation, l’AHA préconise un apport élevé en végétaux, une consommation modérée de viandes maigres, un apport réduit en sodium ainsi qu’en sucres ajoutés et farines raffinées, ce qui correspond en gros à l’alimentation DASH.

Cette approche a permis de classifier la population à l’étude en 3 grandes catégories selon leurs niveaux de santé cardiovasculaire : 1) Niveau faible (score LE8< 50/100); 2) Niveau modéré (score LE8 entre 50 et 80/100) et 3) Niveau élevé (score LE8 > 80/100). En examinant l’espérance de vie à 50 ans qui correspond à chacune de ces catégories, les chercheurs ont tout d’abord constaté qu’une meilleure santé cardiovasculaire était associée à une augmentation significative de l’espérance de vie totale, celle-ci passant d’environ 86 ans à 92 ans (Figure 3).  Cependant, le point le plus intéressant de l’étude est que ces années de vie supplémentaires sont principalement en absence de maladies chroniques, avec un gain moyen d’environ 10 années de vie en bonne santé chez les personnes ayant les meilleurs niveaux de santé cardiovasculaire (Figure 3).

Figure 3.  Espérance de vie à 50 ans en fonction du niveau de santé cardiovasculaire. Notez l’augmentation des années de vie en bonne santé (bleu foncé) et la diminution de celles avec maladies chroniques (bleu pâle) chez la population ayant les niveaux les plus élevés de santé cardiovasculaire. Adapté de Wang  et coll. (2023).

En d’autres mots, une bonne santé cardiovasculaire augmente non seulement l’espérance de vie, mais réduit simultanément le nombre de ces années supplémentaires vécues avec une ou des maladies chroniques. Un phénomène similaire est observé chez les personnes ayant un statut socioéconomique défavorable, un important facteur de risque de mortalité prématurée (voir notre article à ce sujet). Améliorer la santé cardiovasculaire des populations défavorisées pourrait donc représenter une façon concrète de diminuer les inégalités de santé et de longévité dans notre société.

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