Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Les meilleurs types d’alimentation pour prévenir les maladies cardiovasculaires

Bien qu’il est clairement établi depuis plusieurs années que la nature de l’alimentation exerce une énorme influence sur la santé cardiovasculaire, il existe encore énormément de confusion sur les meilleures façons de s’alimenter pour optimiser cet impact positif et réduire le risque d’infarctus du myocarde et d’AVC. Comme nous l’avons mentionné auparavant, l’origine de cette confusion provient en majeure partie de visions diamétralement opposées du rôle des sucres et des gras dans la progression de l’athérosclérose et de l’émergence des maladies cardiovasculaires. Cette controverse a mené au développement d’un grand nombre de régimes alimentaires qui restreignent plus ou moins sévèrement l’apport en un ou l’autre de ces nutriments, et même, dans certains cas, excluent totalement certains aliments.  L’apparition d’un nombre impressionnant de livres, de sites internet ou d’articles vantant (ou dénigrant) certains de ces régimes fait donc en sorte que la population est littéralement bombardée d’informations contradictoires et qu’il peut en conséquence devenir difficile de s’y retrouver.

Simplicité au menu

Pourtant, l’examen attentif des résultats des études qui se sont penchées sur le lien entre l’alimentation et la santé cardiovasculaire montre que bien manger est quelque chose de beaucoup plus simple qu’on pense. Chaque 5 ans, une mise à jour des dernières recherches réalisée par un groupe d’experts du USDA permet d’établir les aliments et les modes d’alimentation les plus susceptibles de favoriser la santé (la dernière version, parue en 2021, peut être consultée ici) et cette synthèse est utilisée par l’American Heart Association (AHA) pour établir une liste de recommandations nutritionnelles destinées plus spécifiquement à l’amélioration de la santé cardiovasculaire (Tableau 1). Ce qui frappe de ces recommandations, c’est leur grande simplicité : en gros, beaucoup de végétaux (fruits, légumes, légumineuses, noix), un apport modéré en aliments d’origine animale (principalement poisson, volailles et produits laitiers allégés) et peu d’aliments transformés contenant des farines raffinées, des sucres ajoutés ou du sel. Ces recommandations laissent donc énormément de latitude pour manger sainement, sans avoir pour autant  à adopter les comportements extrêmes suggérés par certains régimes.

Tableau 1. Recommandations nutritionnelles de l’AHA pour optimiser la santé cardiovasculaire. Adapté de Gardner et coll. (2023). Notez que le tableau omet une autre recommandation de l’AHA, soit d’adapter l’apport en nourriture pour correspondre aux besoins énergétiques et éviter le surpoids, puisque l’apport calorique total est une variable qui est largement indépendante du type de régime alimentaire adopté.

Comparaison des régimes alimentaires

Ceci est particulièrement bien illustré par une étude récente qui a examiné le degré de conformité aux recommandations de base de l’AHA de 10 régimes alimentaires qui sont actuellement en vogue (Tableau 2).  Bien que ces régimes aient tous en commun de restreindre l’apport en sucres ajoutés et en aliments transformés, ils diffèrent parfois énormément selon la place qu’ils font à certains aliments.  Selon leur degré de restriction ou d’exclusion de certains aliments, on peut classer ces régimes en 3 grandes catégories :

Tableau 2.  Principales caractéristiques des régimes alimentaires analysés dans l’étude.

  • Les régimes peu restrictifs : Les régimes méditerranéen et DASH (Dietary Approach to Stop Hypertension) peuvent être considérés comme des régimes alimentaires très peu restrictifs, qui incluent une grande variété d’aliments d’origine végétale et certains produits d’origine animale (volaille, poisson).
  • Les régimes moyennement restrictifs : Bien qu’ils excluent tous les viandes rouges et la volaille, les régimes végétariens sont plus ou moins restrictifs selon qu’ils permettent un apport en poissons (pesco-végétarien), en produits laitiers (lacto), en œufs (ovo) ou les deux (ovo-lacto). Les régimes faible en glucides (low-carb) et faibles en gras (low-fat) peuvent eux aussi être considérés moyennement restrictifs, dans la mesure où ils restreignent l’apport en certains aliments riches en un ou l’autre de ces nutriments (par exemple, restriction de céréales pour le low-carb et de noix et d’huiles végétales pour le low-fat).
  • Les régimes très restrictifs : On trouve dans cette catégorie les modes d’alimentation végane (aucun produit d’origine animale), très faible en gras (<10% des calories, la plupart du temps combiné avec une alimentation végane), ainsi que les régimes cétogène (très faible en glucides) et paléolithique (aucun aliment développé après le passage des chasseurs-cueilleurs vers l’agriculture au Néolithique).

Le degré de conformité de ces régimes aux différentes recommandations de l’AHA a été évalué par un groupe d’experts pour déterminer lesquels d’entre eux représentaient les meilleures modes d’alimentation pour favoriser la santé cardiovasculaire. Tel qu’indiqué au Tableau 3, cette analyse a révélé des différences significatives entre les régimes et permis d’identifier les premiers de classe et les cancres parmi ceux-ci.

Tableau 3. Degré de conformité de différents régimes alimentaires aux recommandations nutritionnelles de l’American Heart Association. * Les sources de protéines considérées adéquates par l’AHA  sont une prédominance de protéines végétales (légumineuses, noix), un apport en poissons/crustacés (pour les oméga-3), les produits laitiers réduits en gras au lieu des produits entiers et les viandes maigres au lien des coupes grasses.** Chez certaines personnes, jusqu’à 30 % des repas sont pris à l’extérieur de la maison.

  • Mention « excellente » (scores de 86-100): Le régime DASH (et ses variantes Nordique et Baltique) se classe bon premier pour sa parfaite adhérence aux recommandations de l’AHA.  Initialement développé contre l’hypertension, ce mode d’alimentation a des impacts positifs additionnels en raison de son contenu en glucides complexes, en protéines et en gras de qualité (principalement de source végétale). Les régimes méditerranéens et végétariens (pesco et ovo/lacto) obtiennent eux aussi d’excellents scores, en accord avec les nombreuses études qui ont montré un impact positif de ces régimes sur la santé cardiovasculaire.
  • Mention « bien » (scores de 78) : Les régimes végane et faible en gras possèdent plusieurs qualités, mais reçoivent une note inférieure aux précédents en raison du plus faible apport en bons gras insaturés. Ces régimes plus restrictifs sont également moins faciles à respecter à l’extérieur de la maison et font souvent une place plus importante aux produits transformés (voir notre article à ce sujet).
  • Mention « passable » (scores 64-72) : Les problèmes des régimes végane et faible en gras sont encore plus accentués pour les régimes très faibles en gras, notamment en ce qui a trait à un apport adéquat en gras insaturés de qualité (noix, graines, huiles végétales). Il faut néanmoins mentionner que si ces régimes très restrictifs semblent moins recommandables à la population en général que les meilleurs régimes mentionnés plus tôt, plusieurs études ont montré qu’ils peuvent améliorer la santé de patients ayant des antécédents d’accidents cardiovasculaires lorsque combiné à un programme intensif d’exercice et de gestion du stress (voir notre article à ce sujet).
  • Mention « échec » (scores 31-53) : Selon cette analyse, les régimes paléo et kéto arrivent loin derrière en termes de conformité aux recommandations de l’AHA. Le régime kéto fait à cet égard particulièrement piètre figure, notamment en raison de l’exclusion quasi complète des sources de glucides complexes (fruits et légumes, céréales complètes, légumineuses) qui jouent des rôles essentiels dans le maintien de la santé cardiovasculaire (voir notre article à ce sujet).  Un apport élevé en gras préconisé par ce régime est également associé à un apport plus élevé en énergie (et donc un risque de surpoids), ainsi qu’à une hausse marquée du cholestérol-LDL et du risque d’accidents cardiovasculaires.

Globalement, ces résultats montrent que les principes de base d’une alimentation optimale la santé cardiovasculaire sont très simples : il s’agit de privilégier un apport régulier en végétaux (fruits, légumes, légumineuses) et en grains entiers, de choisir préférentiellement les poissons/crustacés et les volailles comme sources de protéines animales et de minimiser l’apport en aliments transformés, qui contiennent la plupart du temps trop de sucres ajoutés, de sel et de gras saturés.  Adopter des régimes beaucoup plus restrictifs qui restreignent sévèrement le gras ou le sucre ou encore qui éliminent complètement certaines classes d’aliments n’est donc absolument pas nécessaire, et peut même s’avérer néfaste pour la santé du coeur.

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