Remplacer le tabac par la cigarette électronique réduit le risque d’accidents cardiovasculaires

Remplacer le tabac par la cigarette électronique réduit le risque d’accidents cardiovasculaires

Le tabagisme est chaque année directement responsable de 8 millions de morts dans le monde, principalement des suites du cancer (30 % de tous les cancers sont dus au tabac) et des maladies cardiovasculaires et respiratoires.  Il n’y a donc clairement rien de pire que la cigarette pour la santé et cesser de fumer demeure, et de très loin, la meilleure décision qu’une personne peut prendre pour diminuer son risque de mortalité prématurée.

Au cours des dernières années, la cigarette électronique s’est imposée comme une alternative valable à la cigarette de tabac pour réduire ces méfaits du tabagisme sur la santé. Cette approche est basée sur un concept relativement simple :  alors que la dépendance au tabac est due à la nicotine, ce sont plutôt les produits de combustion du tabac présents dans la fumée de cigarette qui sont responsables des problèmes de santé liés au tabagisme.  Si on peut assouvir les besoins d’un fumeur en nicotine, tout en éliminant l’exposition à la fumée de cigarette, on peut donc réduire substantiellement les dommages sur sa santé. C’est exactement ce que fait la cigarette électronique,  car ces dispositifs permettent l’inhalation de nicotine, mais sans les quelque 7000 composés chimiques présents dans la fumée de cigarette, et exposent donc les utilisateurs à des quantités beaucoup plus faibles de toxiques. Cette diminution marquée de molécules toxiques dans les aérosols de cigarettes électroniques a été confirmée par plusieurs organismes indépendants (Public Health England, National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine et Committee on Toxicity of Chemicals in Food, Consumer Products, and the Environment) et c’est pour cette raison que des organismes comme Public Health England ou encore en France l’Académie nationale de médecine recommandent fortement aux fumeurs de faire la transition vers le vapotage.

Bénéfices cardiovasculaires

Une étude récemment publiée dans Circulation, le journal phare de l’American Heart Association, est une bonne illustration de l’impact positif de cette approche de réduction des méfaits.

Dans cette étude longitudinale, environ 32,000 adultes américains ont été suivis pendant une période de 6 ans (2013-2019) pour évaluer le risque de maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC, insuffisance cardiaque) chez les fumeurs comparativement aux non-fumeurs, aux utilisateurs exclusifs de cigarettes électroniques ou aux doubles utilisateurs (tabac et cigarette électronique).

Les chercheurs ont tout d’abord observé, sans surprise, que les fumeurs présentaient un risque de maladie cardiaque beaucoup plus élevé (presque 2 fois) que les non-fumeurs (voir la Figure 1).

Figure 1. Hausse du risque de maladies cardiovasculaires chez les fumeurs, mais non chez les vapoteurs. Adapté de Berlowitz et Coll. (2022).

Cette augmentation n’est cependant pas observée pour les utilisateurs exclusifs de cigarette électronique (hausse de 15%, statistiquement non significative), en accord avec deux études récentes (ici et ici). Autrement dit, le lien très fort et bien documenté qui existe entre le tabagisme et les maladies cardiovasculaires n’est tout simplement pas observé pour le vapotage, ce qui confirme la toxicité beaucoup plus faible de ces dispositifs comparativement à la fumée de cigarette.  Il faut cependant mentionner que les doubles utilisateurs (qui fument et vapotent) ont un risque de maladies cardiovasculaires du même ordre que celui des fumeurs, ce qui indique que l’exposition résiduelle aux toxiques du tabac, même si elle est légèrement diminuée chez ces personnes, demeure toutefois nocive et suffisante pour endommager le cœur et les vaisseaux.

La supériorité de l’utilisation de la cigarette électronique est également mise en évidence lorsqu’on compare directement le risque d’accidents cardiovasculaires entre les fumeurs et les vapoteurs, avec une réduction d’environ 34 % du risque qui est observée chez les vapoteurs exclusifs (Figure 2).  Encore ici, les bénéfices apportés par la cigarette électronique sont complètement annulés chez les doubles utilisateurs et il semble donc clair que pour être réellement efficace en termes de réduction des méfaits, la cigarette électronique doit être un substitut au tabac et non simplement un complément, par exemple pour obtenir une dose de nicotine en cas d’impossibilité de fumer la cigarette.

Figure 2.  Diminution du risque de maladies cardiovasculaires chez les vapoteurs, mais non chez les doubles utilisateurs. Adapté de Berlowitz et Coll. (2022).

Ces résultats sont extrêmement importants, car même si on savait déjà que la cigarette électronique était plus sécuritaire que la cigarette de tabac, c’est la première fois qu’on parvient à quantifier la diminution du risque associée à la transition du tabac vers le vapotage exclusif.  Il va sans dire qu’une réduction du tiers du risque d’accidents cardiovasculaires a des implications majeures en termes de santé publique et devrait inciter les gouvernements à encourager les fumeurs à adopter le vapotage pour réduire leur risque de maladies chroniques et de mortalité prématurée.

Trouver le juste équilibre entre les risques et les bénéfices associés à la cigarette électronique

Trouver le juste équilibre entre les risques et les bénéfices associés à la cigarette électronique

EN BREF   Un groupe d’éminents chefs de file de la lutte antitabac a récemment lancé un appel pour que le vapotage soit adopté plus largement afin de réduire le nombre de décès dus au tabagisme. Dans ce rapport sans précédent, 15 anciens présidents de la Société américaine pour la recherche sur la nicotine et le tabac (SRNT), la plus grande association d’experts sur la nicotine et le tabac,  exhortent les législateurs à reconnaître les cigarettes électroniques comme une alternative plus sûre aux cigarettes combustibles qui pourraient sauver des millions de vies. Comme le mentionnent les auteurs, l’image publique du vapotage a été empoisonnée par des intérêts puissants qui exagèrent les risques des cigarettes électroniques pour les jeunes et ignorent largement les avantages potentiels du vapotage pour les adultes fumeurs. Nous publions ici une traduction de cet article, qui représente à notre avis la meilleure synthèse des produits alternatifs à la nicotine et de leurs rôles dans la réduction des méfaits liés au tabagisme parue à ce jour.

Trouver le juste équilibre entre les risques et les bénéfices associés à la cigarette électronique. David J. K. Balfour, DSc, Neal L. Benowitz, MD, Suzanne M. Colby, PhD, Dorothy K. Hatsukami, PhD, Harry A. Lando, PhD, Scott J. Leischow, PhD, Caryn Lerman, PhD, Robin J. Mermelstein, PhD, Raymond Niaura, PhD, Kenneth A. Perkins, PhD, Ovide F. Pomerleau, PhD, Nancy A. Rigotti, MD, Gary E. Swan, PhD, Kenneth E. Warner, PhD, and Robert West, PhD.

Traduction de : Balfour DJK et coll. Balancing Consideration of the Risks and Benefits of E-Cigarettes  Am J Public Health. Sep;111(9):1661-1672. https://doi.org/10.2105/AJPH.2021.306416

La cigarette électronique est un sujet controversé. Les opposants insistent sur les risques de son utilisation chez les jeunes, tandis que ses partisans mettent l’accent sur son utilité pour aider les fumeurs à cesser de fumer. La plupart des organisations de santé, des médias et des décideurs américains se sont principalement concentrés sur les risques qu’elle représente pour les jeunes. Cette emphase sur les risques explique  pourquoi la majorité des gens, y compris une grande partie des fumeurs, considère aujourd’hui que l’utilisation de la cigarette électronique est aussi dangereuse, sinon plus, que le tabagisme. En revanche, une analyse de la National Academies of Science, Engineering, and Medicine conclut que la cigarette électronique est probablement beaucoup moins nocive que le tabac. Les politiques visant à réduire le vapotage chez les adolescents pourraient aussi diminuer l’utilisation de la cigarette électronique chez les fumeurs adultes qui tentent de cesser de fumer. Étant donné que des données probantes indiquent que l’usage de la cigarette électronique peut augmenter les chances de cesser de fumer, de nombreux scientifiques, dont les auteurs de cet essai, encouragent la communauté de la santé, les médias et les décideurs à évaluer plus attentivement le potentiel du vapotage pour réduire la mortalité attribuable au tabagisme chez les adultes. Dans l’optique de trouver un équilibre entre les préoccupations légitimes au sujet des risques pour les jeunes et les avantages potentiels de l’augmentation du renoncement au tabac chez les adultes, nous passons ici en revue les risques pour la santé liés à la cigarette électronique, la probabilité que le vapotage puisse favoriser l’abandon du tabac et les préoccupations concernant le vapotage chez les jeunes.

 

L’utilisation de la cigarette électronique contenant de la nicotine a provoqué des divisions au sein de la communauté antitabac, avec certains qui sont de farouches opposants à ces dispositifs, tandis que d’autres en sont des partisans enthousiastes. Les opposants à la cigarette électronique soulignent que le vapotage peut entraîner une dépendance à la nicotine chez les jeunes et qu’en faisant de certains d’entre eux des fumeurs dépendants, son utilisation risque de « renormaliser » le tabagisme. Ils s’appuient aussi sur des recherches qui suggèrent que la nicotine pourrait nuire au développement du cerveau des adolescents. Certains considèrent que les risques du vapotage sur la santé sont importants et d’autres se demandent même si le vapotage ne nuirait pas au sevrage tabagique1. En revanche, les défenseurs de la cigarette électronique soulignent que le vapotage aide les fumeurs à se sevrer du tabac et qu’il représente beaucoup moins de risques que le tabagisme pour la santé des utilisateurs. Ils soulignent également le fait que le tabagisme juvénile a diminué drastiquement pendant que le vapotage gagnait en popularité2.

Aux États-Unis, la plupart des agences gouvernementales de santé3-6  ainsi que les organisations non gouvernementales  médicales7-8 et de santé 9-12 mettent l’emphase sur les risques du vapotage pour les jeunes. Les déclarations de ces organisations, leur influence sur les décideurs et la couverture médiatique de ce sujet ont eu un impact majeur sur l’opinion publique en ce qui a trait au vapotage.  Une étude portant sur les articles publiés par les médias américains sur les cigarettes électroniques a révélé qu’entre 2015 et 2018, 70 % de ces articles mentionnaient les risques du vapotage chez les jeunes, tandis que seulement 37,3 % rapportaient les bénéfices potentiels du vapotage pour les fumeurs adultes13. De plus, lors d’une enquête nationale menée en 2019, près de la moitié des répondants considéraient que la nicotine vaporisée était tout aussi nocive ou plus nocive que la cigarette. Seulement un huitième des répondants considérait le vapotage moins nocif (le reste des participants ayant répondu « Je ne sais pas. »14). Pourtant, la US National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine15 et le British Royal College of Physicians16 ont conclu que le vapotage est probablement beaucoup moins dangereux que fumer la cigarette.

La perception inexacte du public par rapport à la nocivité du vapotage s’est aggravée en 2019 suite à l’apparition d’une maladie pulmonaire aiguë, associée au vapotage, nommée EVALI (en anglais « E-cigarette or Vaping use-Associated Lung Injury qui a causé 68 décès17 et fait l’objet d’une intense couverture médiatique. Plusieurs villes et états américains ont rapidement interdit la vente de cigarettes électroniques aromatisées dans les commerces de détail et en ligne18. Cependant, au début de l’année 2020, il a été démontré que la maladie était causée par l’acétate de vitamine E, un adultérant qu’on retrouve dans les dispositifs de vapotage illicites de tétrahydrocannabinol (THC) et qui produit des lésions pulmonaires chez les animaux19-21. Un petit pourcentage des patients atteints d’EVALI ont déclaré vapoter exclusivement de la nicotine, mais ils se trouvaient dans des États où le THC est illégal et la plupart n’ont reçu aucun test toxicologique pouvant nous éclairer sur les causes de leur maladie22. De plus, une fois que les effets nocifs de l’acétate de vitamine E ont été rendus publics et que le THC frelaté a été retiré du marché, l’incidence de nouveaux cas d’EVALI a chuté précipitamment. Malgré tout, après la fin de l’épidémie, les deux tiers des personnes interrogées dans un sondage associaient les décès dus aux maladies pulmonaires à l’utilisation de « cigarettes électroniques comme la JUUL » et seulement 28% des répondants les rattachaient à la consommation de « marijuana ou de cigarettes THC »23.

Si les scientifiques sont en désaccord quant aux risques et aux avantages relatifs à la nicotine vaporisée1,2,24,25, plusieurs – y compris les auteurs de cet article – croient que, dans la mesure où le vapotage permet de favoriser la désaccoutumance au tabac, la cigarette électronique peut être bénéfique pour la santé publique. Notre objectif est d’encourager une réflexion plus nuancée au sujet du vapotage, que ce soit dans les milieux de la santé publique, des médias ou de la politique.

Cet article touchera les sujets suivants:

  • Les risques du vapotage pour la santé,
  • La probabilité que la cigarette électronique augmente la cessation du tabac,
  • Les inquiétudes vis-à-vis le vapotage chez les jeunes,
  • La nécessité de trouver un équilibre entre les risques du vapotage pour les jeunes et ses bénéfices potentiels pour les fumeurs adultes.

LES RISQUES DU VAPOTAGE POUR LA SANTÉ

Selon le National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, « les tests de laboratoire sur les ingrédients des cigarettes électroniques, les tests toxicologiques in vitro ainsi que les études à court terme sur les êtres humains suggèrent que les cigarettes électroniques sont susceptibles d’être beaucoup moins nocives que la cigarette traditionnelle15». Le British Royal College of Physicians a également conclu que « le vapotage n’est pas entièrement sans risque, mais est beaucoup moins nocif que le tabac fumé16».

Il existe relativement peu de données cliniques et épidémiologiques de qualité concernant les effets du vapotage sur la santé. Puisque la cigarette électronique est récente et que les produits de vapotage ont évolué très rapidement, il n’y a pas encore de données sur les effets à long terme de leur utilisation sur la santé. Il est également difficile d’observer les effets du vapotage à court terme, car la plupart des adultes qui y ont recours sont pour la plupart d’anciens ou d’actuels fumeurs de tabac.

Certaines études observent que le vapotage pourrait aggraver l’asthme, la bronchite et la toux et ce, y compris chez les jeunes non-fumeurs26-27. Cependant, d’autres études ont révélé que les fumeurs souffrant d’asthme ou de maladies pulmonaires obstructives chroniques constatent une amélioration de leurs symptômes après avoir opté pour la cigarette électronique28-29. Des études randomisées de substitution (de la cigarette à la cigarette électronique) ont aussi noté une amélioration des symptômes respiratoires3031.

Des études en laboratoire ont rapporté que les aérosols de cigarette électronique pourraient être potentiellement néfastes sur les cellules et les animaux2627. Il est toutefois difficile d’extrapoler le résultat de ces tests d’exposition aux humains26.  Les études expérimentales chez l’homme se sont concentrées sur les effets aigus du vapotage33, qui ne permettent pas nécessairement de prédire le risque de maladie future. Par exemple, la cigarette électronique altère gravement la fonction endothéliale, un phénomène impliqué dans le développement des maladies cardiovasculaires, mais lorsque les fumeurs remplacent la cigarette par la cigarette électronique, la fonction endothéliale est plutôt normalisée 3435. Une étude récente n’a décelé aucune différence dans les biomarqueurs du stress inflammatoire et oxydatif entre les utilisateurs exclusifs de la cigarette électronique et les personnes qui ne vapotaient ni ne fumaient la cigarette36.

Il existe peu d’éléments suggérant que la cigarette électronique puisse poser un risque de cancer15. Par contre, certaines études soulèvent certaines préoccupations qui justifient un suivi à long terme des vapoteurs3738.

De nombreux scientifiques ont conclu que le vapotage était fort probablement beaucoup moins dangereux que le tabagisme pour les raisons suivantes 1516:

  • Le nombre de produits chimiques contenus dans la fumée de cigarette, supérieur à 700039, dépasse celui contenu dans l’aérosol de la cigarette électronique par 2 ordres de grandeur4041.
  • Les deux produits détiennent certaines substances toxiques en commun, mais on retrouve généralement celles-ci en beaucoup plus grande quantité dans la fumée de cigarette que dans l’aérosol de cigarette électronique4244. Cependant, l’aérosol de la cigarette électronique contient certaines substances qui ne se trouvent pas dans la fumée de cigarette45.
  • Les biomarqueurs révélant l’exposition aux substances toxiques sont beaucoup plus élevés chez les fumeurs exclusifs que chez les vapoteurs exclusifs. Des études faites sur les fumeurs qui remplacent la cigarette par la cigarette électronique démontrent une diminution de l’exposition à ces substances toxiques31,46-50.
  • Des tests de la fonction pulmonaire et vasculaire indiquent une amélioration chez les fumeurs qui passent à la cigarette électronique2829, 34. Les personnes utilisant exclusivement la cigarette électronique – d’anciens fumeurs pour la plupart – signalent moins de symptômes respiratoires que les fumeurs de tabac ou les personnes alternant entre la cigarette et la cigarette électronique51.

Il n’en demeure pas moins que certaines questions au sujet de la cigarette électronique demeurent sans réponse52. Les recherches en cours permettront de mieux comprendre les risques liés au vapotage pour la santé.

LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE ET LA CESSATION DU TABAC

Bien que les preuves ne soient pas définitives, il existe plusieurs raisons de penser que la cigarette électronique favorise l’abandon du tabac chez les fumeurs5354.

Essais randomisés

Lors d’un essai clinique contrôlé randomisé sur l’abandon du tabac réalisé en Angleterre55, les fumeurs ayant utilisé la cigarette électronique ont été deux fois plus nombreux à réussir leur sevrage tabagique après un an (18%) que les fumeurs ayant reçu un traitement standard de remplacement de la nicotine (9.9%), et ce, malgré le fait que les deux groupes aient suivi une thérapie cognitivo-comportementale. Bien que 80% des personnes ayant réussi à arrêter de fumer continuaient à vapoter, elles n’étaient plus exposées aux risques associés au tabagisme, qui sont beaucoup plus dangereux.

Une étude réalisée en Nouvelle-Zélande a révélé qu’après six mois, l’utilisation du timbre de nicotine en plus de la cigarette électronique contenant de la nicotine était la méthode la plus efficace pour cesser de fumer. Cette combinaison fonctionnait mieux que le timbre de nicotine accompagné d’une cigarette électronique sans nicotine ou bien que le timbre utilisé seul. Ainsi, en plus d’aider à cesser de fumer lorsqu’elle est utilisée seule, la cigarette électronique à base de nicotine peut accroitre l’efficacité des substituts nicotiniques déjà offerts aux fumeurs56.

En s’appuyant sur les résultats de 26 essais contrôlés randomisés, le Cochrane Review a récemment conclu qu’ « il existe des preuves d’une certitude modérée que les CE contenant de la nicotine augmentent le taux d’abandon de la cigarette par rapport aux CE sans nicotine ou aux autres traitements de remplacement de la nicotine »53. Une autre méta-analyse a tiré des conclusions similaires à celle-ci, bien que plus prudentes57. Cela dit, la US Preventive Service Task Force, une organisation qui émet des recommandations au sujet des traitements de sevrage tabagique, ne trouve pas que les études qui ont été menées en ce sens représentent des preuves suffisantes58. En conséquence, et pour certaines raisons mentionnées dans la Cochrane review, d’autres essais cliniques de qualité sont requis.

Il convient d’ajouter qu’aucun fabricant de cigarettes électroniques n’a fait de démarche pour que leurs produits soient approuvés médicalement en tant qu’aide au sevrage tabagique. Cela s’explique probablement par le fait que la cigarette électronique comme produit de consommation est suffisamment rentable pour les fabricants, sans nécessiter une application médicale.

Études populationnelles

Dans l’ensemble, les résultats des études démographiques sont en accord avec le quasi-doublement de réussite du sevrage tabagique constaté dans les essais contrôlés randomisés et avec le fait que la cigarette électronique est le moyen le plus utilisé par les fumeurs lorsqu’ils décident d’arrêter de fumer59. Quatre études6063 ont remarqué une augmentation de réussite du sevrage tabagique (10% à 15%), attribuables selon les auteurs au vapotage. Une étude menée par le Centers for Disease Control and Prevention rapporte qu’en 2018, 15,1% de fumeurs avaient cessé de fumer pendant 6 mois ou plus en utilisant la cigarette électronique contre 3,3% pour ceux qui avaient utilisé d’autres produits de substitution du tabac et 6,6% pour ceux n’ayant pas eu recours à des produits de substitution nicotinique64. Une autre étude a rapporté un taux presque deux fois plus élevé de cessation tabagique auto-déclaré chez les utilisateurs de la cigarette électronique ou de la varénicline par rapport aux autres fumeurs qui n’ont pas eu recours à ces produits65. Les simulations qui ont été faites à partir de ces études démographiques montrent généralement que le vapotage favorise le sevrage tabagique et permet ainsi d’éviter un nombre important de décès prématurés6669.

D’autres chercheurs ont observé que seule l’utilisation régulière et fréquente de la cigarette électronique est associée à une augmentation du sevrage tabagique7075. Ce résultat pourrait réfléter un biais de sélection, c’est-à-dire que les vapoteurs réguliers aiment probalement plus la cigarette électronique et sont plus motivés à cesser de fumer, tandis que les vapoteurs occasionnels sont plutôt des fumeurs qui utilisent la cigarette électronique comme source temporaire de nicotine là où il est interdit de fumer 7376.

D’autres chercheurs ont rapporté un taux de cessation du tabac réduit chez les fumeurs qui vapotent7778, mais un bon nombre d’entre eux n’ont pas pris en compte la fréquence du vapotage qui, comme nous venons de l’expliquer, peut entrainer un biais de sélection. Il en va de même pour les études qui incluaient les vapoteurs qui fumaient également la cigarette tandis qu’elles excluaient ceux ayant réussi à arrêter totalement de fumer53,78. Une méta-analyse souvent citée par les opposants à la cigarette électronique affirme que la chance d’arrêter de fumer pour les vapoteurs est 28% inférieure à celles des fumeurs qui quittent sans l’aide de la cigarette électronique77. Cette analyse combinait des essais cliniques, des études de cohorte et des analyses transversales, ce qui est méthodologiquement inapproprié dans le cadre de méta-analyses79. Il est possible que les biais présents dans les études individuelles soient aggravés dans une méta-analyse, ce qui augmente les chances de résultats incorrects76.

Les ventes de cigarettes  

Depuis des années, la vente de cigarettes aux États-Unis a diminué de 2 à 3% par an. Dernièrement, alors que la vente de produits de vapotage augmentait, celle des cigarettes a décliné beaucoup plus rapidement. Inversement, à la suite de l’épidémie d’EVALI et des restrictions sur les ventes de cigarettes électroniques, les ventes de ces dernières ont chuté tandis que celles des cigarettes de tabac ont retrouvé leur niveau d’antan, avant l’arrivée de la cigarette électronique 80. Des études observant une élasticité de la demande entre les cigarettes et les cigarettes électroniques suggèrent que ces produits se substituent l’un à l’autre8182.

L’hypothèse d’une relation causale inversée entre le vapotage et le tabagisme est renforcée par des données provenant de pays où on a observé une baisse surprenante des ventes de cigarettes qui coïncidait avec une hausse des ventes d’un nouveau produit à base de nicotine, les produits du tabac chauffés (en anglais, HTP pour Heated Tobacco Products). Comme la cigarette électronique, les HTP exposent les usagers à des niveaux de substances toxiques inférieurs à ceux de la cigarette83. Au Japon, par exemple, l’adoption des HTP entre 2015 et 2019 s’est accompagnée d’une diminution du tiers des ventes de cigarettes84. On remarque que dans les deux cas – les HTP au Japon et les cigarettes électroniques aux États-Unis –les ventes de cigarettes diminuaient à mesure que les ventes de produits moins risqués  augmentaient.

Conséquences involontaires des politiques restreignant le vapotage

Des études ont montré que les politiques visant à restreindre l’usage de la cigarette électronique ont eu comme conséquence involontaire d’augmenter le tabagisme. Une étude a entre autres associé une taxe sur les cigarettes électroniques instaurée au Minnesota à une hausse du tabagisme et une baisse du sevrage tabagique. Il est estimé que  taxer les cigarettes électroniques au même taux que la cigarette de tabac pourrait dissuader 2,75 millions de fumeurs de cesser de fumer sur une période de 10 ans85. De plus, deux autres études ont révélé que les politiques imposées par l’État visant à restreindre l’accès des mineurs aux cigarettes électroniques étaient associées à un taux de tabagisme plus élevé chez les adolescents8687.

Implications

Bien qu’elle ne soit pas encore définitive, l’ensemble des preuves indique que le vapotage fréquent favorise le sevrage tabagique chez les adultes. Les fumeurs incapables d’arrêter de fumer avec les méthodes de sevrage traditionnelles88gagneraient donc à être bien informés des risques relatifs que représentent respectivement le vapotage et le tabagisme sur la santé et du potentiel offert par le vapotage pour cesser de fumer.  Il est particulièrement important de comprendre que même si les conséquences à long terme du vapotage sur la santé sont inconnues, le fait de remplacer complètement le tabac par la cigarette électronique diminue probablement les risques pour la santé15 , possiblement de façon substantielle. Cependant, l’usage alterné de la cigarette et de la cigarette électronique n’aura pas un effet bénéfique comparable88. Exceptionnellement, une période d’« usage double » peut être nécessaire afin d’aider certains fumeurs à faire une transition en douceur. Puisque  le vapotage présente lui aussi certains risques inhérents, le meilleur conseil est d’éventuellement cesser de vapoter .

LES INQUIÉTUDES VIS-À-VIS LE VAPOTAGE CHEZ LES JEUNES

Les principales objections au vapotage concernent 3 principaux effets chez les jeunes :

  •  L’utilisation de la cigarette électronique pourrait créer une dépendance à la nicotine chez des jeunes qui n’auraient jamais essayé de fumer la cigarette.
  • L’utilisation de la cigarette électronique pourrait amener certains jeunes à fumer la cigarette, ce qui risquerait de « renormaliser » le tabagisme.
  • La nicotine pourrait nuire au développement du cerveau et le vapotage de nicotine pourrait avoir d’autres effets néfastes sur la santé.

 

Le vapotage comme cause de dépendance à la nicotine

 Il est possible que l’utilisation de la cigarette électronique rende certains jeunes dépendants à la nicotine. Cependant, les chiffres démontrent que cette possibilité ne concerne qu’un petit nombre d’entre eux89. Une étude menée par Jarvis et al. conclut que « les données ne corroborent pas les allégations d’une nouvelle épidémie de dépendance à la nicotine qui proviendrait de l’utilisation de la cigarette électronique90 ». Jackson et al. ont également rapporté que l’augmentation de l’usage de la cigarette électronique contenant de la nicotine chez les élèves du secondaire n’est pas associée à une augmentation de la dépendance au niveau de la population89 . Parmi les jeunes n’ayant jamais fumé, en plus de la faible prévalence du vapotage (9,1% d’usagers au cours des 30 derniers jours en 2020) et la fréquence assez basse de son usage (2,3% d’usagers de plus de 20 jours au cours des 30 derniers jours)91, seul un petit pourcentage de ces jeunes présentait des signes de dépendance à la nicotine90.

Le vapotage régulier est beaucoup plus commun chez les jeunes qui fument le tabac ou qui fumaient par le passé que chez ceux n’ayant jamais fumé90. Plusieurs ex-fumeurs étaient donc déjà dépendants à la nicotine avant de commencer à vapoter. Aussi, avec la diminution du tabagisme chez les jeunes du secondaire qui s’est accélérée depuis que les jeunes ont commencé à utiliser la cigarette électronique9293, certains utilisent peut-être le vapotage pour réduire leur consommation de cigarette ou encore pour cesser de fumer.

Néanmoins, puisque le vapotage peut créer une dépendance chez les jeunes n’ayant jamais fumé auparavant, des efforts concertés doivent être mis en œuvre afin de réduire l’utilisation de la cigarette électronique chez ce groupe démographique. Le nouvel âge minimum de 21 ans pour acheter des produits du tabac devrait en ce sens aider 94. Des agences gouvernementales3,95 et des organisations bénévoles1296 informent aussi activement les jeunes sur les risques du vapotage par le biais de sites web, des médias sociaux et de campagnes télévisées. Il existe également certains groupes bénévoles qui font pression sur le Congrès et sur les gouvernements des États afin que ceux-ci adoptent davantage de lois restreignant aux jeunes l’accès aux cigarettes électroniques.

Les mesures récentes se sont concentrées sur la restriction de la disponibilité des saveurs de vapotage97, qui représenteraient un des principaux attrait pour les jeunes98101.  Bien que l’interdiction des saveurs pourrait réduire l’intérêt des jeunes pour la cigarette électronique, cette décision aurait également comme effet de nuire aux fumeurs adultes souhaitant cesser de fumer102104. Effectivement, tout comme les jeunes, les adultes préfèrent les saveurs de liquides qui n’imitent pas l’arôme du tabac105 et les deux groupes d’âge privilégient les saveurs fruitées et sucrées106107.

Les politiques concernant les saveurs illustrent parfaitement la question plus générale examinée dans cet article : la nécessité de créer un équilibre entre les objectifs parfois conflictuels de prévention du vapotage chez les jeunes et de soutien aux tentatives de sevrage tabagique des adultes, en particulier pour les fumeurs incapables ou ne voulant pas arrêter par d’autres moyens108.

Le vapotage comme cause du tabagisme

Des études prospectives ont révélé que les jeunes qui vapotaient mais n’avaient jamais fumé étaient plus susceptibles d’essayer la cigarette que leurs homologues qui n’avait jamais vapoté ou fumé15,109-113. C’est pourquoi certains observateurs considèrent le vapotage comme une voie d’accès au tabagisme114-115.

D’autres observateurs pensent plutôt que cette relation entre le vapotage et l’initiation au tabagisme reflète une « responsabilité commune »116. Les jeunes qui vapotent sont généralement plus enclins à adopter des comportements à risque117 et pourraient donc être plus susceptibles d’essayer de fumer, même sans cigarette électronique118121. Trois études récentes ont conclu que le vapotage détournerait plus de jeunes du tabagisme qu’il en encouragerait à fumer122-124. À l’inverse, certaines études prospectives ont trouvé que la relation vapotage-tabac était la plus forte chez les jeunes à faible risque de fumer125-127.  

Plusieurs autres corrélations, bien qu’évidentes, ne sont souvent pas prises en compte par ces études128. Il est important de noter que peu d’études incluent la consommation par les jeunes d’autres substances psychoactives, y compris la marijuana et l’alcool. Dans une étude, le lien statistiquement significatif entre le vapotage et l’initiation au tabagisme est éliminé si on inclut dans l’analyse le cannabis et trois autres variables 126-127. De plus, la plupart des études ne tiennent même pas compte de l’utilisation antérieure par les participants de produits du tabac autres que la cigarette. Lorsque ces facteurs confondants sont pris en compte dans les analyses, la relation entre le vapotage et l’essai éventuel de la cigarette est considérablement atténuée129.

Le nombre de cigarettes fumées lors du suivi des études est fréquemment très bas, soit une ou deux cigarettes au cours des 12 derniers mois 130. De plus, les études prospectives n’ont généralement pas examiné la transition vers le tabagisme quotidien, à l’exception d’une étude récente131. Seule une faible proportion de ceux qui essaient la cigarette deviennent des fumeurs réguliers. Par exemple, si Kim and Selvya ont observé que l’utilisation de la cigarette électronique était associée à l’essai de la cigarette, le vapotage n’était cependant pas associé à une consommation régulière et continue de tabac 119. Par contre,  Pierce et al. ont récemment conclu le contraire131. Pour leur part, Shabab et al. rapportent que moins de 1% des étudiants américains ayant commencé à consommer de la nicotine ou du tabac avec des cigarettes électroniques étaient des fumeurs réguliers de cigarettes132.

Si le vapotage mène donc certains jeunes à essayer la cigarette, son impact global doit être très faible. Une étude récente68estime que si le vapotage augmentait par 3,5 les chances que les jeunes non-fumeurs essaient la cigarette (tel que rapporté par Sineju et al.)109, l’initiation au tabac chez les jeunes augmenterait de moins de 1%. En outre, les données de sondages américains démontrent que le tabagisme a diminué à un rythme plus rapide depuis l’avènement du vapotage92,93,133. Si le vapotage menait au tabagisme, il faudrait donc que d’autres facteurs inconnus fassent contrepoids à ce phénomène.

La nicotine nuirait au développement du cerveau

Des études faites sur des modèles animaux ont démontré que la nicotine pouvait affecter le développement des parties du cerveau associées à la fonction exécutive et à la prise de décision, pouvant engendrer un comportement plus impulsif, des déficits cognitifs ainsi qu’une propension à l’auto-médicamentation134-135. Des changements neurologiques attribués à la nicotine ont également été observés sur le cerveau de fumeurs adolescents, ce qui selon certains pourraient refléter l’existence d’effets néfastes similaires à ceux observés chez les modèles animaux136-137.

Ces études amènent certains chercheurs à soupçonner que la consommation de nicotine, peu importe sa forme, pourrait entraîner à long terme des modifications structurelles et fonctionnelles sur le cerveau et les implications négatives pour la cognition ou le contrôle de l’impulsivité qui leur sont associées138. Par contre, étant donné les multiples différences entre les modèles animaux et les humains, de même que l’incertitude quant à la pertinence des doses de nicotine utilisées sur les animaux en termes d’utilisation humaine, la validité d’une extrapolation de ces résultats aux humains demeure spéculative. Il est difficile de déterminer si l’altération du développement cérébral et ses conséquences comportementales sur les jeunes consommateurs sont uniquement liées à la consommation de nicotine ou à d’autres facteurs de risques associés au tabagisme chez les jeunes, tels que les facteurs génétiques et socioéconomiques, la présence d’une polyconsommation et les problèmes neuropsychiatriques préexistants. De plus, la recherche n’est pas encore parvenue à examiner isolément  la consommation de nicotine à l’adolescence et d’en déterminer les séquelles ultérieures. Néanmoins, les inquiétudes concernant les effets d’une exposition à la nicotine provenant des cigarettes électroniques sur la fonction cérébrale méritent un examen plus approfondi98.

Contextualisation du vapotage chez les jeunes

Est-ce que le vapotage amène l’ensemble des jeunes à être exposé à un niveau plus dangereux de nicotine qu’ils ne l’auraient été en l’absence de la cigarette électronique?. Plusieurs observations soulèvent des doutes sur cette question :

  • La grande majorité des jeunes qui ne consomment pas des produits de tabac ne vapotent pas et ne sont donc pas exposés à la nicotine90.
  • Parmi ceux qui vapotent, la plupart ne le font pas à une fréquence élevée : il s’agit souvent d’utilisateurs qui expérimentent à court terme 90.
  • Ce sont les personnes déjà exposées à la nicotine – les fumeurs et les anciens fumeurs – qui utilisent le vapotage à une fréquence plus soutenue91.
  • Le tabagisme, qui est la forme la plus dangereuse d’exposition à la nicotine pour les jeunes, a diminué de manière radicale depuis l’arrivée du vapotage92,93,133. La consommation d’autres produits du tabac a également diminuée139.

Malgré tout, il est compréhensible que l’augmentation substantielle de l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes entre 2018 et 2019 suscite de l’inquiétude et il est nécessaire d’y réfléchir. La baisse significative d’utilisation observée en 2020 est toutefois encourageante139. Il est essentiel de continuer à surveiller l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes, d’en apprendre plus sur ses méfaits potentiels et d’identifier des stratégies de prévention efficaces. Cependant, tandis que les groupes de santé publique, les médias, les décideurs politiques et le grand public se concentrent exclusivement sur l’enjeu du vapotage chez les jeunes, le potentiel du vapotage pour aider les adultes à cesser de fumer est souvent oublié. Ceci peut entrainer des coûts importants en termes de santé publique : quatorze pour cent des adultes américains fument et le tabagisme cause chaque année près d’un demi-million de décès. Tout ce qui pourrait améliorer ce bilan mérite d’être considéré.

Mettre l’accent sur les dangers de l’utilisation de la cigarette électronique chez les jeunes a comme effet de créer un climat qui fait croire aux fumeurs adultes que le vapotage est aussi dangereux et même plus dangereux que de fumer14. Cela pourrait conduire plusieurs fumeurs qui ont de la difficulté à cesser de fumer à ne pas envisager le vapotage comme alternative à la cigarette. Cette situation se traduit alors par un taux de sevrage tabagique plus faible que si les fumeurs pouvaient comparer de manière réaliste les risques du vapotage à ceux du tabagisme.

TROUVER L’ÉQUILBRE  ENTRE LES RISQUES ET DES BÉNÉFICES POTENTIELS DE LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE

Des recherches ont démontré que les avantages potentiels du vapotage pour les fumeurs adultes prédominaient sur les risques que représentait la cigarette électronique pour les jeunes66, permettant potentiellement d’épargner l’équivalent de dizaines de millions d’années de vie perdues à cause du tabagisme 67-68. Bien que le vapotage ne puisse mettre fin au tabagisme, il peut agir comme complément aux méthodes déjà éprouvées de réduction du tabagisme. Pensons entre autres aux taxes sur le tabac, aux lois sur les lieux de travail sans fumée, aux restrictions de commercialisation, aux emballages neutres sur lesquels on retrouve des messages d’avertissements, aux campagnes médiatiques antitabac, à la loi Tobacco-21 (interdiction de vente de produits du tabac aux moins de 21 ans)24 ou encore aux traitements de sevrage tabagique88.

Nous pensons que les avantages potentiels de la cigarette électronique pour les fumeurs méritent autant d’attention que les risques qu’elle représente pour les jeunes140. En ce moment, ce sont des millions de fumeurs adultes qui courent un risque élevé de maladie et de décès au cours des prochaines années. Seul le fait d’arrêter de fumer le plus rapidement possible peut diminuer ces risques pour leur santé88. Les jeunes fumeurs, quant à eux, ne souffriront pas des maladies chroniques liées au tabagisme (et peut-être au vapotage) avant une trentaine d’années, et même probablement jamais s’ils cessent de fumer dans les dix ou vingt années à venir. De plus, dans le futur, il est probable que la pression sociale pour arrêter de fumer demeurera aussi forte et que les aides pour cesser de fumer vont s’améliorer. Aussi, comme nous l’avons déjà mentionné, le taux de tabagisme chez les jeunes a diminué tandis que le vapotage est en hausse92,93,133. Le vapotage peut créer une dépendance à la nicotine chez certains jeunes, mais beaucoup moins qu’on ne le croit généralement  90.

Repenser les lois et les restrictions

À ce jour, les politiques américaines ont eu comme seul objectif de diminuer le vapotage chez les jeunes, ce qui pourrait avoir nui à la contribution potentielle du vapotage sur la réduction du tabagisme chez les adultes fumeurs. Ces politiques incluent la taxation des cigarettes électroniques à des taux comparables à ceux des cigarettes de tabac,  restreindre l’accès aux produits aromatisés de vapotage qui facilitent l’arrêt du tabac103 et convaincre le grand public – y compris les fumeurs – que vapoter est aussi dangereux que fumer14.

La santé publique devrait intervenir de manière à réduire le vapotage chez les jeunes tout en favorisant la hausse de la cessation du tabac chez les adultes97,120,140,142. Bien qu’une discussion approfondie sur les moyens législatifs qui profiteraient à la fois aux jeunes et aux adultes fumeurs dépasse le cadre de cet article, nous proposons quelques exemples qui permettraient d’atteindre cet objectif. Ces propositions s’ajoutent aux données probantes déjà connues sur la prévention et la cessation du tabagisme.

  • Taxer lourdement les cigarettes et les autres produits du tabac et imposer une taxe moindre sur les cigarettes électroniques. Le taux de taxation se doit d’être proportionnel aux risques pour la santé. Une hausse massive des taxes sur les produits combustibles encouragera les fumeurs adultes à arrêter de fumer ou à remplacer le tabac par la cigarette électronique, moins chère. On peut penser qu’une taxe modeste sur la cigarette électronique suffira aussi à décourager son utilisation chez les jeunes qui sont plus influencés par le prix des produits141.
  • Étant donné que les jeunes et les adultes fumeurs préfèrent vapoter des saveurs aromatisées98-107, bannir l’ensemble (ou presque) des saveurs va réduire le vapotage des jeunes99,101, mais aussi l’utilisation des cigarettes électroniques comme substitut tabagique par les fumeurs102-104. Limiter la vente des cigarettes électroniques aromatisées aux points de vente réservés aux adultes, tels que les boutiques de vapotage, pourrait être une solution. Cette restriction n’est pas parfaite pour aucun des deux groupes, mais elle pourrait paradoxalement profiter aux deux.
  • Les agences gouvernementales et les organisations de santé devraient communiquer de façon nuancée et ciblée. Il faudrait être capable de souligner les préoccupations légitimes concernant le vapotage chez les jeunes tout en mettant l’accent sur les avantages potentiels de la cigarette électronique comme une alternative moins risquée (sans prétendre qu’elle ne représente aucun risque) pour aider les fumeurs adultes autrement incapables ou réticents à arrêter de fumer.
  • La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis devrait réglementer strictement la publicité et le marketing des cigarettes électroniques, interdisant tout marketing destiné ou attrayant pour les jeunes et les jeunes adultes, y compris toute publicité « style de vie ». Ils devraient limiter la publicité à un thème de « substitution » destiné clairement et exclusivement aux fumeurs adultes autrement incapables d’arrêter de fumer.
  • La FDA devrait mettre en œuvre son plan de 2017 exigeant la réduction de la nicotine dans la cigarette à un seuil incapable de maintenir la dépendance, tout en garantissant aux consommateurs la disponibilité de produits à base de nicotine qui représentent moins de risques. Pour atteindre ce dernier objectif, la FDA devrait développer des normes concernant les cigarettes électroniques, ce qui garantirait la minimisation des risques associés à cette classe de produits sans nuire à son accessibilité.

Le rôle de la nicotine dans les maladies causées par le tabac 

Le plan de la FDA se fonde sur la reconnaissance du continuum de risques qu’on retrouve dans les produits à base de nicotine143. Si la nicotine est le produit chimique du tabac qui entraîne la dépendance, ce sont d’autres constituants toxiques – principalement dans le tabac fumé – qui causent les maladies résultant du tabagisme143,144. Ainsi, les produits contenant de la nicotine varient en matière de risque.  D’un côté de ce continuum, on retrouve les produits de substitution de la nicotine approuvés par la FDA, utilisés lors du sevrage tabagique et très peu risqués; de l’autre, les cigarettes combustibles qui représentent le risque le plus important.

Malheureusement, le public a une vision déformée des dangers associés à la nicotine en tant que telle. Dans une enquête récente, 57 % des personnes interrogées ont convenu, à tort, que « la nicotine contenue dans les cigarettes est la substance qui cause la plupart des cancers causés par le tabagisme ». Seulement 18,9 % n’étaient pas d’accord. (Les autres ont répondu « Je ne sais pas»)14. Dans un récent sondage mené auprès de médecins, 80 % d’entre eux étaient fortement, bien qu’à tort, d’accord pour affirmer que la nicotine causait le cancer, les maladies cardiovasculaires et la maladie pulmonaire obstructive chronique145.

CONCLUSION

Nous partageons avec l’ensemble de la santé publique les préoccupations légitimes concernant le vapotage chez les jeunes. Cependant, notre objectif est de mettre ces inquiétudes en perspective.  Comme l’a souligné le chirurgien américain Everett Koop en 1998: « Au même titre que nous prenons toutes les mesures possibles pour protéger nos enfants des ravages du tabac, nous devons nous engager auprès de ceux qui en sont déjà dépendants, et ce, de manière soutenue »146. Cet engagement apparait aujourd’hui précaire.

Bien que les données accumulées jusqu’à maintenant suggèrent que le vapotage favorise le sevrage tabagique, cet impact pourrait être beaucoup plus important si la communauté de la santé publique prêtait une attention sérieuse à son potentiel pour aider les fumeurs adultes, si les fumeurs recevaient des informations précises sur les risques relatifs du vapotage et du tabagisme, et si des politiques étaient conçues en gardant à l’esprit les effets potentiels sur les fumeurs. Malheureusement, nous n’en sommes pas là.

La nécessité de s’intéresser aux fumeurs adultes est particulièrement importante dans une perspective d’équité sociale. Par exemple, les Afro-Américains souffrent disproportionnément des décès liés au tabagisme, une inégalité qui pourrait être réduite grâce au vapotage selon une étude clinique récente31. Les fumeurs actuels sont également surreprésentés dans les groupes à faible revenu et moins scolarisés, dans les groupes LGBTQ (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queer ou en questionnement)147 ainsi que dans les populations souffrant de problèmes de santé mentale148 ou de toxicomanies149. Le tabagisme représente une part importante du grand écart d’espérance de vie existant entre les Américains riches et les plus pauvres150,151. Pour les fumeurs aux prises avec des problèmes de détresse psychologique grave, les deux tiers des 15 ans d’espérance de vie perdues comparativement aux non fumeurs sans détresse psychologique sont causées par le tabagisme152. Le vapotage pourrait aider un plus grand nombre de ces fumeurs à cesser de fumer148,153.

Pour les membres plus privilégiés de la société, les fumeurs sont devenus invisibles. De nombreux Américains riches et instruits croient en effet que le tabagisme est un problème en grande partie résolu puisqu’eux-mêmes ne fument pas, ne cotoient aucun fumeur parmi leurs collègues et amis et ne sont pas exposés à la fumée dans la plupart des lieux qu’ils fréquentent, que ce soit au travail, au restaurant ou au bar.   Pourtant, 1 adulte américain sur 7 fume encore aujourd’hui et, cette année seulement, la cigarette va coûter la vie à 480 000 Américains.

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Bannir les saveurs des liquides de vapotage ? Une bien mauvaise idée.

Bannir les saveurs des liquides de vapotage ? Une bien mauvaise idée.

EN BREF

 

  • En réaction à l’augmentation du nombre de jeunes vapoteurs, Santé Canada a récemment proposé d’interdire la plupart des ingrédients aromatisants des liquides de vapotage.

  • Les données récoltées à San Francisco, où une interdiction de vente de liquides de vapotage aromatisés est en vigueur depuis 2018, montrent pourtant une recrudescence significative du nombre de jeunes ayant fumé la cigarette après l’instauration de cette mesure, ce qui soulève de sérieux doutes sur l’efficacité de cette approche.

  • De plus, l’interdiction des saveurs de vapotage va priver plusieurs milliers de fumeurs adultes du meilleur outil disponible pour cesser de fumer, tel que documenté par plusieurs études cliniques récentes.

  • Le projet d’éliminer du marché les saveurs de vapotage semble donc mal avisé et nous croyons que son application devrait être à tout le moins retardée en attendant de mieux déterminer ses impacts sur les taux de tabagisme, autant chez les jeunes que chez les adultes.

Santé Canada a récemment sollicité des commentaires sur les projets de règlement visant à interdire la plupart des ingrédients aromatisants des liquides de vapotage, à l’exception d’un nombre limité d’ingrédients pour conférer un arôme de tabac ou de menthe/menthol.

Cette proposition s’appuie sur quatre hypothèses :

  • Il y aurait apparemment une « épidémie de vapotage » chez les jeunes Canadiens.
  • Les saveurs des liquides seraient l’un des principaux facteurs ayant contribué à l’augmentation rapide du vapotage chez les jeunes.
  • Les vapoteurs vont développer une dépendance à la nicotine et commencer à fumer la cigarette. Autrement dit, le vapotage serait un tremplin vers le tabac, ce qu’on appelle familièrement « l’effet passerelle ».
  • En conséquence, éliminer les saveurs des liquides de vapotage va décourager l’utilisation de la cigarette électronique et donc aider à prévenir le tabagisme juvénile.

L’objectif de protéger les jeunes du tabac est évidemment louable, mais un examen attentif des données accumulées au cours des dernières années soulève plusieurs doutes sur l’efficacité d’une interdiction des saveurs des liquides de vapotage pour y parvenir.  De plus,  ce projet passe complètement sous silence l’effet potentiellement dévastateur de cette interdiction sur les adultes qui utilisent les cigarettes électroniques aromatisées pour cesser de fumer.  Avant d’éliminer les saveurs de vapotage du marché actuel, il nous semble important de prendre un peu de recul et d’examiner les impacts négatifs potentiels de cette interdiction, autant chez les jeunes que chez les fumeurs adultes.

Le tabagisme juvénile est à un creux historique.  Tout d’abord, il est important de mentionner que nous avons fait des progrès spectaculaires dans la lutte au tabagisme juvénile. On en parle étonnamment très peu, mais le nombre de jeunes du secondaire qui fument régulièrement la cigarette est présentement à un creux historique, avec seulement 3  % de jeunes fumeurs de 15-19 ans en 2020 au Canada , comparativement à plus de 30 % à la fin des années 1990.  Un phénomène similaire est observé dans la plupart des pays industrialisés : à New York, par exemple, il y a présentement seulement 2,4 % de fumeurs  à l’école secondaire (high school) comparativement à 27 % en 2000. Concrètement, cela signifie qu’au cours des 20 dernières années, nous avons réduit de 90 % la proportion de jeunes fumeurs, ce qui est phénoménal.

On peut évidemment souhaiter diminuer encore plus ce nombre, mais il faut tout de même admettre que les efforts des dernières années dans la lutte au tabac ont porté fruit et que nous avons collectivement réussi à faire du tabagisme un comportement marginal, démodé et rejeté par la très grande majorité des jeunes.  Étant donné que plus de 90 % des fumeurs adultes ont commencé à fumer à l’adolescence, cela signifie que la prochaine génération d’adultes sera en très grande partie constituée de non-fumeurs et donc beaucoup moins touchée par les problèmes de santé causés par le tabagisme (le cancer du poumon notamment) que les générations précédentes. Le statu quo actuel représente donc une victoire sans précédent de la lutte au tabagisme.

Peu de jeunes vapotent régulièrement et ceux qui le font sont des fumeurs ou ex-fumeurs.  Le nombre de jeunes qui vapotent a effectivement augmenté au cours des dernières années : les dernières statistiques montrent qu’en 2019, environ 41 % des 16-19 ans avaient essayé au moins une fois ces produits, comparativement à 29 % en 2017. Par contre, il faut absolument mentionner que ce nombre de vapoteurs est gonflé artificiellement par l’inclusion des jeunes qui ont seulement expérimenté la cigarette électronique à quelques occasions. Lorsqu’on restreint l’analyse à ceux qui utilisent la cigarette électronique au moins 20 fois par mois, les données sont beaucoup moins spectaculaires, avec 5,7 % de vapoteurs réguliers (voir notre article à ce sujet).  De plus, la très grande majorité de ces vapoteurs réguliers sont des fumeurs ou des ex-fumeurs, avec à peine 1 % qui n’ont jamais fumé la cigarette.  Au sens strict du terme, il n’y a donc pas d’épidémie de vapotage, d’autant plus que les dernières données américaines indiquent que la proportion de jeunes vapoteurs a diminué de 50 % au cours des deux dernières années, ce qui pourrait indiquer que le vapotage est beaucoup plus une mode passagère qu’une transformation durable des habitudes des jeunes.

Est-ce que ce vapotage chez les jeunes, même s’il n’atteint pas des proportions réellement épidémiques, pourrait tout de même effacer ces progrès et entrainer une recrudescence du tabagisme juvénile?  Les organismes de lutte au tabac semblent penser que oui et c’est pour cette raison qu’ils veulent éliminer les saveurs des liquides de vapotage pour rendre la cigarette électronique moins attrayante pour les jeunes.  Autrement dit, il s’agit ici « d’enlaidir » la cigarette électronique pour diminuer son attrait et son acceptabilité sociale et ainsi éviter que l’exposition à un produit à base de nicotine puisse amener les jeunes à se tourner vers le tabac (effet passerelle).

Cette crainte d’un tremplin vers le tabac est d’une certaine façon similaire à l’ancienne mentalité de la guerre contre la drogue : à l’époque (vers la fin des années 1960), on était convaincu que les consommateurs de drogue étaient irrémédiablement attirés par des produits de plus en plus dangereux. Selon cette croyance, un fumeur de cannabis était à très haut risque de devenir un héroïnomane, un peu comme si une personne attirée par une drogue était incapable de se contrôler et était condamnée à vouloir aller toujours plus loin, quitte à s’autodétruire. On sait maintenant que ces craintes étaient totalement injustifiées et que ce n’est pas parce qu’une personne aime les effets d’une drogue récréative qu’elle devient pour autant irrationnelle.  La légalisation du cannabis est le reflet de ce changement de perception face aux drogues douces.

On peut appliquer le même raisonnement au vapotage : pour quelles raisons un jeune qui aime vapoter déciderait-il « d’aller plus loin » et de se tourner vers une source de nicotine connue pour être nocive, moins savoureuse, plus chère et complètement rejetée par la société comme la cigarette ?  Les données accumulées au cours des dernières années indiquent que c’est effectivement peu probable et que loin d’être un tremplin vers le tabac, la cigarette électronique pourrait au contraire représenter un substitut à la cigarette traditionnelle.

Le vapotage ne mène pas au tabagisme.  Il faut tout d’abord souligner que l’hypothèse de l’effet passerelle est tout à fait incompatible avec la situation actuelle du tabagisme juvénile.  Même si la cigarette électronique est disponible depuis plusieurs années, la réalité est que la proportion de jeunes qui fument la cigarette de tabac ne cesse de diminuer année après année.  L’arrivée de cigarettes électroniques de type « pod mod » (la Juul, par exemple), encore plus performantes en termes d’absorption de la nicotine, n’a pas affecté cette tendance à la baisse du tabagisme chez les jeunes et, au contraire, l’a même accélérée.  Autrement dit, l’« épidémie de vapotage » chez les jeunes, tant décriée par les organismes antitabac, n’a pas entrainé une hausse, mais plutôt une diminution marquée du tabagisme juvénile, chose qui serait évidemment impossible si le vapotage amenait les jeunes à fumer la cigarette.

L’affirmation que le vapotage est un tremplin vers le tabac est basée sur une interprétation erronée des études qui se sont penchées sur cette question.  Ces études montrent que l’utilisation de cigarette électronique est effectivement associée à un risque accru de fumer la cigarette, ce qui peut en apparence sembler valider l’existence d’un effet passerelle.  En réalité, pourtant, il est impossible d’établir un lien direct de cause à effet entre les deux comportements en raison de ce qu’on appelle les « causes communes » (common liabilities):  un jeune attiré par la nicotine va expérimenter plusieurs formes disponibles, sans que cela signifie que l’essai de l’une le pousse vers une autre.

En pratique, les études montrent sans équivoque que la très grande majorité des vapoteurs sont des fumeurs ou ex-fumeurs, avec moins de 1 % de vapoteurs réguliers qui n’ont jamais fumé.  Ceci suggère que s’il y a un effet passerelle, il est plutôt dans la direction inverse (et positive en termes de réduction des dommages causés par le tabac), c’est-dire de la cigarette vers le vapotage.

Le vapotage est un substitut au tabagisme. Qu’on le veuille ou non, la nicotine est depuis longtemps une drogue récréative qui attire un nombre important de jeunes.   Pendant longtemps, le tabac a été la seule source disponible de cette drogue et c’est pour cette raison que les taux de tabagisme juvénile ont atteint des sommets inquiétants jusqu’au début des années 2000.  Ce n’est cependant plus le cas aujourd’hui, du moins dans les pays industrialisés : la cigarette électronique compétitionne maintenant directement avec le tabac et représente en pratique une alternative beaucoup plus attrayante pour les consommateurs de nicotine.

En plus d’avoir meilleur goût (à cause des saveurs ajoutées aux liquides de vapotage) et d’être dépourvues des défauts du tabac fumé (l’odeur, en particulier), un avantage marqué de la cigarette électronique est qu’elle est beaucoup moins nocive pour la santé que la cigarette traditionnelle.  Alors que la combustion du tabac génère plusieurs milliers de composés très toxiques et cancérigènes qui augmentent dramatiquement le risque de développer une foule de pathologies, en particulier les maladies cardiovasculaires et le cancer du poumon, la quantité de la plupart de ces composés est réduite de 99 % dans la vapeur émanant des dispositifs de cigarettes électroniques (voir notre article à ce sujet). Selon plusieurs grandes associations savantes (Public Health England, Académie française de médecine, Académies nationales des sciences, de l’ingénierie et de la médecine des États-Unis), la cigarette électronique est au moins 20 fois moins nocive que le tabac fumé.

Le vapotage possède donc plusieurs avantages concurrentiels face au tabac fumé et c’est pour cette raison que cette nouvelle technologie est en train de s’imposer comme un substitut à la cigarette de tabac chez les consommateurs de nicotine.  Les analyses économiques confirment d’ailleurs ce rôle de substitution, puisqu’une hausse de taxe d’un des produits (tabac ou cigarette électronique) entraine une diminution de la consommation du produit taxé au profit de l’autre. Par exemple, une étude a montré qu’une hausse de la taxe imposée sur la cigarette électronique était associée à une réduction du vapotage et à une hausse parallèle de la vente de cigarettes de tabac. À l’inverse, une hausse équivalente de la taxe sur le tabac entraine une augmentation du nombre de vapoteurs. Les deux produits sont donc des substituts du point de vue économique et c’est pour cette raison qu’une diminution de la compétitivité de la cigarette électronique en raison d’un prix plus élevé se traduit par une augmentation du tabagisme.  Il a été estimé que pour chaque cartouche (pod) de liquide de vapotage qui n’est pas acheté en raison d’une hausse de taxe, 6 paquets supplémentaires de cigarettes de tabac seront vendus. Puisqu’une interdiction des saveurs dans les liquides de vapotage va elle aussi diminuer la compétitivité de la cigarette électronique, on peut craindre qu’un phénomène similaire puisse se produire (voir sections suivantes).

Globalement, ces observations suggèrent que la cigarette électronique peut d’une certaine façon être considérée comme une technologie de rupture, c’est-à-dire une innovation qui a le potentiel de compétitionner avec le tabac et même éventuellement de le remplacer comme principale source de nicotine consommée par la population (ex : les caméras numériques qui ont éliminé les pellicules à développer).

Ceci est très intéressant, dans la mesure où il n’y a généralement jamais de retour en arrière lorsqu’une technologie en supplante une autre.  Pour prendre un exemple simple, le « streaming » a relégué aux oubliettes les clubs de location de films DVD, tout comme le DVD avait auparavant chassé les cassettes VHS du marché.  Il est impensable que l’on retourne un jour vers ces technologies anciennes, tout comme on peut être sûr et certain que le téléphone à cadran ne reprendra jamais la place de nos cellulaires actuels. La cigarette électronique possède donc le potentiel d’éliminer à moyen et long terme la cigarette de tabac, un produit qui, rappelons-le, est responsable chaque année de près de 8 millions de morts prématurées.  Les multinationales du tabac sont parfaitement conscientes de cette évolution du marché et c’est pour cette raison qu’elles se détournent graduellement des cigarettes traditionnelles pour développer des versions électroniques, moins nocives, et  anticipent même une disparition pure et simple de la cigarette traditionnelle dans les 10 à 15 années qui viennent.

L’interdiction des saveurs pourrait causer une hausse du tabagisme juvénile. La principale crainte invoquée pour justifier l’interdiction des saveurs des liquides de vapotage, soit une migration massive des jeunes vapoteurs vers la cigarette traditionnelle, semble donc injustifiée et on peut se questionner sur la pertinence de modifier le statu quo actuel.  D’autant plus qu’il faut envisager que le bannissement des saveurs puisse avoir des effets contraires à ceux recherchés : puisqu’il semble de plus en plus évident que la cigarette électronique est un substitut à la cigarette de tabac, n’y a-t-il donc pas un risque qu’en décourageant le vapotage on pousse les jeunes vapoteurs qui sont plus dépendants à la nicotine vers le tabac ?   Comme le mentionnait récemment Public Health England,  « si une approche rend les cigarettes électroniques moins accessibles, moins agréables au goût ou acceptables, plus chères, moins conviviales pour le consommateur ou moins efficaces sur le plan pharmacologique, alors elle cause des dommages en perpétuant le tabagisme ».

Étant donné que la stratégie de bannir les saveurs de vapotage est assez récente, on ne sait pas encore exactement comment les jeunes réagissent à la disparition de ces saveurs.  Par contre, les données préliminaires sont fort inquiétantes : une étude réalisée dans la région de San Francisco, où une interdiction de vente de liquides de vapotage aromatisés est en vigueur depuis 2018, a récemment montré une recrudescence significative du nombre de jeunes ayant fumé la cigarette après l’instauration de cette mesure, alors que la tendance du tabagisme demeure à la baisse dans d’autres régions des États-Unis où ces saveurs n’ont pas été prohibées (Figure 1).

Figure 1. Impact d’une loi interdisant les saveurs de vapotage sur le tabagisme juvénile.  Tiré de Friedman (2021).  Notez la hausse du nombre d’adolescents ayant fumé la cigarette suite à l’implantation de la loi interdisant les saveurs en 2018 (flèche).

Un sondage réalisé auprès de jeunes adultes de 18-34 dresse un portrait similaire: lorsqu’on demande ce qu’ils feraient si les saveurs de vapotage étaient bannies, 33,2 % ont répondu qu’ils utiliseraient probablement les cigarettes de tabac  comme source de nicotine. Il semble donc exister une proportion significative de jeunes vapoteurs qui pourraient faire vers le saut vers la cigarette de tabac en réponse à la disparition des saveurs de vapotage, ce qui est évidemment l’inverse de l’effet recherché.  À notre avis, si l’objectif du projet de bannir complètement les liquides de vapotage aromatisés est d’empêcher une recrudescence du tabagisme juvénile, ces observations devraient au minimum entrainer un délai dans l’application de cette mesure en attendant de pouvoir confirmer ou non cette tendance à la hausse. Dans un secteur où deux produits sont en compétition directe l’un avec l’autre, toute tentative de rendre l’un des deux produits moins attrayants (en le taxant ou en bannissant les saveurs, par exemple) risque fortement de favoriser l’autre.  Étant donné les effets catastrophiques du tabac sur la santé, il s’agit d’un risque énorme qui mérite d’être soigneusement soupesé.

Les saveurs de vapotage jouent un rôle important pour le sevrage tabagique. Les fumeurs adultes sont les grands oubliés du débat actuel sur la cigarette électronique même s’ils représentent, et de loin, les principaux utilisateurs de ces produits. On parle beaucoup des dangers (très hypothétiques) d’une recrudescence du tabagisme juvénile causée par le vapotage, mais on passe complètement sous silence l’énorme contribution, prouvée cliniquement, de la cigarette électronique comme aide au sevrage tabagique. Dans les essais cliniques randomisés (le standard d’excellence de la recherche clinique), on observe que la cigarette électronique est environ 2 fois plus efficace pour mener au sevrage du tabac que les approches traditionnelles (timbres, gomme). Ceci est particulièrement vrai pour les gros fumeurs, très dépendants, où on observe un taux de succès encore plus impressionnant pour la cigarette électronique, 6 fois plus élevé qu’avec les substituts nicotiniques standards.

Cette efficacité de la cigarette électronique à favoriser le sevrage du tabac n’a rien d’abstrait ou de théorique : les enquêtes révèlent qu’au moins 4,3 millions d’Américains, 2,4 millions de Britanniques et 7,5 millions d’Européens ont cessé de fumer grâce à ces dispositifs, réduisant du même coup drastiquement leur risque de mourir prématurément. Il n’y a donc aucun doute que la cigarette électronique a fortement contribué à la baisse importante du tabagisme adulte à l’échelle mondiale, qui est passé de 23,5 % en 2007 à 19 % aujourd’hui.

L’argument souvent invoqué par les opposants au vapotage, selon lequel il n’est pas prouvé que la cigarette électronique peut aider au sevrage tabagique, ne correspond donc aucunement à la réalité scientifique et à celle vécue par de nombreux ex-fumeurs pour qui cette nouvelle technologie a permis de littéralement sauver leur vie.

Les saveurs des liquides de vapotage sont extrêmement importantes pour permettre aux fumeurs d’adopter la cigarette électronique.  Les enquêtes réalisées à ce sujet montrent que les adultes préfèrent, et de loin, les saveurs de fruits, de desserts et de bonbons à celle du tabac. Les saveurs n’attirent donc pas seulement les jeunes, car pour un fumeur qui cherche à rompre sa dépendance à la cigarette, les liquides de vapotage aromatisés à la saveur de tabac sont bien souvent la dernière chose recherchée. Bannir les saveurs des liquides de vapotage aurait donc comme conséquence directe d’éliminer le principal attrait qu’offrent les cigarettes électroniques, et donc de diminuer le nombre de fumeurs qui pourraient adopter cette méthode pour rompre leur dépendance à la cigarette. Il s’agit selon nous d’un énorme dommage collatéral du projet de prohibition des saveurs, puisque l’acceptabilité d’un produit de substitution à la cigarette est essentielle pour le sevrage. D’ailleurs, une étude a récemment montré que les fumeurs adultes qui commençaient à vapoter des liquides aromatisés (fruit, sucreries, chocolat., etc.) avaient plus de chance de réussir à cesser de fumer que ceux qui utilisaient les saveurs de tabac.

Pour l’ensemble de ces raisons, il nous semble que bannir les saveurs de vapotage est une bien mauvaise idée. L’efficacité de cette mesure pour enrayer le vapotage chez les jeunes est questionnable (les saveurs ne sont qu’un des facteurs qui incitent au vapotage) et il est certain qu’elle aura des impacts négatifs chez les fumeurs adultes en éliminant une alternative au tabac. Il faut mentionner aussi qu’une diminution du nombre d’adultes qui cessent de fumer a un impact négatif sur les jeunes, non seulement parce que le tabagisme des parents est le principal facteur de risque lié à l’initiation du tabagisme chez les enfants et les adolescents, mais aussi en raison des traumatismes psychologiques causés par les maladies et/ou les décès attribuables au tabac des adultes de leur entourage.

Les désaccords sur la question du vapotage reflètent l’évolution de deux grands courants de pensée dans la lutte au tabac. D’un côté, il y a ce qu’on pourrait appeler les « abstentionnistes » ou prohibitionnistes, pour qui la seule façon de diminuer le tabagisme est l’abstinence complète de n’importe quel produit qui contient de la nicotine, même lorsqu’il est bien documenté que ces produits sont beaucoup moins dommageables que le tabac fumé. Chercher à réduire le nombre de vapoteurs en prohibant les saveurs, en dépit du fait que ces produits sont beaucoup moins dangereux que le tabac, est un bon exemple de cette approche du « tout ou rien ». En pratique, on ne parle plus ici seulement de lutte au tabac, mais plutôt d’un combat plus général contre la nicotine en tant que drogue récréative, même si cette drogue n’a pas d’effets majeurs sur la santé en tant que telle.

De l’autre côté, on retrouve les « pragmatiques » qui s’intéressent beaucoup plus aux résultats concrets (baisse des maladies et de la mortalité liées au tabac) qu’aux moyens d’y arriver.  Dans cette approche, la cigarette demeure l’ennemi à vaincre et tout ce qui peut réduire les dommages causés par la combustion du tabac est valorisé, surtout lorsque les données expérimentales montrent clairement une baisse de la toxicité, comme c’est le cas pour la cigarette électronique.  Les Britanniques sont les chefs de file de cette approche de réduction des dommages (harm reduction) et la santé publique de ce pays (Public Health England) encourage fortement tous les fumeurs à migrer vers la cigarette électronique.

Je crois fermement que cette approche pragmatique de réduction des dommages causés par le tabac est la meilleure. L’abstinence est une belle vertu en théorie, mais la réalité est que plusieurs fumeurs sont extrêmement dépendants de la cigarette et sont absolument incapables de cesser de fumer sans un substitut leur permettant d’absorber une quantité de nicotine équivalente à celle retrouvée dans le tabac.  Je ne compte plus le nombre de mes patients qui avaient tout tenté, sans succès, pour vaincre leur dépendance au tabac, jusqu’au jour où ils ont essayé la cigarette électronique et y sont finalement parvenus.  Un succès qui a été dans plusieurs cas une véritable question de vie ou de mort, car il n’y a pas de doute que plusieurs d’entre eux seraient aujourd’hui décédés s’ils n’étaient pas parvenus à cesser de fumer.  Il serait extrêmement dommage que la panique morale soulevée par la hausse du nombre de jeunes vapoteurs fasse en sorte que les fumeurs adultes qui doivent composer avec une très forte dépendance au tabac soient privés du meilleur outil identifié jusqu’à présent pour cesser de fumer, soit le vapotage de saveurs autre que le tabac.

 

 

 

La cigarette électronique cause beaucoup moins d’inflammation que le tabac

La cigarette électronique cause beaucoup moins d’inflammation que le tabac

EN BREF

  • La fumée de cigarette cause une inflammation chronique qui hausse considérablement le risque de maladies pulmonaires et cardiovasculaires.
  • Deux études récentes montrent que cette inflammation peut cependant être considérablement réduite par le remplacement de la cigarette par la cigarette électronique.
  • Les fumeurs peuvent donc diminuer drastiquement les dommages causés par la fumée de cigarette et le risque de maladies liées au tabagisme en utilisant la cigarette électronique comme source de nicotine.

Il est maintenant bien établi que les fumeurs ont une espérance de vie réduite d’environ 10 ans comparativement aux non-fumeurs.   Cette hausse dramatique du risque de mortalité prématurée est due à l’exposition répétée des fumeurs aux milliers de substances toxiques et cancérigènes  qui sont générées lors de la combustion des feuilles de tabac (hydrocarbones aromatiques polycycliques et nitrosamines, entre autres).  Par exemple, on estime que chaque paquet de cigarettes contient suffisamment de composés cancérigènes pour provoquer deux mutations dans l’ADN des cellules de poumons, de sorte que des décennies de tabagisme se traduisent par l’accumulation de plusieurs milliers de ces mutations et augmentent considérablement (environ 40 fois) le risque de cancer du poumon.

Fumée pro-inflammatoire

Un autre facteur qui contribue à la nocivité du tabac est l’inflammation chronique causée par les nombreux composés toxiques présents dans la fumée de cigarette. Localement, cette inflammation endommage les cellules des voies respiratoires et augmente considérablement le risque de développer des maladies pulmonaires obstructives chroniques (l’emphysème, par exemple). Mais les dégâts engendrés par cette inflammation ne se limitent pas aux poumons : suite à l’inhalation de la fumée de cigarette, les toxiques diffusent rapidement dans les capillaires pulmonaires et peuvent alors se répandre dans l’ensemble du corps via la circulation sanguine. Il y a alors création d’un climat d’inflammation chronique généralisé, caractérisé par une hausse de plusieurs marqueurs inflammatoires (IL-6, CRP, iCAM) et le recrutement de cellules immunitaires à la surface des vaisseaux sanguins, deux phénomènes qui contribuent au développement de l’athérosclérose.

Les vaisseaux sanguins qui irriguent le coeur (les coronaires) sont particulièrement vulnérables à cette inflammation : étant donné que le coeur est étroitement associé aux poumons, il est le premier organe à recevoir le sang qui a été en contact avec la fumée de cigarette et est donc forcément exposé à des concentrations plus élevées de toxiques.

Les conséquences de cette proximité sont désastreuses : les études montrent que les personnes qui fument un paquet par jour ont un risque 5 fois plus élevé d’infarctus du myocarde comparativement à celles qui n’ont jamais fumé et on estime que le tabagisme est responsable d’environ 20 % de tous les décès liés aux maladies coronariennes. Donc, même si on parle surtout de l’impact majeur du tabac sur le risque de souffrir d’un cancer du poumon, il ne faut pas oublier que ce sont les maladies cardiovasculaires qui demeurent la principale cause de mortalité associée au tabagisme. De toutes les actions qu’une personne peut prendre pour améliorer sa santé cardiovasculaire (et sa santé en général), l’abandon de la cigarette est donc, et de très loin, la plus importante.

Dommages réversibles

La bonne nouvelle est que ces dommages du tabac sur la santé cardiovasculaire peuvent être renversés en cessant de fumer: les études montrent en effet qu’un ex-fumeur voit son risque d’accident cardiovasculaire diminuer de 40 % dès les cinq premières années après l’abandon et devient similaire à celui d’un non-fumeur après 10-15 ans. Le sevrage du tabac est bénéfique à tout âge, mais est particulièrement efficace avant l’âge de 40 ans, avec une réduction de 90 % du risque de mortalité prématurée associée au tabagisme.

Cesser de fumer est difficile, avec à peine 5 % des gens qui parviennent à rester non-fumeurs après un an.  Par contre, plusieurs données récentes montrent que ce taux de succès de la cessation tabagique peut être considérablement augmenté chez les fumeurs qui optent pour la cigarette électronique. Par exemple, une étude clinique randomisée a récemment montré que la cigarette électronique permet de doubler l’efficacité du sevrage tabagique comparativement aux approches traditionnelles à base de substituts nicotiniques. Une revue Cochrane portant sur 50 études (incluant 26 essais randomisés) réalisées auprès d’un total de 12,430 participants en arrive à une conclusion similaire.

Réduire les dommages

En plus de faciliter à plus long terme l’arrêt du tabagisme, l’adoption de la cigarette électronique a aussi comme avantage de réduire immédiatement les dommages causés par le tabac.  Rappelons que dans une cigarette électronique, une solution de nicotine est chauffée à 80 °C (comparativement à des températures avoisinant les 900 °C dans une cigarette) et que la vapeur générée ne contient donc pas de monoxyde de carbone, ni les milliers de produits de combustion toxiques présents dans la fumée de la cigarette.  Selon une étude récente de l’Institut Pasteur, la vapeur émanant des cigarettes électroniques contient moins de 1 % des toxiques présents dans la fumée de cigarette et permet donc de réduire substantiellement l’exposition des fumeurs à ces toxiques (voir notre article à ce sujet).

Deux études récentes montrent que cette baisse drastique de la quantité de composés toxiques dans la vapeur de cigarette électronique est corrélée avec une diminution très importante de l’inflammation normalement observée en réponse à la fumée de cigarette. Dans la première de ces études, les chercheurs ont comparé les taux de différents marqueurs inflammatoires (hsCRP, IL-6, siCAM) ou encore du stress oxydatif (8-isoprostane urinaire) présents chez les non-fumeurs,  vapoteurs, fumeurs de cigarette et les utilisateurs mixtes (vapoteurs et fumeurs).  Comme l’indique la figure 1, alors que la cigarette provoque une hausse importante des taux de l’ensemble des marqueurs examinés, ces augmentations sont beaucoup plus faibles, et même dans certains cas (IL-6) complètement abolies, chez les utilisateurs exclusifs de cigarette électronique.  Remplacer la cigarette de tabac par une version électronique peut donc diminuer substantiellement la réponse inflammatoire et, par ricochet, réduire le risque d’atteintes cardiovasculaires.  Par contre, l’étude montre clairement que cette réduction de l’inflammation n’est pas du tout observée chez les vapoteurs qui continuent en parallèle à fumer la cigarette. Pour véritablement réduire les dommages causés par le tabagisme, la cigarette électronique doit donc remplacer complètement la cigarette et non pas servir simplement à réduire le nombre de cigarettes fumées dans une journée.

Figure 1. Variation des taux de différents marqueurs de l’inflammation et du stress oxydatif chez les vapoteurs et les fumeurs.  Tiré de Stokes et coll. (2020). N.B. hsCRP: high sensitivity C-reactive protein; IL-6: interleukine-6; sICAM: soluble intercellular adhesion molecule.

L’autre étude s’est quant à elle penchée sur l’impact de la cigarette électronique sur l’expression de protéines inflammatoires par les monocytes, une classe de globules blancs impliqués dans la réponse immunitaire innée.  Il a été montré que la suractivation de ces cellules (par des composés toxiques comme la fumée de cigarette, par exemple) déclenche une réponse inflammatoire qui joue un rôle important l’initiation et la progression de l’athérosclérose.

À partir d’échantillons de sang prélevés de non-fumeurs, fumeurs et vapoteurs, les chercheurs ont examiné par cytométrie de flux les profils de protéines inflammatoires (caspase-1, récepteur à l’IL-6, TLR4) présentes dans les monocytes circulants dans chaque catégorie de volontaires.  Sans surprise, ils ont noté que l’expression de l’ensemble de ces protéines inflammatoires était plus élevée chez les fumeurs, en quantité environ 4 fois plus élevée en moyenne que chez les non-fumeurs.  Par contre, cette signature inflammatoire était complètement absente chez les vapoteurs, suggérant encore une fois que l’élimination de la cigarette au profit de la cigarette électronique entraine des bénéfices concrets pour la santé des fumeurs. Ceci est en accord avec une étude clinique randomisée  récente qui montrait que la transition des fumeurs vers la cigarette électronique s’accompagne d’une amélioration rapide (en 1 mois seulement) de la santé des vaisseaux sanguins.

Cette étude montre donc encore une fois à quel point la cigarette électronique permet aux fumeurs de réduire considérablement leur exposition aux nombreuses substances toxiques de la fumée de cigarette et représente, de ce fait, un outil extrêmement utile dans la lutte aux maladies causées par le tabagisme.

 

 

 

 

La cigarette électronique réduit drastiquement l’exposition aux toxiques du tabac

La cigarette électronique réduit drastiquement l’exposition aux toxiques du tabac

EN BREF

  • La fumée de cigarette contient plus de 7000 composés chimiques, dont au moins 250 sont des toxiques bien caractérisés et 70 qui sont des cancérigènes établis.
  • En permettant l’absorption de nicotine sans combustion du tabac, la cigarette électronique représente donc une alternative pour réduire l’exposition à ces composés toxiques.
  • Selon une analyse de l’Institut Pasteur, cette réduction est très importante, les aérosols générés par les cigarettes électroniques contenant moins de 1 % des toxiques retrouvés dans la fumée de cigarette.
Il n’y a rien de pire que la cigarette pour la santé du coeur et des vaisseaux (et la santé en général) et cesser de fumer est de très loin la meilleure décision qu’une personne peut prendre pour diminuer son risque de développer une maladie cardiovasculaire. Le sevrage du tabac est cependant très difficile pour de nombreux fumeurs et, depuis plusieurs années, je recommande à mes patients qui sont incapables de cesser de fumer par les moyens conventionnels (timbres, gomme, etc.) d’utiliser la cigarette électronique.

Dans une cigarette électronique, une solution de nicotine est chauffée à environ 80oC à l’aide d’un atomiseur, ce qui génère un aérosol qui permet au vapoteur d’inhaler une petite quantité de nicotine (comme un fumeur) pour assouvir sa dépendance, mais qui ne contient pas les multiples molécules toxiques qui sont générées lors de la combustion du tabac (à environ 900 °C).  Ce dernier point est le plus important : contrairement à ce que plusieurs pensent (incluant la majorité des médecins), ce sont les produits de combustion de la cigarette de tabac qui causent les problèmes de santé, et non la nicotine. Cette dernière est une drogue qui crée la dépendance au tabac et qui incite les personnes à fumer, mais elle n’a pas d’effets majeurs sur la santé et n’est surtout pas responsable des maladies cardiovasculaires ni du cancer du poumon qui découlent du tabagisme. L’intérêt de la cigarette électronique est donc qu’elle permet aux fumeurs très dépendants de la nicotine de réduire considérablement leur exposition aux nombreuses substances toxiques de la fumée de cigarette. Il s’agit d’un exemple classique de ce qu’on appelle la réduction des méfaits (harm reduction).

De plus, non seulement la cigarette électronique est moins toxique que le tabac, mais une étude clinique randomisée publiée récemment dans le prestigieux New England Journal of Medicine montre qu’elle peut être très utile pour le sevrage tabagique, avec une efficacité deux fois plus grande que les approches traditionnelles à base de substituts nicotiniques. Ces dispositifs représentent donc une innovation technologique très intéressante qui ajoute une nouvelle dimension à la lutte au tabac.

Désinformation à grande échelle

Cela étant dit, un des aspects les plus déconcertants de la couverture médiatique qui entoure tout ce qui touche la cigarette électronique est le ton négatif, souvent même alarmiste, qui est employé pour rapporter les derniers développements de la recherche sur ces dispositifs.  N’importe quelle étude qui prétend montrer un impact négatif de la cigarette électronique sur la santé fait les manchettes, même celles qui sont de qualité médiocre et publiées dans des journaux de second ordre, tandis que les études qui rapportent plutôt un effet positif sont tout simplement ignorées, même lorsqu’elles sont très solides scientifiquement et publiées dans des journaux médicaux prestigieux. Ce déséquilibre fait en sorte que la population est informée seulement des risques potentiels associés à la cigarette électronique, sans savoir qu’il existe en parallèle toute une littérature qui montre que ces dispositifs ont des effets positifs sur la santé des fumeurs.

Un des meilleurs exemples de ce biais médiatique est sans doute la couverture d’une étude prétendant montrer une hausse du risque de crise cardiaque chez les vapoteurs, étude qui a été largement diffusée dans l’ensemble des médias de la planète lors de sa publication.  Pourtant, un examen critique des résultats a révélé que la majorité des 38 patients de l’étude avaient subi un infarctus en moyenne 10 ans AVANT de commencer à vapoter et donc que ces infarctus ne pouvaient pas être dus à la cigarette électronique.  Puisque les vapoteurs sont presque toujours des ex-fumeurs, la hausse d’infarctus observée chez les vapoteurs est simplement due au fait que ces personnes ont abandonné le tabac après avoir été malades et utilisent maintenant la cigarette électronique pour éviter une récidive.   Il s’agit d’un cas flagrant de faute scientifique qui a entrainé une rétraction de l’article, sauf que le retrait de cette étude frauduleuse n’a pas été rapporté par la plupart les médias. Il faut souligner que l’auteur principal de cet article rétracté, Stanton Glantz, est l’un des chercheurs les plus engagés contre l’usage de la cigarette électronique .

C’est d’autant plus dommage qu’une étude clinique randomisée, très bien faite celle-là, a montré que c’est exactement le phénomène contraire qui se produit, c’est-à-dire que la transition des fumeurs vers la cigarette électronique est positive, car elle s’accompagne d’une amélioration rapide (en 1 mois seulement) de la santé des vaisseaux sanguins.  Cette étude importante n’a cependant pas été rapportée par les médias et la population ne sait donc pas que, loin d’être nocive pour le coeur, la cigarette électronique est au contraire associée à des bénéfices concrets pour la santé des fumeurs.

La conséquence immédiate de cette  désinformation est de faire en sorte que de moins en moins de personnes considèrent la cigarette électronique comme une alternative moins nocive au tabac, incluant les fumeurs, et qu’il y a un risque de voir diminuer le nombre de fumeurs qui font le saut vers la cigarette électronique.  Je le vois déjà dans ma pratique : des patients qui s’étaient sevrés du tabac grâce au vapotage ont recommencé à fumer, alors que d’autres sont réticents à essayer la cigarette électronique pour cesser de fumer.  Dans les deux cas, la raison invoquée est la même : si vapoter est aussi mauvais que fumer, pourquoi faire la transition ?  On peut donc voir que les campagnes de désinformation peuvent avoir des conséquences réelles pour la vie des gens et même faire littéralement la différence entre la vie et la mort chez certains d’entre eux.

Réduction des toxiques

Pourtant, personne ne peut sérieusement soutenir que la cigarette électronique est aussi néfaste pour la santé que la cigarette.  La fumée de cigarette contient plus de 7000 composés chimiques, dont au moins 250 sont des toxiques bien caractérisés et 70 qui sont des cancérigènes établis.  L’exposition répétée à ces émissions toxiques est directement responsable de 8 millions de morts chaque année dans le monde, ce qui fait du tabagisme la principale cause de décès évitables, en particulier ceux causés par le cancer (30 % de tous les cancers sont dus au tabac) et les maladies cardiovasculaires et respiratoires.

Les analyses réalisées par Public Health England, la National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine américaine et le Committee on Toxicity of Chemicals in Food, Consumer Products, and the Environment britannique montrent toutes que les aérosols provenant des cigarettes électroniques contiennent un nombre et une quantité bien moindre de substances toxiques que la fumée de cigarette et sont donc moins nocives pour la santé que le tabac fumé. C’est pour cette raison que des organismes comme Public Health England ou encore en France l’Académie nationale de médecine recommande fortement aux fumeurs de ne pas hésiter et de faire la transition vers le vapotage.

Cela ne veut pas dire que la cigarette électronique est absolument sans danger, mais il est indéniable qu’elle est beaucoup moins dommageable que le produit qu’elle remplace (ce qui est le principe de base de la réduction des méfaits).  À force de s’intéresser seulement à identifier une éventuelle nocivité du vapotage, on en vient à oublier que le principe de base du vapotage est de réduire les méfaits du tabagisme chez les fumeurs qui sont exposés à répétition aux toxiques du tabac.

Une étude récente de l’Institut Pasteur permet de bien visualiser ce potentiel de réduction des méfaits. Dans cette étude, les scientifiques ont comparé la présence de deux grandes classes de toxiques (composés carbonylés et hydrocarbures aromatiques) dans les aérosols provenant de cigarettes fumées, de tabac chauffé (IQOS, voir notre article à ce sujet) et les cigarettes électroniques. Les résultats sont vraiment impressionnants : pour les 19 carbonylés et 23 hydrocarbures aromatiques testés, la cigarette électronique choisie pour l’étude (dispositif avec réservoir à grande capacité, utilisé à puissance maximale) permet une réduction de 99,8 et 98,9 % de ces toxiques comparativement à la cigarette de tabac (Figure 1).  L’IQOS (tabac chauffé) est elle aussi moins toxique que la cigarette, avec des réductions de 85 % et de 96 % de la concentration de ces toxiques, mais ces diminutions demeurent néanmoins inférieures à celles observées avec la cigarette électronique, en accord avec des études précédentes.

Figure 1. Contenu des composés carbonylés (A) et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (B) dans les aérosols produits par la cigarette, le tabac chauffé et la cigarette électronique. Notez la réduction drastique de ces deux classes de toxiques dans la vapeur de cigarette électronique comparativement à la fumée de tabac. Tiré de Dusautoir et coll. (2020).

Les chercheurs ont par la suite comparé la toxicité des différentes formes de cigarettes en mesurant la viabilité de cellules épithéliales bronchiques suite à une exposition répétée à des bouffées d’aérosols générés par la cigarette, le tabac chauffé et la cigarette électronique. Comme le montre la Figure 2, l’exposition des cellules à seulement 2 bouffées provenant d’une cigarette est suffisante pour tuer la moitié des cellules et aucune cellule résiduelle n’est détectable après avoir été en contact avec 10 bouffées de fumée. Le tabac chauffé permet de réduire significativement cette toxicité (40 bouffées sont nécessaires pour tuer la moitié des cellules et une centaine pour les éliminer complètement), mais c’est encore ici la cigarette électronique qui est de très loin la moins toxique, avec la totalité des cellules qui demeurent vivantes, même après une exposition à 120 bouffées de l’aérosol.

Figure 2. Viabilité des cellules épithéliales bronchiques après une exposition répétée aux aérosols provenant d’une cigarette régulière, de tabac chauffé ou d’une cigarette électronique. Notez la grande toxicité de la cigarette, qui provoque 50 % de mortalité après l’exposition des cellules à seulement 2 bouffées de fumée, tandis que les cellules demeurent viables même après avoir été en contact à 120 bouffées d’aérosol provenant de la cigarette électronique.  Tiré de Dusautoir et coll. (2020).

Une autre étude montre que cette diminution très importante de toxicité est également observée pour la Juul,  la cigarette électronique qui a récemment accaparé la majorité du marché des cigarettes électroniques (voir notre article à ce sujet).   Comparativement à la cigarette traditionnelle, la vapeur générée par la Juul contient près de 100 % moins de monoxyde de carbone et de composés carbonylés comme l’acétaldéhyde, le formaldéhyde et l’acroléine (un irritant majeur de la fumée de cigarette) (Tableau 1). Des résultats similaires ont également été rapportés dans une autre étude. Ces données sont importantes, car la Juul est particulièrement populaire auprès des jeunes vapoteurs : contrairement à ce qu’on entend souvent, la très grande majorité des jeunes (>99 %) qui vapotent régulièrement sont des fumeurs occasionnels ou réguliers et ces personnes peuvent donc réduire substantiellement leur exposition aux toxiques du tabac en vapotant. De plus, des données récentes indiquent que la nicotine absorbée par l’entremise de cigarettes électroniques est moins addictive que lorsqu’elle provient de la combustion du tabac, ce qui diminue le risque de développer une dépendance à plus long terme.

Tableau 1. Concentration de certains composés toxiques présents dans la fumée de cigarette ou dans la vapeur générée par la cigarette électronique Juul.   Tiré de Son et coll. (2020).

Il est bon de rappeler que l’objectif ultime de la lutte au tabac est de réduire l’incidence des maladies liées au tabagisme, en particulier les maladies cardiovasculaires et le cancer du poumon. Pour y arriver, l’abstinence totale est souhaitable, mais il faut tenir compte du grand nombre de personnes qui sont incapables d’arrêter de fumer par elles-mêmes ou en utilisant les outils de sevrage actuels et demeurent par conséquent à risque de mourir prématurément.  Selon mon expérience clinique des dix dernières années, la cigarette électronique est le substitut nicotinique le plus apprécié par les fumeurs et représente pour plusieurs d’entre eux la seule approche qui leur permet de réussir à quitter définitivement le tabac.  Au lieu de chercher constamment à discréditer ces dispositifs, comme c’est le cas actuellement, on devrait plutôt les voir comme une innovation technologique qui peut grandement contribuer à la lutte aux maladies causées par le tabagisme et informer clairement les fumeurs des bénéfices qui sont associés à la transition vers le vapotage.

 

Le tabagisme continue de diminuer chez les jeunes

Le tabagisme continue de diminuer chez les jeunes

EN BREF

  • Le pourcentage de jeunes Canadiens de 16-19 ans qui fument régulièrement la cigarette a continué à diminuer entre 2017 et 2019, passant de 3,8 à  2,3 %.
  • Cette baisse du tabagisme juvénile est corrélée avec une utilisation accrue de la cigarette électronique, la proportion de jeunes ayant vapoté au moins une fois dans leur vie passant  de 29 à 41 % durant cette période.
  • Ces vapoteurs sont cependant très majoritairement des fumeurs occasionnels ou réguliers, ce qui suggère que la cigarette électronique représente une alternative à la cigarette traditionnelle et contribue à la baisse du tabagisme observée chez les jeunes.

Un des plus grands succès de la lutte au tabac des 20 dernières années est la baisse importante du tabagisme chez les jeunes adolescents. Comme nous l’avons mentionné dans un autre article, alors que près de 25 % des jeunes du secondaire 5 fumaient quotidiennement la cigarette au début des années 2000, cette proportion se situe maintenant aux environs de 2 %. Cette baisse drastique du tabagisme juvénile est d’une importance capitale, car plus de 90 % des fumeurs réguliers adultes ont commencé à fumer avant l’âge de 18 ans, durant la période d’expérimentation de l’adolescence. Un si faible taux de tabagisme chez les jeunes se traduira donc nécessairement par une réduction importante du nombre d’adultes fumeurs au cours des prochaines années et par une baisse de l’incidence des nombreuses maladies causées par le tabac, ce qui représente l’objectif ultime de la lutte au tabac.

Ces bonnes nouvelles sont pourtant rarement mentionnées : au lieu de célébrer cette baisse du tabagisme juvénile, on s’est plutôt beaucoup plus attardé à l’apparition récente d’une nouvelle tendance, soit l’augmentation du nombre de jeunes qui ont expérimenté la cigarette électronique au cours des dernières années.  Selon une étude récente réalisée par le groupe du Dr David Hammond, l’utilisation de la cigarette électronique est effectivement en hausse chez les jeunes Canadiens, avec environ 41 % des 16-19 ans qui ont essayé au moins une fois ces produits, comparativement à 29 % en 2017 (Figure 1).  Cette augmentation est corrélée avec l’apparition sur le marché des cigarettes électronique de type Juul, des dispositifs extrêmement attrayants, faciles d’utilisation et qui permettent l’absorption d’une quantité importante de nicotine (voir notre article sur le sujet).

Figure 1. Fréquence d’utilisation des cigarettes électroniques par les jeunes de 16-19 ans. Adapté de Hammond et coll. (2020). Notez que les non-fumeurs représentent moins de 1 % du total des vapoteurs.

Il est cependant important de noter que la grande majorité de ce vapotage est de nature expérimentale : si près de la moitié des jeunes ont utilisé au moins une fois dans leur vie ces produits, cette proportion diminue à 18 % durant le dernier mois, 12 % au cours de la dernière semaine, pour finalement atteindre un peu plus de 5 % de vapoteurs réguliers (20 fois ou plus dans le dernier mois). L’utilisation quotidienne de la cigarette électronique est donc un phénomène encore assez peu répandu chez les jeunes et n’atteint certainement pas des proportions « épidémiques », comme on entend souvent dire. Non seulement les vapoteurs réguliers demeurent très minoritaires, mais ce sont aussi pour la plupart (plus de 85 %) des jeunes qui fument déjà la cigarette de façon occasionnelle ou régulière. Les jeunes qui n’ont jamais fumé de cigarettes représentent quant à eux moins de 15 % des vapoteurs réguliers, ce qui correspond à moins de 1 % de l’ensemble des vapoteurs (Figure 1, rectangle rouge).

Dans l’ensemble, ces résultats dressent un portrait beaucoup plus nuancé du phénomène du vapotage chez les jeunes que ce qu’on entend régulièrement dans les médias : la très grande majorité de ceux qui veulent expérimenter l’effet du tabac se tourne désormais vers de nouvelles formes de nicotine comme les cigarettes électroniques, mais même dans ce cas, les utilisateurs réguliers de ces produits demeurent assez peu nombreux, et sont pour la plupart des jeunes qui sont à la base attirés par le tabac.

Au départ, la principale préoccupation soulevée par l’utilisation accrue de la cigarette électronique par les jeunes est qu’elle pourrait entrainer une recrudescence du tabagisme dans cette population.  Ce n’est manifestement pas le cas : le nombre de jeunes fumeurs continue de baisser chaque année, même depuis l’arrivée sur le marché de la cigarette électronique, et des études indiquent même que ces produits ont entrainé une accélération de ce déclin du taux de tabagisme.  L’étude mentionnée plus tôt observe le même phénomène, c’est-à-dire que la hausse de vapotage observée au cours des deux dernières années au Canada est directement corrélée avec une diminution importante (40 %) du tabagisme chez les jeunes (Figure 2).  Figure 2. La hausse du pourcentage de jeunes vapoteurs est corrélée avec une diminution du pourcentages de jeunes fumeurs. Tiré de Hammond et coll. (2020).

Au lieu d’être une porte d’entrée vers le tabac comme on le craignait au départ, la cigarette électronique semble donc plutôt représenter une alternative à la cigarette traditionnelle.  L’abandon par les jeunes de la cigarette au profit de cette nouvelle technologie n’est pas tellement étonnant si l’on considère l’odeur désagréable de la cigarette, les prix exorbitants du tabac et l’interdiction de fumer dans la quasi-totalité des lieux publics. Dans un tel contexte, il est difficile de concevoir pourquoi un utilisateur de cigarette électronique pourrait être tenté de se tourner vers les produits de tabac conventionnels.

Évidemment, tout le monde s’entend pour dire qu’il serait préférable que les jeunes n’utilisent ni cigarette électronique, ni tabac.  Mais si on part du principe que l’adolescence est une période intense d’expérimentation, il est grandement préférable que cette expérimentation des effets de la nicotine se fasse sous la forme de vapotage que de la cigarette de tabac.

Il faut rappeler que dans une cigarette électronique, le vapoteur inhale un aérosol contenant de la nicotine, mais sans les multiples molécules cancérigènes, le monoxyde de carbone et les particules fines qui sont générées lors de la combustion du tabac (à environ 900 °C). Ce dernier point est le plus important : ce sont les produits de combustion de la cigarette de tabac qui causent les problèmes de santé, et non la nicotine. Cette dernière est une drogue qui crée la dépendance au tabac et qui pousse les personnes à fumer, mais elle n’a pas d’effets majeurs sur la santé et n’est surtout pas responsable des maladies cardiovasculaires, ni du cancer du poumon qui découlent du tabagisme.  Selon l’agence de santé publique britannique, Public Health England, la vapeur générée par les cigarettes électroniques est beaucoup moins toxique que la fumée produite par la combustion du tabac et en conséquence vapoter présente considérablement moins de risque pour la santé que de fumer.

Il faut aussi se rappeler que même si on s’inquiète beaucoup de la hausse du vapotage chez les jeunes, la cigarette électronique ne représente certainement pas la principale menace à leur santé. Par exemple, les sondages réalisés aux États-Unis indiquent que plus de 15 % des jeunes du secondaire boivent régulièrement de grandes quantités d’alcool (binge drinking), un comportement extrêmement nocif et qui est associé à un risque accru d’accidents, de violence et de plusieurs maladies graves (AVC, cirrhose, cancer).  Même si la consommation d’alcool est plus acceptée socialement que celle de cigarettes électroniques, il faut garder en tête que la consommation excessive d’alcool représente une des principales causes de mortalité à l’échelle du globe et est donc beaucoup plus dommageable pour la santé des jeunes que la cigarette électronique. Avant de songer à bannir les produits de vapotage sous prétexte de « protéger nos jeunes », comme on l’entend parfois, il faut donc tenir compte de ces risques relatifs et éviter tout forme de prohibition qui pourrait avoir pour effet de les entrainer vers des produits de tabac combustibles qui eux sont beaucoup plus nocifs pour la santé. Malgré les reportages souvent très alarmistes,  la transition du tabac vers la cigarette électronique est donc une tendance moins inquiétante qu’il n’y parait à première vue et représente un exemple typique de la réduction des méfaits en santé publique .