Trouver le juste équilibre entre les risques et les bénéfices associés à la cigarette électronique. David J. K. Balfour, DSc, Neal L. Benowitz, MD, Suzanne M. Colby, PhD, Dorothy K. Hatsukami, PhD, Harry A. Lando, PhD, Scott J. Leischow, PhD, Caryn Lerman, PhD, Robin J. Mermelstein, PhD, Raymond Niaura, PhD, Kenneth A. Perkins, PhD, Ovide F. Pomerleau, PhD, Nancy A. Rigotti, MD, Gary E. Swan, PhD, Kenneth E. Warner, PhD, and Robert West, PhD.
Traduction de : Balfour DJK et coll. Balancing Consideration of the Risks and Benefits of E-Cigarettes Am J Public Health. Sep;111(9):1661-1672. https://doi.org/10.2105/AJPH.2021.306416
La cigarette électronique est un sujet controversé. Les opposants insistent sur les risques de son utilisation chez les jeunes, tandis que ses partisans mettent l’accent sur son utilité pour aider les fumeurs à cesser de fumer. La plupart des organisations de santé, des médias et des décideurs américains se sont principalement concentrés sur les risques qu’elle représente pour les jeunes. Cette emphase sur les risques explique pourquoi la majorité des gens, y compris une grande partie des fumeurs, considère aujourd’hui que l’utilisation de la cigarette électronique est aussi dangereuse, sinon plus, que le tabagisme. En revanche, une analyse de la National Academies of Science, Engineering, and Medicine conclut que la cigarette électronique est probablement beaucoup moins nocive que le tabac. Les politiques visant à réduire le vapotage chez les adolescents pourraient aussi diminuer l’utilisation de la cigarette électronique chez les fumeurs adultes qui tentent de cesser de fumer. Étant donné que des données probantes indiquent que l’usage de la cigarette électronique peut augmenter les chances de cesser de fumer, de nombreux scientifiques, dont les auteurs de cet essai, encouragent la communauté de la santé, les médias et les décideurs à évaluer plus attentivement le potentiel du vapotage pour réduire la mortalité attribuable au tabagisme chez les adultes. Dans l’optique de trouver un équilibre entre les préoccupations légitimes au sujet des risques pour les jeunes et les avantages potentiels de l’augmentation du renoncement au tabac chez les adultes, nous passons ici en revue les risques pour la santé liés à la cigarette électronique, la probabilité que le vapotage puisse favoriser l’abandon du tabac et les préoccupations concernant le vapotage chez les jeunes.
L’utilisation de la cigarette électronique contenant de la nicotine a provoqué des divisions au sein de la communauté antitabac, avec certains qui sont de farouches opposants à ces dispositifs, tandis que d’autres en sont des partisans enthousiastes. Les opposants à la cigarette électronique soulignent que le vapotage peut entraîner une dépendance à la nicotine chez les jeunes et qu’en faisant de certains d’entre eux des fumeurs dépendants, son utilisation risque de « renormaliser » le tabagisme. Ils s’appuient aussi sur des recherches qui suggèrent que la nicotine pourrait nuire au développement du cerveau des adolescents. Certains considèrent que les risques du vapotage sur la santé sont importants et d’autres se demandent même si le vapotage ne nuirait pas au sevrage tabagique1. En revanche, les défenseurs de la cigarette électronique soulignent que le vapotage aide les fumeurs à se sevrer du tabac et qu’il représente beaucoup moins de risques que le tabagisme pour la santé des utilisateurs. Ils soulignent également le fait que le tabagisme juvénile a diminué drastiquement pendant que le vapotage gagnait en popularité2.
Aux États-Unis, la plupart des agences gouvernementales de santé3-6 ainsi que les organisations non gouvernementales médicales7-8 et de santé 9-12 mettent l’emphase sur les risques du vapotage pour les jeunes. Les déclarations de ces organisations, leur influence sur les décideurs et la couverture médiatique de ce sujet ont eu un impact majeur sur l’opinion publique en ce qui a trait au vapotage. Une étude portant sur les articles publiés par les médias américains sur les cigarettes électroniques a révélé qu’entre 2015 et 2018, 70 % de ces articles mentionnaient les risques du vapotage chez les jeunes, tandis que seulement 37,3 % rapportaient les bénéfices potentiels du vapotage pour les fumeurs adultes13. De plus, lors d’une enquête nationale menée en 2019, près de la moitié des répondants considéraient que la nicotine vaporisée était tout aussi nocive ou plus nocive que la cigarette. Seulement un huitième des répondants considérait le vapotage moins nocif (le reste des participants ayant répondu « Je ne sais pas. »14). Pourtant, la US National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine15 et le British Royal College of Physicians16 ont conclu que le vapotage est probablement beaucoup moins dangereux que fumer la cigarette.
La perception inexacte du public par rapport à la nocivité du vapotage s’est aggravée en 2019 suite à l’apparition d’une maladie pulmonaire aiguë, associée au vapotage, nommée EVALI (en anglais « E-cigarette or Vaping use-Associated Lung Injury qui a causé 68 décès17 et fait l’objet d’une intense couverture médiatique. Plusieurs villes et états américains ont rapidement interdit la vente de cigarettes électroniques aromatisées dans les commerces de détail et en ligne18. Cependant, au début de l’année 2020, il a été démontré que la maladie était causée par l’acétate de vitamine E, un adultérant qu’on retrouve dans les dispositifs de vapotage illicites de tétrahydrocannabinol (THC) et qui produit des lésions pulmonaires chez les animaux19-21. Un petit pourcentage des patients atteints d’EVALI ont déclaré vapoter exclusivement de la nicotine, mais ils se trouvaient dans des États où le THC est illégal et la plupart n’ont reçu aucun test toxicologique pouvant nous éclairer sur les causes de leur maladie22. De plus, une fois que les effets nocifs de l’acétate de vitamine E ont été rendus publics et que le THC frelaté a été retiré du marché, l’incidence de nouveaux cas d’EVALI a chuté précipitamment. Malgré tout, après la fin de l’épidémie, les deux tiers des personnes interrogées dans un sondage associaient les décès dus aux maladies pulmonaires à l’utilisation de « cigarettes électroniques comme la JUUL » et seulement 28% des répondants les rattachaient à la consommation de « marijuana ou de cigarettes THC »23.
Si les scientifiques sont en désaccord quant aux risques et aux avantages relatifs à la nicotine vaporisée1,2,24,25, plusieurs – y compris les auteurs de cet article – croient que, dans la mesure où le vapotage permet de favoriser la désaccoutumance au tabac, la cigarette électronique peut être bénéfique pour la santé publique. Notre objectif est d’encourager une réflexion plus nuancée au sujet du vapotage, que ce soit dans les milieux de la santé publique, des médias ou de la politique.
Cet article touchera les sujets suivants:
- Les risques du vapotage pour la santé,
- La probabilité que la cigarette électronique augmente la cessation du tabac,
- Les inquiétudes vis-à-vis le vapotage chez les jeunes,
- La nécessité de trouver un équilibre entre les risques du vapotage pour les jeunes et ses bénéfices potentiels pour les fumeurs adultes.
LES RISQUES DU VAPOTAGE POUR LA SANTÉ
Selon le National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, « les tests de laboratoire sur les ingrédients des cigarettes électroniques, les tests toxicologiques in vitro ainsi que les études à court terme sur les êtres humains suggèrent que les cigarettes électroniques sont susceptibles d’être beaucoup moins nocives que la cigarette traditionnelle15». Le British Royal College of Physicians a également conclu que « le vapotage n’est pas entièrement sans risque, mais est beaucoup moins nocif que le tabac fumé16».
Il existe relativement peu de données cliniques et épidémiologiques de qualité concernant les effets du vapotage sur la santé. Puisque la cigarette électronique est récente et que les produits de vapotage ont évolué très rapidement, il n’y a pas encore de données sur les effets à long terme de leur utilisation sur la santé. Il est également difficile d’observer les effets du vapotage à court terme, car la plupart des adultes qui y ont recours sont pour la plupart d’anciens ou d’actuels fumeurs de tabac.
Certaines études observent que le vapotage pourrait aggraver l’asthme, la bronchite et la toux et ce, y compris chez les jeunes non-fumeurs26-27. Cependant, d’autres études ont révélé que les fumeurs souffrant d’asthme ou de maladies pulmonaires obstructives chroniques constatent une amélioration de leurs symptômes après avoir opté pour la cigarette électronique28-29. Des études randomisées de substitution (de la cigarette à la cigarette électronique) ont aussi noté une amélioration des symptômes respiratoires30–31.
Des études en laboratoire ont rapporté que les aérosols de cigarette électronique pourraient être potentiellement néfastes sur les cellules et les animaux26–27. Il est toutefois difficile d’extrapoler le résultat de ces tests d’exposition aux humains26. Les études expérimentales chez l’homme se sont concentrées sur les effets aigus du vapotage33, qui ne permettent pas nécessairement de prédire le risque de maladie future. Par exemple, la cigarette électronique altère gravement la fonction endothéliale, un phénomène impliqué dans le développement des maladies cardiovasculaires, mais lorsque les fumeurs remplacent la cigarette par la cigarette électronique, la fonction endothéliale est plutôt normalisée 34–35. Une étude récente n’a décelé aucune différence dans les biomarqueurs du stress inflammatoire et oxydatif entre les utilisateurs exclusifs de la cigarette électronique et les personnes qui ne vapotaient ni ne fumaient la cigarette36.
Il existe peu d’éléments suggérant que la cigarette électronique puisse poser un risque de cancer15. Par contre, certaines études soulèvent certaines préoccupations qui justifient un suivi à long terme des vapoteurs37–38.
De nombreux scientifiques ont conclu que le vapotage était fort probablement beaucoup moins dangereux que le tabagisme pour les raisons suivantes 15–16:
- Le nombre de produits chimiques contenus dans la fumée de cigarette, supérieur à 700039, dépasse celui contenu dans l’aérosol de la cigarette électronique par 2 ordres de grandeur40–41.
- Les deux produits détiennent certaines substances toxiques en commun, mais on retrouve généralement celles-ci en beaucoup plus grande quantité dans la fumée de cigarette que dans l’aérosol de cigarette électronique42–44. Cependant, l’aérosol de la cigarette électronique contient certaines substances qui ne se trouvent pas dans la fumée de cigarette45.
- Les biomarqueurs révélant l’exposition aux substances toxiques sont beaucoup plus élevés chez les fumeurs exclusifs que chez les vapoteurs exclusifs. Des études faites sur les fumeurs qui remplacent la cigarette par la cigarette électronique démontrent une diminution de l’exposition à ces substances toxiques31,46-50.
- Des tests de la fonction pulmonaire et vasculaire indiquent une amélioration chez les fumeurs qui passent à la cigarette électronique28–29, 34. Les personnes utilisant exclusivement la cigarette électronique – d’anciens fumeurs pour la plupart – signalent moins de symptômes respiratoires que les fumeurs de tabac ou les personnes alternant entre la cigarette et la cigarette électronique51.
Il n’en demeure pas moins que certaines questions au sujet de la cigarette électronique demeurent sans réponse52. Les recherches en cours permettront de mieux comprendre les risques liés au vapotage pour la santé.
LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE ET LA CESSATION DU TABAC
Bien que les preuves ne soient pas définitives, il existe plusieurs raisons de penser que la cigarette électronique favorise l’abandon du tabac chez les fumeurs53–54.
Essais randomisés
Lors d’un essai clinique contrôlé randomisé sur l’abandon du tabac réalisé en Angleterre55, les fumeurs ayant utilisé la cigarette électronique ont été deux fois plus nombreux à réussir leur sevrage tabagique après un an (18%) que les fumeurs ayant reçu un traitement standard de remplacement de la nicotine (9.9%), et ce, malgré le fait que les deux groupes aient suivi une thérapie cognitivo-comportementale. Bien que 80% des personnes ayant réussi à arrêter de fumer continuaient à vapoter, elles n’étaient plus exposées aux risques associés au tabagisme, qui sont beaucoup plus dangereux.
Une étude réalisée en Nouvelle-Zélande a révélé qu’après six mois, l’utilisation du timbre de nicotine en plus de la cigarette électronique contenant de la nicotine était la méthode la plus efficace pour cesser de fumer. Cette combinaison fonctionnait mieux que le timbre de nicotine accompagné d’une cigarette électronique sans nicotine ou bien que le timbre utilisé seul. Ainsi, en plus d’aider à cesser de fumer lorsqu’elle est utilisée seule, la cigarette électronique à base de nicotine peut accroitre l’efficacité des substituts nicotiniques déjà offerts aux fumeurs56.
En s’appuyant sur les résultats de 26 essais contrôlés randomisés, le Cochrane Review a récemment conclu qu’ « il existe des preuves d’une certitude modérée que les CE contenant de la nicotine augmentent le taux d’abandon de la cigarette par rapport aux CE sans nicotine ou aux autres traitements de remplacement de la nicotine »53. Une autre méta-analyse a tiré des conclusions similaires à celle-ci, bien que plus prudentes57. Cela dit, la US Preventive Service Task Force, une organisation qui émet des recommandations au sujet des traitements de sevrage tabagique, ne trouve pas que les études qui ont été menées en ce sens représentent des preuves suffisantes58. En conséquence, et pour certaines raisons mentionnées dans la Cochrane review, d’autres essais cliniques de qualité sont requis.
Il convient d’ajouter qu’aucun fabricant de cigarettes électroniques n’a fait de démarche pour que leurs produits soient approuvés médicalement en tant qu’aide au sevrage tabagique. Cela s’explique probablement par le fait que la cigarette électronique comme produit de consommation est suffisamment rentable pour les fabricants, sans nécessiter une application médicale.
Études populationnelles
Dans l’ensemble, les résultats des études démographiques sont en accord avec le quasi-doublement de réussite du sevrage tabagique constaté dans les essais contrôlés randomisés et avec le fait que la cigarette électronique est le moyen le plus utilisé par les fumeurs lorsqu’ils décident d’arrêter de fumer59. Quatre études60–63 ont remarqué une augmentation de réussite du sevrage tabagique (10% à 15%), attribuables selon les auteurs au vapotage. Une étude menée par le Centers for Disease Control and Prevention rapporte qu’en 2018, 15,1% de fumeurs avaient cessé de fumer pendant 6 mois ou plus en utilisant la cigarette électronique contre 3,3% pour ceux qui avaient utilisé d’autres produits de substitution du tabac et 6,6% pour ceux n’ayant pas eu recours à des produits de substitution nicotinique64. Une autre étude a rapporté un taux presque deux fois plus élevé de cessation tabagique auto-déclaré chez les utilisateurs de la cigarette électronique ou de la varénicline par rapport aux autres fumeurs qui n’ont pas eu recours à ces produits65. Les simulations qui ont été faites à partir de ces études démographiques montrent généralement que le vapotage favorise le sevrage tabagique et permet ainsi d’éviter un nombre important de décès prématurés66–69.
D’autres chercheurs ont observé que seule l’utilisation régulière et fréquente de la cigarette électronique est associée à une augmentation du sevrage tabagique70–75. Ce résultat pourrait réfléter un biais de sélection, c’est-à-dire que les vapoteurs réguliers aiment probalement plus la cigarette électronique et sont plus motivés à cesser de fumer, tandis que les vapoteurs occasionnels sont plutôt des fumeurs qui utilisent la cigarette électronique comme source temporaire de nicotine là où il est interdit de fumer 73–76.
D’autres chercheurs ont rapporté un taux de cessation du tabac réduit chez les fumeurs qui vapotent77–78, mais un bon nombre d’entre eux n’ont pas pris en compte la fréquence du vapotage qui, comme nous venons de l’expliquer, peut entrainer un biais de sélection. Il en va de même pour les études qui incluaient les vapoteurs qui fumaient également la cigarette tandis qu’elles excluaient ceux ayant réussi à arrêter totalement de fumer53,78. Une méta-analyse souvent citée par les opposants à la cigarette électronique affirme que la chance d’arrêter de fumer pour les vapoteurs est 28% inférieure à celles des fumeurs qui quittent sans l’aide de la cigarette électronique77. Cette analyse combinait des essais cliniques, des études de cohorte et des analyses transversales, ce qui est méthodologiquement inapproprié dans le cadre de méta-analyses79. Il est possible que les biais présents dans les études individuelles soient aggravés dans une méta-analyse, ce qui augmente les chances de résultats incorrects76.
Les ventes de cigarettes
Depuis des années, la vente de cigarettes aux États-Unis a diminué de 2 à 3% par an. Dernièrement, alors que la vente de produits de vapotage augmentait, celle des cigarettes a décliné beaucoup plus rapidement. Inversement, à la suite de l’épidémie d’EVALI et des restrictions sur les ventes de cigarettes électroniques, les ventes de ces dernières ont chuté tandis que celles des cigarettes de tabac ont retrouvé leur niveau d’antan, avant l’arrivée de la cigarette électronique 80. Des études observant une élasticité de la demande entre les cigarettes et les cigarettes électroniques suggèrent que ces produits se substituent l’un à l’autre81–82.
L’hypothèse d’une relation causale inversée entre le vapotage et le tabagisme est renforcée par des données provenant de pays où on a observé une baisse surprenante des ventes de cigarettes qui coïncidait avec une hausse des ventes d’un nouveau produit à base de nicotine, les produits du tabac chauffés (en anglais, HTP pour Heated Tobacco Products). Comme la cigarette électronique, les HTP exposent les usagers à des niveaux de substances toxiques inférieurs à ceux de la cigarette83. Au Japon, par exemple, l’adoption des HTP entre 2015 et 2019 s’est accompagnée d’une diminution du tiers des ventes de cigarettes84. On remarque que dans les deux cas – les HTP au Japon et les cigarettes électroniques aux États-Unis –les ventes de cigarettes diminuaient à mesure que les ventes de produits moins risqués augmentaient.
Conséquences involontaires des politiques restreignant le vapotage
Des études ont montré que les politiques visant à restreindre l’usage de la cigarette électronique ont eu comme conséquence involontaire d’augmenter le tabagisme. Une étude a entre autres associé une taxe sur les cigarettes électroniques instaurée au Minnesota à une hausse du tabagisme et une baisse du sevrage tabagique. Il est estimé que taxer les cigarettes électroniques au même taux que la cigarette de tabac pourrait dissuader 2,75 millions de fumeurs de cesser de fumer sur une période de 10 ans85. De plus, deux autres études ont révélé que les politiques imposées par l’État visant à restreindre l’accès des mineurs aux cigarettes électroniques étaient associées à un taux de tabagisme plus élevé chez les adolescents86–87.
Implications
Bien qu’elle ne soit pas encore définitive, l’ensemble des preuves indique que le vapotage fréquent favorise le sevrage tabagique chez les adultes. Les fumeurs incapables d’arrêter de fumer avec les méthodes de sevrage traditionnelles88gagneraient donc à être bien informés des risques relatifs que représentent respectivement le vapotage et le tabagisme sur la santé et du potentiel offert par le vapotage pour cesser de fumer. Il est particulièrement important de comprendre que même si les conséquences à long terme du vapotage sur la santé sont inconnues, le fait de remplacer complètement le tabac par la cigarette électronique diminue probablement les risques pour la santé15 , possiblement de façon substantielle. Cependant, l’usage alterné de la cigarette et de la cigarette électronique n’aura pas un effet bénéfique comparable88. Exceptionnellement, une période d’« usage double » peut être nécessaire afin d’aider certains fumeurs à faire une transition en douceur. Puisque le vapotage présente lui aussi certains risques inhérents, le meilleur conseil est d’éventuellement cesser de vapoter .
LES INQUIÉTUDES VIS-À-VIS LE VAPOTAGE CHEZ LES JEUNES
Les principales objections au vapotage concernent 3 principaux effets chez les jeunes :
- L’utilisation de la cigarette électronique pourrait créer une dépendance à la nicotine chez des jeunes qui n’auraient jamais essayé de fumer la cigarette.
- L’utilisation de la cigarette électronique pourrait amener certains jeunes à fumer la cigarette, ce qui risquerait de « renormaliser » le tabagisme.
- La nicotine pourrait nuire au développement du cerveau et le vapotage de nicotine pourrait avoir d’autres effets néfastes sur la santé.
Le vapotage comme cause de dépendance à la nicotine
Il est possible que l’utilisation de la cigarette électronique rende certains jeunes dépendants à la nicotine. Cependant, les chiffres démontrent que cette possibilité ne concerne qu’un petit nombre d’entre eux89. Une étude menée par Jarvis et al. conclut que « les données ne corroborent pas les allégations d’une nouvelle épidémie de dépendance à la nicotine qui proviendrait de l’utilisation de la cigarette électronique90 ». Jackson et al. ont également rapporté que l’augmentation de l’usage de la cigarette électronique contenant de la nicotine chez les élèves du secondaire n’est pas associée à une augmentation de la dépendance au niveau de la population89 . Parmi les jeunes n’ayant jamais fumé, en plus de la faible prévalence du vapotage (9,1% d’usagers au cours des 30 derniers jours en 2020) et la fréquence assez basse de son usage (2,3% d’usagers de plus de 20 jours au cours des 30 derniers jours)91, seul un petit pourcentage de ces jeunes présentait des signes de dépendance à la nicotine90.
Le vapotage régulier est beaucoup plus commun chez les jeunes qui fument le tabac ou qui fumaient par le passé que chez ceux n’ayant jamais fumé90. Plusieurs ex-fumeurs étaient donc déjà dépendants à la nicotine avant de commencer à vapoter. Aussi, avec la diminution du tabagisme chez les jeunes du secondaire qui s’est accélérée depuis que les jeunes ont commencé à utiliser la cigarette électronique92–93, certains utilisent peut-être le vapotage pour réduire leur consommation de cigarette ou encore pour cesser de fumer.
Néanmoins, puisque le vapotage peut créer une dépendance chez les jeunes n’ayant jamais fumé auparavant, des efforts concertés doivent être mis en œuvre afin de réduire l’utilisation de la cigarette électronique chez ce groupe démographique. Le nouvel âge minimum de 21 ans pour acheter des produits du tabac devrait en ce sens aider 94. Des agences gouvernementales3,95 et des organisations bénévoles12–96 informent aussi activement les jeunes sur les risques du vapotage par le biais de sites web, des médias sociaux et de campagnes télévisées. Il existe également certains groupes bénévoles qui font pression sur le Congrès et sur les gouvernements des États afin que ceux-ci adoptent davantage de lois restreignant aux jeunes l’accès aux cigarettes électroniques.
Les mesures récentes se sont concentrées sur la restriction de la disponibilité des saveurs de vapotage97, qui représenteraient un des principaux attrait pour les jeunes98–101. Bien que l’interdiction des saveurs pourrait réduire l’intérêt des jeunes pour la cigarette électronique, cette décision aurait également comme effet de nuire aux fumeurs adultes souhaitant cesser de fumer102–104. Effectivement, tout comme les jeunes, les adultes préfèrent les saveurs de liquides qui n’imitent pas l’arôme du tabac105 et les deux groupes d’âge privilégient les saveurs fruitées et sucrées106–107.
Les politiques concernant les saveurs illustrent parfaitement la question plus générale examinée dans cet article : la nécessité de créer un équilibre entre les objectifs parfois conflictuels de prévention du vapotage chez les jeunes et de soutien aux tentatives de sevrage tabagique des adultes, en particulier pour les fumeurs incapables ou ne voulant pas arrêter par d’autres moyens108.
Le vapotage comme cause du tabagisme
Des études prospectives ont révélé que les jeunes qui vapotaient mais n’avaient jamais fumé étaient plus susceptibles d’essayer la cigarette que leurs homologues qui n’avait jamais vapoté ou fumé15,109-113. C’est pourquoi certains observateurs considèrent le vapotage comme une voie d’accès au tabagisme114-115.
D’autres observateurs pensent plutôt que cette relation entre le vapotage et l’initiation au tabagisme reflète une « responsabilité commune »116. Les jeunes qui vapotent sont généralement plus enclins à adopter des comportements à risque117 et pourraient donc être plus susceptibles d’essayer de fumer, même sans cigarette électronique118–121. Trois études récentes ont conclu que le vapotage détournerait plus de jeunes du tabagisme qu’il en encouragerait à fumer122-124. À l’inverse, certaines études prospectives ont trouvé que la relation vapotage-tabac était la plus forte chez les jeunes à faible risque de fumer125-127.
Plusieurs autres corrélations, bien qu’évidentes, ne sont souvent pas prises en compte par ces études128. Il est important de noter que peu d’études incluent la consommation par les jeunes d’autres substances psychoactives, y compris la marijuana et l’alcool. Dans une étude, le lien statistiquement significatif entre le vapotage et l’initiation au tabagisme est éliminé si on inclut dans l’analyse le cannabis et trois autres variables 126-127. De plus, la plupart des études ne tiennent même pas compte de l’utilisation antérieure par les participants de produits du tabac autres que la cigarette. Lorsque ces facteurs confondants sont pris en compte dans les analyses, la relation entre le vapotage et l’essai éventuel de la cigarette est considérablement atténuée129.
Le nombre de cigarettes fumées lors du suivi des études est fréquemment très bas, soit une ou deux cigarettes au cours des 12 derniers mois 130. De plus, les études prospectives n’ont généralement pas examiné la transition vers le tabagisme quotidien, à l’exception d’une étude récente131. Seule une faible proportion de ceux qui essaient la cigarette deviennent des fumeurs réguliers. Par exemple, si Kim and Selvya ont observé que l’utilisation de la cigarette électronique était associée à l’essai de la cigarette, le vapotage n’était cependant pas associé à une consommation régulière et continue de tabac 119. Par contre, Pierce et al. ont récemment conclu le contraire131. Pour leur part, Shabab et al. rapportent que moins de 1% des étudiants américains ayant commencé à consommer de la nicotine ou du tabac avec des cigarettes électroniques étaient des fumeurs réguliers de cigarettes132.
Si le vapotage mène donc certains jeunes à essayer la cigarette, son impact global doit être très faible. Une étude récente68estime que si le vapotage augmentait par 3,5 les chances que les jeunes non-fumeurs essaient la cigarette (tel que rapporté par Sineju et al.)109, l’initiation au tabac chez les jeunes augmenterait de moins de 1%. En outre, les données de sondages américains démontrent que le tabagisme a diminué à un rythme plus rapide depuis l’avènement du vapotage92,93,133. Si le vapotage menait au tabagisme, il faudrait donc que d’autres facteurs inconnus fassent contrepoids à ce phénomène.
La nicotine nuirait au développement du cerveau
Des études faites sur des modèles animaux ont démontré que la nicotine pouvait affecter le développement des parties du cerveau associées à la fonction exécutive et à la prise de décision, pouvant engendrer un comportement plus impulsif, des déficits cognitifs ainsi qu’une propension à l’auto-médicamentation134-135. Des changements neurologiques attribués à la nicotine ont également été observés sur le cerveau de fumeurs adolescents, ce qui selon certains pourraient refléter l’existence d’effets néfastes similaires à ceux observés chez les modèles animaux136-137.
Ces études amènent certains chercheurs à soupçonner que la consommation de nicotine, peu importe sa forme, pourrait entraîner à long terme des modifications structurelles et fonctionnelles sur le cerveau et les implications négatives pour la cognition ou le contrôle de l’impulsivité qui leur sont associées138. Par contre, étant donné les multiples différences entre les modèles animaux et les humains, de même que l’incertitude quant à la pertinence des doses de nicotine utilisées sur les animaux en termes d’utilisation humaine, la validité d’une extrapolation de ces résultats aux humains demeure spéculative. Il est difficile de déterminer si l’altération du développement cérébral et ses conséquences comportementales sur les jeunes consommateurs sont uniquement liées à la consommation de nicotine ou à d’autres facteurs de risques associés au tabagisme chez les jeunes, tels que les facteurs génétiques et socioéconomiques, la présence d’une polyconsommation et les problèmes neuropsychiatriques préexistants. De plus, la recherche n’est pas encore parvenue à examiner isolément la consommation de nicotine à l’adolescence et d’en déterminer les séquelles ultérieures. Néanmoins, les inquiétudes concernant les effets d’une exposition à la nicotine provenant des cigarettes électroniques sur la fonction cérébrale méritent un examen plus approfondi98.
Contextualisation du vapotage chez les jeunes
Est-ce que le vapotage amène l’ensemble des jeunes à être exposé à un niveau plus dangereux de nicotine qu’ils ne l’auraient été en l’absence de la cigarette électronique?. Plusieurs observations soulèvent des doutes sur cette question :
- La grande majorité des jeunes qui ne consomment pas des produits de tabac ne vapotent pas et ne sont donc pas exposés à la nicotine90.
- Parmi ceux qui vapotent, la plupart ne le font pas à une fréquence élevée : il s’agit souvent d’utilisateurs qui expérimentent à court terme 90.
- Ce sont les personnes déjà exposées à la nicotine – les fumeurs et les anciens fumeurs – qui utilisent le vapotage à une fréquence plus soutenue91.
- Le tabagisme, qui est la forme la plus dangereuse d’exposition à la nicotine pour les jeunes, a diminué de manière radicale depuis l’arrivée du vapotage92,93,133. La consommation d’autres produits du tabac a également diminuée139.
Malgré tout, il est compréhensible que l’augmentation substantielle de l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes entre 2018 et 2019 suscite de l’inquiétude et il est nécessaire d’y réfléchir. La baisse significative d’utilisation observée en 2020 est toutefois encourageante139. Il est essentiel de continuer à surveiller l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes, d’en apprendre plus sur ses méfaits potentiels et d’identifier des stratégies de prévention efficaces. Cependant, tandis que les groupes de santé publique, les médias, les décideurs politiques et le grand public se concentrent exclusivement sur l’enjeu du vapotage chez les jeunes, le potentiel du vapotage pour aider les adultes à cesser de fumer est souvent oublié. Ceci peut entrainer des coûts importants en termes de santé publique : quatorze pour cent des adultes américains fument et le tabagisme cause chaque année près d’un demi-million de décès. Tout ce qui pourrait améliorer ce bilan mérite d’être considéré.
Mettre l’accent sur les dangers de l’utilisation de la cigarette électronique chez les jeunes a comme effet de créer un climat qui fait croire aux fumeurs adultes que le vapotage est aussi dangereux et même plus dangereux que de fumer14. Cela pourrait conduire plusieurs fumeurs qui ont de la difficulté à cesser de fumer à ne pas envisager le vapotage comme alternative à la cigarette. Cette situation se traduit alors par un taux de sevrage tabagique plus faible que si les fumeurs pouvaient comparer de manière réaliste les risques du vapotage à ceux du tabagisme.
TROUVER L’ÉQUILBRE ENTRE LES RISQUES ET DES BÉNÉFICES POTENTIELS DE LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE
Des recherches ont démontré que les avantages potentiels du vapotage pour les fumeurs adultes prédominaient sur les risques que représentait la cigarette électronique pour les jeunes66, permettant potentiellement d’épargner l’équivalent de dizaines de millions d’années de vie perdues à cause du tabagisme 67-68. Bien que le vapotage ne puisse mettre fin au tabagisme, il peut agir comme complément aux méthodes déjà éprouvées de réduction du tabagisme. Pensons entre autres aux taxes sur le tabac, aux lois sur les lieux de travail sans fumée, aux restrictions de commercialisation, aux emballages neutres sur lesquels on retrouve des messages d’avertissements, aux campagnes médiatiques antitabac, à la loi Tobacco-21 (interdiction de vente de produits du tabac aux moins de 21 ans)24 ou encore aux traitements de sevrage tabagique88.
Nous pensons que les avantages potentiels de la cigarette électronique pour les fumeurs méritent autant d’attention que les risques qu’elle représente pour les jeunes140. En ce moment, ce sont des millions de fumeurs adultes qui courent un risque élevé de maladie et de décès au cours des prochaines années. Seul le fait d’arrêter de fumer le plus rapidement possible peut diminuer ces risques pour leur santé88. Les jeunes fumeurs, quant à eux, ne souffriront pas des maladies chroniques liées au tabagisme (et peut-être au vapotage) avant une trentaine d’années, et même probablement jamais s’ils cessent de fumer dans les dix ou vingt années à venir. De plus, dans le futur, il est probable que la pression sociale pour arrêter de fumer demeurera aussi forte et que les aides pour cesser de fumer vont s’améliorer. Aussi, comme nous l’avons déjà mentionné, le taux de tabagisme chez les jeunes a diminué tandis que le vapotage est en hausse92,93,133. Le vapotage peut créer une dépendance à la nicotine chez certains jeunes, mais beaucoup moins qu’on ne le croit généralement 90.
Repenser les lois et les restrictions
À ce jour, les politiques américaines ont eu comme seul objectif de diminuer le vapotage chez les jeunes, ce qui pourrait avoir nui à la contribution potentielle du vapotage sur la réduction du tabagisme chez les adultes fumeurs. Ces politiques incluent la taxation des cigarettes électroniques à des taux comparables à ceux des cigarettes de tabac, restreindre l’accès aux produits aromatisés de vapotage qui facilitent l’arrêt du tabac103 et convaincre le grand public – y compris les fumeurs – que vapoter est aussi dangereux que fumer14.
La santé publique devrait intervenir de manière à réduire le vapotage chez les jeunes tout en favorisant la hausse de la cessation du tabac chez les adultes97,120,140,142. Bien qu’une discussion approfondie sur les moyens législatifs qui profiteraient à la fois aux jeunes et aux adultes fumeurs dépasse le cadre de cet article, nous proposons quelques exemples qui permettraient d’atteindre cet objectif. Ces propositions s’ajoutent aux données probantes déjà connues sur la prévention et la cessation du tabagisme.
- Taxer lourdement les cigarettes et les autres produits du tabac et imposer une taxe moindre sur les cigarettes électroniques. Le taux de taxation se doit d’être proportionnel aux risques pour la santé. Une hausse massive des taxes sur les produits combustibles encouragera les fumeurs adultes à arrêter de fumer ou à remplacer le tabac par la cigarette électronique, moins chère. On peut penser qu’une taxe modeste sur la cigarette électronique suffira aussi à décourager son utilisation chez les jeunes qui sont plus influencés par le prix des produits141.
- Étant donné que les jeunes et les adultes fumeurs préfèrent vapoter des saveurs aromatisées98-107, bannir l’ensemble (ou presque) des saveurs va réduire le vapotage des jeunes99,101, mais aussi l’utilisation des cigarettes électroniques comme substitut tabagique par les fumeurs102-104. Limiter la vente des cigarettes électroniques aromatisées aux points de vente réservés aux adultes, tels que les boutiques de vapotage, pourrait être une solution. Cette restriction n’est pas parfaite pour aucun des deux groupes, mais elle pourrait paradoxalement profiter aux deux.
- Les agences gouvernementales et les organisations de santé devraient communiquer de façon nuancée et ciblée. Il faudrait être capable de souligner les préoccupations légitimes concernant le vapotage chez les jeunes tout en mettant l’accent sur les avantages potentiels de la cigarette électronique comme une alternative moins risquée (sans prétendre qu’elle ne représente aucun risque) pour aider les fumeurs adultes autrement incapables ou réticents à arrêter de fumer.
- La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis devrait réglementer strictement la publicité et le marketing des cigarettes électroniques, interdisant tout marketing destiné ou attrayant pour les jeunes et les jeunes adultes, y compris toute publicité « style de vie ». Ils devraient limiter la publicité à un thème de « substitution » destiné clairement et exclusivement aux fumeurs adultes autrement incapables d’arrêter de fumer.
- La FDA devrait mettre en œuvre son plan de 2017 exigeant la réduction de la nicotine dans la cigarette à un seuil incapable de maintenir la dépendance, tout en garantissant aux consommateurs la disponibilité de produits à base de nicotine qui représentent moins de risques. Pour atteindre ce dernier objectif, la FDA devrait développer des normes concernant les cigarettes électroniques, ce qui garantirait la minimisation des risques associés à cette classe de produits sans nuire à son accessibilité.
Le rôle de la nicotine dans les maladies causées par le tabac
Le plan de la FDA se fonde sur la reconnaissance du continuum de risques qu’on retrouve dans les produits à base de nicotine143. Si la nicotine est le produit chimique du tabac qui entraîne la dépendance, ce sont d’autres constituants toxiques – principalement dans le tabac fumé – qui causent les maladies résultant du tabagisme143,144. Ainsi, les produits contenant de la nicotine varient en matière de risque. D’un côté de ce continuum, on retrouve les produits de substitution de la nicotine approuvés par la FDA, utilisés lors du sevrage tabagique et très peu risqués; de l’autre, les cigarettes combustibles qui représentent le risque le plus important.
Malheureusement, le public a une vision déformée des dangers associés à la nicotine en tant que telle. Dans une enquête récente, 57 % des personnes interrogées ont convenu, à tort, que « la nicotine contenue dans les cigarettes est la substance qui cause la plupart des cancers causés par le tabagisme ». Seulement 18,9 % n’étaient pas d’accord. (Les autres ont répondu « Je ne sais pas»)14. Dans un récent sondage mené auprès de médecins, 80 % d’entre eux étaient fortement, bien qu’à tort, d’accord pour affirmer que la nicotine causait le cancer, les maladies cardiovasculaires et la maladie pulmonaire obstructive chronique145.
CONCLUSION
Nous partageons avec l’ensemble de la santé publique les préoccupations légitimes concernant le vapotage chez les jeunes. Cependant, notre objectif est de mettre ces inquiétudes en perspective. Comme l’a souligné le chirurgien américain Everett Koop en 1998: « Au même titre que nous prenons toutes les mesures possibles pour protéger nos enfants des ravages du tabac, nous devons nous engager auprès de ceux qui en sont déjà dépendants, et ce, de manière soutenue »146. Cet engagement apparait aujourd’hui précaire.
Bien que les données accumulées jusqu’à maintenant suggèrent que le vapotage favorise le sevrage tabagique, cet impact pourrait être beaucoup plus important si la communauté de la santé publique prêtait une attention sérieuse à son potentiel pour aider les fumeurs adultes, si les fumeurs recevaient des informations précises sur les risques relatifs du vapotage et du tabagisme, et si des politiques étaient conçues en gardant à l’esprit les effets potentiels sur les fumeurs. Malheureusement, nous n’en sommes pas là.
La nécessité de s’intéresser aux fumeurs adultes est particulièrement importante dans une perspective d’équité sociale. Par exemple, les Afro-Américains souffrent disproportionnément des décès liés au tabagisme, une inégalité qui pourrait être réduite grâce au vapotage selon une étude clinique récente31. Les fumeurs actuels sont également surreprésentés dans les groupes à faible revenu et moins scolarisés, dans les groupes LGBTQ (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queer ou en questionnement)147 ainsi que dans les populations souffrant de problèmes de santé mentale148 ou de toxicomanies149. Le tabagisme représente une part importante du grand écart d’espérance de vie existant entre les Américains riches et les plus pauvres150,151. Pour les fumeurs aux prises avec des problèmes de détresse psychologique grave, les deux tiers des 15 ans d’espérance de vie perdues comparativement aux non fumeurs sans détresse psychologique sont causées par le tabagisme152. Le vapotage pourrait aider un plus grand nombre de ces fumeurs à cesser de fumer148,153.
Pour les membres plus privilégiés de la société, les fumeurs sont devenus invisibles. De nombreux Américains riches et instruits croient en effet que le tabagisme est un problème en grande partie résolu puisqu’eux-mêmes ne fument pas, ne cotoient aucun fumeur parmi leurs collègues et amis et ne sont pas exposés à la fumée dans la plupart des lieux qu’ils fréquentent, que ce soit au travail, au restaurant ou au bar. Pourtant, 1 adulte américain sur 7 fume encore aujourd’hui et, cette année seulement, la cigarette va coûter la vie à 480 000 Américains.
Références
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