Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Les lignanes : des composés d’origine végétale favorables à une bonne santé cardiovasculaire

En bref

  • Les lignanes alimentaires sont des composés phénoliques qui proviennent principalement des aliments à base de plantes, en particulier des graines, grains entiers, fruits, légumes, vin, thé et café.
  • La consommation de lignanes est associée à une réduction du risque de développer une maladie cardiovasculaire selon plusieurs études bien menées.

On retrouve plus de 8 000 composés phénoliques et polyphénoliques dans les plantes. Ces composés ne sont pas des nutriments, mais ils ont diverses activités biologiques bénéfiques dans le corps humain. Ils sont généralement groupés en 4 classes : les acides phénoliques, les flavonoïdes, les stilbènes (ex. : le resvératrol) et les lignanes. Les lignanes sont des dimères de monolignols, lesquels peuvent aussi servir à la synthèse d’un long polymère ramifié, la lignine, présente dans les parois des vaisseaux conducteurs des plantes. Du point de vue de la nutrition, les lignines sont considérées comme des composants des fibres alimentaires insolubles.


Figure 1. Structures des principaux lignanes alimentaires

Les lignanes alimentaires, dont les plus importants sont le matairésinol, le sécoisolaricirésinol, le pinorésinol et le laricirésinol, proviennent principalement des aliments à base de plantes, en particulier des graines, grains entiers, fruits, légumes, vin, thé et café (voir le tableau 1). D’autres lignanes sont présents dans certains types d’aliments seulement, tels le médiorésinol (graines de sésame, seigle, citron), le syringarésinol (grains), sésamine (graines de sésame). Les lignanes sont transformés en entérolignanes par le microbiote intestinal, qui sont ensuite absorbés dans la circulation sanguine et distribués dans tout le corps.

Tableau 1. Contenu en lignanes d’aliments de consommation courante.
Adapté de Peterson et coll., 2010 et Rodriguez-Garcia et coll., 2019.

Plusieurs études indiquent que les lignanes peuvent prévenir et améliorer la santé cardiovasculaire et d’autres maladies chroniques, y compris le cancer, par ses propriétés anti-inflammatoire et œstrogénique (capacité à se lier aux récepteurs des œstrogènes).

Une étude américaine publiée récemment indique qu’il y a une association significative entre l’apport alimentaire en lignanes et l’incidence de maladie coronarienne. Parmi les 214,108 personnes provenant de 3 cohortes de professionnels de la santé, celles qui ont consommé le plus de lignanes (totaux) avaient un risque 15 % moins élevé de développer une maladie coronarienne que celles qui en avaient consommé peu. En considérant chaque lignane séparément, l’association était particulièrement favorable pour le matairésinol (-24 %), comparativement au sécoisolaricirésinol (-13 %), au pinorésinol (-11 %) et au laricirésinol (-11 %). Il y a une relation dose-effet non linéaire pour les lignanes totaux, le matairésinol et le sécoisolaricirésinol avec un plateau (effet maximal) à approximativement 300 µg/jour, 10 µg/jour, et 100 µg/jour, respectivement. En moyenne, les Canadiens consomment en moyenne 857 µg de lignanes par jour, un apport suffisant pour bénéficier des effets favorables sur la santé cardiovasculaire, mais les habitants de certains pays occidentaux tels le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne n’ont pas un apport optimal en lignanes (Tableau 2).

L’association favorable pour les lignanes était particulièrement apparente parmi les participants qui avaient un apport alimentaire élevé en fibres. Les auteurs de l’étude suggèrent que les fibres, en favorisant un microbiote en santé, pourraient favoriser la production d’entérolignanes dans l’intestin.

Tableau 2. Apport quotidien en lignanes dans des pays occidentaux.
Adapté de Peterson et coll., 2010.

Une étude reconnue, PREDIMED (Prevención con Dieta Mediterránea) réalisée en auprès de plus de 7 000 Espagnols (55-80 ans) à risque élevé de développer une maladie cardiovasculaire, a comparé le régime alimentaire méditerranéen (supplémenté en noix et en huile d’olive extravierge) à un régime alimentaire faible en gras prôné par l’American Heart Association pour la prévention des maladies cardiovasculaires (MCV). Dans cette étude le régime méditerranéen s’est avéré clairement supérieur au régime faible en gras pour prévenir les MCV, si bien que l’étude a été interrompue après 4,8 années pour des raisons éthiques. Une analyse plus fine des données de PREDIMED a montré qu’il y a une association très favorable entre un apport alimentaire élevé en polyphénols et le risque de MCV. Les participants qui ont consommé le plus de polyphénols totaux avaient un risque 46 % moins élevé de MCV que ceux qui en consommaient le moins. Les polyphénols qui étaient les plus fortement associés à une réduction du risque de MCV étaient les flavanols (-60 %), les acides hydroxybenzoïques (-53 %) et les lignanes (-49 %). Il est à noter que les noix et l’huile d’olive extravierge qui étaient consommées quotidiennement par les participants à l’étude PREDIMED contiennent des quantités appréciables de lignanes.

Une autre analyse des données de l’étude PREDIMED a montré une association favorable entre l’apport en polyphénols totaux et le risque de mortalité de toute cause. Une consommation élevée en polyphénols totaux, comparée à une consommation peu élevée, était associée à une réduction du risque de mortalité prématurée de 37 %. Les stilbènes et les lignanes étaient les polyphénols les plus favorables à une réduction du risque de mortalité, soit de 52 % et 40 %, respectivement. Dans ce cas-ci, les flavonoïdes et acides phénoliques n’étaient pas associés à une réduction significative du risque de mortalité.

Aucune étude randomisée contrôlée sur les composés phénoliques et le risque de CVD n’a été réalisée à ce jour. Il n’a donc pas de preuve directe que les lignanes protègent le système cardiovasculaire, mais l’ensemble des données des études populationnelles suggère qu’il est bénéfique pour la santé d’augmenter l’apport alimentaire en lignanes et donc de manger davantage de fruits, légumes, grains entiers, légumineuses, noix et de l’huile d’olive extravierge qui sont d’excellentes sources des ces composés d’origine végétale encore trop peu connus.

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