Un mode de vie sain réduit les complications cardiovasculaires du diabète de type 2

Un mode de vie sain réduit les complications cardiovasculaires du diabète de type 2

Mis à jour le 13 août 2019

On estime qu’environ 422 millions d’adultes sont actuellement atteints de diabète de type 2  et que cette maladie représente la cinquième cause de mortalité prématurée dans le monde.  Ce fardeau risque même d’augmenter considérablement au cours des prochaines années, puisque 318 millions de personnes additionnelles sont « prédiabétiques », c’est-à-dire présentent une intolérance chronique au glucose qui les expose à un risque élevé de développer éventuellement la maladie.

Les maladies cardiovasculaires sont la principale complication ainsi que la principale cause de décès chez les patients atteints d’un diabète de type 2. Ces ravages s’expliquent par la difficulté de traiter efficacement les dommages aux vaisseaux sanguins causés par l’hyperglycémie chronique : malgré une panoplie de médicaments disponibles pour normaliser le taux de sucre sanguin, ces médicaments ne réduisent que très peu le risque de maladies cardiovasculaires et certains d’entre eux peuvent même entrainer d’importants effets secondaires.

Malgré les limitations des approches pharmacologiques actuelles, cela ne signifie pas que les personnes prédiabétiques ou touchées par un diabète de type 2 doivent être fatalistes et se résigner à demeurer à haut risque de subir un événement cardiovasculaire.  Le diabète de type 2 est dans la plupart une conséquence de mauvaises habitudes de vie, le surpoids en particulier, et il est donc possible de prévenir son développement ou d’atténuer ses impacts négatifs en adoptant un mode de vie plus sain.  Par exemple, une étude réalisée auprès de personnes à haut risque de diabète (obèses et glycémie à jeun élevée) a montré qu’une intervention basée sur des modifications au mode de vie qui permettent de réduire le poids corporel de seulement 7 % (diminution de l’apport calorique combinée à un minimum de 150 minutes d’exercice modéré par semaine) entrainait une diminution de 60 % de l’incidence de diabète de type 2, soit deux fois plus que celle obtenue à l’aide d’un médicament couramment utilisé pour traiter cette maladie (metformine).

Une méta-analyse de 9 études incluant 307 099 participants et 23 544 diagnostics de diabète de type 2 indique qu’il y a une association favorable entre une meilleure adhérence à un régime alimentaire basé sur les végétaux et le risque de diabète de type 2. Les personnes qui consommaient beaucoup d’aliments riches en végétaux avaient 23 % moins de risque de devenir diabétiques que celles qui en consommaient peu. La réduction du risque est encore plus importante, à 30 %, lorsqu’il s’agit d’aliments à base de végétaux qui sont reconnus pour être bons pour la santé (fruits, légumes, grains entiers, légumineuses, noix).

Une étude récemment parue dans le Journal of the American College of Cardiology est l’une des meilleures illustrations de l’énorme impact positif de ces modifications au mode de vie sur le risque de mortalité liée aux complications cardiovasculaires du diabète de type 2. Dans cette étude, réalisée auprès de 11,527 personnes diabétiques, les chercheurs ont examiné l’impact de 4 aspects du mode de vie sur le risque de mortalité cardiovasculaire prématurée :

  • Une alimentation de qualité, définie par l’adhérence aux recommandations nutritionnelles (consommation élevée de fruits, légumes, grains entiers, noix, oméga-3 à longues chaines et consommation réduite de viandes rouges et charcuteries, de boissons sucrées et de sodium) ;
  • Une activité physique régulière d’intensité modérée à vigoureuse (150 minutes par semaine et plus) ;
  • L’absence de tabagisme ;
  • Une consommation modérée d’alcool : 5 à 15 g par jour pour les femmes (1 verre ou moins) et 5 à 30 g par jour pour les hommes (1 à 2 verres).

Les résultats sont spectaculaires : comparativement aux personnes diabétiques dont le mode de vie n’inclut aucun de ces facteurs, celles qui adoptent au moins trois de ces facteurs protecteurs voient leur risque de mourir prématurément d’une maladie cardiovasculaire diminuer de 68 % (Figure 1), une protection impossible à obtenir avec les médicaments actuels. Chaque modification au mode de vie est un pas dans la bonne direction, l’adoption d’un seul facteur du mode de vie protecteur étant associé à une diminution marquée (38 %) du risque de mortalité.

Figure 1.  Impact du mode de vie sur la mortalité cardiovasculaire de personnes touchées par un diabète de type 2.  Adapté de Liu et coll. (2018).

En somme, un mode de vie sain peut non seulement prévenir le développement du diabète de type 2 chez les personnes à risque, mais également réduire considérablement les complications cardiovasculaires des personnes qui sont touchées par cette maladie.

Les « sportifs du week-end » ont-ils une bonne santé cardiovasculaire ?

Les « sportifs du week-end » ont-ils une bonne santé cardiovasculaire ?

EN BREF

  • Les activités physiques pratiquées par les sportifs du week-end, caractérisées par une ou deux séances par semaine, pourraient être suffisantes pour réduire les risques de mortalité de toute cause et celle causée par la maladie cardiovasculaire ou le cancer.
  • Il y a tout de même de bonnes raisons de s’exercer quotidiennement ou plus régulièrement que les sportifs du week-end, incluant un plus faible risque de blessures musculo-squelettiques et les bienfaits sur la cognition et l’humeur.

L’activité physique pratiquée durant les loisirs est associée à une réduction du risque de maladie cardiovasculaire, de cancer et de mortalité, toutes causes confondues. Pour cette raison, et aussi pour améliorer l’endurance cardio-respiratoire, l’état musculaire et osseux, et réduire le risque de maladies non transmissibles et de dépression, l’Organisation mondiale de la Santé a fait les recommandations suivantes en matière d’activité physique :

  1. Les adultes âgés de 18 à 64 ans devraient pratiquer au moins, au cours de la semaine, 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.
  2. L’activité d’endurance devrait être pratiquée par périodes d’au moins 10 minutes.
  3. Pour pouvoir en retirer des bénéfices supplémentaires sur le plan de la santé, les adultes devraient augmenter la durée de leur activité d’endurance d’intensité modérée de façon à atteindre 300 minutes par semaine ou pratiquer 150 minutes par semaine d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.
  4. Des exercices de renforcement musculaire faisant intervenir les principaux groupes musculaires devraient être pratiqués au moins deux jours par semaine.

Ces recommandations sont largement reconnues et promues par les autorités de santé publique et la communauté médicale, mais elles ne sont pas très spécifiques quant à la fréquence des exercices. Par exemple, il est possible de satisfaire aux deux premières recommandations aussi bien en faisant 30 minutes d’exercice modéré pendant 5 jours qu’en faisant 75 minutes d’exercice d’intensité soutenue en une seule séance. Obtient-on autant de bienfaits dans le second cas de figure que dans le premier ? Cette question est importante puisque dans nos sociétés modernes où le travail et les responsabilités familiales sont très prenants, l’activité physique est de plus en plus pratiquée le week-end seulement. Les personnes qui choisissent de faire tous leurs exercices en 1 ou 2 jours seulement sont appelées familièrement « sportifs du week-end » (weekend warriors).

La première étude qui s’est penchée sur les habitudes d’activité physique remonte à 2004. Dans cette étude, les 8421 hommes de la cohorte ont été classés en 4 groupes : « sédentaires » (<500 kcal/semaine), « insuffisamment actifs » (500-999 kcal/semaine), « sportifs du week-end » (≥1000 kcal/semaine, en 1 ou 2 séances de sport/semaine) et « régulièrement actifs » (≥1000 kcal/semaine). Par comparaison aux sédentaires, le risque relatif de mortalité (toutes causes confondues) était réduit de 25 % pour les participants « insuffisamment actifs » (ceux qui font moins d’exercice que recommandé), de 15 % pour les « sportifs du week-end » et de 36 % pour les participants régulièrement actifs. Ces résultats indiquent qu’il y a un bénéfice à l’exercice pratiqué en une journée ou deux, mais peut-être pas autant que si l’on s’exerce régulièrement. Une analyse plus approfondie des données indique que parmi les participants qui n’avaient aucun facteur de risque majeur, les sportifs du week-end avaient en moyenne 59 % moins de risque de mourir prématurément que les sédentaires. Par contre, ce n’était pas le cas pour les personnes qui avaient au moins un facteur de risque majeur (tabagisme, surpoids, hypertension, hypercholestérolémie) puisque parmi ceux-ci les sportifs du week-end avaient le même risque de mourir prématurément que les sédentaires et seuls les hommes régulièrement actifs avaient un risque moindre (-39 %) de mortalité prématurée. 

Une étude de plus grande ampleur auprès de 63 591 hommes et femmes adultes de plus de 40 ans qui ont été suivis entre 1994 et 2012 a été publiée dans le journal médical JAMA Internal Medecine en 2017. Cette étude a une puissance statistique beaucoup plus grande que l’étude de 2004 décrite plus haut et examine les associations entre les habitudes d’activité physique et la mortalité due à la maladie cardiovasculaire ou au cancer, en plus de la mortalité toutes causes confondues. Parmi les participants, 63 % étaient classés comme inactifs, 22 % comme insuffisamment actifs, 4 % comme sportifs du week-end et 11 % comme régulièrement actifs. Comparé aux participants inactifs, le risque relatif de mortalité (toutes causes confondues) était réduit de 31 %, 30 % et 35 % pour les participants insuffisamment actifs, les sportifs du week-end et les participants régulièrement actifs, respectivement. Le risque relatif de mortalité de cause cardiovasculaire (voir la figure, ci-dessous) était réduit de 36 %, 40 % et 41 % pour les participants insuffisamment actifs, les sportifs du week-end et les participants régulièrement actifs, respectivement, en comparaison avec les participants inactifs. Enfin, comparé aux participants inactifs, le risque relatif de mortalité due au cancer était réduit de 14 %, 18 % et 21 % pour les participants insuffisamment actifs, les sportifs du week-end et les participants régulièrement actifs, respectivement. Ces résultats ont pris en considération l’âge, le sexe, le tabagisme, la profession et les maladies chroniques. Les auteurs concluent que les activités physiques pratiquées par les sportifs du week-end, caractérisées par une ou deux séances par semaine, pourraient être suffisantes pour réduire les risques de mortalité de toute cause et celle causée par la maladie cardiovasculaire ou le cancer. C’est une très bonne nouvelle pour ceux qui ne peuvent faire davantage d’exercice physique qu’une ou deux fois par semaine.

Figure. Associations entre les habitudes d’activités physiques et le risque de mortalité. Résultats ajustés pour l’âge, le sexe, le tabagisme, la profession et les maladies chroniques. Selon O’Donovan et coll., 2017.

Dans un éditorial publié peu après dans le British Journal of Sports Medecine, les auteurs de l’étude britannique ont fait des analyses supplémentaires afin de déterminer combien d’activité physique les participants insuffisamment actifs devaient faire pour en retirer des bénéfices pour la santé. Il ne semble pas y avoir de relation dose-effet entre la quantité d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse et la mortalité de toutes causes pour les participants insuffisamment actifs. Par contre, il y a une relation linéaire significative entre la quantité totale d’activité (de n’importe quelle intensité) et le risque de mortalité de toutes causes. Ces résultats suggèrent donc qu’une partie des bienfaits observés chez les personnes insuffisamment actives pourraient provenir d’activités physiques non reliées à l’exercice, telle la marche de faible intensité.

Dans des analyses transversales, les auteurs ont observé une nette association dose-effet entre plusieurs facteurs de risque traditionnels (cholestérol-HDL, hémoglobine glyquée , fibrinogène, protéine C-réactive, indice de masse corporelle, pression artérielle, forme cardio-respiratoire) et le niveau d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse. Le profil de facteurs de risque le plus favorable a été observé systématiquement chez les participants régulièrement actifs (ceux qui font le minimum d’activité physique recommandé en plus de 2 séances par semaine) et dans une moindre mesure chez les sportifs du week-end.

Les sportifs du week-end de cette étude avaient une forme cardio-respiratoire à peine moins bonne que celle des participants actifs régulièrement. Ce n’est pas surprenant quand l’on sait que la plupart des sportifs du week-end font des activités physiques vigoureuses (94 % participaient à des sports vigoureux), et cela suggère que l’intensité de l’activité physique pourrait être aussi importante que la quantité. Il y a tout de même de bonnes raisons de s’exercer quotidiennement ou plus régulièrement que les sportifs du week-end, incluant un plus faible risque de blessures musculo-squelettiques et les bienfaits sur la cognition et l’humeur.

 

Recul de l’Organisation mondiale de la santé face à la taxation des boissons sucrées

Recul de l’Organisation mondiale de la santé face à la taxation des boissons sucrées

Il est réellement navrant que dans son dernier rapport sur la prévention des maladies non transmissibles, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) revienne sur ses positions antérieures et ne recommande plus aux gouvernements d’imposer une taxe sur les boissons sucrées pour lutter contre l’épidémie d’obésité qui touche actuellement la plupart des pays du monde.  Pourtant, comme nous l’avions rapporté en 2016, l’OMS considérait à l’époque cette taxe comme un outil très intéressant pour diminuer la consommation de sucres ajoutés, un important facteur de risque de surpoids.

Qu’est qui a pu provoquer une telle volte-face ? Certainement pas des considérations scientifiques: au contraire, les études qui ont examiné jusqu’ici l’impact de cette taxe sont très encourageantes, avec des diminutions significatives de la consommation de boissons sucrées par les populations ciblées par ces mesures, par exemple au Mexique et dans les villes de Berkeley et de Philadelphie. Ces succès encouragent d’ailleurs plusieurs gouvernements à mettre en place des taxes sur les boissons sucrées, avec une trentaine de pays et de villes américainesqui ont récemment décidé d’emprunter cette voie.

Il s’agit plutôt d’une interférence politique: la Dre Sania Nishtar, coprésidente de la commission indépendante de haut niveau sur les maladies non transmissibles de l’OMS , a dit publiquement que les membres de la commission continuaient d’appuyer cette taxe, mais que cette résolution n’a pu être inscrite dans le rapport final en raison de l’opposition d’un membre qu’elle n’a pas nommé, mais qui s’est avéré être Eric Hargan, secrétaire adjoint au département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis. Cette opposition américaine est peu étonnante, compte tenu de l’inclination naturelle de l’administration Trump envers les intérêts des multinationales alimentaires, l’industrie des boissons gazeuses dans ce cas précis.

Il faut noter que ce n’est pas la première fois qu’une administration républicaine tente de torpiller les efforts de l’OMS pour diminuer la consommation de sucres ajoutés. En 2003, l’OMS  publiait conjointement avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) un rapport qui recommandait pour la première fois de réduire l’apport en sucres ajoutés à moins de 10 % des calories totales.   Le lobby de l’industrie du sucre a furieusement combattu cette recommandation, tentant de convaincre l’administration Bush de retirer la subvention américaine (406 millions de dollars) à l’OMS si elle n’était pas éliminée du rapport (la lettre de menace écrite par l’industrie du sucre, qui est considérée par plusieurs comme du chantage pur et simple, peut être consultée ici).

Ces épisodes nous rappellent que les élections ont des conséquences, et que ces conséquences peuvent être néfastes lorsque les élus favorisent les intérêts des multinationales de la malbouffe au détriment de la santé de la population. On ne peut qu’espérer que le mouvement qui est actuellement en train de prendre son envol à l’échelle mondiale concernant la taxation des boissons sucrées ne sera pas affecté par ce recul inapproprié de l’OMS.

Le régime méditerranéen pour prévenir le syndrome de fragilité gériatrique

Le régime méditerranéen pour prévenir le syndrome de fragilité gériatrique

EN BREF

  • La fragilité est un facteur prédictif de nombreux effets néfastes pour la santé chez les personnes âgées, tels les chutes, fractures, problèmes de mobilité, hospitalisations, démences, mortalité prématurée, et est associée à une moins bonne qualité de vie.  
  • Parmi les 5789 participants de 4 études prospectives, ceux qui adhéraient le plus au régime méditerranéen avaient un risque 56 % moins élevé de devenir fragiles que ceux dont l’adhésion à ce régime alimentaire était faible.
  • Une étude réalisée en Toscane dans le nord de l’Italie indique que les participants qui adhéraient davantage au régime méditerranéen avaient un risque 70 % moins élevé de devenir fragiles après 6 ans, comparé à ceux dont l’alimentation satisfaisait moins les critères du régime méditerranéen.

Mis à jour le 14 août 2019

La « fragilité » est une condition fréquente chez les personnes âgées, et l’on considère que le nombre de cas ira en augmentant avec le vieillissement de la population. On estime qu’entre 25 % et 50 % des personnes âgées de plus de 85 ans sont fragiles. Bien qu’il n’y ait pas de définition standardisée de la fragilité, elle est généralement définie comme un état de plus grande vulnérabilité, causé par une diminution des capacités physiologiques de réserve qui altère les mécanismes d’adaptation au stress.

Le syndrome clinique de fragilité a été caractérisé par un phénotype où au moins 3 parmi les 5 critères suivants sont rencontrés chez une personne âgée :

  • Perte de poids involontaire de 10 lb (4,5 kg) durant la dernière année.
  • Épuisement.
  • Faiblesse musculaire (telle que mesurée par la force de préhension).
  • Lenteur dans les déplacements.
  • Faible niveau d’activité physique.

Les femmes, les personnes qui ont un faible revenu et qui sont peu scolarisées, les personnes qui ont une mauvaise santé et celles qui ont d’autres maladies ou un handicap sont plus vulnérables à la fragilité. La fragilité est un facteur prédictif de nombreux effets néfastes pour la santé chez les personnes âgées, tels les chutes, fractures, problèmes de mobilité, hospitalisations, démences, mortalité prématurée, et est associée à une moins bonne qualité de vie.

Une méta-analyse récente indique que l’incidence de fragilité était significativement plus élevée chez les personnes pré-fragiles que chez les personnes robustes (62,7 vs 12,0 nouveaux cas par 1000 personnes-années). La méta-analyse comprenait les données de 46 études auprès de 120 805 participants âgés de 60 ans ou plus vivants dans la communauté et qui n’étaient pas fragiles (robustes ou pré-fragiles) au début de l’étude. Durant la durée moyenne des études (3 ans) 13,6 % des participants sont devenus fragiles, avec une incidence moyenne de 43,4 cas par 1000 personnes-années. Les taux d’incidence de fragilité et de pré-fragilité étaient significativement plus élevés pour les femmes que pour les hommes, soit 44,8 vs 24,3 cas de fragilité par années-personnes et 173 vs 129 cas de pré-fragilité par personnes-années.

Les auteurs concluent que les risques de devenir fragiles ou pré-fragile sont élevés parmi les personnes âgées vivant dans la communauté et que des interventions appropriées sont requises. Plusieurs types d’interventions pour retarder ou inverser la fragilité ont été évaluées à ce jour, incluant l’exercice, la nutrition, la formation cognitive, l’évaluation gériatrique, l’hormonothérapie, la gestion et la préhabilitation. Plusieurs de ces interventions sont faisables, avec un taux d’adhérence d’environ 70 %. Cependant, une revue systématique récente indique que, parmi les interventions de soins primaires disponibles pour retarder ou inverser la fragilité, l’entraînement en force musculaire et la supplémentation en protéines se classaient au premier rang en termes d’efficacité relative et de facilité de mise en œuvre.

La nutrition est reconnue depuis longtemps comme l’un des facteurs importants pour vieillir en santé et elle joue un rôle crucial dans le syndrome de fragilité chez les personnes âgées. Bien connu pour contribuer à une bonne santé cardiovasculaire, le régime méditerranéen pourrait aussi prévenir et traiter la fragilité chez les personnes âgées. Une méta-analyse de 4 études prospectives auprès de 5789 personnes âgées, a examiné l’association entre l’adhésion à un régime alimentaire méditerranéen et des incidents causés par la fragilité. Les participants qui adhéraient le plus au régime méditerranéen avaient un risque 56 % moins élevé de devenir fragiles, comparés à ceux dont l’adhésion à ce régime alimentaire était faible. On observe cependant que l’effet du régime alimentaire varie beaucoup d’une étude à l’autre. Par exemple, dans l’étude de Hong Kong auprès de 2724 personnes âgées, l’adhésion au régime méditerranéen ne réduisait le risque de devenir fragile que de 8 %. Il est possible que cela soit dû à l’absence d’huile d’olive dans le régime alimentaire des Hongkongais. D’autre part, une étude réalisée en Toscane dans le nord de l’Italie indique que les participants qui adhéraient davantage au régime méditerranéen avaient un risque 70 % moins élevé de devenir fragiles après 6 ans, comparé à ceux dont l’alimentation satisfaisait moins les critères du régime méditerranéen. Dans cette même étude, une adhésion au régime méditerranéen était associée à un risque réduit de 38 % d’avoir un faible niveau d’activité physique, et à un risque 52 % moins élevé de marcher lentement, mais n’a pas modifié la sensation d’épuisement et la faible force musculaire. Dans une étude espagnole (incluse dans la méta-analyse citée plus haut), les participants âgés qui adhéraient davantage à un régime alimentaire « occidentalisé » (riche en aliments à base de grains raffinés, viandes rouges et viandes transformées, produits de lait entier, mais pauvre en fruits et légumes) avaient un plus grand risque de marcher lentement et d’avoir perdu du poids, deux indicateurs de fragilité.

Dans une étude auprès de 2570 femmes âgées de 18 à 79 ans, les participantes qui consommaient davantage d’aliments du régime méditerranéen avaient une masse musculaire plus élevée et plus de puissance musculaire dans les jambes, comparées à celles qui en consommaient le moins. Ces associations étaient plus marquées pour les femmes de plus de 50 ans que pour les femmes plus jeunes, ce qui indique l’importance d’une bonne alimentation pour prévenir la sarcopénie (perte de masse musculaire) chez les personnes âgées, qui est une composante importante de la fragilité.

Il n’est pas facile d’identifier quelles sont les composantes précises du régime alimentaire qui protègent de la fragilité, mais certains chercheurs sont d’avis que c’est l’effet anti-inflammatoire du régime qui pourrait apporter un effet protecteur. Les données suggèrent qu’un ensemble de nutriments provenant d’une grande diversité d’aliments (plutôt que quelques nutriments spécifiquement) ont des rôles synergiques et interactifs dans la réduction de l’inflammation. Plusieurs études épidémiologiques suggèrent que les personnes qui ont un régime alimentaire de haute qualité ont moins d’inflammation, indépendamment des facteurs de risque cardiovasculaires classiques. Il a été démontré que certains aliments et nutriments augmentent l’inflammation. Par exemple, les acides gras trans sont associés à une augmentation des niveaux de marqueurs de l’inflammation et une augmentation du risque de développement du diabète de type 2. Par contre, la consommation d’acides gras à longue chaîne de type omega-3 (poissons gras, graines de lin) est associée à une baisse des marqueurs de l’inflammation et des niveaux de triglycérides. Plusieurs composés phytochimiques contenus dans les grains entiers et l’huile d’olive extra-vierge pourraient être en partie responsables des effets anti-inflammatoires et antioxydants de ces aliments à la base du régime méditerranéen. Les grains entiers contiennent des composés phénoliques (acide férulique, alkylrésorcinol, apigénine, lignanes) qui ont des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et anticancéreuses dans des modèles animaux. L’huile d’olive contient des molécules antioxydantes telles l’α-tocophérol et des caroténoïdes et des phytostérols et de l’oleuropéine. De plus, l’huile d’olive extra-vierge contient de l’oléocanthal, un composé phytochimique qui donne le goût poivré à cette huile et qui provoque une sensation de picotement dans la gorge. L’oléocanthal a une activité anti-inflammatoire comparable à l’ibuprofène et autres médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens, par le même mécanisme d’inhibition de l’enzyme cyclooxygénase. La dose d’oléocanthal prodiguée par l’huile d’olive dans le régime méditerranéen n’est pas suffisante pour produire à elle seule un effet anti-inflammatoire puissant, mais elle pourrait être suffisante pour apporter une protection contre l’agrégation des plaquettes sanguines et la thrombose coronaire, et donc prévenir la maladie coronarienne.

Un style de vie et non pas uniquement un régime alimentaire.
Le régime méditerranéen existe dans un contexte culturel où la nourriture est une partie importante du style de vie. Dans cette culture, préparer la nourriture et la partager avec la famille et les amis est une source de plaisir et permet de socialiser et de ressentir une appartenance à sa communauté. Adopter un style de vie de type méditerranéen, ce n’est pas uniquement manger mieux, c’est aussi bouger davantage et avoir plus d’engagements dans la société, des activités qui peuvent aider grandement à réduire ou retarder la fragilité chez les personnes âgées.

Pour plus d’informations sur le régime méditerranéen et ses bienfaits, voir nos autres articles sur le sujet :

Qu’est-ce que le régime méditerranéen ?
Les bénéfices du régime méditerranéen pour la santé cardiovasculaire
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