Une réduction calorique, même modeste, améliore la santé cardiovasculaire

Une réduction calorique, même modeste, améliore la santé cardiovasculaire

EN BREF

  • 218 personnes en bonne santé et non obèses ont été séparées en deux groupes distincts, soit un groupe contrôle où les personnes pouvaient manger sans aucune restriction et un autre dont l’objectif était de réduire leur apport calorique.
  • Pendant deux ans, les chercheurs, ont mesuré les variations de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaires, incluant le poids corporel, les taux de cholestérol, la pression artérielle et la production d’insuline.
  • Les résultats montrent qu’une réduction de seulement 12% de l’apport calorique (soit 300 calories par jour) est associée à une amélioration notable de l’ensemble de ces facteurs de risque et pourrait donc représenter une façon simple de réduire le risque de maladies cardiovasculaires.

Un récent rapport révèle qu’en 2016, 60 % de la population des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souffrait d’embonpoint, incluant 25 % qui était obèse. C’est énorme, et cette tendance risque même d’empirer au cours des prochaines années en raison de la hausse vertigineuse de l’incidence de surpoids chez les jeunes : au Canada, par exemple, le taux d’obésité chez les enfants de 5 à 19 ans est passé de 2,7 % à 12,3 % entre 1975 et 2016, auxquels s’ajoutent un autre 20 % des enfants qui sont considérés comme « pré-obèses » et donc à haut risque d’obésité. Ces statistiques sont vraiment alarmantes, car le surpoids, et en particulier l’obésité, augmente considérablement le risque de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et respiratoires et de plusieurs types de cancers. Selon l’OCDE, la situation actuelle risque d’amputer 3 années à l’espérance de vie des Canadiens d’ici 2050 (confirmant le scénario pessimiste envisagé il y a quelques années par certains chercheurs), avec des répercussions catastrophiques autant du point de vue économique que social.

Excès de calories

Contrairement à ce qu’on entend souvent dire, la forte incidence du surpoids dans la population n’est pas due au manque d’exercice. Ce discours provient des multinationales alimentaires qui cherchent à promouvoir leurs produits riches en sucre et en gras en faisant miroiter qu’il suffit d’adopter un mode de vie actif pour contrebalancer l’apport calorique apporté par ces produits. En réalité, les études indiquent qu’il est pratiquement impossible de « brûler » les énormes quantités de calories de ces produits industriels transformés et qu’on ne peut donc pas compenser une mauvaise alimentation simplement par l’activité physique (you cannot outrun a bad diet, comme on dit souvent en anglais).  D’ailleurs, les niveaux d’activité physique n’ont pratiquement pas changé depuis les trente dernières années dans les pays industrialisés, et la sédentarité ne peut donc absolument pas expliquer à elle seule l’augmentation phénoménale du tour de taille de la population qui s’est produite au cours des dernières années. C’est plutôt la surconsommation de calories, en particulier celles provenant des aliments industriels ultratransformés, qui est la grande responsable de l’épidémie de surpoids qui déferle actuellement sur l’ensemble de la planète. Pour éviter d’accumuler les kilos en trop, le plus important demeure donc de manger moins.

Restriction calorique

Plusieurs études suggèrent qu’une réduction de l’apport calorique est associée à plusieurs bénéfices pour la santé, notamment au niveau cardiovasculaire, ainsi qu’à une augmentation de l’espérance de vie (voir notre article sur la question).  Par exemple, une étude réalisée auprès de primates (macaques rhésus) a montré qu’une alimentation hypocalorique réduisait d’environ la moitié l’incidence de maladies cardiovasculaires chez ces animaux comparativement à une alimentation standard. Un phénomène similaire a été observé chez les humains, c’est-à-dire que les personnes qui réduisent drastiquement leur apport calorique à environ 1200-1900 kcal/jour pendant une période de 6 ans montraient une amélioration spectaculaire de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire (cholestérol, pression artérielle, glucose et insuline à jeun, inflammation) comparativement à celles qui consomment une alimentation nord-américaine standard (2000-3500 kcal/jour).

Ce type de restriction calorique sévère est cependant très difficile à maintenir sur de longues périodes pour la plupart des gens, et n’est donc pas réellement applicable à l’échelle de la population.  Par contre, une étude récente suggère que des améliorations notables de la santé cardiovasculaire peuvent également être observées suite à une réduction beaucoup plus modeste de l’apport calorique. Dans cette étude clinique de phase 2 appelée CALERIE (Comprehensive Assessment of Long-term Effects of Reducing Intake of Energy), les chercheurs ont séparé de façon aléatoire 218 personnes âgées de 21 à 50 ans en bonne santé et non obèses (IMC entre 22 et 28) en deux groupes distincts, soit un groupe contrôle où les personnes pouvaient manger sans aucune restriction (ad libitum), et un autre dont l’objectif était de réduire de 25 % l’apport calorique. Pendant une période de deux ans, plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire ont été mesurés dans les deux groupes, incluant la pression artérielle, les taux de cholestérol, la protéine C-réactive (un marqueur de l’inflammation), l’insuline et le syndrome métabolique (estimé en combinant le tour de taille, la pression artérielle, les taux de glucose à jeun, et les taux de triglycérides et de cholestérol-HDL).

Le suivi des participants montre que l’objectif de réduire de 25 % l’apport calorique dans le groupe expérimental n’a pu être atteint, avec une diminution moitié moindre (12 %), ce qui correspond en moyenne à 279 calories/jour de moins à la fin de la première année et à 216 calories/ jour après deux ans. Malgré tout, même si elle est relativement modeste, cette réduction est associée à une perte de poids moyenne de 7,5 kg (soit 10% du poids initial) et à une amélioration significative de l’ensemble des paramètres cardiovasculaires mesurés dans l’étude (Figure 1). À l’inverse, les volontaires du group contrôle ont en moyenne pris un peu de poids (0,1 kg) et ne montraient aucune amélioration de ces différents paramètres.

Figure 1.  Amélioration de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaires suite à une réduction de l’apport calorique.  Tiré de Kraus et coll. (2019).

En somme, ces résultats indiquent que même chez des personnes minces et en bonne santé, une réduction modeste de l’apport calorique (environ 300 calories par jour, ce qui correspond à seulement une pointe de pizza) entraine plusieurs effets positifs sur la santé cardiovasculaire.  Selon les auteurs, il est probable que ces bénéfices seront encore plus prononcés chez des personnes qui sont à plus haut risque de maladies cardiovasculaires en raison d’un excès de poids. Le potentiel préventif de la restriction calorique est donc immense : selon le rapport de l’OCDE cité plus tôt, si les habitants des pays les plus riches, incluant le Canada, réduisaient de 20 % leur apport calorique, on pourrait prévenir annuellement 1,1 million de cas de maladies cardiovasculaires et économiser jusqu’à 13 milliards US$ chaque année, un objectif absolument impossible à atteindre à l’aide de médicaments.

La capacité aérobique est associée à des niveaux de métabolites sanguins qui sont bénéfiques pour la santé

La capacité aérobique est associée à des niveaux de métabolites sanguins qui sont bénéfiques pour la santé

EN BREF

  • 580 jeunes Finlandais ont été recrutés dans une étude où leur capacité cardiorespiratoire (aérobique) et plus de 66 métabolites sanguins importants ont été mesurés.
  • Une bonne capacité cardiorespiratoire était associée à des niveaux de 48 métabolites (incluant le cholestérol-LDL, -HDL et les triglycérides) qui réduisent le risque cardiométabolique.
  • Il y avait beaucoup moins d’associations favorables entre la force musculaire et ces mêmes facteurs de risque métabolique.

Un grand nombre d’études indiquent qu’il y a des associations favorables entre l’exercice physique et une bonne santé, tout particulièrement une bonne santé cardiovasculaire. Les chercheurs concentrent maintenant leurs efforts pour savoir quels sont les mécanismes physiologiques et moléculaires sous-jacents à ces effets bénéfiques.

Une étude auprès de 580 jeunes hommes finlandais montre qu’une bonne capacité aérobique (aussi nommée capacité cardio-respiratoire) est associée à des niveaux de plusieurs métabolites qui sont bénéfiques pour la santé. L’approche utilisée dans cette étude est dite « métabolomique », c.-à-d. une approche qui vise l’identification des différences métaboliques, par exemple dans le sang de personnes qui sont atteintes d’une maladie (diabète, cancers) par rapport à des personnes en bonne santé. La plupart des études métabolomiques réalisées jusqu’à aujourd’hui étaient centrées sur des maladies, mais cette approche a été aussi appliquée récemment pour déterminer quels sont les métabolites qui sont indicatifs d’une bonne santé, en particulier en ce qui concerne l’exercice.

Parmi 66 métabolites qui ont été sélectionnés pour l’étude finlandaise, 48 étaient à des niveaux différents entre le groupe de participants qui avait une capacité cardio-respiratoire élevée et celui qui avait la plus faible (voir la figure 2 et la figure 3 dans l’article original). Parmi ces différences, notons une concentration 44 % moins élevée de lipoprotéines de basse densité (LDL; le « mauvais cholestérol »), une concentration 81 % plus élevée de lipoprotéines de haute densité (HDL ; le « bon cholestérol »), une concentration 52 % moins élevée de triglycérides totaux (Figure 1 ci-dessous, barres orangées). Par contre, une plus grande force musculaire des participants n’était pas associée à des niveaux favorables pour ces mêmes métabolites (Figure 1 ci-dessous, barres bleues).

Figure 1. Principales différences dans les métabolites sanguins entre les participants qui avaient la meilleure capacité cardio-respiratoire et ceux qui avaient la moins bonne (barres orangées) ou entre les participants qui avaient la plus grande force musculaire et ceux qui avaient la plus faible force musculaire (barres bleues). * Différence significative (P < 0,001 ou P<0,002) ; NS : Différence non-significative. Tiré de Kujala et coll., 2019.

 

Cholestérol
L’analyse plus détaillée (voir la figure 2 dans l’article original) montre que toutes les particules de LDL de différentes tailles (petite, moyenne, grande, très grande, extrêmement grande) sont présentes en moins grande concentration dans le sang des participants qui font de l’exercice aérobique que dans celui des participants qui font peu d’exercice, et qu’au contraire toutes les particules de HDL (de très grande taille, de grande taille ou de taille moyenne) sauf celles de petite taille sont présentes en plus grandes concentrations chez les premiers. Les HDL de grande taille sont particulièrement bénéfiques pour une bonne santé cardiovasculaire.

Les participants qui ont une bonne capacité cardio-respiratoire avaient 80 % moins d’apolipoprotéine B (ApoB) dans leur sang que ceux qui étaient en moins bonne forme. L’ApoB est une protéine présente dans les lipoprotéines de très faible densité (VLDL) et les lipoprotéines de faible densité (LDL). La mesure de l’ApoB permet de mesurer le nombre de particules de cholestérol, ce qui donne un bon indice sur le risque de développer une maladie cardiovasculaire. Un taux sanguin élevé d’ApoB est donc un marqueur de risque d’une maladie cardiovasculaire, et ce, de manière indépendante du niveau de cholestérol-LDL.

Triglycérides
Une concentration élevée de triglycérides dans le sang constitue un marqueur de risque de maladie coronarienne et est associée à l’obésité et le diabète de type 2. Une consommation excessive de sucres et d’alcool (et non de gras) est généralement la cause d’une concentration élevée de triglycérides dans le sang.

Autres métabolites
Parmi les autres métabolites d’importance qui sont présents en concentration moindre chez les personnes qui avaient une bonne capacité aérobique, mentionnons les acides gras totaux (- 60 %), le glycérol (-64 %), le lactate (-34 %), le pyruvate (-36 %), les acides aminés à chaîne latérale ramifiée (BCAA) isoleucine (-37 %) et leucine (-55 %), et les acides aminés phénylalanine (-54 %) et tyrosine (-55 %). Fait intéressant, le degré d’insaturation des acides gras des participants en meilleure forme aérobique était 59 % plus élevé que chez les personnes moins en forme ; une situation favorable à une bonne santé cardiovasculaire sachant que ce sont les acides gras saturés qui, en excès, font augmenter la concentration de cholestérol-LDL et qui sont athérogènes.

Des niveaux élevés de BCAA, phénylalanine et tyrosine sont retrouvés chez les personnes obèses et ils ont été associés à un risque 5 fois plus élevé de développer le diabète de type 2 dans deux cohortes distinctes (voir « Une « redécouverte » intéressante : les acides aminés à chaîne latérale ramifiée et les maladies cardiométaboliques »). Les niveaux moins élevés de glycérol et de corps cétoniques (acétylacétate, 3-hydroxybutyrate) chez les personnes en meilleure forme aérobique suggèrent une augmentation de la dégradation des gras.

Plusieurs métabolites (19) demeurent associés à une bonne capacité aérobique après des ajustements pour tenir compte de l’âge et du pourcentage de gras corporel. Après avoir fait les mêmes ajustements, la force musculaire était associée à 8 mesures du « métabolome » seulement et aucune de ces associations ne concernait le cholestérol ou autres lipides sanguins.

Cette étude a trouvé davantage d’associations favorables entre la capacité aérobique et certains métabolites qui sont des facteurs de risques de maladie cardiovasculaire que pour une grande force musculaire. Il ne faut cependant pas conclure que les exercices d’endurance musculaire sont inutiles, bien au contraire. En effet, l’entraînement musculaire augmente la capacité aérobique et est une composante importante du maintien et de l’amélioration de l’état des personnes qui souffrent de maladies chroniques et des personnes âgées. Il faut donc combiner des exercices aérobiques et musculaires pour optimiser les bienfaits pour la santé cardiovasculaire et le bien être général.