Les piments chilis, pour mettre un peu de piquant dans la prévention des maladies cardiovasculaires

Les piments chilis, pour mettre un peu de piquant dans la prévention des maladies cardiovasculaires

EN BREF

 

  • La fréquence de consommation hebdomadaire de piments chilis par 22,811 Italiens de la région de Molise a été mesurée pendant une période de 8 ans. 
  • En parallèle, les chercheurs ont répertorié les décès causés par les maladies cardiovasculaires, le cancer ou par d’autres causes qui se sont produits pendant cette période.
  • Les résultats montrent que les personnes qui consomment des chilis 4 fois ou plus par semaine ont un risque de mortalité due à l’infarctus du myocarde ou aux AVC réduits de 44 et 61 %, respectivement, comparativement à celles qui n’en mangent jamais ou très rarement.

Les piments chilis (Capsicum spp.) sont originaires d’Amérique du Sud, où ils étaient déjà cultivés à des fins culinaires il y a plus de 6000 ans.  Suite à la découverte de l’Amérique par les Européens au 15e siècle, ces piments forts ont été disséminés à l’échelle du globe par les marins portugais (particulièrement en Inde et en Asie), où ils ont été rapidement adoptés et sont devenus des ingrédients essentiels aux cultures culinaires de ces pays.

L’intérêt gastronomique des chilis provient évidemment de leur goût très piquant qui rehausse de façon très caractéristique le goût de différents mets. Cette propriété est due à la présence de la capsaïcine (Figure 1), un composé phénolique qui interagit spécifiquement avec certains récepteurs (TRPV1 pour Transient Receptor Potential Vanilloid) impliqués dans le signal de douleur généré par des températures supérieures à 43oC.

Figure 1. Structure moléculaire de la capsaïcine, la molécule responsable du goût piquant des piments chilis.

En se liant au récepteur TRPV1 présent au niveau de la bouche, la capsaïcine mime donc une sensation de chaleur ou de brûlure, ce qui trompe complètement le cerveau en lui faisant croire que la bouche est littéralement « en feu ». La raison de l’attrait de plusieurs personnes envers ces substances « douloureuses » demeure encore incomprise, mais pourrait être liée à la libération de molécules de plaisir (les endorphines) pour atténuer les effets de la « brûlure » détectée par le cerveau.

En plus de leurs propriétés gustatives uniques, une étude récente suggère que les piments chilis pourraient exercer des effets positifs sur la santé, notamment en ce qui concerne les maladies cardiovasculaires. Pendant une période de 8 ans, des chercheurs ont suivi un peu plus de 20,000 personnes recrutées dans le projet Moli-sani, une étude prospective réalisée auprès des habitants de la région de Molise dans le sud-est de l’Italie.  En analysant les décès survenus durant cette période en fonction de la fréquence de consommation de piments chilis par les participants, les chercheurs ont observé que le risque de décéder prématurément de toutes causes confondues étaient diminué de 23 % pour les amateurs de piments forts (4 consommations par semaine), cette baisse étant  particulièrement apparente pour la mortalité liée aux maladies coronariennes (44 %) et cérébrovasculaires (61 %) (Figure 2). Une tendance à la baisse a été observée pour la mortalité due au cancer, mais la différence n’est pas statistiquement significative.

Figure 2. Diminution du risque de la mortalité globale et de celle liée à différentes maladies chez les consommateurs réguliers de piments chilis. Adapté de Bonaccio et coll. (2019). N.S., non significatif.

 

Ces observations sont en accord avec des études antérieures qui ont observé une réduction significative (environ 10-20 %) de la mortalité prématurée chez les plus grands consommateurs de mets épicés (ici et ici, par exemple).

Comme le souligne l’éditorial qui accompagne l’article, bien que ce type d’étude populationnelle ne permet pas d’établir directement un lien de cause à effet entre la consommation de chilis et la mortalité, il reste que les données expérimentales accumulées au cours des dernières années rendent ce lien biologiquement plausible. D’une part, plusieurs études ont suggéré que la capsaïcine pouvait contribuer à prévenir le développement de l’obésité, un important facteur de risque de diabète et de maladies cardiovasculaires.  Par exemple, des études épidémiologiques ont observé que la consommation régulière de ces piments était associée à une réduction de la prévalence de l’obésité dans certaines populations et des études cliniques ont observé une perte de graisse abdominale suite à l’administration d’un supplément de capsinoïdes (capsaïcine et molécules apparentées) comparativement au placebo. Cet effet positif de la capsaïcine sur le maintien du poids corporel serait principalement lié à une diminution de l’apport en calorie, causée par une diminution de l’appétit et une hausse de la satiété.

D’autre part, il faut noter que la capsaïcine influence également d’autres phénomènes liés à une hausse du risque de maladies cardiovasculaires, notamment en améliorant la réponse à l’insuline, en diminuant l’oxydation de lipoprotéines de faible densité (LDL) et en améliorant la fonction endothéliale.  Des études ont également suggéré que les personnes qui assaisonnent leur nourriture avec des piments forts consomment moins de sel et sont moins à risque d’hypertension, le principal facteur de risque d’événements cardiovasculaires.

Dans l’ensemble, ces observations soulèvent l’intéressante possibilité que certains changements mineurs à l’alimentation, comme l’ajout de piments chilis, puissent avoir des impacts positifs sur la santé, en particulier au niveau cardiovasculaire.   Évidemment, il ne faut pas se faire d’illusions : si l’alimentation d’une personne est à base d’aliments ultratransformés et ne contient que très peu de fruits et légumes, ce n’est pas en ajoutant de la sauce sriracha ou Tabasco qu’elle parviendra à diminuer son risque de maladies cardiovasculaires.  Mais dans le contexte d’un régime alimentaire reconnu pour être positif pour la santé du cœur et des vaisseaux, comme le régime méditerranéen (adopté par la plupart des participants de l’étude mentionnée ici), il est possible que les effets biologiques positifs des piments chilis sur le poids corporel, la glycémie et la réduction de l’apport en sel puissent accentuer les bénéfices associés à ce mode d’alimentation et donc avoir des répercussions positives sur la santé.

L’exercice réduit l’inflammation cardiovasculaire par une modulation du système immunitaire

L’exercice réduit l’inflammation cardiovasculaire par une modulation du système immunitaire

EN BREF

  • L’exercice volontaire et régulier chez la souris diminue le nombre de leucocytes (globules blancs) inflammatoires dans la circulation sanguine.
  • L’exercice cause une diminution de la leptine (une hormone digestive) sécrétée par les cellules adipeuses, ce qui fait diminuer la production de leucocytes par les cellules souches et progénitrices hématopoïétiques dans la moelle osseuse.
  • Des patients cardiaques qui ont fait de l’exercice quatre fois ou plus par semaine avaient des niveaux sanguins de leptine et de leucocytes moins élevés.
  • Ces résultats suggèrent que le mode de vie sédentaire contribue au risque cardiovasculaire par un apport accru en leucocytes inflammatoires.

Il est bien établi que l’exercice pratiqué régulièrement a de nombreux bienfaits pour la santé cardiovasculaire, mais les mécanismes sous-jacents n’ont pas encore été entièrement identifiés et bien compris. Une étude publiée récemment dans Nature Medecine montre que, chez la souris, l’exercice volontaire réduit la prolifération des cellules souches et des progénitrices hématopoïétiques (CSPH), ce qui a pour effet de diminuer le nombre de leucocytes inflammatoires dans la circulation sanguine. Rappelons que les cellules CSPH ont la capacité de se transformer en différents types de cellules qui sont impliquées dans la réponse immunitaire (leucocytes, lymphocytes, macrophages, etc.)

Un mode de vie sédentaire, l’inflammation chronique et un taux de globules blancs anormalement élevé (leucocytose) favorisent l’athérosclérose qui peut potentiellement provoquer un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral ou l’insuffisance cardiaque.

Pour tester si l’exercice régulier peut moduler l’hématopoïèse, les chercheurs ont mis des souris dans des cages en présence (ou non pour le groupe témoin) d’une roue d’exercice, où elles pouvaient faire de l’exercice à leur guise. Les souris utilisent volontiers et avec beaucoup d’ardeur ces roues d’exercice et elles ne sont par conséquent pas soumises à un stress comme lorsqu’elles sont contraintes à faire de l’exercice tel que, par exemple, la nage forcée qui a déjà été utilisée dans d’autres études. Après six semaines, les souris qui ont fait de l’exercice volontaire, soit environ 20 fois plus d’activité physique que des souris sédentaires, avaient réduit leur poids corporel et augmenté leur consommation de nourriture.

Les analyses ont montré que l’exercice a fait diminuer de 34 % la prolifération des cellules souches et progénitrices hématopoïétiques. La diminution des CSPH par l’exercice a eu pour effet de réduire le nombre de leucocytes (globules blancs) inflammatoires dans la circulation sanguine. De plus, les cellules mononucléées de la moelle osseuse des souris qui ont fait de l’exercice étaient moins en mesure de se différencier en granulocytes, macrophages, cellules pré-B. Les chercheurs ont montré que le mécanisme implique une diminution de la production de leptine (une hormone sécrétée lors de la digestion pour réguler les réserves de graisse et contrôler la sensation de satiété) dans les tissus adipeux. La baisse de leptine dans la circulation sanguine des souris a eu pour effet d’augmenter la production de facteurs de quiescence et de rétention des cellules souches hématopoïétiques au niveau de la moelle osseuse, et par conséquent de diminuer le nombre de leucocytes dans la circulation sanguine (voir la figure ci-dessous).

Figure. Résumé schématique des effets de l’exercice sur le taux de leucocytes et le risque de maladie cardiovasculaire. LepR+ : exprimant le récepteur de la leptine. Adapté de Frodermann et coll., 2019.

Une supplémentation en leptine chez les souris faisant de l’exercice (à l’aide de micropompes sous-cutanées) a renversé les effets sur l’hématopoïèse induits par l’exercice, prouvant que cette hormone digestive est impliquée dans ce phénomène.

On a retiré la roue d’exercice dans la cage des souris après six semaines. Trois semaines plus tard, l’effet sur la production de leptine s’est estompé, mais les effets de l’exercice sur l’hématopoïèse ont perduré, c.-à-d. que le taux de leucocytes des souris ayant fait de l’exercice étaient toujours plus bas que celui des souris sédentaires. Il y a donc une « mémoire » de l’exercice qui était lié à des changements épigénétiques (voir cet article sur le sujet), c.-à-d. à une différence d’expression de certains gènes sans modification de leur séquence d’ADN.

Une réduction du taux de leucocytes dans le sang peut mener à un risque accru d’infections, comme cela a déjà été observé pour l’exercice de haute intensité. Les chercheurs ont voulu vérifier si tel était le cas avec les souris de leur étude. On a injecté une composante de la paroi cellulaire des bactéries (lipopolysaccharide) dans le ventre des souris afin de provoquer une réponse inflammatoire. Les souris ont répondu rapidement en augmentant le nombre de CSPH et des cellules de défense (neutrophiles, monocytes, lymphocytes B, lymphocytes T) dans le sang et au site de l’infection. Les souris qui ont fait de l’exercice ont réagi davantage que les souris sédentaires à l’injection de lipopolysaccharide et elles ont eu un taux de mortalité plus bas lorsqu’on a provoqué une véritable septicémie par perforation de l’intestin. Il est donc évident que l’exercice volontaire régulier chez la souris ne diminue pas la réponse immunitaire d’urgence à l’infection.

Les chercheurs ont ensuite voulu savoir si la baisse de leucocytes causée par l’exercice pouvait atténuer l’athérosclérose et l’inflammation des plaques d’athéromes. Pour ce faire ils ont utilisé une lignée de souris « knockout » dans laquelle le gène codant pour l’apolipoprotéine E a été inactivé (Apoe-/-). Cette protéine transporte des lipides dans le sang et est essentielle à leur élimination. L’inactivation du gène Apoe provoque chez la souris une hypercholestérolémie et l’athérosclérose. Des souris Apoe-/- ayant développé de l’athérosclérose ont été placées dans des cages contenant une roue d’exercice, ce qui a mené à une baisse du niveau de leptine, une baisse des leucocytes et à une diminution de la taille des plaques. Les mêmes effets bénéfiques de l’exercice sur l’athérosclérose ont été observés dans une lignée de souris dans laquelle le gène codant pour le récepteur de la leptine a été inactivé spécifiquement au niveau des cellules stromales.

Les chercheurs ont finalement voulu savoir si l’exercice pouvait avoir des effets bénéfiques sur l’hématopoïèse chez des patients atteints d’une maladie cardiovasculaire. Pour ce faire, ils ont vérifié s’il y a une association entre la quantité d’exercice et les niveaux sanguins de leptine ou le nombre de leucocytes, chez 4 892 participants à l’étude CANTOS qui ont tous été recrutés après avoir subi un infarctus du myocarde. Les participants qui ont fait de l’exercice quatre fois ou plus par semaine avaient des niveaux sanguins de leptine significativement moins élevés. Une autre étude (Athero-Express study) montre aussi une relation favorable entre la quantité d’exercice et les niveaux de leptine et de leucocytes. Les résultats de ces deux études cliniques, combinés à ceux obtenus chez la souris, indiquent que l’activité physique a des effets bénéfiques sur les niveaux de leptine et sur la leucocytose chez des patients atteints d’une maladie cardiovasculaire.

Cette nouvelle étude suggère que le mode de vie sédentaire contribue au risque cardiovasculaire par un apport accru en leucocytes inflammatoires, et elle confirme l’idée que l’activité physique réduit l’inflammation chronique. Rappelons les principales recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en matière d’activité physique pour la santé :

« Afin d’améliorer leur endurance cardio-respiratoire, leur état musculaire et osseux, et réduire le risque de maladies non transmissibles et de dépression,

  1. Les adultes âgés de 18 à 64 ans devraient pratiquer au moins, au cours de la semaine, 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.
  2. L’activité d’endurance devrait être pratiquée par périodes d’au moins 10 minutes.
  3. Pour pouvoir en retirer des bénéfices supplémentaires sur le plan de la santé, les adultes devraient augmenter la durée de leur activité d’endurance d’intensité modérée de façon à atteindre 300 minutes par semaine ou pratiquer 150 minutes par semaine d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.
  4. Des exercices de renforcement musculaire faisant intervenir les principaux groupes musculaires devraient être pratiqués au moins deux jours par semaine. »

Pour en savoir plus sur les bienfaits, la quantité et les types d’exercices, consultez ces articles :

Quantité d’exercice et longévité

Les bienfaits de l’exercice pour la santé cardiovasculaire : bien plus que l’atténuation des facteurs de risque traditionnels

Faire de l’exercice à jeun pour brûler davantage de gras

L’exercice physique régulier peut-il compenser de longues périodes passées en position assise ?

L’entraînement avec sprints supra-maximaux ou « sprint-interval training » : la nouvelle panacée en entraînement ?

L’exercice intermittent à haute intensité