Les bénéfices de l’huile d’olive extra-vierge sur la santé cardiovasculaire

Les bénéfices de l’huile d’olive extra-vierge sur la santé cardiovasculaire

EN BREF

  • En plus d’être une excellente source de gras monoinsaturés, l’huile d’olive est la seule huile végétale qui contient une quantité importante de composés phénoliques dotés de propriétés antioxydante et antiinflammatoires.
  • Ces molécules sont retrouvés en quantités beaucoup plus importantes dans les huiles de qualité extra-vierge comparativement aux huile d’olive raffinées.
  • Plusieurs études indiquent que la présence de ces composés phénoliques contribue aux nombreux effets positifs de l’huile d’olive extra-vierge sur la santé cardiovasculaire.

Le régime méditerranéen traditionnel exerce plusieurs effets positifs sur la santé cardiovasculaire en améliorant le profil lipidique (cholestérol, triglycérides) et en diminuant l’inflammation chronique, la pression artérielle, la glycémie et le risque de diabète. Plusieurs études ont clairement établi que ces effets se traduisent par une diminution significative du risque de maladies cardiovasculaires (voir notre article à ce sujet).

L’alimentation méditerranéenne est caractérisée par la consommation abondante d’aliments d’origine végétale (fruits, légumes, céréales de grains entiers, légumineuses, noix, aromates), un apport modéré en produits laitiers fermentés (yogourt, fromage), en poissons, fruits de mer et vin rouge ainsi qu’une consommation faible de viandes rouges et de sucres ajoutés. Il s’agit donc d’une alimentation exemplaire, dans laquelle les sucres complexes des végétaux sont les sources principales de glucides et d’où les protéines proviennent principalement des poissons et légumineuses au lieu des viandes rouges.

 

Une autre caractéristique importante du régime méditerranéen est l’utilisation quotidienne de quantités importantes (60-80 mL) d’huile d’olive comme principale source de corps gras pour cuisiner les aliments. Comme nous l’avons mentionné dans un autre article, plusieurs études ont rapporté que les pays qui sont de grands consommateurs d’huile d’olive ont une incidence de maladies cardiovasculaires beaucoup plus faible que ceux qui consomment principalement des gras d’origine animale, suggérant un rôle positif de l’huile d’olive dans cet effet protecteur. Traditionnellement, ces propriétés bénéfiques de l’huile d’olive ont été attribuées à son contenu très élevé (environ 80 %) en acide oléique, un acide gras monoinsaturé qui contribue à ses propriétés antioxydantes.  Cependant, et contrairement à la plupart des huiles végétales, l’huile d’olive contient également une foule de composés mineurs (1-3 % de l’huile) qui  jouent également des rôles très importants dans ses effets positifs sur la santé cardiovasculaire (voir plus loin).  C’est particulièrement le cas pour plusieurs composés phénoliques qui sont retrouvés exclusivement dans l’huile d’olive, notamment les alcools phénoliques comme l’hydroxytyrosol et le tyrosol et les polyphénols de la famille des sécoiridoïdes comme l’oleuropéine, le ligstoside, l’oléacine et l’oléocanthal (Figure 1).

Figure 1. Structures moléculaires des principaux composés phénoliques de l’huile d’olive.

 

Un fruit, plusieurs types d’huiles

La plupart des huiles végétales proviennent de graines qui ont été extraites avec un solvant organique (l’hexane, par exemple) et par la suite chauffées à haute température pour évaporer ce solvant et éliminer les impuretés qui leur donnent une odeur et une saveur indésirable.  Ces procédures draconiennes ne sont pas nécessaires pour l’huile d’olive : les olives sont simplement écrasées et l’huile contenue dans la pulpe est extraite par pression mécanique, sans utiliser de procédés chimiques ou de chaleur excessive.

Les huiles d’olive sont classifiées selon la qualité de l’huile qui est obtenue par ce pressage (Figure 2). Les huiles de bonne qualité, c’est-à-dire qui possèdent une faible acidité (< 2% d’acide oléique libre) et répondent à certains critères gustatifs (goût, amertume et caractère piquant) sont appelées huiles d’olive « vierges » ou, si leur acidité est inférieure à 0,8 %, « extra-vierges ». Ces huiles contiennent la majorité des polyphénols des olives de départ et, après centrifugation et filtration, peuvent être consommées telles quelles.

Par contre, certaines variétés d’olives donnent une huile de qualité inférieure en raison d’une acidité trop élevée (> 2%) et/ou d’une odeur et d’un goût désagréables qui ne satisfont pas les critères établis. Ces huiles impropres à la consommation sont dites « lampantes » (un nom qui vient de leur utilisation ancienne comme combustible dans les lampes à huile) et doivent être raffinées comme on le fait pour d’autres huiles végétales, c’est-à-dire en utilisant différentes procédures physicochimiques (neutralisation avec de la soude, décoloration et désodorisation à haute température, extraction à l’hexane, etc.).  Ces étapes permettent d’éliminer les composés responsables de l’excès d’acidité et du goût déplaisant de l’huile et produisent une huile d’olive « neutre » qui a perdu son acidité et ses défauts, mais qui est désormais dépourvue de l’odeur, la saveur, la couleur et de la plupart des composants phénoliques de l’huile d’olive vierge de départ.  Pour stabiliser ces huiles et améliorer leur goût, on ajoute par la suite une certaine proportion (15-20%) d’huile d’olive vierge et le produit final, qui est donc un mélange d’huile d’olive raffinée et d’huile d’olive vierge, est ce qui est vendu en épicerie sous le nom d’ « huile d’olive pure » ou encore simplement d’« huile d’olive ».

En somme, il y a trois grands types d’huile d’olive sur le marché : l’huile d’olive vierge (VOO, pour virgin olive oil), l’huile d’olive extra-vierge (EVOO, pour extra-virgin olive oil) et l’huile d’olive régulière (OO, pour olive oil).

Figure 2.  Les différents types d’huile d’olive. Tiré de Gorzynik-Debicka et coll. (2018).

 

Ces différences de fabrication ont évidemment d’énormes répercussions sur la quantité de polyphénols présents dans les huiles vierges, extra-vierges et raffinées (Tableau 1). Pour les huiles d’olive de type OO (qui contiennent des huiles raffinées), les polyphénols proviennent exclusivement de l’huile d’olive vierge qui a été ajoutée pour redonner un minimum de goût et de couleur (de jaune à verdâtre) à l’huile traitée chimiquement.  La quantité de ces polyphénols est donc forcément moindre que dans les huiles VOO et EVOO et, en règle générale, ne dépasse pas 25-30 % du contenu des ces dernières.  Cette différence est particulièrement frappante pour certains polyphénols de la famille des sécoiridoïdes (oleuropéine, oléocanthal, oléacine et ligsroside) dont les concentrations sont de 3 à 6 fois plus importantes dans l’huile EVOO que dans l’huile OO (Tableau 1). Mentionnons toutefois que ces valeurs peuvent varier énormément selon la provenance et le cultivar des olives; par exemple, on a observé que certaines huiles d’olive extra-vierge pouvaient contenir jusqu’à 10 fois plus d’hydroxytyrosol et de tyrosol que les huiles d’olive régulières. Même chose pour d’autres polyphénols comme l’oléocanthal: une analyse de 175 huiles d’olive extra-vierges distinctes provenant de Grèce et de Californie a révélé des variations spectaculaires entre les différentes huiles, avec des concentrations de la molécule  allant de 0 à 355 mg/kg.

Il faut aussi mentionner que même si les quantités de composés phénoliques de l’huile OO ordinaire sont moindres que celles retrouvées dans les huiles vierges et extra-vierges, elles dépassent néanmoins largement celles présentes dans d’autres huiles végétales (tournesol, arachide, canola, soja) qui n’en contiennent que très peu ou pas du tout.

FamilleMoléculesOO (mg/kg)VOO (mg/kg)EVOO (mg/kg)
SécoiridoïdesOléocanthal38,95 ± 9,2971,47 ± 61,85142,77 ± 73,17
Oléacéine57,37 ± 27,0477,83 ± 256,09251,60 ± 263,24
Oleuropéine (aglycone)10,90 ± 0,0095,00 ± 116,0172,20 ± 64,00
Ligstroside (aglycone)15,20 ± 0,0069,00 ± 69,0038,04 ± 17,23
Alcools phénoliquesHydroxytyrosol6,77 ± 8,263,53 ± 10,197,72 ± 8,81
Tyrosol4,11 ± 2,245,34 ± 6,9811,32 ± 8,53
FlavonoïdesLutéoline1,17 ± 0,721,29 ± 1,933,60 ± 2,32
Apigénine0,30 ± 0,170,97 ± 0,7111,68 ± 12,78
Acides phénoliquesp-coumarique -0,24 ± 0,810,92 ± 1,03
férulique -0,19 ± 0,500,19 ± 0,19
cinnamique - -0,17 ± 0,14
cafféique -0,21 ± 0,630,19 ± 0,45
protocatéchique -1,47 ± 0,56 -

Tableau 1. Comparaison du contenu en composés phénoliques de l’huile d’olive (OO), l’huile d’olive vierge (VOO) et l’huile d’olive extra-vierge (EVOO). Veuillez noter que les écarts-types importants des valeurs moyennes réflètent les énormes variations du contenu en polyphénols selon la région, le cultivar, le degré de maturation des fruits et le procédé de fabrication des huiles d’olive. Adapté de Lopes de Souza et coll. (2017).

Piquant antiinflammatoire

Les quantités de polyphénols contenues dans une bouteille d’huile d’olive ne sont pas indiquées sur son étiquette, mais il est cependant possible de détecter leur présence simplement en goûtant l’huile.  Les polyphénols de l’huile d’olive sont en effet essentiels aux sensations organoleptiques si caractéristiques à cette l’huile, en particulier la  sensation de chatouillement ou de piquement au niveau de la gorge provoquée par les huiles extra-vierges de bonne qualité, ce que les connaisseurs appellent l’« ardence ».  Loin d’être un défaut, cette ardence est au contraire considérée par les experts comme un signe d’une huile de qualité supérieure et, dans les concours de dégustation, les huiles les plus « piquantes » sont souvent celles qui reçoivent les plus grands honneurs.

Il est intéressant de noter que c’est d’ailleurs en dégustant différentes huiles d’olive qu’un scientifique est parvenu, par un étrange concours de circonstances, à identifier la molécule responsable de la sensation de piquant provoquée par l’huile d’olive extra-vierge (voir encadré).

Ibuprofène végétal

On dit que le hasard fait parfois bien les choses, et c’est vraiment le cas en ce qui concerne la découverte de la molécule responsable de l’irritation typique causée par l’huile d’olive. En voyage en Sicile pour assister à un congrès sur les propriétés organoleptiques de différents aliments, le Dr Gary Beauchamp et ses confrères ont été invités par les organisateurs de l’événement à un repas où on proposait aux hôtes de déguster l’huile d’olive extra-vierge provenant des oliviers cultivés sur leur domaine. Même si c’était la première fois qu’il goûtait à ce type d’huile d’olive, le Dr Beauchamp a immédiatement été frappé par la sensation de picotement au niveau de la gorge qui était en tout point semblable à celle provoquée par l’ibuprofène et qu’il avait expérimentée à de multiples reprises dans le cadre de son travail visant à remplacer l’acétominophène par l’ibuprofène dans les sirops contre la toux. Soupçonnant que l’huile d’olive contenait un antiinflammatoire similaire, le Dr Beauchamp et son équipe sont par la suite parvenus à isoler la molécule responsable de cette irritation, un polyphénol qu’ils ont appelé « oléocanthal ». Ils ont par la suite découvert que l’oléocanthal possédait, tout comme l’ibuprofène, une puissante action antiinflammatoire et que la consommation régulière d’huile d’olive extra-vierge, riche en oléocanthal, procurait un apport équivalent à environ 10 mg d’ibuprofène et pourrait donc contribuer aux effets anti-inflammatoires bien documentés du régime méditerranéen.

Mais pourquoi la sensation piquante de l’huile d’olive est-elle ressentie seulement au niveau de la gorge ? Selon les travaux réalisés par le même groupe, cette localisation exclusive serait due à une interaction spécifique de l’oléocanthal (et de l’ibuprofène, d’ailleurs) avec un sous-type de récepteur sensible à la chaleur (TRPA1). Contrairement aux autres types de récepteurs à la chaleur qui sont distribués uniformément dans la cavité buccale (le récepteur TRPV1 activé par la capsaïcine des piments chilis, par exemple, et qui est la cause de la sensation de brûlure de certains plats particulièrement pimentés), le récepteur TRPA1 est quant à lui localisé uniquement dans le pharynx et son activation par l’oléocanthal provoque un influx nerveux signalant la présence d’un irritant uniquement dans cette région.  En somme, plus une huile d’olive pique au fond de la gorge, plus elle contient d’oléocanthal et plus elle est dotée de propriétés anti-inflammatoires. En règle générale, les huiles d’olive extra-vierges contiennent plus d’oléocanthal (et de polyphénols en général) que les huile d’olive vierges (voir le Tableau 1) et sont donc considérées comme supérieures, autant pour leur goût que pour leurs effets positifs sur la santé.

La supériorité de l’huile d’olive extra-vierge

Plusieurs études ont montré que le contenu plus élevé en polyphénols de l’huile d’olive extra-vierge était effectivement corrélé avec un effet positif plus important sur plusieurs paramètres de la santé cardiovasculaire que celui observé pour l’huile d’olive régulière (voir Tableau 2).  Par exemple, des études épidémiologiques réalisées en Espagne ont rapporté une baisse d’environ 10-14 % du risque de maladies cardiovasculaires  chez les consommateurs réguliers d’huile d’olive extra-vierge, alors que la consommation d’huile d’olive régulière n’avait aucun effet significatif. Un rôle des composés phénoliques est également suggéré par l’étude EUROLIVE où on a comparé l’effet de l’ingestion quotidienne, pendant une période de 3 semaines, de 25 mL d’huiles d’olive contenant des quantités faibles (2.7 mg/kg), moyenne (164 mg/kg) ou élevées (366 mg/kg) de polyphénols. Les résultats montre qu’un apport accru en polyphénols est associé à une amélioration de deux importants facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, soit une hausse de la concentration de cholestérol-HDL et une baisse des taux de cholestérol-LDL oxydés.  Collectivement, les données recueillies par les études d’intervention indiquent que les polyphénols présents dans l’huile d’olive extra-vierge jouent un rôle extrêmement important dans les effets positifs de l’huile d’olive sur la santé cardiovasculaire.

Paramètre mesuréRésultatsSources
Incidence de maladie cardiovasculaireDiminution de 10 % du risque pour chaque 10 g/jour de EVOO. Aucun effet de OO régulière. Guasch-Ferré et coll. (2014)
Diminution de 14 % du risque pour chaque 10 g/jour de EVOO. Aucun effet de OO régulière. Buckland et coll. (2012)
Profil lipidiqueHausse linéaire du cholestérol-HDL en fonction de la quantité de polyphénols.Covas et coll. (2006)
Hausse du cholestérol-HDL seulement observée avec EVOO.Estruch et coll. (2006)
GlycémieEVOO améliore le profil glycémique postprandial (diminution des taux de glucose et hausse d’insuline).Violo et coll. (2015)
EVOO riche en polyphénols réduit la glycémie à jeûn et les taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) chez les patients diabétiques.Santagelo et coll. (2016)
InflammationEVOO, mais non OO, induit une diminution de marqueurs inflammatoires (TXB(2) et LTB(4)).Bogani et coll. (2017)
EVOO, mais non OO, induit une diminution de IL-6 et CRPFitó et coll. (2007)
EVOO, mais non OO, diminue l’expression de plusieurs gènes inflammatoires. Camargo et coll. (2010)
EVOO, mais non OO, diminue les taux des marqueurs inflammatoires sICAM-1 and sVCAM-1.Pacheco et coll. (2007)
Stress oxydatifForte activité antioxydante des composés phénoliques de l’huile d’olive in vitro.Owen et coll. (2000)
Diminution linéaire des taux de LDL oxydés en fonction de la quantité de polyphénols.Covas et coll. (2006)
Taux de LDL oxydés plus faibles après ingestion de EVOO comparativement à OO. Ramirez-Tortosa et coll. (1999)
Les composés phénoliques de EVOO se lient aux particules de LDL et les protègent de l’oxydation. de la Torre-Carbot et coll. (2010)
EVOO induit la production d’anticorps neutralisants contre les LDL oxydés.Castañer et coll. (2011)
EVOO diminue les taux urinaires de 8-isoprostane, un marqueur du stress oxydatif.Visioli et coll. (2000)
EVOO influence positivement le statut oxydant/antioxydant du plasmaWeinbrenner et coll. (2004)
Pression artérielleEVOO provoque une diminution des pressions systolique et diastolique chez des femmes hypertendues.Ruíz-Gutiérrez et coll. (1996)
EVOO, mais non OO, provoque une diminution de la pression systolique chez des patients coronariens hypertendus.Fitó et coll. (2005)
EVOO améliore la dilation endothéliale post-prandiale. Ruano et coll. (2005)
EVOO augmente le vasodilatateur NO et diminue les pressions systolique et diastolique. Medina-Remón et coll. (2015)
EVOO, mais non OO, améliore la dilatation des vaisseaux chez des patients prédiabétiques.Njike et coll. (2021)
EVOO, mais non OO, diminue de 2,5 mm Hg la pression systolique chez des volontaires en bonne santé. Sarapis et coll. (2020)

Tableau 2. Exemples d’études comparant l’effet de EVOO et OO sur plusieurs paramètres de la santé cardiovasculaire.

En plus de ses multiples actions directes sur le coeur et les vaisseaux, il faut aussi noter que l’huile d’olive extra-vierge pourrait également exercer un effet bénéfique indirect, en bloquant la formation du métabolite trimethylamine N-oxide (TMAO) par les bactéries intestinales.  Plusieurs études ont montré que ce TMAO accélère le développement de l’athérosclérose dans les modèles animaux et est associé avec une hausse du risque d’accidents cardiovasculaires dans les études cliniques. Les huiles d’olive extra-vierges (mais non les huiles d’olive régulières) contiennent du 3,3-dimethyl-1-butanol (DMB), une molécule qui bloque une enzyme clé impliquée dans la production de TMAO et empêche le développement de l’athérosclérose dans les modèles animaux soumis à un régime alimentaire riche en protéines animales. L’ensemble de ces observations montre qu’il n’y a que des avantages à privilégier l’utilisation d’huile d’olive extra-vierge, autant pour son goût supérieur que ses effets positifs sur la santé cardiovasculaire.

Le goût légèrement piquant au niveau de la gorge de l’huile d’olive extra-vierge peut déplaire à certaines personnes, mais il est intéressant de noter que cette irritation est considérablement diminuée lorsque l’huile est mélangée à d’autres alimentsSelon une étude récente, cette atténuation du goût piquant serait due à l’interaction des polyphénols de l’huile avec les protéines des aliments, ce qui bloque l’activation des récepteurs à la chaleur qui sont normalement activés par ces polyphénols.  Les personnes qui hésitent à utiliser l’huile d’olive extra-vierge en raison de son côté irritant peuvent donc contourner ce problème et tout de même profiter des bienfaits de ces huiles simplement en l’utilisant comme corps gras principal lors de la préparation des repas.

Pourquoi les Japonais ont-ils l’espérance de vie la plus élevée au monde ?

Pourquoi les Japonais ont-ils l’espérance de vie la plus élevée au monde ?

EN BREF

  • Les Japonais ont l’espérance de vie à la naissance la plus élevée parmi les pays du G7.
  • L’espérance de vie plus élevée des Japonais est due principalement à moins de décès causés par des cardiopathies ischémiques, incluant l’infarctus du myocarde, et par des cancers (du sein et de la prostate en particulier).
  • Cette longévité exceptionnelle s’explique par un faible taux d’obésité et un régime alimentaire unique, caractérisé par une faible consommation de viande rouge, et une consommation élevée de poissons et d’aliments provenant de plantes tels le soja et le thé.

Plusieurs régimes alimentaires sont favorables au maintien d’une bonne santé et pour la prévention des maladies cardiovasculaires : le régime méditerranéen, le régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension), le régime végétarien et le régime alimentaire japonais. Nous faisons souvent référence à l’Observatoire de la prévention au régime méditerranéen, car il est bien établi scientifiquement que ce régime alimentaire est particulièrement favorable pour la santé cardiovasculaire (voir nos articles sur le sujet ici, ici, et ici). Sachant que les Japonais ont l’espérance de vie la plus élevée parmi les pays du G7, le régime alimentaire particulier au Japon a aussi retenu l’attention des experts et d’un public averti durant les dernières années.

Espérance de vie des Japonais
Parmi les pays du G7, c’est au Japon que l’espérance de vie à la naissance est la plus élevée selon les données de l’OCDE de 2016, particulièrement pour les femmes. Les hommes japonais ont une espérance de vie un peu plus élevée (81,1 années) que celle des hommes canadiens (80,9 années), alors que l’espérance de vie des Japonaises (87,1 années) est significativement plus élevée (de 2,4 années) que celle des Canadiennes (84,7 années). L’espérance de vie en santé des Japonais, 74,8 années, est aussi plus élevée qu’au Canada (73,2 années).

L’espérance de vie plus élevée des Japonais est due principalement à moins de décès causés par des cardiopathies ischémiques et par des cancers, particulièrement les cancers du sein et de la prostate. Cette faible mortalité est principalement attribuable à un faible taux d’obésité, à une faible consommation de viande rouge, et une consommation élevée de poissons et d’aliments provenant de plantes tels le soja et le thé. Au Japon le taux d’obésité est peu élevé (4,8 % pour les hommes et 3,7 % pour les femmes). Par comparaison, au Canada 24,6 % des hommes adultes et 26,2 % des femmes adultes étaient obèses (IMC≥ 30) en 2016. L’obésité est un facteur de risque important aussi bien pour les cardiopathies ischémiques que pour plusieurs types de cancers.

Pourtant, au début des années 1960 l’espérance de vie des Japonais était la moins élevée des pays du G7, principalement à cause de la mortalité élevée due aux maladies vasculaires cérébrales et au cancer de l’estomac. La baisse de consommation de sel et d’aliments salés est en partie responsable de la baisse de la mortalité causée par les maladies vasculaires cérébrales et par le cancer de l’estomac. Les Japonais consommaient en moyenne 14,5 g de sel/jour en 1973 et probablement davantage avant cela. Ils mangent de nos jours moins de sel (9,5 g/jour en 2017), mais c’est tout de même trop. Les Canadiens consomment aujourd’hui en moyenne environ 7 g de sel/jour (2,76 g de sodium/jour), soit presque le double de l’apport recommandé par Santé Canada.

Le régime alimentaire japonais
Comparativement aux Canadiens, Français, Italiens et Américains, les Japonais consomment beaucoup moins de viande (particulièrement la viande de bœuf), de produits laitiers, de sucres et d’édulcorants, de fruits et de pommes de terre, mais beaucoup plus de poissons et de fruits de mer, de riz, de soja et de thé (Tableau 1). En 2017, les Japonais consommaient en moyenne 2697 kilocalories par jour selon la FAO, significativement moins qu’au Canada (3492 kcal par jour), en France (3558 kcal par jour), en Italie (3522 kcal par jour) ou aux États-Unis (3766 kcal par jour).

Tableau 1. Approvisionnement alimentaire (kg/habitant/an) dans certains pays industrialisés en 2013a.

a Tableau adapté de Tsugane, 2020. Données de la FAO : FAOSTAT (Food balance data) (http://www.fao.org/).

Moins de viande rouge, plus de poissons et de fruits de mer
Les Japonais mangent en moyenne presque deux fois moins de viande qu’un Canadien (46 % moins), mais deux fois plus de poissons et fruits de mer. Cette différence considérable se traduit par un apport alimentaire réduit en acides gras saturés, qui est associé à un risque moindre de cardiopathies ischémiques, mais à un risque accru d’AVC. Au contraire, l’apport alimentaire en acides gras oméga-3 contenu dans les poissons et fruits de mer est associé à une diminution du risque de cardiopathies ischémiques. La consommation moindre de viande rouge et celle plus élevée de poissons et fruits de mer par les Japonais pourraient donc expliquer la plus faible mortalité causée par des cardiopathies ischémiques et la mortalité plus élevée causée par les maladies cérébrovasculaires au Japon. Les experts pensent que la baisse de la mortalité due aux maladies vasculaires cérébrales est associée à des changements dans le régime alimentaire japonais : augmentation de la consommation de produits à base d’animaux, produits laitiers et par conséquent de gras saturés et de calcium (une consommation qui demeure modérée), combinée avec une baisse de la consommation de sel. En effet, contrairement à ce qui est observé en Occident, la consommation de gras saturés au Japon est associée à une réduction du risque d’AVC hémorragique et dans une moindre mesure d’AVC ischémique, selon une méta-analyse d’études prospectives. On ne connaît pas la cause de cette différence, mais elle pourrait être attribuable à une susceptibilité génétique ou à des facteurs confondants selon les auteurs de la méta-analyse.

Soja
Le soja est un aliment surtout consommé en Asie, incluant le Japon où il est consommé tel quel après cuisson (edamame) et surtout sous forme transformée, par fermentation (sauce de soja, pâte de miso, nattō) ou par coagulation du lait de soja (tōfu). C’est une source importante d’isoflavones, des molécules qui ont des propriétés anticancer et qui sont favorables à une bonne santé cardiovasculaire. La consommation d’isoflavones par les Asiatiques a été associée à un risque moindre de cancer du sein et de la prostate. (voir notre article sur le sujet)

Sucre
Les Japonais consomment relativement peu de sucres et de féculents, ce qui explique en partie la faible prévalence de l’obésité et des maladies associées à l’obésité tels les cardiopathies ischémiques et le cancer du sein.

Thé vert
Les Japonais consomment généralement le thé vert sans sucre ajouté. Des études prospectives réalisées au Japon montrent que la consommation de thé vert est associée à un risque moindre de mortalité de toute cause et de mortalité d’origine cardiaque (voir notre article sur le sujet).

Occidentalisation des habitudes alimentaires des Japonais
L’occidentalisation du régime japonais survenue après la Deuxième Guerre mondiale a permis aux habitants de ce pays d’être en meilleure santé et de diminuer la mortalité causée par les maladies infectieuses, la pneumonie et les maladies cérébrovasculaires, et ainsi augmenter considérablement leur espérance de vie. Une enquête sur les habitudes alimentaires de 88 527 Japonais de 2003 à 2015 indique que cette occidentalisation se poursuit. En se basant sur la consommation quotidienne de 31 groupes d’aliments, les chercheurs ont identifié trois grands types d’habitudes alimentaires :

1- Aliments à base de plantes et poisson
Consommation élevée de légumes, fruits, légumineuses, pommes de terre, champignons, algues, légumes marinés, riz, poisson, sucre, assaisonnements à base de sel et thé.

2- Pain et produits laitiers
Consommation élevée de pain, produits laitiers, fruits et sucre. Faible consommation de riz.

3- Aliments d’origine animale et huiles
Consommation élevée de viande rouge et transformée, œufs, huiles végétales.

Une tendance à la baisse du groupe « aliments à base de plantes et poisson » (la base du régime alimentaire traditionnel japonais ou washoku) a été observée chez tous les groupes d’âge. Une hausse du groupe « pain et produits laitiers » a été observée chez les groupes d’âge de 50-64 et ≥65 ans, mais pas chez les plus jeunes. Pour le groupe « aliments d’origine animale et huiles », une tendance à la hausse a été observée durant les treize années de l’étude chez tous les groupes d’âge sauf celui des plus jeune (20-34 ans). Les Japonais mangent de plus en plus comme des Occidentaux, cela aura-t-il un effet défavorable sur leur santé et leur espérance de vie ? Il est trop tôt pour qu’on puisse le savoir, les prochaines décennies nous le diront.

Contribution de gènes et du mode vie à la santé des Japonais
Certains facteurs de risque de maladie cardiovasculaire et du cancer sont héréditaires, alors que d’autres sont associés au mode de vie (alimentation, tabagisme, exercice, etc.). Il y a eu une immigration importante des Japonais aux États-Unis (surtout en Californie et Hawaï) et en Amérique du Sud (Brésil, Pérou) au tournant du 20e siècle. Après quelques générations, les descendants des migrants japonais ont adopté le mode de vie des pays d’accueil. Alors que le Japon présente l’une des plus faibles incidences de maladies cardiovasculaires au monde, cette incidence a doublé chez les Japonais qui ont migré à Hawaï et quadruplé chez ceux qui ont choisi de vivre en Californie selon une étude réalisée en 1975. Ce qui est surprenant c’est que cette hausse a été observée indépendamment de la tension artérielle ou du taux de cholestérol, et semble plutôt directement liée à l’abandon du mode de vie traditionnel japonais par les migrants.

Depuis les années 1970, le taux de cholestérol moyen des Japonais a néanmoins augmenté, mais malgré cela et le taux élevé de tabagisme dans ce pays, l’incidence de maladie coronarienne demeure substantiellement moins élevée au Japon qu’en Occident. Pour mieux comprendre ces différences, une étude réalisée en 2003 a comparé les facteurs de risques et l’alimentation de Japonais vivant au Japon et des migrants japonais de la 3e et 4e génération vivant à Hawaï aux États-Unis. La pression artérielle des hommes était significativement plus élevée chez les Japonais que chez les Nippo-Américains, alors qu’il n’y avait pas de différence significative pour les femmes. Les Japonais étaient beaucoup moins nombreux à être traités pour l’hypertension qu’à Hawaï. Les Japonais étaient plus nombreux à fumer (surtout les hommes) que les Nippo-Américains. L’indice de masse corporelle, les taux sanguins de cholestérol-LDL, de cholestérol total, d’hémoglobine glyquée (indicateur pour le diabète) et de fibrinogène (marqueur de l’inflammation) étaient significativement moins élevés au Japon qu’à Hawaï. Le cholestérol-HDL (le « bon » cholestérol) était plus élevé chez les Japonais que chez les Nippo-Américains. L’apport alimentaire en gras totaux, acides gras saturés (nuisibles à la santé cardiovasculaire) était moins élevé au Japon qu’à Hawaï. Au contraire, l’apport en acides gras polyinsaturés et en acides gras oméga-3 (favorables à une bonne santé cardiovasculaire) était plus élevé au Japon qu’à Hawaï. Ces différences pourraient expliquer en partie l’incidence moins élevée de maladie coronarienne au Japon que dans les pays industrialisés occidentaux.

En d’autres mots, même si ces migrants ont le même risque de base que leurs compatriotes demeurés dans le pays d’origine (âge, sexe et hérédité), le simple fait d’adopter les habitudes de vie de leur pays d’accueil est suffisant pour augmenter considérablement leur risque de maladies cardiovasculaires.

Même si le régime alimentaire japonais est différent de ceux des pays occidentaux, il a des caractéristiques similaires au régime méditerranéen. Pourquoi ne pas préparer de temps à autre de délicieux plats japonais à base de soja (tōfu, edamame, soupe au miso par exemple), boire du thé vert, manger moins de viande, sucre et féculents et davantage de poisson ? Non seulement vos repas seront plus variés, mais vous pourriez profiter des bienfaits pour la santé que procure le régime alimentaire japonais.