Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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7 juin 2017
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Une activité physique d’intensité modérée est suffisante pour améliorer l’état de santé

Mis à jour le 22 mars 2019 

Alors qu’il y un siècle à peine chaque aspect du quotidien faisait intervenir un effort physique, autant au travail qu’à la maison, la mécanisation et les technologies modernes ont permis de remplacer ces travaux par des activités beaucoup moins exigeantes physiquement. Une étude a estimé que le niveau d’activité associé au style de vie des colons australiens au début du 19e siècle était de 1,6 à 2,3 fois plus élevé que celui du style de vie moderne, une différence énorme, équivalente à 8-16 km de marche par jour. De nos jours, une personne qui va travailler en voiture, prend l’ascenseur pour se rendre à son bureau et passe l’essentiel de sa journée devant un ordinateur n’utilise pratiquement pas ses muscles au cours de la journée, une situation qui peut même empirer si elle consacre le reste de sa journée à des loisirs passifs devant un écran (télévision, téléphone, tablette, ordinateur). Selon Statistique Canada, un adulte consacre en moyenne chaque jour 9 heures et 48 minutes de sa période d’éveil à des activités sédentaires, dépourvues de toute dépense physique. En 2012 et 2013, à peine 22 % de la population canadienne a fait le minimum recommandé de 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée par semaine, une proportion qui devient encore plus faible (12 %) chez les personnes âgées de 60 ans et plus. Cette sédentarité moderne a de graves conséquences sur la santé de la population : par exemple, une étude réalisée en Australie auprès de plus de 8800 personnes a montré que les personnes qui regardent la télévision plus de 4 heures par jour ont 80 % plus de risque de mourir des suites d’une maladie cardiovasculaire que celles qui en regardent moins de 2 heures par jour. Les chercheurs australiens estiment que chacune des heures passées devant le téléviseur augmente de 18 % le risque de mourir d’une maladie du cœur. Malheureusement, selon le Conseil de la Radio-télédiffusion du Canada (CRTC), les Canadiens passent en moyenne 27,2 heures par semaine devant la télévision (42 heures pour le groupe d’âge 65 ans et plus). Une augmentation du risque de diabète de type 2 et de certains cancers a aussi été observée chez les téléphages, illustrant à quel point être inactif pendant des périodes prolongées peut avoir des répercussions néfastes sur la santé.

Il est maintenant bien établi que l’activité physique régulière joue un rôle très important dans la prévention de plusieurs maladies chroniques, dont les maladies cardiovasculaires, certains types de cancer, l’ostéoporose, le diabète, l’obésité, l’hypertension, la dyslipidémie, la dépression, le stress et l’anxiété. Non seulement les bienfaits de l’activité physique sont nombreux, mais la quantité d’exercice requise pour profiter de ces bienfaits est beaucoup moins élevée qu’on peut le penser. Ceci est particulièrement bien illustré par les résultats d’une très grande étude réalisée à Taiwan. En examinant les niveaux d’activité physique de presque un demi-million d’hommes et de femmes pendant 8 ans, les chercheurs ont en effet démontré qu’aussi peu que 15 minutes d’activité physique modérée par jour (la marche par exemple) suffisent pour diminuer de façon marquée le nombre de décès total, de même que le taux de mortalité associée aux maladies cardiovasculaires, au diabète et à certains cancers. Évidemment, l’ampleur de ces bienfaits sera encore plus grande si on augmente la durée et l’intensité de l’activité physique effectuée (figure 1).

Figure 1. Comparaison des bienfaits de la marche et de la course. Tirée de Wen et al., 2014.

Par exemple, si 15 minutes d’une activité modérée telle que la marche réduisent de 14 % le risque de mort prématurée, ce risque sera diminué de près de 20 % si on marche 30 minutes, pour atteindre un maximum d’environ 35 % pour 90 minutes de marche par jour. Le point à retenir, par contre, est que le simple fait de cesser d’être sédentaire et de bouger, même très légèrement, procure des bénéfices mesurables sur la santé.

Une étude auprès de 88 140 Américains âgés de 40 à 85 ans, qui ont été suivis sur une période de 9 ans, montre qu’il y a une association entre le fait de faire un peu d’activité physique durant les loisirs et une réduction du risque de mortalité de toute cause. En effet, comparées aux personnes inactives, les personnes qui faisaient 10 à 59 minutes d’activité physique d’intensité modérée par semaine durant les loisirs (marche rapide par exemple) avaient un risque 18 % moins élevé de mortalité de toute cause et un risque 12 % moins élevé de mortalité d’origine cardiovasculaire. Pour les personnes qui faisaient de l’exercice physique d’intensité modérée plus longtemps, soit de 150 à 299 minutes/semaine, le risque de mortalité de toute cause diminuait encore davantage, c.-à-d. de 31 % (37 % pour la mortalité d’origine cardiovasculaire). Dans cette étude, les personnes qui ont pratiqué une activité d’intensité vigoureuse ont réduit davantage le risque de mortalité que celles qui ont fait de l’exercice d’intensité modérée.

Ces bienfaits ne se limitent cependant pas à l’activité physique réalisée pendant les loisirs. Par exemple, dans une étude réalisée au Japon, les niveaux d’activité physique totale (incluant les tâches ménagères, déplacements pour se rendre au travail, loisirs, etc.) ont été examinés chez 74 913 participants âgés de 50 à 79 ans. Les chercheurs ont observé qu’un niveau d’activité physique modéré (5-10 MET–h/jour [Metabolic Equivalent of Task] diminue d’environ 30 % le risque de maladie cardiovasculaire comparativement à ceux qui avaient rapporté un niveau d’activité physique très faible. Un niveau d’activité de 5 MET-h/jour correspond à environ 90 minutes de marche à une vitesse modérée [4,8 km/h] par jour. Ce niveau d’activité physique semble même être suffisant pour atteindre un effet maximal puisque des niveaux d’activité physique plus élevés [10 à 35 MET-h/jour] n’ont pas réduit davantage le risque de MCV. Profiter des bienfaits de l’activité physique est donc à la portée de tous et le simple fait de pratiquer des activités modérées dans notre routine quotidienne, la marche, le jardinage et les tâches ménagères, par exemple, est suffisant pour diminuer significativement le risque maladie cardiovasculaire, procurer une foule de bienfaits pour la santé et améliorer de façon marquée la qualité de vie.

Pollution, activité physique et risque d’infarctus du myocarde
L’activité physique augmente l’absorption des polluants atmosphériques, ce qui pourrait potentiellement réduire ses effets bénéfiques. Une étude populationnelle danoise a examiné si les bienfaits de l’exercice physique sur le risque d’infarctus du myocarde étaient réduits par la pollution atmosphérique. Les personnes vivant dans les endroits les plus pollués du pays, où le niveau d’exposition au dioxyde d’azote (NO2) était le plus élevé, avaient un risque accru de 17 % d’avoir un infarctus du myocarde et un risque accru de 39 % de récurrence, comparé aux personnes vivant dans les régions les moins polluées. L’activité physique était associée à une réduction significative du risque d’infarctus chez l’ensemble des participants : –15 % pour les sports, –9 % pour le cyclisme, –13 % pour le jardinage. Les résultats ne sont pas significativement différents lorsque les participants vivants dans des endroits pollués (NO≥ 21 µg/m3) sont comparés à ceux vivant dans des endroits moins pollués (NO2< 14,3 µg/m3). Autrement dit, l’activité physique diminue le risque d’infarctus autant dans un milieu pollué que dans un milieu moins pollué. Les auteurs de l’étude suggèrent tout de même d’éviter autant que possible de faire de l’exercice en milieu pollué, par exemple en évitant les voies urbaines achalandées et en choisissant plutôt des rues secondaires moins polluées.

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