Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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L’impact positif des animaux de compagnie sur la santé cardiovasculaire

Mis à jour le 11 octobre 2019

Selon une vaste étude prospective auprès d’une cohorte nationale de 3,4 millions de Suédois âgés de 40 à 80 ans et qui a duré 12 ans, le fait de posséder un chien est associé à un risque moindre de mortalité d’origine cardiovasculaire ou de toute autre cause. Cette association est particulièrement favorable pour les personnes qui vivent seule, un groupe qui est plus à risque de développer des maladies cardiovasculaires et d’en mourir que les ménages de deux personnes ou plus.

Dans la cohorte suédoise, les personnes qui vivaient seules et possédaient un chien avaient un risque 8 % moins élevé de subir un événement cardiovasculaire en général (11 % pour l’infarctus du myocarde, 9 % pour l’AVC ischémique, 8 % pour l’insuffisance cardiaque) ; un risque 33 % moins élevé de mortalité (toutes causes confondues) et un risque 36 % moins élevé de mortalité d’origine cardiovasculaire, comparé à celles qui ne possédaient pas de chien. Pour les ménages de deux personnes ou plus, en comparaison avec les ménages sans chien celles qui en possédaient un avaient des risques 11 % et 15 % moins élevés de mortalité (toutes causes confondues) et de mortalité cardiovasculaire, respectivement. La possession d’un chien de chasse (chiens courants, retrievers, chiens d’arrêt) était associée avec le risque le plus bas de maladie cardiovasculaire, comparée à d’autres races de chiens. Précisons qu’il s’agit ici de risque relatif (comparaison entre deux groupes) et non de risque absolu. Un des points forts de cette étude est la très grande taille de la cohorte, mais ce type d’étude ne permet cependant pas de déterminer une relation de cause à effet entre le fait de posséder un chien et la réduction du risque de maladie cardiovasculaire ou de mortalité.

Un mécanisme par lequel les animaux de compagnie pourraient réduire le risque cardiovasculaire est par une atténuation des facteurs psychologiques qui causent le stress, tel que l’isolement social, la dépression, l’anxiété et la solitude, qui sont tous diminués chez les propriétaires de chiens. En plus du soutien social, les chiens de compagnie apportent la motivation de faire de l’exercice physique (encouragement à la promenade). Par exemple, une étude auprès de 5253 Japonais adultes indique que les propriétaires de chiens marchent davantage et font plus d’activité physique que ceux qui ne possèdent pas de chien et qu’ils sont 54 % plus susceptibles de faire le minimum d’activité physique recommandée dans les directives nationales. Une étude canadienne auprès de 351 personnes a trouvé que les propriétaires de chiens marchent en moyenne 300 minutes par semaine comparé à 168 minutes pour ceux qui ne possèdent pas de chien. Malheureusement, un grand nombre de propriétaires de chien ne promènent pas leur chien et aucune association significative n’a été identifiée entre le niveau activité physique et la possession de chats ou d’animaux de compagnie autres que le chien.

Une étude publiée en 2019, réalisée auprès de 350 ménages vivant dans la région du West Cheshire en Angleterre confirme que les personnes qui possèdent un chien marchent davantage dans leur loisir que les personnes qui n’en ont pas. L’étude britannique estime que les chances qu’un propriétaire de chien réussisse à faire la quantité d’exercice recommandée dans les directives (150 minutes/semaine) étaient 4 fois plus grandes que pour une personne qui n’a pas de chien. Seulement 66 % des hommes et 58 % des femmes en Angleterre atteignent cet objectif, et moins de la moitié des Américains le font. En moyenne, les propriétaires de chiens dans l’étude ont passé près de 300 minutes par semaine à marcher avec leurs chiens, tandis que ceux qui n’ont pas de chien n’ont marché qu’environ 100 minutes par semaine. Les enfants qui avaient un chien marchaient davantage et faisaient plus d’activité physique non structurée durant leur temps libre.  Les résultats d’une autre étude récente vont dans le même sens. Parmi la cohorte de 1769 personnes de l’Europe centrale, les propriétaires de chien étaient plus susceptibles d’avoir fait suffisamment d’exercice physique et d’avoir suivi un régime alimentaire sain pour maintenir une bonne santé cardiovasculaire, comparé aux personnes qui ne possédaient pas de chien.

Une étude systématique et méta-analyse de toutes les études publiées jusqu’en 2019 indique qu’il y a une association favorable entre le fait de posséder un chien et la longévité. Cette méta-analyse publiée dans le journal Circulation : Cardiovascular Quality and Outcomes comprenait 10 études, auprès de 3,8 millions de participants, avec un suivi d’une durée moyenne de 10 ans. Les propriétaires de chiens avaient un risque 24 % inférieur de mortalité de toutes causes et un risque 31 % inférieur de mortalité causée par une maladie cardiovasculaire. Cet effet bénéfique était particulièrement marqué parmi les participants qui possédaient un chien et qui ont survécu à un accident coronarien, dont le risque était 65 % moins élevé comparé à ceux qui ne possédaient pas de chien.

Dans une autre étude publiée concurremment, des chercheurs ont utilisé les données provenant du registre national des patients de la Suède pour vérifier si le fait de posséder un chien avait un effet ou non sur la longévité de patients qui avaient subi un infarctus ou un accident cérébral vasculaire (AVC) ischémique. Après avoir fait des ajustements pour tenir compte de plusieurs facteurs confondants (âge, sexe, statut socio-économique, etc.), les chercheurs ont estimé que les patients qui possédaient un chien avaient un risque 21 % inférieur de mourir (toutes causes confondues) que les patients qui n’en possédaient pas. Cet effet était constant dans les divers groupes démographiques, mais il était modifié par le nombre de personnes vivant à la maison. Après un infarctus, parmi les patients vivants seuls à la maison, ceux qui possédaient un chien avaient un risque 33 % moins élevé de mourir prématurément que ceux qui n’avaient pas de chien. Le risque était réduit de 15 % pour les patients qui avaient un chien et qui vivaient avec un conjoint ou un enfant. De manière similaire, après un AVC parmi les patients vivants seuls à la maison, ceux qui possédaient un chien avaient un risque 27 % inférieur de mourir que ceux qui n’avaient pas de chien. Ce risque était 12 % moins élevé pour ceux qui vivaient avec un conjoint ou un enfant et qui possédaient un chien.

Dans un éditorial qui accompagne la publication de ces 2 articles, le Dr Kazi pose l’importante question à savoir si le fait de posséder un chien cause réellement une augmentation de la survie et qu’il ne s’agit pas d’une association causée pas un facteur confondant. En effet, à l’échelle de la population les propriétaires d’animaux de compagnie ont tendance à être plus jeunes, mieux nantis et avoir un niveau de scolarité plus élevé et sont plus susceptibles d’être mariés ; or ce sont tous des facteurs qui ont des effets bénéfiques sur la santé cardiovasculaire. Les revenus plus élevés sont associés à moins de tabagisme, moins de diabète et d’obésité dans la population ; l’association favorable entre le fait de posséder un chien et la longévité pourrait donc être en partie attribuable à des facteurs socio-économiques et à la comorbidité. Il est également possible que les personnes qui sont en bonne santé soient plus susceptibles d’adopter un chien que les personnes malades ou fragiles. Toutefois, dans l’étude suédoise les associations favorables persistent après avoir fait des ajustements pour les facteurs démographiques et socio-économiques.

De nombreuses autres études ont rapporté que la possession d’un animal de compagnie (surtout des chiens ou des chats) était associée à plusieurs effets positifs sur la santé cardiovasculaire, incluant la diminution de la pression artérielle, une amélioration du profil lipidique et une meilleure survie après un événement coronarien. En 2013, une revue de l’ensemble de ces études a d’ailleurs permis à l’American Heart Association de conclure qu’avoir un animal de compagnie, en particulier un chien, représente une approche raisonnable pour diminuer le risque de maladies cardiovasculaires. Pour les personnes qui aiment les animaux et qui ont du temps à leur consacrer, adopter un animal de compagnie peut donc s’avérer une décision susceptible d’entraîner des répercussions très positives sur la santé.

Voici les deux recommandations que l’American Heart Association faisait en 2013 dans son énoncé scientifique sur la possession d’un animal de compagnie et le risque cardiovasculaire :

  1. Posséder un animal de compagnie, en particulier un chien, peut être approprié pour réduire le risque de maladies cardiovasculaires.
  2. L’adoption, le sauvetage ou l’achat d’animaux de compagnie ne devraient pas être effectués dans le but premier de réduire le risque de maladies cardiovasculaires.
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