L’hypertension et l’hypercholestérolémie chez les jeunes adultes augmentent le risque cardiovasculaire après 40 ans

L’hypertension et l’hypercholestérolémie chez les jeunes adultes augmentent le risque cardiovasculaire après 40 ans

EN BREF

  • L’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie sont d’importants facteurs de risques modifiables de maladies cardiovasculaires.
  • Dans une étude récente, les effets à long terme de l’hypercholestérolémie et de l’hypertension expérimentés à un jeune âge ont été examinés sur 6 cohortes américaines, incluant 36 030 participants qui ont été suivis durant 17 ans en moyenne.
  • L’étude révèle qu’il y a une forte association entre le fait d’avoir une pression artérielle ou un taux de cholestérol-LDL élevé à un jeune âge (18-39 ans), et le développement de maladies cardiovasculaires plus tard dans la vie (≥40 ans).
  • Il est probable qu’en faisant diminuer le taux de cholestérol plus tôt dans la vie, principalement par un changement de mode vie, il soit possible d’éviter des accidents cardiovasculaires à un âge avancé.
De nombreuses études épidémiologiques réalisées au cours des dernières décennies ont permis de mettre en évidence un lien entre l’exposition aux facteurs de risque cardiovasculaire tôt dans la vie et des évènements cardiovasculaire à un âge plus avancé. L’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie sont d’importants facteurs de risques modifiables de maladies cardiovasculaires (MCV) et sont des composantes majeures des algorithmes de prédiction des risques.

Dans les études prospectives, l’obésité durant l’enfance, mais qui se résorbe à l’âge adulte, ne semble causer qu’une légère augmentation du risque d’être atteint d’une maladie cardiovasculaire (MCV) au cours de la vie.  De manière semblable, quelques années après avoir cessé de fumer, le risque cardiovasculaire associé au tabagisme semble très réduit, même si l’on cesse de fumer à l’âge adulte. Il n’en va pas de même en ce qui concerne l’hypertension et l’hypercholestérolémie. Le traitement de l’hypertension par des médicaments ne renverse pas les dommages causés plus tôt dans la vie, principalement au cœur, aux vaisseaux sanguins et aux reins.   Ainsi, les personnes hypertendues, mais dont la pression artérielle est normalisée par des médicaments, ont un risque accru de MCV après 40 ans. Le traitement de l’hypercholestérolémie familiale par les statines réduit considérablement le risque de MCV chez les jeunes adultes, mais ces personnes sont davantage atteintes de MCV athérosclérotiques.

Jusqu’à tout récemment, nous ne savions pas si l’exposition à ces facteurs de risques au début de l’âge adulte contribuait de manière indépendante au risque de MCV, c.-à-d. indépendamment de l’exposition à ces mêmes facteurs de risque plus tard dans la vie. Une étude sur les effets à long terme de l’hypercholestérolémie et de l’hypertension expérimentés à un jeune âge, comprenant un grand nombre de données et par conséquent d’une grande puissance statistique, a été publiée récemment dans le Journal of the American College of Cardiology (JACC). Les données incluses dans cette étude provenaient de 6 cohortes américaines, incluant 36 030 participants, qui ont été suivis durant 17 ans en moyenne.

L’étude révèle une forte association entre le fait d’avoir une pression artérielle (PA) ou un taux de cholestérol-LDL élevé à un jeune âge (18-39 ans), et le développement de maladies cardiovasculaires plus tard dans la vie (≥40 ans). Plus précisément, les jeunes adultes qui avaient un taux de cholestérol-LDL >2,6 mmol/L avaient un risque 64 % plus élevé de maladie coronarienne que ceux qui avaient un taux <2,6 mmol/L, indépendamment des taux de cholestérol-LDL plus tard dans la vie. De manière similaire, les jeunes adultes qui avaient une PA systolique ≥130 mmHg avaient un risque 37 % plus élevé d’insuffisance cardiaque que ceux qui avaient une PA systolique <120 mmHg, et les jeunes adultes qui avaient une PA diastolique ≥80 mm Hg avaient un risque d’insuffisance cardiaque 21 % plus élevé que ceux qui avaient une PA diastolique <80 mmHg. En ce qui concerne les risques d’accident vasculaire cérébral (AVC) après 40 ans, ils ne sont pas modifiés par des taux élevés de cholestérol ou une PA systolique ou diastolique élevée à un plus jeune âge (18-39 ans).

Même des taux légèrement élevés de cholestérol-LDL de 2,6-3,3 mmol/L durant le début de l’âge adulte font augmenter significativement le risque de maladie coronarienne (28 %) par comparaison à <2,6 mmol/L. Un taux de cholestérol-LDL de 2,6-3,3 mmol/L est pourtant généralement considéré comme acceptable pour les personnes en santé qui n’ont pas de MCV connue ou d’autres facteurs de risque cardiovasculaire.

Dans un éditorial publié dans le même journal, Gidding et Robinson suggèrent que les impacts de l’hypercholestérolémie et l’hypertension chez les jeunes sur les risques cardiovasculaires plus tard dans la vie pourraient être sous-estimés puisque : 1) les données de cette étude proviennent d’anciennes cohortes ; or l’on sait que les jeunes adultes d’aujourd’hui sont atteints en plus grand nombre d’obésité et de diabète à un plus jeune âge ; 2) il y a probablement un « biais du survivant » dans ce genre d’étude, c’est-à-dire qu’il est possible que certains jeunes adultes qui avaient une pression artérielle ou un taux de cholestérol particulièrement élevé aient eu un accident cardiovasculaire (critère d’exclusion) ou qu’ils soient morts avant même d’avoir atteint l’âge auquel les participants à ces études sont recrutés.

L’augmentation du nombre d’accidents cardiovasculaire avant l’âge de 65 ans et les résultats de l’étude décrite plus haut font en sorte qu’il y a urgence d’agir en matière de prévention. Les jeunes adultes, particulièrement les femmes et ceux qui ne sont pas de race blanche n’ont pas profité de la réduction globale des taux de maladies cardiovasculaires constatée dans la population en général. C’est probablement dû à trois facteurs : l’épidémie d’obésité et de diabète ; le manque de traitement pour les jeunes adultes qui devraient en bénéficier ; le manque d’essais cliniques centrés sur ce groupe d’âge, qui permettraient d’établir de meilleures directives.

Les Drs Gidding et Robinson sont d’avis que la première réponse de la communauté médicale aux résultats de l’étude publiée récemment dans JACC et à d’autres analyses similaires devrait être de prendre conscience et de reconnaître qu’il y a un déficit de prévention auprès des jeunes adultes. Aux États-Unis moins d’un tiers des adultes âgés de moins de 50 ans qui devraient être traités pour l’hypertension selon les directives reçoivent des traitements, et moins de la moitié des participants à l’étude NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey) qui avaient un critère de diagnostic pour l’hypercholestérolémie familiale recevaient un traitement avec une statine.

La tendance actuelle est de traiter l’hypercholestérolémie à un âge plus avancé où le fardeau de la maladie est déjà important et que seule une modeste réduction du risque cardiovasculaire a été démontrée. Or il se peut qu’en faisant diminuer le taux de cholestérol plus tôt dans la vie, principalement par un changement de mode vie, il soit possible d’éviter des accidents cardiovasculaires à un âge avancé. En focalisant davantage sur les jeunes adultes chez qui la maladie est moins avancée et par conséquent plus susceptible d’être traitée avec succès, la prévention et les études cliniques à venir permettront de réduire le fardeau que représentent les maladies cardiovasculaires pour les générations à venir.

Baisse marquée du taux de tabagisme chez les jeunes (contrairement à ce que disent les manchettes)

Baisse marquée du taux de tabagisme chez les jeunes (contrairement à ce que disent les manchettes)

Au cours des dernières années, on a beaucoup fait état de la hausse marquée de l’utilisation des cigarettes électroniques par les jeunes, une tendance qui s’est récemment accentuée avec l’arrivée sur le marché de la Juul (voir notre article à ce sujet).  Le ton souvent alarmiste qui accompagne les comptes-rendus de ces études laisse entendre que le vapotage atteint actuellement des proportions « épidémiques » et pose une grave menace pour la santé des jeunes en risquant de les entrainer vers la cigarette traditionnelle.

Ces craintes sont sans doute de bonne foi, mais elles ne correspondent pas du tout aux résultats des enquêtes sérieuses qui ont été réalisées au cours des dernières années, notamment en ce qui concerne les taux de tabagisme chez les jeunes.

Le tabagisme est en chute libre chez les jeunes.  On en parle très peu, mais une des tendances les plus encourageantes dans la lutte au tabac est la baisse marquée du tabagisme chez les jeunes observée au cours des dernières années. Un des meilleurs exemples de cette réduction est fournie par l’enquête « Monitoring the future », une grande étude épidémiologique menée depuis 1975 par des chercheurs de l’université du Michigan, qui mesure annuellement la prévalence des utilisateurs de différentes drogues par les étudiants américains de niveau secondaire.  Comme l’illustre la Figure 1, alors que le tabagisme juvénile a atteint un pic en 1997 avec 37 % des jeunes du 12th grade (l’équivalent de notre secondaire 5) qui fumaient occasionnellement et 25 % qui fumaient quotidiennement, ces proportions ont considérablement chuté depuis pour atteindre 7,6 et 2 %, respectivement, en 2018.  Une tendance similaire est observée au Canada, avec environ 3,5 % des jeunes de 12-17 ans qui étaient fumeurs (occasionnels ou réguliers) en 2017, une baisse de 25 % comparativement à 2013 (4,6 %). Il faut aussi noter que selon les dernières données de Statistique Canada, la proportion des Canadiens âgés de 12-17 ans qui fumaient quotidiennement la cigarette n’était plus que de 0,9 % en 2018.

Figure 1.  Évolution de la proportion de fumeurs chez les étudiants américains de secondaire 5 de 1975 à nos jours.  Adapté de Bates (2019).

 

L’arrivée sur le marché des cigarettes électroniques peut-elle renverser ces tendances, comme plusieurs le craignent ?  On a fait beaucoup état de certaines études (ici,ici et ici, par exemple) qui rapportaient que les adolescents qui ont essayé la cigarette électronique sont plus susceptibles de fumer une cigarette de tabac que ceux qui n’ont jamais été en contact avec la cigarette électronique.  Mais comme l’ont fait remarquer plusieurs experts, cette interprétation n’est pas valable scientifiquement, car il est impossible d’établir un lien de cause à effet entre les deux phénomènes : un jeune attiré par le tabac va expérimenter plusieurs formes disponibles, sans que cela signifie que l’essai de l’une le pousse vers une autre.

Pour déterminer l’impact de la cigarette électronique, la meilleure mesure demeure d’examiner l’évolution du tabagisme juvénile.  Et de ce côté, les résultats sont rassurants :  même si ces produits sont apparus relativement récemment (vers 2010), les données disponibles suggèrent qu’ils n’ont pas eu d’impacts négatifs sur l’adoption de la cigarette par les jeunes : aux États-Unis, par exemple, le taux d’abandon du tabac est 3 à 4 fois plus élevé entre 2010 et maintenant qu’entre la période de 1975 à 2010, ce qui suggère que la cigarette électronique aurait au contraire accéléré la diminution du tabagisme chez les jeunes (Figure 1).  Il faut aussi noter que la Juul est disponible depuis 2015 aux États-Unis et a depuis conquis la majeure partie du marché de la cigarette électronique, sans que cela se traduise pour autant par une recrudescence du tabagisme juvénile.  Les données sont également rassurantes du côté de l’Angleterre, où la cigarette électronique est disponible depuis plusieurs années : le taux de tabagisme est en baisse constante depuis 2011 et la plus forte diminution est justement observée chez les 18-24 ans.

Selon les données actuellement disponibles, la crainte que le vapotage mène au tabagisme semble donc totalement non fondée.  Au contraire, il semble plutôt que le vapotage représente une alternative de plus en plus populaire à la cigarette traditionnelle et pourrait même à court et moyen terme remplacer les produits de tabac conventionnels. Ceci est très encourageant, car il est clairement établi que la vapeur de cigarette électronique est beaucoup moins nocive que la fumée de cigarette, notamment en raison d’une diminution très importante de la présence de composés cancérigènes.

Les vapoteurs réguliers sont généralement des fumeurs.  Une étude révélait récemment que la proportion de jeunes utilisateurs de cigarette électronique avait considérablement augmentée au Canada, passant de 29 à 37 %. À première vue, cela peut sembler effectivement énorme, et c’est d’ailleurs ce type de statistiques qui est à l’origine des inquiétudes formulées par les critiques du vapotage.

Il est toutefois important de savoir que dans ce type d’études, un individu est considéré comme étant fumeur ou vapoteur s’il a utilisé ces produits au moins une fois (ever user en anglais) au cours d’une période donnée (le dernier mois, par exemple) ou encore au cours de sa vie.  Cette approche ne parvient donc pas à distinguer les utilisateurs occasionnels de ceux qui fument ou vapotent régulièrement.  Pour faire une analogie simple, c’est un peu comme si une étude portant sur le jeu pathologique considérait que les personnes qui achètent un billet de loterie de temps à autre appartiennent à la même catégorie que celles qui vont au casino chaque jour. Ce n’est évidemment pas le cas : c’est le développement d’une dépendance envers une substance (tabac, alcool, drogues, opiacés) ou une activité (le jeu excessif, par exemple) qui pose des risques, alors qu’une utilisation occasionnelle s’apparente beaucoup plus une expérimentation, un phénomène qui est particulièrement fréquent chez les jeunes.

D’ailleurs, lorsque l’on tient compte de la fréquence de vapotage et des habitudes de consommation de tabac, la situation est beaucoup moins préoccupante. Comme le montre la Figure 2,  la grande majorité des jeunes ne vapotent qu’occasionnellement (seulement 3,6 % des jeunes de 16-19 ans vapotaient plus de 15 jours par mois selon les dernières estimations); 2) ce sont majoritairement des jeunes qui fument la cigarette (régulièrement ou occasionnellement) qui sont attirés par ces produits et 3)  seule une infime proportion des non-fumeurs (moins de 1 %) vapotent régulièrement.

Figure 2. Distribution des vapoteurs selon la fréquence et les habitudes de consommation de tabac. Notez le très faible pourcentage de jeunes non-fumeurs qui vapotent régulièrement (flèche). Tiré de Hammond et coll. (2019).

La situation n’est donc pas « hors de contrôle », comme on l’entend régulièrement, mais reflète plutôt une nouvelle réalité :  la cigarette traditionnelle n’a plus tellement la cote auprès des jeunes, possiblement en raison des prix exorbitants et de l’interdiction de fumer dans la quasi-totalité des lieux publics.  La grande majorité de ceux qui veulent expérimenter l’effet du tabac se tourne désormais vers de nouvelles formes de nicotine comme les cigarettes électroniques, mais même dans ce cas, les utilisateurs réguliers de ces produits demeurent assez peu nombreux, et sont pour la plupart des jeunes qui sont à la base attirés par le tabac ou enclins à adopter des comportements plus à risque en général.  Ce dernier point est bien illustré par une étude réalisée au Colorado, où les chercheurs ont observé que les vapoteurs sont de 5 à 10 fois plus susceptibles d’avoir déjà utilisé dans leur vie des drogues dures comme la cocaine ou de boire régulièrement des quantités excessives d’alcool que les non-vapoteurs (Tableau 1).

Tableau 1.  Comparaison de la prévalence de comportements à risque entre les vapoteurs et non-vapoteurs. Tiré de Ghosh et coll. (2019)

Dans l’ensemble, et quoiqu’en disent les manchettes sensationnalistes des dernières années, on doit donc considérer que la cigarette électronique ne représente pas une menace aux énormes progrès que nous avons faits dans la lutte au tabac. Au contraire, les vapoteurs réguliers sont très majoritairement des fumeurs et l’adoption de ces produits permet donc de réduire substantiellement les risques associés à la fumée de cigarette. Si l’on se fie aux très faibles pourcentages de non-fumeurs qui vapotent régulièrement, il semble également que la vapeur de nicotine entraine une dépendance moindre que la cigarette traditionnelle et il est très peu probable qu’elle puisse servir de porte d’entrée vers le tabac.

Il ne faudrait pas non plus oublier que la principale utilité de la cigarette électronique demeure de représenter un des meilleurs moyens pour cesser de fumer, avec une efficacité deux fois plus élevée que celle obtenue avec les substituts nicotiniques. Les britanniques ont depuis longtemps reconnu l’utilité de la cigarette électronique dans la lutte au tabac et, chose difficile à imaginer ici, ont même fait de ces produits l’emblème des campagnes antitabac (voir la photo).

(Publicité de la Public Health England faisant la promotion de la cigarette électronique pour cesser de fumer)

Un effet collatéral extrêmement dommageable de « l’hystérie » actuelle envers la cigarette électronique est de rendre les fumeurs méfiants à l’égard de ces produits et de se priver du même coup d’une aide précieuse au sevrage tabagique.  Les derniers sondages montrent d’ailleurs une forte augmentation du nombre de fumeurs qui pensent que la cigarette électronique est aussi, sinon plus dommageable que la cigarette traditionnelle.  Il s’agit d’une situation très regrettable, qui montre à quel point le mieux est parfois l’ennemi du bien : en voulant à tout prix empêcher le vapotage chez les jeunes, on est en train de créer un climat qui décourage l’utilisation d’alternatives au tabac infiniment moins dangereuses et qui auraient des répercussions très positives sur la santé des fumeurs.

Évidemment, il faut demeurer vigilant quant à l’utilisation de ces produits par les jeunes et je serai le premier à remettre en question le cadre réglementaire entourant leur mise en marché s’il s’avérait que les cigarettes électroniques modernes (la Juul, par exemple) entrainent une recrudescence du tabagisme chez cette population.  Dans l’état actuel des connaissances, par contre, il y a plusieurs raisons d’être optimiste et de considérer la cigarette électronique comme un outil très prometteur pour diminuer le tabagisme et même, espérons-le, à ultimement provoquer la disparition complète de la cigarette traditionnelle.

Les jus de fruits 100 % purs : des boissons sucrées comme les autres ?

Les jus de fruits 100 % purs : des boissons sucrées comme les autres ?

Ce qu’on appelle « boissons sucrées » fait généralement référence aux boissons contenant des sucres ajoutés (sucrose, sirop de maïs, concentrés de jus ou autres agents sucrants), tels que les boissons gazeuses, punchs aux fruits, boissons énergisantes ou encore boissons sportives.  Ces boissons représentent la principale source de sucres simples dans l’alimentation des Nord-Américains et une proportion importante des calories consommées quotidiennement, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes: aux États-Unis, par exemple, les boissons sucrées comptent en moyenne pour 9,3 % des calories chez les jeunes hommes et 8,2 % chez les jeunes femmes. C’est énorme, surtout si l’on considère que l’Organisation mondiale de la santé recommande de limiter l’apport énergétique quotidien total en sucres ajoutés à un maximum de 10 % des calories, soit 50 g de sucre.   

Cette limite du 10 % s’appuie sur un grand nombre d’études montrant que la consommation élevée de sucres ajoutés favorise le surpoids et hausse le risque de diabète de type 2, de maladies coronariennes et d’AVC.  L’impact négatif sur la santé cardiovasculaire est particulièrement préoccupant, car une étude a récemment montré que la consommation régulière de boissons gazeuses pendant plusieurs années était associée à une hausse du risque de mortalité prématurée   d’environ 20 %, principalement des suites de maladies cardiovasculaires.

Traditionnellement, on n’inclut pas les jus de fruits purs à 100 % dans la catégorie des boissons sucrées étant donné que le sucre qu’ils contiennent est d’origine naturelle et non pas ajouté artificiellement. Cependant, le sucre des jus de fruits est identique à celui des boissons sucrées artificiellement (glucose et fructose) et est présent en quantités tout à fait comparables (Figure 1). Il est donc possible que les jus de fruits, même lorsqu’ils sont purs à 100%, puissent provoquer les mêmes effets indésirables que les autres boissons sucrées lorsqu’ils sont consommés en quantités importantes.

Figure 1.  Comparaison de la teneur en sucre de différents jus de fruits et de boissons contenant des sucres ajoutés.  Adapté de Gill et Sattar (2014).

Cette possibilité a été récemment explorée par une analyse du lien entre la consommation de boissons sucrées et de jus de fruits purs et le risque de mort prématurée.  En examinant les habitudes alimentaires de 13 440 participants, les chercheurs ont observé que les personnes qui buvaient beaucoup de boissons sucrées, incluant les jus de fruits purs (10 % et plus des calories quotidiennes) avaient 44 % plus de risque de décéder prématurément d’une maladie coronarienne comparativement aux personnes qui limitaient la consommation de ces boissons à moins de 5 % des calories quotidiennes.  Lorsque les types de boissons sucrées ont été analysés séparément, on observe que la hausse du risque de mortalité coronarienne est de 11 % pour chaque portion de 355 mL de boissons sucrées et de 24 % pour chaque 355 mL de jus purs consommés.  Il faut cependant noter que le petit nombre de décès associés aux maladies coronariennes dans l’étude ne permet pas de conclure que les jus de fruits sont plus néfastes que les autres boissons sucrées à ces quantités.  Chose certaine, par contre, il semble que les jus purs, lorsque consommés en quantités importantes, peuvent grandement contribuer à la hausse de mort prématurée causée par les boissons sucrées. Ces résultats apportent de l’eau au moulin du nombre croissant de personnes (voir ici et ici, par exemple) pour qui les jus de fruits, même lorsqu’ils sont purs à 100%, sont des boissons sucrées comme les autres et devraient en conséquence être totalement éliminées de l’alimentation.

Une question de quantité

Il faut cependant noter que l’effet négatif des jus de fruits sur le risque de mortalité prématurée est observé pour des quantités assez importantes de jus, bien au-delà des quantités qui sont généralement recommandées (150 mL par jour).  À ces quantités plus modérées, l’effet des jus de fruits sur la santé est nettement plus nuancé : une revue des études réalisées jusqu’à présent montre que la consommation de quantités raisonnables de jus de fruits, soit une portion de 150- 240 mL par jour, n’a que peu d’effets sur le gain de poids, autant chez les adultes (gain d’environ 0,2 kg sur 3-4 ans) que les enfants (très légère hausse du score BMI-z, c’est-à-dire l’indice de masse corporelle ajusté pour le sexe et l’âge des enfants) (Tableau 1). Ces hausses sont nettement inférieures à celles observées pour les boissons sucrées comme les boissons gazeuses : par exemple, une étude  a montré que chaque portion de boisson gazeuse consommée quotidiennement provoque une augmentation du poids corporel d’environ 1 kg sur une période de 4 ans, soit trois fois plus que celle associée à la consommation d’une portion quotidienne de jus de fruits purs (0,3 kg).

Paramètre mesuréPopulationNombre de sujetsQuantités consomméesRésultatsRéférences
Carie dentaireEnfants1919≥1 portion*/jr vs ≤1 portion/semHausse de 20 % du risque Salas et coll. (2015)
Gain de poidsAdultes108,708Pour chaque portion/jrGain de 0,22 kg sur 4 ansHebden et coll. (2015)
Enfants20,639Consommateurs vs non-consommateursPas d’associationO’Neil et coll. (2008)
Enfants34,470Pour chaque portion/jrHausse du BMI-z ** de 0,09 U sur 1 an pour enfants de 1-6 ans; pas d’effets pour enfants de 7-18 ans. Auerbach et coll. (2017)
Adultes49,108Pour chaque portion/jrGain de 0,18 kg sur 3 ansAuerbach et coll. (2018)
Maladies cardiovasculairesAdultes114,279Une portion/jr (jus d’agrumes)Baisse de 28 % du risque d’AVC ischémiqueJoshipura et coll. (2009)
Adultes54,383Grands vs faibles consommateursBaisse de 15 % du risque de syndromes coronariens aigus.Hansen et coll. (2010)
Adultes109,635Pour chaque portion/jr (jus d’agrumes)Pas d’effet significatifHung et coll. (2004)
Adultes34,5601-7 portions (150 mL)/ semBaisse de 17 % du risque de maladies cardiovasculaires (24% du risque d’AVC)Scheffers et coll. (2019)
Diabète de type 2Adultes137,663Grands vs faibles consommateursHausse de 3 % du risqueXi et coll. (2014)
Adultes440,937Pour chaque portion/jrHausse de 7 % du risqueImamura et coll. (2015)
Adultes120, 877≥1 portion/jr vs ≤1 portion/moisPas d’effetSchulze et coll. (2004)

Tableau 1. Effets de la consommation de jus de fruits purs sur la santé.  Adapté de Auerbach et coll. (2018).  * Portion de 240 mL; **BMI-z (Body mass index z-score) est une mesure relative du poids, ajusté selon l’âge et le sexe de l’enfant.

Une différence marquée sur le risque de développer un diabète de type 2 a également été observée entre les boissons sucrées artificiellement et les jus de fruits purs.  Par exemple, une étude a montré que la consommation quotidienne de boissons gazeuses ou de punchs aux fruits contenant des sucres ajoutés provoquait une hausse d’environ 2 fois du risque de diabète, tandis que celle de jus de fruits n’avait pas d’impact (Figure 2).  Une méta-analyse de 4 études a rapporté des résultats similaires, c’est-à-dire que les boissons de fruits contenant des sucres ajoutés augmentaient le risque de diabète tandis que la consommation de jus de fruits purs n’avait aucun effet.  Il faut toutefois noter que d’autres études ont rapporté une légère hausse du risque de diabète chez les personnes consommant 240 mL de jus et plus par jour de jus de fruits (voir Tableau 1).

Figure 2.  Comparaison de la hausse du risque de diabète de type 2 associée à la consommation de boissons gazeuses, de jus de fruits contenant des sucres ajoutés et de jus de fruits 100 % purs. Tiré de Schulze et coll. (2004).

L’effet de quantités modérées de jus de fruits purs est particulièrement intéressant en ce qui concerne la santé cardiovasculaire. On sait depuis longtemps que les personnes qui mangent beaucoup de fruits sont moins à risque d’être touchées par une maladie cardiovasculaire.  Ces bénéfices sont dus, au moins en partie, au contenu élevé des fruits en polyphénols (notamment les flavonoïdes) qui empêchent l’oxydation du cholestérol-LDL et préviennent le développement des plaques d’athérosclérose. Puisque ces polyphénols sont extraits lors du pressage des fruits et sont donc présents dans les jus de fruits purs, il est donc possible que ces jus puissent également exercer des effets positifs sur la santé cardiovasculaire.  Ceci a récemment été mis en évidence par une étude réalisée aux Pays-Bas auprès de 34 560 participants âgés de 20 à 69 ans (étude EPIC-NL).  Les chercheurs ont observé que les personnes qui consommaient régulièrement de petites quantités jus de fruits purs  (150 mL par jour, 7 jours par semaine) avaient 17 % moins de risque d’être touchés par une maladie cardiovasculaire, en particulier les AVC (24 % moins de risque).  Ces effets protecteurs disparaissaient cependant à des quantités plus élevées de jus (> 8 verres de jus purs par semaine), ce qui suggère que la fenêtre de consommation associée à ces effets préventifs est relativement étroite.  Des diminutions du risque d’AVC ischémique et d’événements coronariens aigus  suite à la consommation de jus de fruits purs ont également été rapportées.   Il est aussi intéressant de noter qu’une étude a récemment rapporté que les personnes qui consommaient chaque jour 150 mL de jus d’orange avaient un risque de déclin cognitif réduit de moitié comparativement à celles qui en consommaient rarement (1 fois par mois).

Il est donc possible que les différentes molécules présentes dans les jus de fruits (vitamines, minéraux, polyphénols) contrebalancent d’une certaine façon les effets négatifs des quantités élevées de sucre en réduisant le stress oxydatif et l’inflammation chronique, deux phénomènes impliqués dans le développement des maladies cardiovasculaires et neurodégénératives. Quoi qu’il en soit, ces observations suggèrent qu’il est nettement exagéré de dire que les jus de fruits purs, en petites quantités, sont aussi néfastes pour la santé que les boissons contenant des sucres ajoutés.  Ce n’est qu’en quantités élevées que les jus de fruits purs deviennent des boissons sucrées comme les autres et peuvent causer les nombreux problèmes de santé qui sont associés à l’excès de sucre.

Cela étant dit, tout le monde s’entend pour dire que la meilleure façon de consommer les fruits est sous leur forme entière. En plus des différents composés bioactifs qui sont présents dans les jus, les fruits entiers contiennent également des fibres qui augmentent le sentiment de satiété (ce qui réduit la quantité de sucre ingéré), permettent d’éviter les fluctuations excessives de la glycémie et contribuent au maintien d’un microbiome intestinal diversifié. Idéalement, on devrait donc privilégier la consommation de fruits frais et boire de l’eau plutôt que des jus pour se désaltérer.

Cependant, pour les personnes qui peuvent avoir un accès difficile aux fruits frais ou encore préfèrent les consommer sous une forme liquide, les études mentionnées plus tôt suggèrent que les jus de fruits purs peuvent représenter une alternative valable, mais seulement lorsque consommés en quantités modérées, aux environs d’un petit verre (150 mL) par jour. À ces quantités, les jus contribuent une porportion non négligeable de l’apport quotidien en vitamines et minéraux et les études réalisées jusqu’à présent suggèrent un impact positif sur la prévention des maladies cardiovasculaires, en particulier les AVC.  Il semble également qu’un apport modéré en jus purs n’ait pas d’impact majeur sur le risque de surpoids et de diabète, incluant chez les jeunes enfants, confirmant le bien fondé des recommandations de l’Académie américaine de pédiatrie de limiter la consommation de jus purs à 150 mL par jour.

 

 

Beyond Burger, Impossible Burger et autres produits qui imitent la viande : bon pour la santé et celle de la planète ?

Beyond Burger, Impossible Burger et autres produits qui imitent la viande : bon pour la santé et celle de la planète ?

EN BREF

  • De nouveaux produits fabriqués à partir de végétaux, mais conçus pour avoir les mêmes aspect, texture, et goût que la viande, ont fait leur apparition sur le marché récemment.
  • Ces produits font beaucoup moins de tort à l’environnement que la production de viande, mais ce sont des aliments ultra-transformés qui contiennent des quantités non négligeables de sel et de gras saturés.
  • Il est possible de préparer soi-même à la maison des végé-burgers à base de haricots noirs, d’avoine, de lentilles ou de quinoa, qui sont plus nutritifs que plusieurs des nouveaux produits offerts en épicerie.
La viande rouge : un enjeu pour la santé des êtres humains et celle de la planète.

La consommation de viande rouge et de viande transformée est associée à une hausse de la mortalité de toutes causes et de la mortalité causée par des maladies cardiovasculaires, le diabète, des maladies respiratoires, du foie et des reins et certains cancers (voir « Les risques potentiels pour la santé de la consommation des viandes rouges »). Au contraire, la consommation de viande blanche et de poissons a été associée à une diminution du risque de mort prématurée. Un autre aspect préoccupant avec la production de viandes rouges est qu’elle est nuisible à l’environnement planétaire, un sujet que nous avons abordé précédemment (voir « Manger moins de viande pour préserver la planète »).

Autrefois, dans les sociétés agraires traditionnelles européennes, la viande était consommée une fois ou moins d’une fois par semaine et la consommation annuelle de viande dépassait rarement 5 à 10 kg par personne. Dans certains pays riches, la consommation de viandes atteint aujourd’hui 110-120 kg par personne par année, soit >10 fois plus que dans les sociétés agraires traditionnelles. L’élevage de bétail occupe plus de 30 % de la surface des terres à l’échelle mondiale et plus de 33 % des terres arables sont utilisées pour produire de la nourriture pour le bétail. La consommation mondiale de viande rouge est en forte hausse, particulièrement dans les pays en voie de développement. Cela a des conséquences néfastes pour l’environnement et représente une situation insoutenable selon plusieurs experts.

Les principaux dommages que la production de viandes cause à notre planète (Potter, BMJ 2017) :

  • La déplétion des nappes aquifères (produire 1 kg de viande requiert plus de 110 000 L d’eau).
  • La pollution des eaux souterraines.
  • Diminution de la biodiversité.
  • La destruction des forêts et la production de gaz à effet de serre. Les deux combinés contribuent davantage au changement climatique que l’utilisation des énergies fossiles pour le transport.
  • La production de 37 % du méthane (CH4) issu de l’activité humaine (potentiellement 23 fois plus nocif que le COpour le réchauffement planétaire).
  • La production de 64 % de l’ammoniac (NH3) issue de l’activité humaine, un produit qui contribue aux pluies acides et à l’acidification des écosystèmes.

Parmi les autres effets négatifs potentiels associés à la viande rouge il y a : le développement sexuel accéléré, causé soit par la consommation de viande et de gras, soit par l’apport d’hormones de croissance présentes naturellement dans la viande ou ajoutées au régime alimentaire du bétail ; une résistance aux antibiotiques plus étendue, causée par leur utilisation pour favoriser la croissance des animaux ; une réduction de la nourriture disponible pour l’alimentation humaine (par exemple, 97 % du soya produit à l’échelle mondiale est utilisé pour nourrir du bétail) ; des risques plus élevés d’infections (comme l’encéphalopathie spongiforme bovine ou « maladie de la vache folle ») dues à des pratiques fautives dans des élevages intensifs.

Les experts s’entendent sur le fait qu’il faudra réduire notre consommation de viande rouge et de viande transformée, afin de vivre plus longtemps et en meilleure santé, mais surtout pour que notre planète soit en meilleur état et puisse soutenir l’activité humaine à long terme. Consommer surtout des céréales, fruits, légumes, noix, et légumineuses, peu ou pas du tout de viande est sans doute la solution idéale à ce problème environnemental ; or pour plusieurs d’entre nous, la viande rouge est un aliment délicieux et difficilement remplaçable. Pour contenter les amateurs de viande qui désirent néanmoins diminuer leur consommation, des entreprises ont conçu récemment des produits élaborés uniquement à partir de végétaux dont l’aspect, la texture et le goût sont similaires à la viande. D’autres entreprises tentent de produire de la viande artificielle, à partir de cellules en cultures in vitro.

Les nouvelles galettes de « viande à base de plantes » Beyond Burger et Impossible Burger
On trouve depuis longtemps dans le commerce des galettes à base de plantes, mais ces produits sans viande sont destinés aux végétariens et consommés principalement par eux. De nouveaux produits fabriqués à partir de végétaux, mais conçus pour avoir les mêmes aspect, texture, et goût que la viande ont fait leur apparition sur le marché récemment. Ces solutions de remplacement pour la viande ciblent les consommateurs omnivores qui désirent réduire leur consommation de viande. Parmi les produits les plus populaires, il y a le Beyond Burger qui est offert par la chaîne de restauration rapide A&W et depuis peu dans la plupart des supermarchés au Québec, ainsi que l’Impossible Burger qui sera bientôt proposé par la chaîne Burger King sous l’appellation « Impossible Whopper ».

Les principaux ingrédients de la galette Beyond Burger sont l’isolat de protéine de pois, l’huile de canola et l’huile de coco raffinée. Cet aliment contient aussi 2 % ou moins d’autres ingrédients qui servent à créer une texture, une couleur et une saveur similaire à la viande, ainsi que des produits de conservation naturels (voir encadré). C’est donc un aliment ultra-transformé qui ne contient pas de cholestérol, mais presque autant de gras saturés (provenant de l’huile de coco) et 5,5 fois plus de sodium qu’une galette de viande de bœuf maigre. Des experts en nutrition et en santé publique ont suggéré d’éviter de consommer de l’huile de coco pour ne pas augmenter le taux de cholestérol-LDL sanguin (le « mauvais cholestérol ») et maintenir une bonne santé cardiovasculaire (voir « Gras saturés, huile de coco et maladies cardiovasculaires »). Par ailleurs, l’apport nutritif de ces deux galettes est similaire (calories, protéines, lipides totaux).

Ingrédients du Beyond Burger : Eau, isolat de protéine de pois, huile de canola, huile de noix de coco raffinée, 2 % ou moins de : cellulose de bambou, méthylcellulose, amidon de pomme de terre, arôme naturel, maltodextrine, extrait de levure, sel, huile de tournesol, glycérine végétale, levure séchée, gomme arabique, extrait d’agrumes, acide ascorbique, extrait de jus de betterave, acide acétique, acide succinique, amidon alimentaire modifié, annatto (rocou).

Ingrédients de l’Impossible Burger : Eau, concentré de protéines de soja, huile de noix de coco, huile de tournesol, arômes naturels, 2 % ou moins de : protéine de pomme de terre, méthylcellulose, extrait de levure, dextrose, amidon alimentaire modifié, léghémoglobine de soya, sel, isolat de protéine de soya, tocophérols mixtes (Vitamine E), gluconate de zinc, chlorhydrate de thiamine (vitamine B1), ascorbate de sodium (vitamine C), niacine (vitamine B3), chlorhydrate de pyridoxine (vitamine B6), riboflavine (vitamine B2), vitamine B12.

L’Impossible Burger est à base de protéines de soya, d’huile de coco et de tournesol. Il contient aussi des ingrédients qui servent à créer une texture, une couleur et une saveur similaire à la viande, ainsi que des vitamines et produits de conservation naturels. Parmi les ingrédients ajoutés pour imiter la couleur et la saveur de la viande il y a la léghémoglobine du soya, une hémoprotéine retrouvée dans les nodules des racines des légumineuses qui a une structure similaire à la myoglobine animale. Plutôt que d’extraire cette protéine des racines de plantes de soya, le fabricant utilise de la léghémoglobine produite par une levure (Pichia pastoris) dans laquelle l’ADN codant pour cette protéine a été introduit. L’utilisation de la léghémoglobuline du soya produite dans P. pastoris a été approuvée par la Food and Drug Administration des États-Unis en 2018. Le fait que la léghémoglobine utilisée soit un produit de la biotechnologie plutôt que de source naturelle ne semble pas poser de problème particulier, mais certains chercheurs suspectent que l’hème qu’il contient pourrait avoir les mêmes effets négatifs sur la santé que ceux associés à la consommation de viandes rouges, c.-à-d. une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire et de certains types de cancers. Un lien de causalité entre l’hème et ces maladies n’a pas été établi, mais des études populationnelles (voir ici et ici) indiquent qu’il y a une association significative entre la consommation d’hème et une hausse (19 %) du risque de mortalité de toutes causes. Par contre, le fer non héminique provenant de l’alimentation (végétaux et produits laitiers) n’est pas associé à une augmentation du risque de mortalité de toute cause.

Le Beyond Burger et l’Impossible Whopper, servis avec de la mayonnaise et du pain de farine blanche, ne sont pas des aliments destinés aux adeptes du véganisme (œufs dans la mayonnaise) ni un aliment particulièrement bon pour la santé à cause des gras saturés et du sel qu’ils contiennent. Par ailleurs, la fabrication de ces produits nécessite beaucoup moins d’énergie et a une empreinte environnementale beaucoup plus faible que la véritable viande rouge, c’est là leur point fort. Selon une étude, la production d’une galette Beyond Burger génère 90 % moins d’émissions de gaz à effet de serre, nécessite 46 % moins d’énergie, 99 % moins d’eau et 93 % moins de terres arables qu’une galette de viande de bœuf.

Nous sommes d’avis qu’il est préférable, autant que possible, de se procurer des produits végétaux frais, non transformés, et de faire soi-même la cuisine afin de contrôler tous les ingrédients et éviter ainsi d’ingérer du sodium ou des gras saturés en quantité excessive, comme c’est le cas de la plupart des produits ultra-transformés, y compris ces nouvelles galettes sans viande. Les aliments gras et salés sont perçus comme ayant bon goût par une grande majorité des êtres humains et l’industrie alimentaire prend cela en compte lorsqu’elle conçoit les produits alimentaires ultra-transformés qu’elle propose sur le marché. Si l’on a envie de manger un « burger » sans viande pourquoi ne pas essayer de le préparer soi-même avec des haricots noirs (recettes ici et ici), de l’avoine, des lentilles ou du quinoa ?

Production de « viande » en laboratoire
La production de « viande » in vitro consiste à cultiver des cellules musculaires animales (à partir de cellules non différenciées ou « cellules souches ») dans un environnement contrôlé ou en laboratoire. La première galette de bœuf produite dans un laboratoire en 2013 avait coûté 215 000 livres sterling ($363,000 Can), mais le prix a considérablement diminué depuis. Ce produit n’est cependant pas près d’être commercialisé puisqu’il y a encore plusieurs problèmes technologiques à résoudre avant qu’il puisse être produit à grande échelle. De plus, si le produit expérimental actuel peut être utilisé pour imiter avec succès la viande hachée, on est encore loin de pouvoir faire croître les cellules sous une forme tridimensionnelle qui ressemblerait à un steak, par exemple.

La technologie pourrait être utilisée pour produire par exemple de la chair de « Fugu » (poisson-globe), un mets délicat prisé par les Japonais, mais qui peut être mortel si le chef ou les entreprises spécialisées ne préparent pas ce poisson correctement.  En effet, la tétradoxine contenue dans le foie, les ovaires et la peau du fugu est un puissant poison paralysant pour lequel il n’y a pas d’antidote. La chair de fugu fabriquée en laboratoire ne contiendrait pas du tout de poison et serait sans danger pour les consommateurs.

Un autre exemple d’application avantageuse serait la production de foie gras de canard. Une majorité de Français (67%) sont contre la méthode de production traditionnelle par gavage qui fait souffrir les animaux. Une entreprise (Suprême) est en train de développer une méthode pour obtenir du foie gras à partir cellules isolées d’œufs de canard.

D’autres entreprises sont en train de mettre au point des méthodes pour produire du blanc d’œuf et des protéines du lait par fermentation plutôt qu’en utilisant des animaux. Bien que cette « agriculture cellulaire » semble encore un peu « futuriste », elle pourrait prendre de plus en plus de place dans l’industrie alimentaire et contribuer à réduire la production de viande qui est néfaste pour notre planète.