Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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7 avril 2021
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Association entre le stress chronique et la crise cardiaque

En bref

  • La concentration de cortisol dans la pousse récente des cheveux a été mesurée chez des personnes d’âge mûr peu après avoir subi un infarctus du myocarde, et chez des personnes du même groupe d’âge qui étaient en bonne santé apparente.
  • La concentration médiane de cortisol dans les cheveux des personnes ayant subi un infarctus du myocarde était 2,4 fois plus élevée que celle mesurée dans le groupe témoin.
  • Le risque d’infarctus du myocarde était approximativement 5 fois plus élevé chez les personnes ayant un taux de cortisol élevé par comparaison à celles qui avaient un taux de cortisol normal.
  • Ces résultats indiquent que le stress chronique semble être un important facteur de risque d’infarctus du myocarde.

Il est bien établi que le stress physique et/ou émotionnel aigu (accident, colère, frayeur) est un facteur de risque pour provoquer une crise cardiaque (voir notre article sur le sujet). Par contre, on ne sait pas avec certitude si un niveau élevé de stress chronique contribue aussi au risque d’infarctus du myocarde. Une des raisons pour laquelle on sait peu de choses sur ce facteur de risque potentiel est que jusqu’à tout récemment, il n’était possible de mesurer que le stress aigu, et non pas le stress chronique. La réponse au stress implique l’activation de l’axe corticotrope (ou axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien) et du système nerveux autonome, incluant la sécrétion de cortisol, une des principales hormones du stress. Le stress chronique peut maintenant être évalué objectivement et commodément chez des personnes en mesurant les niveaux de cortisol dans les cheveux. En effet, à mesure que le cheveu pousse, une quantité de cortisol proportionnelle à la concentration sanguine est incorporée dans le cheveu. Un cheveu de 1,0 cm coupé à la base du cuir chevelu aura pris de 4 à 6 semaines à pousser, et son contenu en cortisol reflétera le niveau de stress chronique que la personne aura subi durant cette période. Les 5 à 10 derniers jours de pousse des cheveux se trouvent à l’intérieur et sous le cuir chevelu.

Dans une étude rétrospective réalisée en Suède auprès de femmes et d’hommes âgés de moins de 65 ans, on a comparé les niveaux de cortisol dans les cheveux de 174 personnes ayant subi un infarctus du myocarde à ceux de 3156 personnes en bonne santé apparente. La concentration médiane de cortisol dans les cheveux des personnes ayant subi un infarctus du myocarde était 2,4 fois plus élevée (53,2 pg/mg), que celle mesurée dans le groupe témoin (22,2 pg/mg).

L’analyse des données montre une relation dose-effet très nette, c.-à-d. que plus les niveaux de cortisol détectés dans les cheveux des participants étaient élevés, plus le risque d’infarctus augmentait. Cette relation dose-effet n’est pas linéaire comme on peut le constater dans la figure 1 : les niveaux de cortisol des 3 premiers quintiles ne sont pas associés à un risque significativement plus élevé d’infarctus du myocarde, mais ce risque augmente très significativement pour les niveaux de cortisol des quintiles 4 et 5.

Figure 1. Risque relatif d’infarctus du myocarde en fonction de la concentration de cortisol dans les cheveux des participants. *Très significatif (p<0,001). D’après Faresjö et coll., 2020.

Cette étude rétrospective montre une association entre un niveau élevé de cortisol et l’infarctus du myocarde, mais ce genre d’étude ne permet pas d’établir de lien causal. Des résultats provenant d’autres études suggèrent aussi que le cortisol pourrait causer l’infarctus du myocarde. Par exemple, les niveaux élevés de cortisol observés chez les personnes atteintes du syndrome de Cushing ou chez des patients recevant des traitements aux glucocorticoïdes sont liés à une prévalence accrue des facteurs de risque cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde. Il est donc plausible qu’une augmentation des niveaux de cortisol cause des désordres métaboliques qui mènent à l’athérosclérose et, à long terme, au blocage des artères coronariennes et à l’infarctus du myocarde. L’augmentation de la concentration sanguine de cortisol a aussi des effets directs sur le système cardiovasculaire, incluant une augmentation de la contractilité des vaisseaux sanguins, l’inhibition de l’angiogenèse et une activation plaquettaire accrue qui peut conduire à la thrombose.

L’exposition au stress chronique est typique de nos sociétés modernes et peut être la cause de plusieurs maladies. Il faut apprendre à gérer ce stress chronique, par exemple en pratiquant la cohérence cardiaque ou la méditation. J’encourage le lecteur à se documenter sur ce sujet : il existe de nombreux ouvrages très accessibles : Christophe André : Méditer jour après jour, Matthieu Ricard : L’art de la méditation, Jon Kabat-Zinn : Au cœur de la tourmente, la pleine conscience) et, en anglais, Rick Hanson : Hardwiring Happiness.

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