Dr Mathieu Gayda, Ph.D.

Chercheur au Centre ÉPIC de l’ICM, Professeur associé, Département de médecine de l'Université de Montréal.

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16 mars 2017
Les « non-répondeurs » à l’entrainement aérobie : mythe ou réalité ?

Dans un de mes blogues récents, je vous ai parlé de l’importance de la mesure de l’aptitude aérobie (VO2 max) comme un signe vital en pratique clinique courante et comme l’un des meilleurs marqueurs de santé. L’entrainement aérobie demeure la méthode principale pour améliorer cette aptitude, et jusqu’à récemment, on estimait que les réponses à l’entrainement (amélioration du VO2 max) variaient grandement d’un individu à l’autre. Par exemple, dans l’étude HERITAGE, les améliorations du VO2 max  allaient de -4.7 à +58% (0 à 1000 mL/min), avec une grande variabilité entre les individus sains sédentaires. Les individus « non-répondeurs » sont les personnes qui, malgré un entrainement aérobie régulier, n’augmentent pas leur VO2 max de plus de 5%, cette proportion pouvant atteindre jusqu’à 20 % selon les études. Dans l’étude HERITAGE, l’entrainement aérobie était de 20 semaines au total, à une fréquence hebdomadaire de 3 sessions/sem, d’une durée entre 30 à 50 min (soit 90 à 150 min/sem) et d’une intensité de 55 à 75% du VO2 max, ce qui correspond à un volume d’entrainement aérobie modéré pour les patients sédentaires de l’étude.

Mais serait-il possible que le volume et l’intensité d’entrainement étaient insuffisants dans ces études pour que ces individus « non-répondeurs » bénéficient d’une amélioration de leur aptitude aérobie ? En 2009, l’étude DREW (« Dose Response to Exercise in Women ») a montré qu’en augmentant le volume hebdomadaire d’entrainement aérobie chez des femmes sédentaires post-ménopausées (Groupe 1 : 100 min/sem, Groupe 2 : 147 min/sem, Groupe 3 : 192 min/sem), on pouvait réduire la proportion de « non-répondeuses » à l’entrainement de 44% (Groupe 1), à 23 % (Groupe 2), à 19% (Groupe 3). Plus récemment, une étude du Dr Robert Ross a comparé trois groupes de sujets sédentaires d’âge moyen avec une obésité abdominale (121 participants) qui se sont entrainés pendant 24 semaines selon 3 programmes d’entrainement aérobie différents :

1) Le 1er groupe avec un faible volume et intensité (180-300 kcal/session, à 50% max) ;

2) Le 2e groupe avec haut volume et faible intensité (360-600 kcal/session, à 50% max) ;

3) le 3e groupe avec haut volume et haute intensité (360-600 kcal/session, à 75% max).

Après 24 semaines d’entrainement, la proportion de « non-répondeurs » à l’entrainement aérobie avait disparu dans le 3e groupe (Groupe 1 : 38.5%, Groupe 2 : 17.6% et Groupe 3 : 0%), suggérant qu’être « non-répondeur » n’est pas une fatalité et que certaines personnes auraient seulement besoin d’un entrainement plus intense et d’un plus grand volume hebdomadaire pour s’améliorer. Même constat apporté par une étude récente réalisée auprès de 78 jeunes hommes ayant suivi un entrainement aérobie de 12 semaines.  Les participants ont été répartis en 5 groupes, réalisant soit 1, 2, 3, 4 ou 5×60 min/sem d’entrainement à 65% du VO2 max pendant les 6 premières semaines. Ensuite, tous les sujets « non-répondeurs » des groupes, définit par une augmentation de la puissance aérobie maximale (Watts) inférieure à 4%, ont eu 2 sessions/sem d’entrainement supplémentaires pendant 6 semaines additionnelles. Ainsi, après les 6 premières semaines d’entrainement, la proportion de « non-répondeurs » était de 69%, 40%, 29%, 0% et 0% (pour les groupes 1, 2, 3, 4 et 5). Après la seconde période de 6 semaines d’entrainement, la proportion de « non-répondeurs » était  abolie pour les groupes 1, 2 et 3 (60, 120 et 180 min/sem). Cette étude suggère donc que pour des volumes de 240 à 300 min/semaine (Groupes 4 et 5), tous les sujets (principalement de jeunes hommes sédentaires) ont connu une amélioration de leur puissance aérobie maximale sur bicyclette, notamment en raison d’un meilleur transport du dioxygène (O2) par le sang.

Ces dernières études sont donc encourageantes dans le domaine de l’entrainement, car elles suggèrent que tout le monde pourrait « en théorie » améliorer son aptitude aérobie (VO2 max), que l’on soit jeune ou bien avec des facteurs de risque, pourvu qu’un certain volume d’exercice soit réalisé. Même si les résultats de ces études sont à confirmer chez des personnes plus âgées ou qui sont atteintes de maladies cardiaques,  elles soulignent l’importance de mesurer l’aptitude aérobie (VO2 max) de façon plus courante lors des interventions (entrainements aérobie) pour juger de l’efficacité du programme d’entrainement et pour pouvoir le réajuster au besoin.

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