Végétarisme et maladies cardiovasculaires

Végétarisme et maladies cardiovasculaires

Le végétarisme peut être défini comme un mode d’alimentation qui exclut les aliments d’origine animale. Il existe un large éventail de pratiques végétariennes, selon la nature et le degré d’exclusion de ces produits animaux (Tableau 1). Par exemple, les semi-végétariens (flexitariens) sont principalement végétariens, mais peuvent manger occasionnellement de la viande selon les circonstances (fêtes, restaurant, etc.), tandis que d’autres végétariens ne consomment pas de viandes rouges, mais mangent régulièrement certains produits animaux comme les poissons et fruits de mer (pesco-végétarisme) ou encore les œufs et les produits laitiers (ovo-lacto-végétarisme).  Les végétaliens, par contre, ne consomment quant à eux aucun produit d’origine animale et se nourrissent donc uniquement à partir d’aliments cultivés (légumes, fruits, oléagineux, légumineuses, graines). Ce mode d’alimentation peut également être associé au mouvement du végétalisme intégral (véganisme) lorsqu’il fait partie d’un mode de vie global qui exclut toute utilisation de produits animaux dans la vie quotidienne (cosmétiques, port de vêtements ou de chaussures issus de matériaux animaux).

Mode d'alimentationViande rougePoisson/VolailleOeufs/Produits laitiers
Non-végétarienOuiOuiOui
Semi-végétarienOui, mais peuOui, mais peuOui
Végétarien
Pesco-végétarienNonOuiOui
Ovo-lacto-végétarienNonNonOui
VégétalienNonNonNon

Tableau 1.  Les différents formes de végétarisme. Adapté de Le et Sabaté (2014).

Au cours des dernières années, le végétarisme au sens large est devenu de plus en plus populaire dans les pays occidentaux ; au Canada, par exemple, on estime qu’en 2007 environ 4 % de la population adhérait à l’une ou l’autre de ces pratiques végétariennes, ce qui représente près d’un million de personnes, et les sondages récents indiquent que cette tendance est à la hausse, en particulier chez les jeunes. Parmi les motivations invoquées pour justifier l’adhésion au végétarisme, les plus fréquentes sont les aspects éthiques liés à l’élevage et à l’abattage des animaux, les enjeux environnementaux (pollution associée à la production de produits animaux), ainsi que les bienfaits de mieux en mieux documentés d’une alimentation basée sur les végétaux sur la santé humaine en général.

Les études réalisées jusqu’à maintenant suggèrent que le principal impact positif d’une alimentation végétarienne est sur la santé cardiovasculaire. Plusieurs études d’observation ont en effet montré que le végétarisme est associé à une diminution de plusieurs facteurs de risque de ces maladies, notamment l’hypertension, le cholestérol total et le cholestérol-LDL, les taux de triglycérides, la glycémie à jeun ainsi que le risque de diabète.  Une alimentation végétarienne est également associée à un indice de masse corporelle (IMC) plus faible et un risque réduit de syndrome métabolique, deux autres importants facteurs de risque.

Il n’est donc pas étonnant que ces effets se traduisent par une diminution du risque d’événements cardiovasculaires.  Par exemple, une méta-analyse récente montre que le risque d’être touché ou de décéder de maladies coronariennes est d’environ 25 % plus faible chez les végétariens que chez les non-végétariens. Il est cependant intéressant de noter que cet effet protecteur est beaucoup plus prononcé dans les études réalisées auprès des membres des communautés religieuses adventistes du Septième Jour. Cette religion place beaucoup d’importance sur la mise en application au quotidien de saines habitudes de vie, non seulement du point de vue alimentaire, mais aussi en prônant l’exercice physique régulier et l’abstinence de l’alcool et du tabac.   Une analyse des études réalisées auprès de ces personnes a montré que le végétarisme est associé à une réduction de 40 % du risque de maladie coronarienne, de 30 % du risque d’AVC et de 32 % de la mortalité prématurée, tandis que seule la baisse d’événements coronariens (16 %) est observée dans les  études portant sur des végétariens non-adventistes. Il n’y a donc aucun doute que le végétarisme est positif pour la santé cardiovasculaire, mais il est probable que ces habitudes alimentaires doivent faire partie d’un mode de vie globalement sain pour véritablement maximiser leurs bénéfices.

La forte proportion des Adventistes qui adhèrent à l’une ou l’autre forme de végétarisme a également permis de comparer l’impact de ces différents régimes sur la santé.  Comme le montre le Tableau 2, les données acquises jusqu’à présent suggèrent qu’il pourrait y avoir des avantages à adopter une alimentation totalement dépourvue de produits animaux (végétalisme) : comparativement aux végétariens qui ne mangent pas de viande, mais qui consomment des œufs et des produits laitiers, les végétaliens ont un risque encore plus faible de développer certains facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète) et sont moins à risque de mourir prématurément de maladies coronariennes ou de maladies cardiovasculaires en général.  Bien que cet impact positif du végétalisme sur la diminution de la mortalité  prématurée n’a été jusqu’à présent observé que chez les hommes, ces résultats suggèrent néanmoins que l’exclusion totale des produits animaux de l’alimentation est associée à des bénéfices considérables en terme de prévention des maladies cardiovasculaires.

Impact mesuréRéduction du risque comparativement aux omnivores (%)
Ovo-lacto-végétariensVégétaliens
Hypertension55 %75 %
Diabète38 %62 %
Mortalité coronarienne
(Hommes)
24 %55 %
Mortalité cardiovasculaire
(Hommes)
23 %42 %

Tableau 2.  Comparaison des réductions du risque de maladies cardiovasculaires obtenues par les régimes ovo-lacto-végétarien et végétalien. Adapté de Le et Sabaté (2014).

La décision d’adopter une alimentation végétarienne ou végétalienne doit être prise avec sérieux : ce n’est pas parce qu’on élimine la viande qu’on mange nécessairement bien. Un végétalien qui se nourrit principalement de féculents (frites, pâtes alimentaires, pâtisseries) ou de produits industriels qui imitent les produits à base de viande (saucisses au tofu, etc.) n’aura évidemment pas une alimentation optimale. Le végétarisme ne doit pas être perçu seulement comme un régime « d’exclusion » des produits animaux, mais aussi, et peut-être surtout, comme un régime « d’inclusion » de produits végétaux.  C’est le contenu exceptionnel des végétaux en fibres, minéraux, polyphénols  et autres composés phytochimiques qui est le grand responsable des effets positifs du végétarisme sur la santé cardiovasculaire et il est en conséquence indispensable d’adopter une alimentation riche en fruits, légumes, grains entiers, légumineuses et noix pour profiter de ces bienfaits.

Les bénéfices du régime méditerranéen pour la santé cardiovasculaire

Les bénéfices du régime méditerranéen pour la santé cardiovasculaire

Mis à jour le 9 juillet 2018

Le terme “régime méditerranéen” fait référence aux habitudes alimentaires des habitants des régions oléicoles du bassin méditerranéen qui prévalaient jusque vers la fin des années 60.   Ce mode d’alimentation se caractérise par une consommation élevée de produits végétaux (légumes, fruits, noix, légumineuses et produits céréaliers à base de grains entiers), une faible consommation de viande et de produits laitiers (à l’exception de yogourt et de fromage) et une consommation modérée de poisson. L’apport total en gras peut être assez élevé (jusqu’à environ 40% des calories), mais se fait principalement sous forme de gras monoinsaturés en raison de l’utilisation abondante d’huile d’olive.  La consommation d’alcool est courante, mais reste très modérée et est en règle générale sous forme de vin pendant les repas.

Le premier indice de l’impact positif du régime méditerranéen sur la prévention des maladies cardiovasculaires provient d’études réalisées au cours des années 50 et 60 montrant que les habitants de cette région (sud de l’Italie, îles grecques de Crête et de Corfou) étaient à cette époque très peu touchés par l’angine, l’infarctus du myocarde et les maladies coronariennes en général. Depuis, un très grand nombre d’études épidémiologiques réalisées dans plusieurs régions du monde ont confirmé ces observations en montrant que le régime méditerranéen traditionnel est associé à une baisse marquée du risque de maladies cardiovasculaires, incluant l’infactus du myocarde et les AVC.

L’étude de Lyon (Lyon Heart Study) est sans doute l’un des meilleurs exemples de l’impact positif du régime méditerranéen sur la santé cardiovasculaire. Réalisée dans les années 1990 par le cardiologue français Michel de Lorgeril, cette étude visait à vérifier l’efficacité de ce type d’alimentation pour prévenir les récidives chez les personnes ayant subi un infarctus du myocarde. Les patients coronariens ont donc été séparés au hasard en deux groupes : un groupe soumis à une alimentation limitée en matières grasses, recommandée traditionnellement pour les patients cardiaques, et un groupe soumis à une alimentation méditerranéenne. Les résultats obtenus ont été tout à fait spectaculaires  : après quatre ans, chez les patients ayant adopté le régime méditerranéen, l’incidence d’infarctus non mortels avait été réduite de 70 % et celle de la mortalité due à une maladie cardiovasculaire avait diminué de 71 %, des taux deux fois plus élevés que ceux obtenus avec les médicaments anticholestérol. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les taux de cholestérol-LDL étaient similaires dans les deux groupes, ce qui suggère que les bénéfices de ce type d’alimentation vont bien au-delà de la simple réduction du cholestérol.  Cette étude a complètement révolutionné l’approche nutritionnelle en cardiologie et l’alimentation méditerranéenne est maintenant recommandée par tous les experts en prévention cardiovasculaire, autant en Amérique du Nord qu’en Europe.

L’étude « PREDIMED » (PREvención con DIeta MEDiterránea) a permis de démontrer que  l’alimentation méditerranéenne est non seulement bénéfique pour les patients affectés par une maladie coronarienne, mais qu’elle est aussi efficace en prévention primaire, c’est-à-dire chez les personnes qui ne souffrent d’aucune maladie cardiovasculaire. Cette étude, réalisée en Espagne, portait sur 7447 personnes âgées en moyenne de 67 ans et en bonne santé, mais qui présentaient néanmoins certains facteurs de risque bien documentés de maladies cardiovasculaires (diabète, hypertension, surpoids, tabagisme ou cholestérol-LDL élevé). Au début de l’étude, ces personnes ont été réparties au hasard dans trois groupes, chacun d’entre eux recevant des instructions particulières pour guider leurs choix alimentaires: on a suggéré au premier groupe une alimentation faible en gras (diète contrôle), tandis que les participants des deux autres groupes étaient quant à eux incités à adopter une alimentation méditerranéenne. Deux types de régime méditerranéen ont été testés, soit un enrichi en huile d’olive extravierge (1 L d’huile fourni par les investigateurs chaque semaine) et un autre enrichi en noix (30 g de noix mélangées par jour, également fourni par les investigateurs). Les participants ont été par la suite suivis en moyenne 5 ans et la fréquence d’événements cardiovasculaires qui se sont produits durant cette période dans chaque groupe a été comparée. Comme l’illustre la figure 1, l’adoption des deux types de régimes méditerranéens est associée à des bénéfices substantiels en terme de prévention des maladies cardiovasculaires, l’incidence événements cardiovasculaires (infarctus, AVC, mortalité) étant diminuée d’environ 30 % chez les personnes soumises à un régime méditerranéen riche en huile d’olive extravierge ou en noix comparativement au groupe contrôle, dont l’alimentation était faible en gras. Une analyse subséquente a montré que cette réduction pouvait même atteindre 53 % chez les personnes qui adhéraient le plus fortement aux principaux critères du régime méditerranéen.

Figure 1.  Réduction de l’incidence d’événements cardiovasculaires majeurs (infarctus, AVC et mortalité cardiovasculaire) par le régime méditerranéen enrichi en huile d’olive extra vierge ou en noix, tel qu’observée lors de l’étude PREDIMED (Source).

Il faut toutefois noter qu’une analyse statistique indépendante a identifié des irrégularités dans le processus de randomisation des participants utilisé par un des chercheurs de l’étude.  Ayant été informés de ce problème, les auteurs ont réanalysé l’ensemble des données et ont exclu celles qui avaient été récoltées auprès de 1558 participants, soit 20 % du nombre de personnes recrutées au début de l’étude (7447 participants).  Les nouveaux résultats, publiés le 13 juin 2018 dans le New England Journal of Medicine, confirment  toutefois les conclusions de l’étude initiale, c’est-à-dire une réduction d’environ 30 % du risque d’événements cardiovasculaires chez les personnes soumises à un régime méditerranéen enrichi en huile d’olive extra-vierge ou en noix. Autrement dit, même si la méthodologie utilisée dans l’étude PREDIMED posait problème, la pertinence d’adopter une alimentation méditerranéenne pour diminuer le risque de maladies cardiovasculaires n’est pas remise en question.

L’adoption d’un régime méditerranéen enrichi d’huile d’olive extra vierge est également associée à une réduction du risque de diabète de type 2, d’artérite oblitérante des membres inférieurs ainsi que de fibrillation auriculaire (Tableau 1).  Ces réductions sont également observées pour le régime méditerranéen enrichi en noix, mais les protections offertes semblent plus faibles que pour celui enrichi en huile d’olive. Il est donc possible que ces deux régimes exercent des effets bénéfiques distincts sur la santé cardiovasculaire.  En ce sens, il est intéressant de noter que la consommation de noix (mais non d’huile d’olive extra-vierge) est associée à une régression des plaques d’athérosclérose, ce qui pourrait contribuer aux réductions d’événements cardiovasculaires observées chez les personnes qui consommaient régulièrement des noix.

Événements cliniquesRégime méditerranéen enrichi
en huile d'olive extravierge
Régime méditerranéen enrichi
en noix
Réduction du risque (%)Réduction du risque (%)
Événements cardiovasculaires (infarctus, AVC, mortalité cardiovasculaire )30 28
Diabète de type 24018
Artérite des membres inférieurs
6446
Fibrillation auriculaire3810
Tableau 1. Réductions du risque de divers événements cliniques, telles qu'observées lors de l'étude PREDIMED

 

Il n’y a donc aucun doute qu’une alimentation de type méditerranéen, dans laquelle la consommation de viande est très modérée (environ un repas par semaine), entraîne des effets extrêmement positifs sur la santé cardiovasculaire, autant dans la population en général que chez les personnes qui ont déjà subi un accident cardiaque.

Cigarette électronique : solution ou nouveau problème ?

Cigarette électronique : solution ou nouveau problème ?

Pour la santé cardiovasculaire (et la santé en général), aucune intervention médicale ou chirurgicale n’est aussi efficace que l’arrêt du tabagisme. En plus, c’est la moins coûteuse ! Malheureusement, il est très difficile de cesser de fumer sans aide, avec à peine 5 % des gens qui parviennent à demeurer non-fumeurs un an après l’arrêt du tabac. On peut facilement augmenter ce taux de succès à 20 ou 25 % grâce à un programme de soutien psychologique combiné à l’utilisation de traitements pharmacologiques, mais les approches actuelles ont clairement leurs limites, car trop de fumeurs demeurent « accros » au tabac en dépit du prix exorbitant des cigarettes, de l’interdiction de fumer dans l’ensemble des lieux publics et dans plusieurs domiciles, ainsi que des effets catastrophiques bien documentés du tabac sur la santé.

L’arrivée sur le marché de la cigarette électronique (e-cigarette) pourrait apporter une nouvelle dimension à la lutte au tabac. Dans ce dispositif, une solution de nicotine est chauffée à environ 80oC à l’aide d’un atomiseur, ce qui génère un aérosol qui prend la forme d’une «vapeur» blanche d’apparence similaire à la fumée de cigarette.  Le « vapoteur » inhale donc une petite quantité de nicotine, comme un fumeur, mais la vapeur ne contient pas les multiples molécules cancérigènes et les particules fines qui sont générées lors de la combustion du tabac (à environ 900 °C). Ce dernier point est le plus important : ce sont les centaines de produits de combustion de la cigarette de tabac qui causent les problèmes de santé, et non la nicotine. Cette dernière est une drogue qui crée la dépendance au tabac et qui pousse les personnes à fumer, mais elle n’est pas responsable des maladies cardiovasculaires ni du cancer du poumon. La dépendance à la nicotine, sans les dommages liés à la combustion du tabac, est assez bénigne : plusieurs ex-fumeurs consomment des gommes de nicotine pendant des années, sans noter aucune conséquence négative sur leur santé.

En conséquence, bien que la e-cigarette ne soit pas idéale, ni sans aucun risque, la plupart des experts s’entendent pour dire qu’elle est beaucoup moins nocive que le tabac. Par exemple, dans son dernier rapport, le Royal College of Physicians d’Angleterre affirme  que « bien qu’il ne soit pas possible de quantifier de manière précise les risques à long terme associés aux cigarettes électroniques, les données disponibles suggèrent que ces risques n’excéderaient très probablement pas le vingtième (5 %) des risques associés aux produits de tabac à fumer, et pourraient bien être considérablement moindres. »

Malgré tout, plusieurs organismes officiels au Canada et aux États-Unis sont encore farouchement opposés à la cigarette électronique et refusent de croire qu’elle peut avoir des bienfaits.  Ils craignent par-dessus tout qu’elle « renormalise » le fait de fumer et, surtout, qu’elle y incite les adolescents. Je comprends très bien ces inquiétudes, car lorsqu’on a farouchement lutté pendant 50 ans contre la cigarette de tabac, il est difficile d’accepter quoi que ce soit qui semble s’en rapprocher. Je ne les partage pas, par contre, parce que ce n’est pas du tout ce que démontrent les données britanniques et françaises, où la e-cigarette est utilisée depuis plusieurs années. Dans ces deux pays, l’usage de la cigarette de tabac n’a pas cessé de diminuer chez les jeunes depuis l’arrivée de la cigarette électronique. Pour les adolescents français, la cigarette de tabac est devenue « démodée ». Peu à peu, les spécialistes britanniques et français ont compris qu’il s’agissait d’une innovation technologique qui avait le potentiel de réduire le tabagisme chez les jeunes plutôt que le contraire.

À la clinique de traitement du tabagisme du Centre ÉPIC de l’ICM, nous suggérons la cigarette électronique aux fumeurs qui n’ont connu que des échecs en utilisant les méthodes pharmacologiques reconnues. Notre expérience avec ce dispositif est très positive, car le taux de succès est d’environ 70 % et, depuis 2013, je suggère de façon routinière la cigarette électronique à mes patients cardiaques fumeurs pour les aider à cesser de fumer. Le Dr Gaston Ostiguy, pneumologue au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et pionnier de la lutte contre le tabagisme au Québec, rapporte quant à lui un taux de succès de 50 % chez ses patients, ce qui est remarquable étant donné que la plupart d’entre eux ont déjà « tout essayé » pour cesser de fumer, mais sans succès.

Mes patients qui ont cessé de fumer grâce à la cigarette électronique l’ont généralement abandonnée après un an sans retourner au tabac. Souvent, ceux qui aiment le « geste » de fumer conservent la cigarette électronique, mais sans nicotine. De plus, la nicotine sans le tabac semble causer moins de dépendance, puisque la plupart des utilisateurs réduisent leur concentration de nicotine avec le temps plutôt que de l’augmenter.

Chaque année 6 millions de personnes meurent de maladies causées par l’usage du tabac et si on évite d’être trop dogmatiques, tout en encadrant étroitement la vente de ces produits, la substitution des cigarettes actuelles par leur version électronique pourrait représenter un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité en prévenant des millions de morts au XX1e siècle.

 

 

L’aptitude aérobie maximale : un des meilleurs marqueurs d’une bonne santé 

L’aptitude aérobie maximale : un des meilleurs marqueurs d’une bonne santé 

Il est maintenant clairement démontré que l’aptitude aérobie maximale (VO2max/pic) représente un des meilleurs marqueurs du risque de maladies chroniques et de mortalité prématurée. En mesurant la quantité maximale d’oxygène qu’une personne peut consommer lors d’un effort intense et prolongé, l’aptitude aérobie maximale reflète en effet la performance des fonctions physiologiques intégrées du corps humain, comprenant le transport de l’oxygène par les systèmes pulmonaire (respiration), cardiaque (cœur), vasculaire (sang/vaisseaux) jusqu’aux muscles pour utilisation de l’oxygène lors d’un effort.  Ainsi, ce marqueur représente l’état de santé physiologique fonctionnel global du système cardio-pulmonaire et plusieurs études ont montré qu’une faible aptitude aérobie est associée à un risque plus élevé de maladies cardiaques, de mortalité due aux cancers et de mortalité totale.

Dans un article qui vient d’être publié dans la revue Circulation, l’American Heart Association prend position pour une mesure de l’aptitude aérobie maximale comme un signe vital en pratique clinique courante, au même titre que d’autres signes vitaux plus courants comme la pression artérielle, les lipides sanguins ou encore la composition corporelle (pourcentage de gras, de muscle et d’os). Selon les auteurs, ce marqueur serait même supérieur aux facteurs de risque traditionnels tels le tabagisme, le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, l’obésité ou les dyslipidémies. Cette recommandation est importante, car en dépit de sa forte association avec le risque de mort prématurée, ce marqueur important n’est toujours pas évalué de façon routinière en clinique.

La méthode de référence la plus précise pour mesurer l’aptitude aérobie maximale est l’analyse des échanges cardiopulmonaires pendant en effort maximal sur tapis ou vélo. Cependant, cette procédure requiert une certaine expertise et des équipements qui ne sont pas disponibles partout en milieu médical, sans compter qu’elle est aussi associée à des coûts plus élevés. Comme le soulignent les auteurs, il existe toutefois plusieurs alternatives pour évaluer ou estimer  cette aptitude aérobie maximale, et ces tests peuvent facilement être adaptés en fonction de l’état de santé du patient (sujet avec ou sans maladie) et de la fréquence des évaluations.

La seule façon d’améliorer l’aptitude aérobie maximale est par l’entrainement et/ou l’activité physique régulière, ce qui implique une remise en question des interventions cliniques actuelles, principalement basées sur la médication.  La mesure routinière de l’aptitude aérobie maximale pourrait donc permettre aux médecins de  « prescrire » de l’exercice à leurs patients et de suivre de façon précise l’évolution de leurs profils cardiovasculaire et clinique.  Ceci est d’autant plus important que des gains de forme physique, même modestes,  peuvent se traduire par des bénéfices cliniques importants, particulièrement dans les populations les plus à risque, c’est-à-dire celles qui sont le moins en forme.

L’exercice intermittent à haute intensité

L’exercice intermittent à haute intensité

L’exercice intermittent à haute intensité, aussi connu sous le nom d’«entraînement par intervalles» est une méthode élaborée dans les années 1930 et 1940 pour entraîner (avec succès) certains athlètes, notamment le Suédois Gunder Hägg (1918-2004), titulaire d’une douzaine de records du monde en athlétisme. L’exercice intermittent à haute intensité a été étudié scientifiquement par le cardiologue allemand Herbert Reindell, qui a observé qu’une alternance d’efforts intenses, mais de courte durée, et de périodes d’activité de faible intensité, favorisait l’augmentation de la capacité d’effort. L’entraînement par intervalles a rapidement été adopté par les athlètes de haut niveau, les athlètes amateurs et, plus récemment, la population générale.

Le principe de ce type d’entraînement est très simple. Au lieu de se dérouler en continu de façon modérée, par exemple pendant 30 ou 40 minutes, il est réalisé sur une période plus courte, disons 15 minutes, et consiste en de courts intervalles très rapides suivis de courts épisodes de repos. Au Centre ÉPIC de l’ICM, nous avons étudié des dizaines de protocoles d’entraînement par intervalles et celui que nos membres préfèrent est le suivant : 15 secondes de vélo stationnaire au maximum de la capacité, suivies de 15 secondes d’arrêt complet, pendant 8 minutes. La personne pédale donc pendant 4 minutes au total. Elle fait ensuite une courte pause de 4 à 5 minutes pour faire des exercices de flexion et de relaxation, puis elle recommence le tout pour une deuxième période de 8 minutes. En fin de compte, la personne fait 16 minutes d’activité physique, mais seulement 8 minutes d’activité réelle puisqu’elle est en arrêt la moitié du temps. Lorsqu’on mesure la capacité aérobique après ce type d’entraînement, on observe que ces 8 minutes d’activité physique intense, mais fractionnée, sont plus efficaces que 30 minutes d’activité modérée continue. Une étude récente suggère même qu’aussi peu que 3 minutes d’activité intense par semaine, fractionnées en blocs de 20 secondes, seraient suffisantes pour augmenter la capacité aérobique !

Il n’y a donc aucun doute que l’entraînement par intervalles est très bon pour augmenter la capacité aérobique, mais il est évident que ce n’est pas apprécié par tout le monde. Beaucoup de mes patients, même très âgés, aiment ce type d’entraînement parce que « ça passe plus vite » ou que « c’est plus ludique », tandis que d’autres trouvent au contraire que « c’est trop agressif » et préfèrent s’en tenir à une activité physique modérée continue « normale », comme la marche. Mais comme le plus difficile est de maintenir l’effort à long terme et de ne pas abandonner après quelques mois seulement, je conseille de varier le plus possible le type d’activité physique en y intégrant de temps à autre un entraînement par intervalles. En multipliant les exercices et leurs modalités, on maximise nos chances de s’entraîner toute notre vie. Et c’est réellement ce qui compte le plus.