Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Végétarisme et maladies cardiovasculaires

Le végétarisme peut être défini comme un mode d’alimentation qui exclut les aliments d’origine animale. Il existe un large éventail de pratiques végétariennes, selon la nature et le degré d’exclusion de ces produits animaux (Tableau 1). Par exemple, les semi-végétariens (flexitariens) sont principalement végétariens, mais peuvent manger occasionnellement de la viande selon les circonstances (fêtes, restaurant, etc.), tandis que d’autres végétariens ne consomment pas de viandes rouges, mais mangent régulièrement certains produits animaux comme les poissons et fruits de mer (pesco-végétarisme) ou encore les œufs et les produits laitiers (ovo-lacto-végétarisme).  Les végétaliens, par contre, ne consomment quant à eux aucun produit d’origine animale et se nourrissent donc uniquement à partir d’aliments cultivés (légumes, fruits, oléagineux, légumineuses, graines). Ce mode d’alimentation peut également être associé au mouvement du végétalisme intégral (véganisme) lorsqu’il fait partie d’un mode de vie global qui exclut toute utilisation de produits animaux dans la vie quotidienne (cosmétiques, port de vêtements ou de chaussures issus de matériaux animaux).

Mode d'alimentationViande rougePoisson/VolailleOeufs/Produits laitiers
Non-végétarienOuiOuiOui
Semi-végétarienOui, mais peuOui, mais peuOui
Végétarien
Pesco-végétarienNonOuiOui
Ovo-lacto-végétarienNonNonOui
VégétalienNonNonNon

Tableau 1.  Les différents formes de végétarisme. Adapté de Le et Sabaté (2014).

Au cours des dernières années, le végétarisme au sens large est devenu de plus en plus populaire dans les pays occidentaux ; au Canada, par exemple, on estime qu’en 2007 environ 4 % de la population adhérait à l’une ou l’autre de ces pratiques végétariennes, ce qui représente près d’un million de personnes, et les sondages récents indiquent que cette tendance est à la hausse, en particulier chez les jeunes. Parmi les motivations invoquées pour justifier l’adhésion au végétarisme, les plus fréquentes sont les aspects éthiques liés à l’élevage et à l’abattage des animaux, les enjeux environnementaux (pollution associée à la production de produits animaux), ainsi que les bienfaits de mieux en mieux documentés d’une alimentation basée sur les végétaux sur la santé humaine en général.

Les études réalisées jusqu’à maintenant suggèrent que le principal impact positif d’une alimentation végétarienne est sur la santé cardiovasculaire. Plusieurs études d’observation ont en effet montré que le végétarisme est associé à une diminution de plusieurs facteurs de risque de ces maladies, notamment l’hypertension, le cholestérol total et le cholestérol-LDL, les taux de triglycérides, la glycémie à jeun ainsi que le risque de diabète.  Une alimentation végétarienne est également associée à un indice de masse corporelle (IMC) plus faible et un risque réduit de syndrome métabolique, deux autres importants facteurs de risque.

Il n’est donc pas étonnant que ces effets se traduisent par une diminution du risque d’événements cardiovasculaires.  Par exemple, une méta-analyse récente montre que le risque d’être touché ou de décéder de maladies coronariennes est d’environ 25 % plus faible chez les végétariens que chez les non-végétariens. Il est cependant intéressant de noter que cet effet protecteur est beaucoup plus prononcé dans les études réalisées auprès des membres des communautés religieuses adventistes du Septième Jour. Cette religion place beaucoup d’importance sur la mise en application au quotidien de saines habitudes de vie, non seulement du point de vue alimentaire, mais aussi en prônant l’exercice physique régulier et l’abstinence de l’alcool et du tabac.   Une analyse des études réalisées auprès de ces personnes a montré que le végétarisme est associé à une réduction de 40 % du risque de maladie coronarienne, de 30 % du risque d’AVC et de 32 % de la mortalité prématurée, tandis que seule la baisse d’événements coronariens (16 %) est observée dans les  études portant sur des végétariens non-adventistes. Il n’y a donc aucun doute que le végétarisme est positif pour la santé cardiovasculaire, mais il est probable que ces habitudes alimentaires doivent faire partie d’un mode de vie globalement sain pour véritablement maximiser leurs bénéfices.

La forte proportion des Adventistes qui adhèrent à l’une ou l’autre forme de végétarisme a également permis de comparer l’impact de ces différents régimes sur la santé.  Comme le montre le Tableau 2, les données acquises jusqu’à présent suggèrent qu’il pourrait y avoir des avantages à adopter une alimentation totalement dépourvue de produits animaux (végétalisme) : comparativement aux végétariens qui ne mangent pas de viande, mais qui consomment des œufs et des produits laitiers, les végétaliens ont un risque encore plus faible de développer certains facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète) et sont moins à risque de mourir prématurément de maladies coronariennes ou de maladies cardiovasculaires en général.  Bien que cet impact positif du végétalisme sur la diminution de la mortalité  prématurée n’a été jusqu’à présent observé que chez les hommes, ces résultats suggèrent néanmoins que l’exclusion totale des produits animaux de l’alimentation est associée à des bénéfices considérables en terme de prévention des maladies cardiovasculaires.

Impact mesuréRéduction du risque comparativement aux omnivores (%)
Ovo-lacto-végétariensVégétaliens
Hypertension55 %75 %
Diabète38 %62 %
Mortalité coronarienne
(Hommes)
24 %55 %
Mortalité cardiovasculaire
(Hommes)
23 %42 %

Tableau 2.  Comparaison des réductions du risque de maladies cardiovasculaires obtenues par les régimes ovo-lacto-végétarien et végétalien. Adapté de Le et Sabaté (2014).

La décision d’adopter une alimentation végétarienne ou végétalienne doit être prise avec sérieux : ce n’est pas parce qu’on élimine la viande qu’on mange nécessairement bien. Un végétalien qui se nourrit principalement de féculents (frites, pâtes alimentaires, pâtisseries) ou de produits industriels qui imitent les produits à base de viande (saucisses au tofu, etc.) n’aura évidemment pas une alimentation optimale. Le végétarisme ne doit pas être perçu seulement comme un régime « d’exclusion » des produits animaux, mais aussi, et peut-être surtout, comme un régime « d’inclusion » de produits végétaux.  C’est le contenu exceptionnel des végétaux en fibres, minéraux, polyphénols  et autres composés phytochimiques qui est le grand responsable des effets positifs du végétarisme sur la santé cardiovasculaire et il est en conséquence indispensable d’adopter une alimentation riche en fruits, légumes, grains entiers, légumineuses et noix pour profiter de ces bienfaits.

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