Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.25 juillet 2017
Mis à jour le 26 mars 2020
L’American Heart Association (AHA) a récemment publié une mise à jour des connaissances acquises sur le lien existant entre les graisses alimentaires et les maladies cardiovasculaires. En prenant en considération l’ensemble des données scientifiques disponibles, le comité conclut qu’une diminution de l’apport en graisses saturées, et leur remplacement par des graisses insaturées représente la combinaison optimale pour diminuer l’incidence des maladies cardiovasculaires dans la population, surtout si elle s’accompagne d’une transition vers un régime alimentaire globalement sain, comme l’alimentation méditerranéenne.
Cet impact positif d’une substitution des graisses saturées par des graisses insaturées s’explique en majeure partie par les effets opposés de ces deux types de gras sur les taux de cholestérol-LDL, un facteur de risque bien établi de maladies cardiovasculaires. Tandis que les gras saturés sont associés à une augmentation de ce cholestérol, et donc à une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires, les gras insaturés entraînent plutôt une réduction des taux sanguins de cholestérol-LDL et sont associées à une diminution significative de la mortalité. Puisque les sources de protéines animales (viandes, produits laitiers, œufs) sont les principales sources de graisses saturées de l’alimentation, tandis que les matières grasses d’origine végétale sont principalement insaturées, le simple fait de réduire la consommation de produits animaux et d’augmenter en parallèle celle de végétaux représente donc une façon très simple d’améliorer la qualité des matières grasses de l’alimentation et d’ainsi réduire le risque de maladie cardiovasculaire. Il est d’ailleurs intéressant de noter que plusieurs régions du monde reconnues pour leur faible incidence de maladies cardiovasculaires (Okinawa au Japon, Ikaria en Grèce, la Sardaigne ou encore les Chimane d’Amazonie) ont toutes en commun une alimentation riche en végétaux et dans laquelle l’apport en protéines animales et en gras saturés est faible.
Des gras saturés d’origine végétale
Si la quasi-totalité des corps gras d’origine végétale contiennent principalement des gras insaturés, il existe néanmoins une exception notable : les huiles tropicales de palme et de coco (voir le Tableau). L’huile de palme (extraite de la pulpe du fruit) et l’huile de palmiste (dérivée des graines) contiennent en effet des quantités très élevées de gras saturés (50 % pour l’huile de palme et 82 % pour celle de palmiste), ce qui leur confère une texture semi-solide à la température ambiante. Cette propriété est utilisée par l’industrie alimentaire pour améliorer la texture de biscuits, gâteaux et autres produits, et la forte quantité de graisses saturés fait aussi en sorte que ces huiles sont beaucoup plus résistantes à l’oxydation et améliorent considérablement la durée de conservation de ces aliments. Cependant, comme toutes les sources de gras saturés, ces huiles augmentent les taux de cholestérol sanguin et sont donc peu recommandables pour la santé cardiovasculaire. Sans compter l’impact environnemental dévastateur de la culture intensive du palmier à huile, en particulier en Indonésie : presque deux millions d’hectares de forêt tropicale sont détruits chaque année pour cette culture, une déforestation qui a des conséquences écologiques désastreuses et qui menace d’extinction des animaux comme le tigre et les orangs-outans de Sumatra et de Bornéo.
Source de gras | Gras saturés
(g/100g) | Gras monoinsaturés
(g/100g) | Gras polyinsaturés
(g/100g)
|
Beurre | 63 | 26 | 4 |
Huile de canola | 7 | 63 | 28 |
Huile de coco | 82 | 6 | 2 |
Huile de maïs | 13 | 28 | 55 |
Huile d’olive | 14 | 73 | 10 |
Huile de palme | 49 | 37 | 9 |
Huile de palmiste | 82 | 11 | 2 |
Saindoux | 39 | 45 | 11 |
Huile de soja | 16 | 23 | 58 |
Huile de tournesol | 10 | 84 | 4 |
Proportion de gras saturés, monoinsaturés et polyinsaturés dans différents corps gras d'origine animale et végétale.
Huile de coco : des gras saturés aux effets positifs ?
L’huile de coco est une autre source végétale contenant une très forte proportion de gras saturés (82 %), mais qui, curieusement, a acquis au fil des années une bonne réputation : un sondage récent rapportait en effet que 72 % des Américains considéraient l’huile de coco comme un aliment « santé » ! Deux principales caractéristiques de l’huile de coco, fréquemment mentionnées par la presse « grand public », expliquent cette popularité :
1) Études populationnelles. Les études épidémiologiques réalisées auprès de populations qui consomment de grandes quantités de noix de coco comme les habitants des îles polynésiennes Tokelau ou encore ceux de l’île mélanésienne de Kitava ont révélé une faible incidence de maladies cardiovasculaires, et ce en dépit d’un apport élevé en graisses saturées provenant de ce fruit. Il faut cependant noter que c’est la chair du fruit, très riche en fibres, qui est consommée par ces populations et qu’on ne peut extrapoler cette absence d’effet sur les maladies cardiovasculaires à celui qui serait associé à l’ajout de l’huile de coco purifiée à une alimentation de type occidental, contenant une forte proportion d’aliments transformés.
2) L’impact sur le cholestérol. Les gras saturés ont des chaines plus courtes que ceux retrouvés dans l’huile de palme ou dans le beurre et auraient en théorie des effets moins néfastes sur les taux de cholestérol. Environ la moitié des gras saturés de l’huile de coco sont sous forme d’acide laurique (12 atomes de carbone) et les études montrent que l’effet de cet acide gras sur le cholestérol-LDL est moitié moindre de celui de l’acide palmitique (16 atomes de carbone). En pratique, toutefois, une revue systématique des études réalisées jusqu’à présent indique que l’huile de coco augmente les taux de cholestérol-LDL de façon similaire à d’autres sources de gras saturés (beurre, huile de palme) et de façon plus importante que les gras insaturés, l’huile d’olive par exemple. Ceci a été confirmé par une méta-analyse de 16 études cliniques ayant comparé l’effet de l’huile de coco sur les taux de cholestérol-LDL à celui d’autres huiles végétales non tropicales. En moyenne, la consommation d’huile de coco fait augmenter le cholestérol-LDL de 0,3 mmol/L (10,47 mg/dL) comparativement aux autres huiles, ce qui confirme que son contenu en gras saturés a un impact négatif sur cet important facteur de risque de maladie coronarienne.
Globalement, ces observations suggèrent que l’huile de coco est une source de gras saturés comme les autres et qu’elle ne devrait être utilisée qu’à l’occasion pour éviter une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires. Pour cuisiner au quotidien, l’huile d’olive vierge est un bien meilleur choix en raison de ses effets positifs très bien documentés sur la santé cardiovasculaire. Pour les autres huiles végétales, il est recommandé d’utiliser préférentiellement l’huile de canola, car c’est elle qui contient la plus forte proportion de gras polyinsaturés de type oméga-3, reconnus pour leurs effets anti-inflammatoires.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.17 juillet 2017
Nous avons résumé dernièrement en ces pages les données scientifiques disponibles sur les effets de la consommation de cannabis sur la santé cardiovasculaire. Dans le présent article, nous aborderons brièvement certaines questions que pose le mode de consommation du cannabis (inhalation de fumée, ingestion, vaporisation) sur la santé.
La manière la plus commune de consommer le cannabis est de le fumer (cigarettes ou joints, pipes) comme on le fait pour le tabac. Or l’exposition à la fumée de tabac cause des dommages dans les poumons qui sont la cause de symptômes respiratoires, de la maladie pulmonaire obstructive chronique et du cancer du poumon. La fumée de tabac a fait l’objet d’un très grand nombre d’études ; elle contient 4800 composés chimiques identifiés, incluant 69 composés cancérigènes. La fumée de cannabis contient plusieurs composés qui sont aussi retrouvés dans la fumée de tabac (dont l’ammoniaque, le cyanure d’hydrogène, des nitrosamines, des composantes du goudron : phénols, naphtalène, benzopyrène et benzanthracène), mais on ne sait pas si elle provoque les mêmes dommages pulmonaires. Selon une étude, la fumée de cannabis contient 20 fois plus d’ammoniaque, 3 à 5 fois plus de NO, NOx et amines aromatiques, mais moins d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) que la fumée de cigarette. Plusieurs études (voir cette revue) ont démontré que les fumeurs de cannabis peuvent développer des lésions des muqueuses des voies respiratoires et des symptômes respiratoires tels que la toux, la production de flegme et la respiration sifflante. Pour les fumeurs occasionnels de cannabis (2-3 fois par mois), il ne semble pas y avoir d’effets néfastes à long terme sur la fonction pulmonaire selon une étude qui a suivi 5115 personnes pendant plus de 20 ans. Les gros fumeurs de cannabis (>20 fois par mois) ont cependant un déclin accéléré de la fonction pulmonaire par rapport aux fumeurs occasionnels, ce qui amène les auteurs de l’étude à suggérer la prudence et la modération pour l’utilisation du cannabis. Il y a d’autres façons de consommer du cannabis que de le fumer, permettant aux utilisateurs de cannabis d’éviter d’exposer leurs poumons aux composés toxiques issus de la combustion.
Ingestion par voie orale
Le cannabis peut être ingéré, la plupart du temps après avoir été incorporé à des aliments et soumis à la cuisson, ou sous forme d’infusions, d’extrait à base d’alcool ou d’huiles comestibles. Les effets prennent beaucoup plus de temps à se faire sentir, de 1 à 2 heures selon le contenu de l’estomac, mais durent plus longtemps que par inhalation de fumée ou de vapeurs. À cause de ce long délai, le dosage de l’effet recherché par l’utilisateur est plus difficile à faire que par inhalation, ce qui peut mener à des surdoses accidentelles. L’ingestion par voie orale est par conséquent peu pratique, surtout lorsqu’elle est comparée à l’utilisation des vaporisateurs pour cannabis, un mode consommation du cannabis relativement nouveau mais qui est plus sain que de fumer.
Les vaporisateurs pour cannabis
Les vaporisateurs pour cannabis sont de petits appareils qui chauffent la plante (fleurs, feuilles, résines) finement hachée à une température suffisamment élevée (180-230°C) pour extraire sous forme d’aérosol les composés actifs, c’est-à-dire le tétrahydrocannabinol (THC), le cannabidiol (CBD) et autres cannabinoïdes. La température de vaporisation est un paramètre très important puisqu’à des températures relativement basses (<180°C) la vapeur contiendra principalement des terpènes et très peu de cannabinoïdes. Les vaporisateurs procurent en théorie une méthode plus sûre que de fumer le cannabis puisque les utilisateurs n’inhalent pas les produits toxiques de la combustion qui peuvent causer des symptômes et maladies respiratoires. Un laboratoire allemand a comparé 5 vaporisateurs disponibles sur le marché et conclu que ces appareils sont efficaces pour extraire le THC et le CBD, et que 4 vaporisateurs électriques à température réglable offrent un mode sécuritaire de consommation du cannabis. Tel que mesuré en laboratoire, la vapeur produite par un vaporisateur chauffé à une température de 230°C contient un peu plus de cannabinoïdes, mais 3 fois moins de sous-produits que la fumée de cigarette de cannabis. Une autre analyse a montré que les cannabinoïdes sont extraits très efficacement par la vaporisation et que la vapeur produite ne contenait que trois autres composés (à l’état de traces) alors que 111 composés (incluant plusieurs hydrocarbures aromatiques polycycliques) ont été identifiés dans la fumée de cannabis. L’inhalation de cannabis vaporisé est donc une méthode efficace et plus sécuritaire de consommation du cannabis et nous sommes d’avis qu’elle devrait être utilisée plutôt que de fumer ce produit avec une pipe ou sous forme de joint, pour réduire de possibles atteintes aux poumons.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.17 juillet 2017
Mis à jour le 16 mai 2018
La toute nouvelle iQOS ( I Quit Ordinary Smoking) de la compagnie Philip Morris International vient de faire son apparition au Québec. Cette nouvelle forme de « cigarette » consiste en un dispositif électronique qui chauffe des petits bâtonnets de tabac sans toutefois les brûler, ce qui génère une vapeur contenant la nicotine qui peut être par la suite inhalée par le fumeur.
Le principe à la base de cette nouvelle technologie est que c’est la combustion du tabac qui produit les nombreux composés toxiques présents dans la fumée de cigarette (monoxyde de carbone, goudrons, nitrosamines, cadmium, hydrocarbures polycycliques, etc.) et qui sont responsables de ses effets néfastes sur la santé. En chauffant le tabac à 350°C plutôt qu’en le brûlant comme dans une cigarette traditionnelle (800°C), l’iQOS réduirait donc la formation de ces produits toxiques et pourrait donc représenter une solution de rechange moins nocive pour les fumeurs. C’est du moins ce qu’affirme Philip Morris, mais cette conclusion provient de recherches menées à l’interne par cette même compagnie et doit donc être prise avec un grain de sel en attendant la confirmation par des travaux indépendants. La composition exacte du mélange de tabac contenu dans ces petits bâtonnets est tenue secrète et s’il y a bien une chose que les années de lutte au tabagisme nous ont apprise, c’est que les cigarettiers sont des maîtres dans la manipulation du tabac, notamment par l’ajout de différents additifs. Leur crédibilité scientifique à l’égard des dangers associés au tabagisme est pratiquement nulle et des analyses indépendantes du contenu de la vapeur de tabac chauffé doivent absolument être faites pour déterminer si un produit comme l’iQOS est effectivement moins nocif pour la santé que les cigarettes traditionnelles.
La première de ces analyses vient d’ailleurs d’être publiée dans JAMA Internal Medicine. Réalisée par un groupe de scientifiques suisses (Lausanne), cette étude a mesuré les taux d’un grand nombre de composés volatils organiques, d’hydrocarbures polycycliques et de différents composés inorganiques présents dans la vapeur de cigarettes chauffée et les a comparés à ceux produits par la combustion de cigarettes traditionnelles (voir le Tableau).
Cette approche a permis de constater que la vapeur dégagée par l’iQOS contient plusieurs éléments similaires à ceux présents dans la fumée de cigarette de tabac conventionnelle. Ces molécules (composés organiques volatils, hydrocarbures aromatiques polycycliques ou encore le monoxyde de carbone) proviennent de la décomposition chimique des composés organiques par la chaleur (pyrolyse), ce qui indique que la plus basse température utilisée par l’iQOS n’empêche pas complètement la formation de ces composés toxiques. Cependant les quantités retrouvées dans la vapeur de tabac chauffé sont en général plus faibles que dans la fumée de cigarette conventionnelle, ce qui a été récemment confirmé par une autre étude indépendante montrant une réduction de 80-95 % des aldéhydes et de 97=99% des composés volatils organiques dans le tabac chauffé comparativement au tabac brûlé.
Il faut toutefois noter que certaines molécules particulièrement toxiques comme l’acroléine et le formaldéhyde sont présentes en quantités presque équivalentes. Dans certains cas, l’acénaphtène notamment (un constituant du goudron), la quantité du toxique retrouvée dans la vapeur de tabac chauffé est même presque 3 fois plus grande que dans la fumée produite par la combustion d’une cigarette traditionnelle. Globalement, ces résultats indiquent que même si la quantité de produits toxiques formés lors du chauffage du tabac est moindre que celle provenant de la combustion d’une cigarette conventionnelle, il reste que ce produit n’est pas totalement inoffensif et est en ce sens très différent des cigarettes électroniques présentement disponibles. Dans ces dispositifs, une solution de nicotine est chauffée à seulement 80°C à l’aide d’un atomiseur, ce qui fait en sorte que la vapeur ne contient pas les multiples molécules cancérigènes et les particules fines qui sont générées lors de la combustion du tabac. Ceci a été récemment confirmé par une étude montrant les utilisateurs de substituts nicotiniques comme la cigarette électronique sont beaucoup moins exposés à des substances chimiques toxiques et cancérigènes que les fumeurs réguliers.
L’iQOS doit donc être considéré comme une cigarette moderne, potentiellement moins nocive que l’ancienne, mais qui demeure à la base un produit du tabac. Il s’agira de savoir si elle pourra s’avérer un produit pour cesser de fumer ou plutôt, comme son nom l’indique, pour fumer autrement. Pour les fumeurs qui désirent cesser de fumer, la cigarette électronique demeure présentement une meilleure option, car son usage est associé à une diminution drastique de la quantité de toxiques absorbés et ces produits sont considérés par plusieurs d’organisations de santé publique comme une stratégie valable de réduction des risques liés au tabagisme. L’iQOS peut toutefois représenter une option pour les fumeurs qui n’aiment pas le goût des cigarettes électroniques, mais cherchent à réduire leur exposition à la fumée de cigarette.
Comparaison des concentrations de différents composés émis par l'iQOS et une cigarette conventionnelle
Composé analysé | Quantité dans tabac
chauffé (iQOS) | Quantité dans cigarette
conventionnelle | Proportion du composé
dans l'iQOS vs cigarette
conventionnelle (%) |
Composés organiques volatils
(µg par cigarette) | | |
Acétaldéhyde | 133 | 610 | 22 |
Acétone | 12 | 95,5 | 13 |
Acroléine | 0,9 | 1,1 | 82 |
Benzaldéhyde | 1,2 | 2,4 | 50 |
Crotonaldéhyde | 0,7 | 17,4 | 4 |
Formaldéhyde | 3,2 | 4,3 | 74 |
Isovaléraldéhyde | 3,5 | 8,5 | 41 |
Proprionaldéhyde | 7,8 | 29,6 | 26 |
Hydrocarbures polycycliques
(ng par cigarette) | | |
Naphtalène | 1,6 | 1105 | 0,1 |
Acénaphtylène | 1,9 | 235 | 0,8 |
Acénaphthène | 145 | 49 | 295 |
Fluorène | 1,5 | 371 | 0,4 |
Anthracène | 0,3 | 130 | 0,2 |
Phénanthrène | 2,0 | 292 | 0.7 |
Fluoranthène | 7,3 | 123 | 6 |
Pyrène | 6,4 | 89 | 7 |
Benz[a]anthracène | 1,8 | 33 | 6 |
Chrysène | 1,5 | 48 | 3 |
Benzo[b]fluoranthène | 0,5 | 24 | 2 |
Benzo[k]fluoranthène | 0,4 | 4,3 | 9 |
Benzo[a]pyrène | 0,8 | 20 | 4 |
Composés inorganiques
(ppm) | | |
Dioxyde de carbone | 3057 | >9000 | < 34 |
Monoxyde de carbone | 328 | >2000 | < 16 |
Monoxyde d'azote | 5,5 | 89,4 | 6 |
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.12 juillet 2017
L’accumulation excessive de graisse, particulièrement lorsqu’elle se produit au niveau abdominal, est un important facteur de risque de plusieurs maladies, incluant les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, les démences ainsi que plusieurs types de cancers. Pour les personnes qui souffrent d’embonpoint ou d’obésité, perdre du poids représente donc une approche très importante pour diminuer l’incidence et la progression de plusieurs de ces pathologies.
Un grand nombre d’études montrent qu’une perte de poids est effectivement associée à une amélioration significative de plusieurs aspects du métabolisme. Par exemple, une étude américaine a montré que chez des personnes en surpoids et diabétiques, une diminution du poids corporel de 5 à 10 % était associée à une amélioration notable de plusieurs facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (glycémie, pression artérielle, triglycérides, cholestérol-HDL) après une année. Ces effets positifs sont encore plus accentués lorsque la diminution de poids est plus importante, en particulier en ce qui a trait au métabolisme du sucre, mais le message à retenir est qu’une perte de poids, même relativement modeste, entraine des répercussions très positives sur la santé.
Malheureusement, perdre du poids n’est pas une « mince » affaire, car cela implique de réduire significativement l’apport calorique pendant de longues périodes. Les résultats de l’étude CALERIE (Comprehensive Assessment of Long-term Effects of Reducing Intake of Energy) montrent que c’est chose possible : dans cette étude qui s’est échelonnée sur deux années, les participants sont parvenus à diminuer de 12 % leur consommation de calories, ce qui s’est traduit par une perte de poids de 10 % et une amélioration significative de plusieurs facteurs de risque cardiométaboliques. Par contre, cette diminution de l’apport calorique était bien en deçà de celle désirée par les chercheurs (25 %), même si les participants étaient étroitement encadrés et pouvaient bénéficier des conseils de plusieurs spécialistes de l’équipe de recherche. Réduire significativement la consommation de nourriture, de l’ordre de 500 à 600 calories par jour, représente donc un objectif difficile à atteindre pour la plupart des gens, ce qui explique la difficulté bien documentée d’adhérer à long terme à l’ensemble des régimes amaigrissants qui ont été développés au cours des dernières années. En général, ces régimes sont associés à une perte de poids relativement importante à court terme, mais il est très difficile de maintenir cette perte à plus long terme et la plupart des personnes reprennent les kilos perdus (et même parfois plus) après un certain temps. Lorsqu’ils sont tentés à répétition, ces régimes créent ce qu’on appelle un effet « yo-yo » qui est non seulement décourageant, mais peut même s’avérer néfaste pour la santé : une étude récente a en effet montré que chez des patients qui avaient un historique d’événements cardiovasculaires, les fluctuations fréquentes du poids corporel étaient associées à une augmentation marquée du risque d’infarctus (117%), d’AVC (134 %) de diabète (78 %) et de mort prématurée (124 %).
Restriction sévère, mais brève
Pour contourner ces limitations, de plus en plus de scientifiques s’intéressent au jeûne comme moyen de profiter des bénéfices associés à la restriction calorique. Au lieu de diminuer uniformément la quantité de calories consommées chaque jour, ce qui semble quasi impossible à réaliser pour la majorité des gens, il s’agit plutôt de faire alterner des périodes où l’apport alimentaire est normal avec des périodes de jeûne plus ou moins prolongées. Ce qu’on appelle le « jeûne intermittent », par exemple, consiste à jeûner ou de réduire drastiquement l’apport calorique (500 calories par jour) de façon intermittente, par exemple 1 ou 2 jours par semaine. Ces jeûnes peuvent être consécutifs, comme dans le régime 5:2 (5 jours d’alimentation normale suivis de deux jours de jeûne) ou encore alternatifs (un jour sur deux, par exemple). Dans les deux cas, les études montrent que ces jeûnes intermittents sont associés à des pertes de poids et à une amélioration de plusieurs marqueurs cardiométaboliques similaires à celles obtenues suite à une restriction calorique continue et pourraient donc représenter des alternatives intéressantes.
Malgré tout, une limite inhérente à ce type de jeûnes sévères est qu’il est très difficile pour plusieurs personnes de se priver complètement de nourriture pendant 2-3 jours. Sans compter que l’élimination pure et simple de tout apport calorique peut entraîner des complications graves chez certaines personnes, en particulier chez les sujets âgés et frêles.
C’est dans ce contexte que l’équipe du Dr Valter Longo (University of South California) a eu l’idée d’élaborer un régime alimentaire qui reproduit les effets positifs du jeûne sur le corps, sans toutefois nécessiter l’abandon total de nourriture. Leurs travaux réalisés sur des souris ont montré qu’une restriction calorique moins sévère (diminution de moitié des calories) réalisée à l’aide d’un régime basé sur les végétaux, riche en gras polyinsaturés mais pauvre en protéines et en glucides, pouvait mimer les effets d’un jeûne très strict sur plusieurs facteurs de risque cardiométaboliques et était associée à une amélioration significative de l’état de santé (moins de cancers, diminution de la perte de densité osseuse, amélioration des performances cognitives) ainsi que de l’espérance de vie des animaux. Appelée « fast-mimicking diet » (FMD), cette nouvelle forme de restriction calorique pourrait donc représenter une nouvelle approche non seulement pour perdre du poids, mais également améliorer la santé en général.
Le potentiel de cette stratégie est bien illustré par les résultats d’une étude clinique de phase 2 récemment publiés dans Science Translational Medicine. Les 100 participants de l’étude ont été séparés en un groupe contrôle, qui mangeaient comme à l’habitude, et un groupe expérimental auquel était prescrit la FMD pendant 5 jours consécutifs chaque mois, pendant une période de 3 mois. Après coup, les deux groupes ont été inversés, c’est-à-dire que les participants du premier groupe contrôle ont testé la FMD, tandis que les volontaires du groupe expérimental sont revenus à leurs habitudes alimentaires habituelles.
Les résultats obtenus sont vraiment intéressants. Une semaine après la fin du troisième cycle de restriction calorique à l’aide de la FMD, les participants avaient perdu en moyenne 3 kilos, affichaient une diminution de leur tour de taille (3 cm) et présentaient une amélioration de la pression artérielle comparativement au group contrôle (- 4 mm Hg). Des effets positifs de la restriction calorique sur la glycémie à jeun, le profil lipidique (triglycérides, cholestérol), les taux de protéines inflammatoires (C-reactive protein) et de certains facteurs de croissance comme l’IGF-1 (impliqué dans le développement du cancer) ont également été observés, en particulier chez les personnes qui présentaient au départ des anomalies dans ces marqueurs. Par exemple, les participants prédiabétiques au début de l’étude avaient une glycémie revenue à la normale après l’intervention.
La restriction calorique à l’aide la FMD est encore au stade expérimental et d’autres études sont nécessaires pour mieux évaluer ses impacts à plus long terme. En attendant, une chose est sûre: la plupart des maladies chroniques qui touchent actuellement la population sont une conséquence d’une surconsommation de nourriture et il n’y a que des avantages à manger moins, ne serait-ce que quelques jours par mois.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.11 juillet 2017
En 2006, la
Food and Agriculture Organisation (FAO) des Nations unies a créé une onde de choc en publiant un
rapport très étoffé démontrant que l’élevage d’animaux pour la production de viandes était responsable de plus d’émissions de gaz à effets de serre (GES) que toute l’industrie des transports (Figure 1).

Figure 1. Répartition des émissions de GES entre les secteurs économiques. Source : rapport de la FAO.
Selon la FAO, l’industrie de l’élevage et de la production laitière produit 18 % de tous les GES : 9 % de tout le CO
2, 37 % du méthane (qui a un pouvoir de réchauffement au moins 25 fois plus grand que le CO
2) et 65 % de l’hémioxyde d’azote (voir tableau 7.1 du
rapport de la FAO). De plus, l’industrie de l’élevage constitue la principale source de pollution de l’eau, autant dans les pays développés que dans les pays émergents. Cette évaluation de la FAO a été confirmée par la suite par d’autres organisations.
À titre d’exemple, dans son
rapport de 2014 sur les changements climatiques, le groupe d’experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que 25 % des GES sont le résultat de l’agriculture, l’élevage et de la déforestation qui en résulte. Une autre
équipe estime également que le chiffre est d’au moins 25 % de tous les GES. Il est donc clairement établi que l’élevage du bétail est la principale cause de ces émissions, en particulier le fumier et le méthane produit par les ruminants, qui sont responsables à eux seuls de plus de la moitié des GES (Figure 2).

Figure 2. Principales sources de GES dérivés de l’élevage intensif du bétail. Source : rapport de la FAO.
Le secteur de l’élevage consomme aussi beaucoup plus de protéines qu’il n’en produit : la consommation de protéines nécessaires pour nourrir les animaux d’élevage est d’environ 77 millions de tonnes alors que les aliments produits par la viande de ces animaux n’en fournissent que 58 millions, un déficit de 19 millions de tonnes qui pourraient servir à nourrir des humains. Sans compter que l’élevage représente 70 % de la surface mondiale des terres agricoles et 30 % des surfaces émergées de la planète.
En Amazonie l’élevage intensif est la principale cause de déforestation. Comme il est prévu que la consommation mondiale de viande va plus que doubler d’ici 2050, les conséquences sur le réchauffement climatique seront désastreuses et vont certainement annuler les effets positifs obtenus par la réduction de notre consommation de pétrole. La solution n’est pas simple, car l’industrie de l’élevage est une source de revenus pour un très grand nombre de personnes dans le monde et particulièrement dans les pays pauvres, où l’on estime qu’il fournit un moyen de subsistance à près d’un milliard de personnes.
Consommation de viandes dans le monde
La consommation mondiale d’aliments d’origine animale est en forte hausse depuis quelques dizaines d’années, en particulier les viandes rouges, mais aussi les produits laitiers, les viandes blanches et les viandes transformées. De 1961 à 2011, la consommation de viandes a augmenté de 86 % dans le monde, 34 % aux États-Unis, 71 % en Inde et 1442 % (!) en Chine. En Inde, le 2e pays le plus populeux au monde avec 1,32 milliard d’habitants, dont 1/3 sont végétariens, la quantité de viande consommée quotidiennement en moyenne par personne (29 g/j, voir Figure 3) est bien moindre qu’aux États-Unis (381 g/j) ou que dans le monde en général (173 g/j). La Chine est en voie de rejoindre les pays développés pour la quantité de viande consommée par personne (254 g/j en 2011), principalement de la viande de porc et des produits de la mer. La Chine comptant 1,38 milliard d’habitants, ce pays est devenu un des principaux consommateurs de viande (Figure 4), avec près de la moitié de la viande de porc consommée dans le monde.

Figure 3. Consommation quotidienne de viandes par habitant en 2011. Selon la FAO.

Figure 4. Consommation totale de viandes dans le monde, aux États-Unis, en Chine et en Inde en 2011. Selon la FAO.
Diminuer la consommation de viandes pour la santé des humains et de la planète
En 2011, la consommation de viande dans le monde comptait pour 9 % des calories totales ingérées quotidiennement, 13 % aux États-Unis, 17 % en Chine, mais seulement 1 % en Inde. En Chine, le nombre d’adultes qui consomment plus de 10 % de leurs calories sous forme de viandes a augmenté de 39 % en 1989 à 67 % en 2006. Or il est recommandé, pour prévenir le cancer et la maladie cardiovasculaire, de limiter sa consommation de gras saturés à moins de 10 % des calories totales ingérés quotidiennement et même jusqu’à moins de 5-6 % pour les personnes qui ont une cholestérolémie élevée. Les pays riches devront donc réduire considérablement la consommation d’aliments d’origine animale et se tourner davantage vers le végétarisme ou les viandes maigres et les produits laitiers à teneur réduite en matière grasse. Plusieurs experts recommandent qu’on puisse au moins réduire l’augmentation prévue de notre consommation de viande, ce qui aurait un impact très important sur le réchauffement climatique et en même temps sur la santé des populations.

Figure 5. Réduction projetée des émissions de GES par l’adoption d’une alimentation méditerranéenne, pescétarienne (pesco-végétarienne) ou végétarienne. D’après Tilman et Clark, Nature, 2014.
Par exemple, une
étude récente estime que l’adoption d’une alimentation de type méditerranéenne pourrait réduire la hausse prévue de GES en 2050 de 60 %, tandis que le pescétarisme ou pesco-végétarisme (végétarisme avec consommation de poissons) et le végétarisme pourraient complètement annuler cette hausse, et même entraîner des émissions plus faibles qu’aujourd’hui (Figure 5), et ce, tout en réduisant significativement la mortalité liée aux maladies chroniques (
cardiovasculaire, diabète et cancer).
L’agriculture biologique : mieux pour l’environnement ?
Des chercheurs américains ont fait une analyse comparative des impacts environnementaux des différents systèmes de production utilisés en agriculture. Selon une méta-analyse incluant 742 systèmes agricoles, les systèmes de production biologiques requièrent davantage de terres, causent plus d’eutrophisation (accumulation de nutriments dans le milieu), utilisent moins d’énergie, mais émettent autant de GES que l’agriculture conventionnelle.
L’élevage de bœufs exclusivement nourris à l’herbe et au foin requière plus de surface de terres et émet autant de GES que l’élevage aux grains. Ce sont les aliments produits à partir de plantes qui ont un impact le moins important sur l’environnement. Les œufs, produits laitiers, la viande de porc, la volaille et les produits de la mer ont impact intermédiaire, de 2 à 25 fois plus élevé que les plantes par kilocalorie d’aliment produit. L’impact de la viande de ruminants sur l’environnement est le plus important : de 20 à 100 fois plus élevé que pour les aliments produits à partir de plantes.
La pêche par chalutage émet 2,8 fois plus de GES que la pêche sans chaluts, à cause des grandes quantités de carburants nécessaires pour tirer les chaluts sur les fonds marins. L’aquaculture qui représente 45 % de la production mondiale de poissons pourrait être une solution de rechange à la pêche de poissons sauvages selon la FAO, particulièrement les systèmes d’aquaculture sans recirculation (étangs, rivières, fjords, etc.) puisqu’ils nécessitent moins d’énergie et produisent moins de GES que les systèmes à recirculation (dans des réservoirs munis de pompes et de filtres) ou que la pêche par chalutage. Les auteurs de cette étude suggèrent que de combiner les bienfaits des différents systèmes de production permettrait une pratique plus durable de l’agriculture, par exemple réduire l’utilisation d’engrais chimiques tout en conservant la productivité élevée des systèmes conventionnels. Des changements dans la diète vers des aliments à faible impact sur l’environnement (aliments à base de plantes) et l’augmentation de l’efficacité de l’utilisation des intrants (engrais, amendements, produits phytosanitaires) apporteraient davantage de bénéfices environnementaux qu’un virage vers des systèmes d’agricultures alternatifs tels que l’agriculture biologique et l’élevage de bœufs nourris à l’herbe.
Plusieurs scientifiques sont maintenant d’avis qu’une diminution de notre consommation de produits d’origine animale pourrait bénéficier autant à la santé des populations qu’à celle de la planète (voir par exemple ici et ici). De plus, selon une analyse économique les réductions de coûts pour les systèmes de santé seraient aussi (sinon plus) importantes que les bénéfices économiques liés à l’amélioration des changements climatiques. Compte tenu de l’importance de l’industrie de l’élevage sur les GES, il est surprenant de voir à quel point cet enjeu est rarement discuté dans les grands sommets sur le climat. Il s’agit évidemment d’un enjeu complexe et pointer du doigt tout le secteur de l’élevage et de la production laitière, comme on le fait pour l’industrie du pétrole, est difficile pour les politiciens : il faudrait non seulement toucher à un secteur très important de l’économie, mais aussi cibler des habitudes de consommation très ancrées. Suggérer aux gens de manger moins de viande est beaucoup plus délicat que de leur demander de consommer moins de pétrole.
En conclusion, il est bien démontré qu’une alimentation plus riche en produits végétaux et moins riche en protéines animales comporte des avantages autant pour la santé des individus que pour celle de la planète.