Les régimes faibles en glucides sont-ils réellement la meilleure solution pour perdre du poids ?

Les régimes faibles en glucides sont-ils réellement la meilleure solution pour perdre du poids ?

Mis à jour le 11 septembre 2018

L’augmentation fulgurante du poids corporel de la population au cours des 40 dernières années est en voie de devenir le principal problème de santé publique de notre génération. Phénomène autrefois très rare, la prévalence de l’obésité est en forte progression dans la majorité des pays du monde, atteignant 5 % chez les enfants (108 millions) et 12 % chez les adultes (604 millions) à l’échelle mondiale en 2015. Au Canada, la situation est encore pire, avec pas moins de 62 % de la population adulte qui est en surpoids, dont 27 % qui sont obèses. Et la situation ne va pas en s’améliorant, car nous figurons également dans les premières places du palmarès des pays présentant le plus fort taux de surpoids chez les enfants et adolescents, avec 15 % des jeunes garçons et 10 % des jeunes filles qui sont obèses.

Ces statistiques sont réellement alarmantes, car le surpoids, et plus particulièrement l’obésité, représente un important facteur de risque d’un large éventail de maladies chroniques, incluant les maladies  cardiovasculaires, le diabète de type 2, au moins 13 types de cancers et divers désordres musculosquelettiques.  Ces répercussions négatives du surpoids commencent d’ailleurs déjà à se faire sentir : aux États-Unis, où la prévalence de l’obésité est l’une des plus élevées au monde, un rapport des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) signalait récemment une diminution de l’espérance de vie, conséquence entre autres des effets de l’obésité sur les maladies cardiovasculaires. En d’autres mots, la montée vertigineuse du nombre de personnes en surpoids est en train de contrecarrer les bénéfices procurés par la diminution du tabagisme au cours des dernières années, avec des conséquences désastreuses autant pour la qualité que l’espérance de vie de la population.

Perdre du poids, c’est difficile

Fondamentalement, le surpoids est le résultat d’un déséquilibre causé par une consommation de calories qui excède les besoins énergétiques du corps.  Le traitement de l’obésité est donc en théorie relativement simple : il s’agit de rétablir une balance entre l’apport et la dépense calorique, par exemple en mangeant moins et en bougeant plus, ce qui cause un déficit énergétique qui va mener avec le temps à une dissipation des calories excédentaires accumulées sous forme de graisse et donc à une perte de poids.

En réalité, perdre du poids, et surtout maintenir ces pertes à long terme, représente une tâche extrêmement difficile que la majorité des personnes en surpoids ne parviennent pas à accomplir avec succès.  Par exemple, lors d’une étude randomisée sur l’impact de quatre régimes populaires (Atkins, Zone, Weight Watcher et Ornish), les chercheurs ont noté que les pertes de poids obtenues par chacun de ces régimes étaient relativement modestes (de l’ordre de 2-3 kg), un insuccès qui s’explique en grande partie par le très fort taux d’abandon des participants. Des pertes de poids plus importantes, de l’ordre de 20 kg, peuvent être obtenues à court terme à l’aide de régimes encore plus sévèrement carencés en calories, mais encore ici l’adhésion à ces régimes extrêmes est très faible et ces pertes sont rapidement suivies d’un regain de poids. Il s’agit d’un problème majeur, car l’obésité est une condition chronique dont le traitement requiert des pertes de poids soutenues sur de longues périodes pour diminuer significativement les risques de développer la panoplie de problèmes qui découlent du surpoids.

Cette difficulté à perdre du poids est due au fait que l’apport et la dépense calorique sont des phénomènes interreliés, qui s’influencent l’un et l’autre dans le but de maintenir un poids corporel stable.  En pratique, cela signifie qu’une modification de la balance énergétique, qu’elle provienne d’une diminution de l’apport calorique et/ou d’une augmentation du niveau d’activité physique, est contrecarrée par une série d’adaptations physiologiques qui cherchent à résister à la perte de poids, par exemple en diminuant le métabolisme de base. En conséquence, même si une personne parvient à créer un déficit énergétique en mangeant moins ou en étant plus active, ce déficit est la plupart du temps annulé par une diminution correspondante de l’énergie dépensée par le corps ou encore par une augmentation de l’appétit pour compenser les calories manquantes.  La difficulté de perdre du poids n’est donc pas une question d’un quelconque manque de volonté, comme encore trop de gens le pensent, mais plutôt une conséquence de la résistance farouche de notre métabolisme envers tout ce qui est susceptible de provoquer une perte de poids.

Régimes faibles en glucides

Au cours des dernières années, il a été proposé que les régimes faibles en glucides mais riches en gras (« low-carb, high-fat », ou LCHF) pourraient s’avérer une solution pour contourner ces mécanismes de « défense » du corps et favoriser la perte de poids (voir l’encadré pour un résumé des aspects scientifiques de cette approche).  Puisque les glucides provoquent une hausse marquée des taux d’insuline, l’hormone impliquée dans la conservation de l’énergie stockée sous forme de graisse, il est proposé qu’une alimentation faible en glucides pourrait diminuer ces taux d’insuline et ainsi permettre au corps de mobiliser les graisses emmagasinées dans le tissu adipeux et de les utiliser comme source d’énergie. Selon ce modèle, cette utilisation accrue des graisses permettrait une augmentation de métabolisme (aux environs de 500 kcal/ jour) et devrait donc permettre une perte importante de poids.

Au Canada, le guide alimentaire recommande la consommation d’environ 300 g de glucides par jour, ce qui correspond à 1200 calories, soit 60 % du total consommé par un adulte moyen (2000 calories). Dans un régime faible en glucides, cette proportion se situe aux environs de 20 % des calories totales (100 g de glucides) et peut même diminuer jusqu’à 5 % des calories (20 g de glucides, soit l’équivalent d’une seule tranche de pain) dans les régimes cétogènes.

Le principe à la base des régimes « low-carb » est que les calories provenant des glucides favorisent plus l’accumulation d’un excès de poids que celles provenant des matières grasses.  Autrement dit, ce n’est pas tellement la quantité, mais surtout le type de calories consommées qui serait important pour perdre du poids. Cette hypothèse est basée sur deux effets bien documentés de l’insuline sur le métabolisme :

1) lorsque l’alimentation est riche en glucides, l’insuline sécrétée par le pancréas permet aux cellules adipeuses de capter les sucres libérés dans le sang et de les transformer en graisse pour usage futur.

2) en parallèle, l’insuline bloque l’utilisation de ces calories accumulées dans le tissu adipeux et empêche donc la perte de poids.  Ces actions de l’insuline font en sorte que le tissu adipeux accumule non seulement un excès de calories, mais que ces calories ne peuvent même pas être utilisées pour soutenir les besoins énergétiques du corps.

Autrement dit, même s’il y a un surplus d’énergie stockée, l’organisme est en famine !  En réponse à cette carence, le corps réduit son métabolisme de base pour économiser de l’énergie (ce qui contribue à empêcher l’utilisation des calories en excès) et augmente en parallèle l’appétit pour obtenir les calories nécessaires au maintien de ces fonctions.   Il y a donc l’établissement d’un cercle vicieux, dans lequel un excès de glucides mène au surpoids, tandis que ce surpoids entraine à son tour une augmentation de la consommation de nourriture. Ce modèle expliquerait la hausse du poids corporel observé chez un grand nombre de personnes diabétiques qui sont traitées à l’insuline.

L’impact des régimes « low-carb » sur le poids corporel a fait l’objet d’un très grand nombre d’études cliniques randomisées au cours des deux dernières décennies.  En général, ces études montrent qu’à court terme (3 à 6 mois), les personnes obèses ou souffrant d’obésité morbide qui sont soumises à ces régimes subissent une perte de poids importante, supérieure à celles obtenues par des régimes hypocaloriques traditionnels (faibles en gras, par exemple). Dans la majorité des cas, par contre, cette perte de poids est transitoire et s’atténue considérablement avec le temps : lorsqu’on comptabilise les kilos perdus 2 ans après le début des différents régimes, la différence est minime et n’est pas assez importante pour avoir des impacts cliniques significatifs (Figure 1).

 

Figure 1.  Comparaison des pertes de poids obtenues à l’aide de régime faibles en glucides ou en gras sur une période de 2 ans.  Adapté de Foster (2010).

 

Plusieurs méta-analyses des essais cliniques randomisés comparant le poids perdu à l’aide de régimes « low-fat » et « low-carb » ont confirmé cette légère supériorité  des régimes « low-carb », mais indiquent que la perte de poids supplémentaire provoquée par ces régimes est relativement modeste, aux environs de 1-2 kg (Tableau 1).

Méta-analysesNombre d’études randomisées inclusesNombre total de participantsRégime associé à la plus grande perte de poidsPerte de poids supplémentaire (kg)
Nordmann et coll. (2006)5447Faible en glucides1,0
Hession et coll. (2009)71222Faible en glucides1,05
Bueno et coll. (2013)131415Faible en glucides0,91
Tobias et coll. (2015)182736Faible en glucides1,15
Sackner-Bernstein et coll. (2015)171797Faible en glucides2,04
Mansoor et coll. (2016)111369Faible en glucides2,17
Meng et coll. (2017)8734Faible en glucides0,94

Tableau 1. Résumé des méta-analyses comparant les pertes de poids obtenues avec des régimes faibles en glucides (low-carb) ou faibles en gras (low-fat).

Pour expliquer ces résultats décevants, il faut tout d’abord mentionner que la théorie sur laquelle sont basés les régimes « low-carb », c’est-à-dire qu’une baisse d’insuline augmente la dépense énergétique du corps et le métabolisme des graisses, semble inexacte.  Lorsque les chercheurs ont rigoureusement mesuré les dépenses énergétiques en réponse à des régimes contenant soit des faibles quantités de gras ou de glucides, ils ont observé que l’augmentation du métabolisme par le régime « low-carb » est très faible et n’a pas d’effet majeur sur la perte de poids. En réalité, c’est même la situation inverse : à calories égales, les pertes de poids sont légèrement plus importantes pour les personnes soumises à un régime faible en gras qu’à un régime faible en glucides.

Il ne semble donc pas y avoir d’avantages majeurs à restreindre préférentiellement l’apport en glucides pour favoriser la perte de poids. Même si elles sont parfois importantes, les pertes de poids qui se produisent au cours des premiers mois de ces régimes ont tendance à disparaître avec le temps pour devenir similaires à celles obtenues par l’ensemble des régimes hypocaloriques.  Le plus important demeure de restreindre l’apport total en calories, qu’elles  proviennent des glucides ou des matières grasses.  D’ailleurs, les études montrent que les personnes qui suivent assidument des régimes hypocaloriques pendant au moins 2 ans parviennent à maigrir de façon significative, que ces régimes soient riches ou non en glucides, lipides ou protéines.

Impact sur la santé cardiovasculaire

Plusieurs études se sont penchées sur l’impact des régimes low-carb sur les facteurs de risque cardiovasculaire et, encore ici, les résultats ne semblent pas indiquer d’avantages marqués comparativement aux régimes hypocaloriques conventionnels. À court terme, les études montrent que les régimes « low-carb » augmentent les taux de cholestérol HDL et diminuent les triglycérides, ce qui est positif, mais augmentent en parallèle les taux de cholestérol LDL (en raison d’un apport plus élevé en gras saturés), ce qui est négatif. Par contre, ces effets disparaissent avec le temps et n’ont donc probablement pas de répercussions cliniques majeures. Il faut toutefois noter que la hausse des taux de cholestérol HDL observée en réponse au régime « low-carb » se maintient à plus long terme et demeure environ deux fois plus élevée que chez les personnes soumises à un régime « low-fat ».  Une augmentation des taux de HDL est généralement considérée comme bénéfique pour la santé cardiovasculaire, mais l’impact réel de cette hausse dans un contexte où l’apport en graisses saturées est élevé (comme c’est le cas dans les régimes « low-carb ») demeure à être établi.   Globalement, on peut penser que c’est la perte de poids qui est le plus important pour améliorer la santé cardiovasculaire des personnes qui souffrent d’obésité, quel que soit le régime utilisé pour y parvenir.

Variations interindividuelles

Il est important de mentionner que tous les résultats des études mentionnées ici représentent les pertes de poids moyennes observées chez une population soumise à un régime amaigrissant donné.   Mais dans chacun de ces groupes, il y a d’énormes différences dans la réponse à ces régimes, certaines personnes perdant beaucoup de poids, d’autres moins, tandis que certaines vont même jusqu’à engraisser. Ce phénomène est observé pour tous les régimes, qu’ils soient faibles en glucides ou en lipides (Figure 2).

Figure 2. Distribution des variations de poids pour chacun des participants d’une étude comparant l’efficacité de régimes faibles en glucides (Atkins) ou en gras (Ornish).  Adapté de Gardner (2012).

On ne connaît pas encore tous les facteurs qui sont responsables de ces importantes variations, mais il est probable qu’elles reflètent l’hétérogénéité du métabolisme humain et ses réponses très différentes face à la nourriture.  On sait par exemple que les réponses glycémiques postprandiales (un facteur de risque de maladie cardiovasculaire et de mort prématurée) varient considérablement d’une personne à l’autre, même lorsqu’elles mangent exactement le même repas.   Une foule de facteurs ont été proposés pour expliquer ce phénomène (cycle éveil-sommeil, heure des repas, niveau d’activité physique, composition du microbiome intestinal), mais un des plus importants est certainement le degré de sensibilité à l’insuline. Plusieurs études ont rapporté que les personnes insulino-résistantes (diabétiques et prédiabétiques) perdaient plus de poids avec un régime faible en glucides qu’avec un régime faible en graisses, alors qu’à l’inverse, les régimes faibles en gras fonctionneraient mieux chez celles qui ont une meilleure sensibilité à l’insuline. Les avantages du régime « low-carb » chez cette population ne semblent cependant pas se limiter à la perte de poids :  une étude récente a montré que comparativement à un régime faible en gras, un régime faible en glucides dans lequel les matières grasses étaient principalement insaturées provoquait une meilleure amélioration du profil lipidique, de la glycémie de même qu’une réduction de la médication chez des patients obèses et diabétiques, et ce en dépit d’une perte de poids similaire. Il est donc possible que les régimes faibles en glucides représentent une avenue prometteuse pour le traitement optimal du diabète de type 2.

Il est aussi possible qu’une alimentation faible en glucides puisse exercer des effets positifs additionnels.  Par exemple, il a été suggéré que la consommation élevée d’aliments riches en glucides augmentait préférentiellement l’accumulation de graisses au niveau viscéral et hépatique, ce qui hausse du même coup le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2 .  Il a été aussi proposé qu’une alimentation très pauvre en glucides pourrait diminuer l’appétit en augmentant les taux sanguins de corps cétoniques. Les régimes « low-carb » sont aussi souvent associés à une plus forte consommation de protéines, ce qui pourrait contribuer à augmenter le sentiment de satiété et ainsi diminuer l’apport calorique total.

En somme, il n’y a pas de solution universelle à la perte de poids et les régimes faibles en glucides peuvent s’avérer un outil intéressant pour aider certaines personnes à maigrir. Un avantage de ces régimes est l’élimination des sources de sucres simples (sucreries, boissons gazeuses, aliments à base de farines raffinées) qui n’apportent rien d’utile pour la santé et sont reconnues pour favoriser le surpoids et le développement de plusieurs maladies chroniques.  Par contre, un inconvénient majeur est qu’ils limitent l’apport en certains aliments d’origine végétale reconnus pour  avoir des impacts très positifs sur la prévention des maladies cardiovasculaires et la santé en général comme les fruits, les légumineuses et les produits à base de grains entiers.

Un autre aspect négatif des régimes « low-carb » est qu’ils préconisent souvent un apport élevé en graisses animales saturées (viandes rouges, charcuteries, produits laitiers) qui augmentent les taux de cholestérol-LDL, un important facteur de risque de maladie cardiovasculaire. Des résultats récents indiquent d’ailleurs que ce type d’alimentation peut s’avérer néfaste pour la santé: par exemple, une étude a montré que les personnes dont l’apport en glucides était inférieur à 40 % des calories totales avaient un risque de mort prématurée 20 % plus élevé que chez celles où l’apport en glucides représentaient 50-55 % des calories totales. Cette hausse du risque n’est cependant observée que chez les personnes qui remplacent les glucides par des sources de protéines et de gras animal; lorsque les glucides sont remplacés par des aliments d’origine végétale, on observe au contraire une diminution (18 %) du risque de mort prématurée.

Ces observations sont en accord avec plusieurs études montrant  que la substitution des gras saturés par des graisses insaturées est associée à une diminution marquée du risque d’événements cardiovasculaires et de la mortalité (Figure 3). Les personnes qui désirent adopter une approche « low-carb » ont donc tout avantage à limiter la consommation de gras saturés et de se tourner plutôt vers des sources de gras polyinsaturés (avocats, poissons gras, noix, graines de lin, etc.) comme principales sources de lipides en raison de l’effet cardioprotecteur bien documenté de ces graisses.

Figure 3. Variation du risque de mortalité prématurée selon la proportion des différentes formes de gras dans l’alimentation.

La sédentarité et les risques pour la santé

La sédentarité et les risques pour la santé

L’inactivité physique et la mauvaise alimentation sont devenues des enjeux de santé publique majeurs puisque, combinées, ces deux mauvaises habitudes de vie sont la deuxième cause réelle de mortalité après le tabagisme aux États-Unis. L’inactivité physique est aussi associée à un risque accru de développer ou d’aggraver des maladies chroniques telles que l’insuffisance cardiaque, les maladies cardiovasculaires, l’accident vasculaire cérébral, le diabète de type 2, l’hypertension, certains cancers et l’ostéoporose. Au Canada, 76 % des hommes adultes et 79 % des femmes adultes ne font pas le minimum d’activité physique recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé, soit 150 minutes/semaine, et les adultes canadiens passent en moyenne 9 heures et 48 minutes de leur période d’éveil à faire des activités sédentaires. Les travaux de recherche récents sur l’activité physique suggèrent qu’il n’est plus suffisant de suivre les recommandations minimales des organismes de santé publique pour réduire au minimum le risque de maladie cardiovasculaire. L’inactivité physique et le comportement sédentaire ont chacun des effets sur la santé qui leur sont propres et qui doivent être abordés séparément si l’on veut mieux comprendre leurs mécanismes distincts.

Selon une revue systématique et une méta-analyse portant sur 16 études prospectives et 2 études transversales auprès de 794 577 participants, les personnes très sédentaires avaient un risque 112 % plus élevé de souffrir du diabète que les personnes peu sédentaires, un risque 147 % plus élevé d’événement cardiovasculaire, un risque 90 % plus élevé de mortalité due à une maladie cardiovasculaire et un risque 49 % plus élevé de mortalité, toutes causes confondues. Une autre étude sur les comportements sédentaires (conduite automobile et regarder la télévision) a été réalisée aux États-Unis de 1989 à 2003 auprès de 7744 hommes âgés de 20 à 89 ans et qui n’avaient aucun antécédent de maladie cardiovasculaire. Les participants qui ont déclaré conduire leur voiture plus de 10 h/semaine, ou s’adonner aux deux comportements sédentaires (conduire et regarder la télévision) plus de 23 h/semaine, avaient un risque 82 % et 64 % plus élevé de mourir d’une maladie cardiovasculaire que ceux qui ont déclaré conduire moins de 4 h/semaine ou conduire et regarder la télévision moins 11 h/semaine, respectivement. Les participants qui étaient physiquement actifs (au travail et dans les loisirs), mais qui avaient autrement un comportement sédentaire, était moins à risque de mourir d’une maladie cardiovasculaire que ceux qui étaient à la fois sédentaires et inactifs physiquement. De plus, avoir une tension artérielle normale, un poids normal et être plus âgé étaient associés à un risque moindre de mortalité due à une maladie cardiovasculaire.

« L’activité physique » a été définie comme n’importe quel mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui requièrent une dépense d’énergie et « l’exercice » comme une sous-catégorie de l’activité physique. L’exercice implique un comportement structuré et répété dans le but de maintenir ou d’améliorer la forme physique. Une méthode qui permet d’estimer plus précisément l’intensité d’une activité physique consiste à appliquer la méthode de l’équivalent métabolique (Metabolic Equivalent of Task, MET). Une unité de MET correspond à l’énergie dépensée au repos. L’activité physique peut donc être considérée de faible intensité (<3 METs), d’intensité moyenne (3-6 METs) et de forte intensité (>6 METs). Définir ce qu’est un « comportement sédentaire » ou « l’inactivité physique » est plus difficile et tous ne s’entendent pas sur leurs définitions. La mesure objective de l’activité physique, en utilisant un moniteur d’activité physique de type accéléromètre par exemple, permet de mieux évaluer les comportements sédentaires qu’avec les données obtenues par questionnaires. L’accélérométrie permet aux chercheurs d’enregistrer quotidiennement le temps que les participants consacrent à des activités de tous les niveaux d’intensité : sédentaire, léger, modéré et intense. Pour illustrer l’utilité de cette technique, Pate et al. présentent les cas de deux personnes qui ont des profils d’activité très différents. Le sujet A pourrait être considéré comme une personne sédentaire dans plusieurs études puisqu’il ne pratique pas d’activité physique modérée ou intense pendant au moins 30 minutes par jour. Cependant, si l’analyse des données d’accélérométrie montre que cette personne était sédentaire pendant 25 % de la journée, elle menait des activités de faible intensité pendant environ 75 % de cette journée. Le sujet B pourrait être considéré comme une personne active dans la plupart des études, car il fait durant la journée une activité physique d’intensité moyenne à intense durant 1 heure. Les données de l’accéléromètre montrent toutefois que le sujet B passe la majeure partie de la journée (70 %) dans la sédentarité (assis sur une chaise par exemple) ou qu’il se livre à des activités physiques de faible intensité (23 %). Au total le sujet A, considéré « inactif » selon des critères classiques, a dépensé plus d’énergie (26,3 METs) que le sujet B considéré « actif » (23,6 METs).

Une étude sur les comportements sédentaires des Américains âgés de 45 ans et plus a montré qu’une large proportion du temps d’occupation sédentaire total est cumulée sur de longues périodes ininterrompues. Les participants à cette étude passaient en moyenne plus de 11 heures de leur journée dans la sédentarité et tout près de la moitié de ce temps sédentaire était cumulé sur des périodes de 30 minutes ou plus. Les périodes de sédentarité de plus de 20, 30, 60 et 90 minutes représentaient 60 %, 48 %, 26 % et 14 % du temps total de sédentarité, respectivement. Plusieurs facteurs incluant l’âge avancé, le sexe masculin, l’obésité, la saison hivernale et de faibles niveaux d’exercice physique étaient associés à des comportements sédentaires prolongés. Des études menées en laboratoire ont montré que de longues périodes de sédentarité ininterrompues ont des effets cardiométaboliques, suggérant que ce n’est pas seulement le temps total de sédentarité qui est important pour le risque de maladie cardiovasculaire, mais aussi de quelle manière ce temps est cumulé.

Les données d’une étude épidémiologique semblent confirmer cette hypothèse puisque les adultes dont la sédentarité s’étendait sur de longues périodes ininterrompues avaient un profil cardiométabolique moins favorable (tour de taille plus grand, taux de HDL-choléstérol moins élevé et autres marqueurs) comparé à celui des personnes qui interrompent leurs périodes de sédentarité, indépendamment de la durée totale de sédentarité. Une étude récente réalisée auprès de 7985 personnes âgées de 45 ans ou plus indique que le risque de mortalité augmente non seulement avec le nombre d’heures de sédentarité, mais aussi avec la durée de chacune des périodes de sédentarité ininterrompues. Les personnes à la fois très sédentaires (≥12,5 h par jour) et durant de longues périodes ininterrompues (≥ 10 min/période) avaient le risque de mortalité le plus élevé.

Passer de longues périodes de temps en position assise est très répandu dans nos sociétés modernes et cela ne pourra qu’augmenter avec les innovations technologiques et sociales à venir. En plus de promouvoir la pratique d’exercices physiques réguliers, les organismes de santé publique devront probablement aussi inclure dans leurs directives la diminution du temps sédentaire et souligner l’importance de prendre des pauses « actives ». Il est important de noter que faire des pauses ne veut pas dire nécessairement faire de l’exercice, mais peut consister par exemple à marcher pendant une minute, aller boire un verre d’eau ou faire une petite tâche ménagère pour ceux qui travaillent à la maison. Ce n’est pas plus difficile que cela !

Verdir nos cités : le témoignage d’un cardiologue

Verdir nos cités : le témoignage d’un cardiologue

Le cardiologue que je suis est très heureux d’aller à la rencontre des urbanistes. Au CHUM et à l’université de Montréal, nous recevons une multitude d’étudiants de l’étranger et à la question : « Qu’est-ce qui est le plus beau à Montréal? »; la réponse est à la quasi-unanimité : « vos parcs ».  Hommage donc à Frederick Law Olmsted qui a conçu l’aménagement du mont Royal, lui qui avait déjà Central Park à son actif. Hommage au frère Marie-Victorin qui a fondé le Jardin botanique. Hommage à tous ceux qui ont protégé le Parc Nature de la Visitation et bien d’autres sites naturels urbains.

La démonstration des vertus de l’arbre sur le plan environnemental et sanitaire urbain n’est plus à faire. Outre l’incontestable effet esthétique et d’harmonie, le cardiologue y voit une mesure immédiate de santé publique. Le verdissement planifié en profitant judicieusement des avantages terrains crée un milieu propice et sain. Montréal est-il si vert? Pas sûr. Si non, pourquoi augmenter le vert dans tout projet urbanistique?

Parce que le vert, c’est une réponse aux changements climatiques.

Mike Carney l’a dit à la Lloyds: les Katrina, Fort-McMurray se multiplient et les primes d’assurance explosent même dans des secteurs d’ordinaire calmes, ébranlant les fondements de l’économie. La reforestation urbaine et rurale est l’une des mesures prescrites par l’OMS, l’ONU et le Lancet Commission comme capteur de carbone et atténuation des extrêmes de température d’où un besoin moindre en énergie.

Parce que le vert, c’est de la santé et de l’équité sociale

Toutes les études épidémiologiques le confirment : le vert améliore tous les paramètres de santé, allant des aspects sociétaux (moins de criminalité, plus de convivialité) et psychologiques (relaxation, humeur, concentration, activité cérébrale) jusqu’aux conditions pulmonaires et cardiovasculaires. Les résultats de deux études en particulier sont spectaculaires. Dans un article du journal The Lancet publié en 2008, deux scientifiques écossais, R. Mitchell et F. Popham, démontraient que pour 40 millions de Britanniques suivis sur 5 ans, vivre en milieu vert fait baisser de moitié la différence de mortalité cardiovasculaire observée entre pauvres et riches vivant en milieu urbain minéralisé. Et la mortalité globale est plus basse de 6 % en milieu vert, toutes classes confondues. On attribue cette différence entre autres à la grande faculté qu’ont les arbres de dépolluer et filtrer l’air, ce que confirme par une étude menée à l’échelle des États-Unis par David J Nowak, démontrant que les arbres extirpent annuellement 17 millions de tonnes de smog de l’air que respirent nos voisins. Cette réduction active de la pollution prévient des soins de santé qui auraient couté 6,8 milliards de dollars US.

Parce que le vert, c’est de l’argent

En 2014, les Services économiques de la Toronto Dominion se sont penchés sur la valeur de la forêt urbaine de quatre grandes villes canadiennes en termes de bienfaits et de services – régulation des eaux, purification de l’air, économie d’énergie, séquestration du carbone – et les conclusions sont surprenantes. Le taux de canopée (surface d’arbres mesurée par satellite) est de 27% à Toronto, de 41% à Halifax, de 44% à Vancouver alors que Montréal est bonne dernière à 20 %. Selon cette étude, les valeurs estimées de ces forêts urbaines totalisent respectivement 7 milliards pour Toronto, 11,5 milliards pour Halifax, 35 milliards pour Vancouver et 4,5 milliards pour Montréal. Chaque dollar investi en foresterie urbaine rapporte des services écologiques et de santé se situant entre 2 et 12 dollars selon la ville.

Le verdissement est l’un des quatre vecteurs majeurs d’une cité cardio-protectrice. Outre la génétique et les habitudes de vie, l’environnement appert être un facteur de risque majeur de maladie cardiovasculaire. Les facteurs de risque cardiaques environnementaux sont (1) le taux d’industrialisation alimentaire, (2) le taux de polluants aériens, (3) le taux de minéralisation, qui est l’inverse du taux de verdissement, et (4) un milieu facilitant ou non l’activité tant de déplacement que de loisirs.