Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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12 Décembre 2018
Cannabis vaporisé : plus puissant que le cannabis fumé pour les utilisateurs occasionnels

Comme la fumée de tabac, la fumée de cannabis contient plusieurs composés toxiques (ammoniaque, cyanure d’hydrogène, nitrosamines, composantes du goudron, etc.) qui peuvent altérer la fonction pulmonaire en cas d’exposition répétée. La vaporisation du cannabis séché ou d’extraits concentrés de la plante offre une alternative intéressante pour contourner ce problème, car la vapeur générée par le chauffage permet l’absorption des cannabinoïdes responsables des effets de la drogue (le THC, en particulier), tout en réduisant drastiquement l’exposition aux composés toxiques générés par la combustion (voir notre article sur le sujet). Bien qu’une minorité des consommateurs réguliers de cannabis consomment actuellement la drogue à l’aide de vaporisateurs, il est probable que cette proportion va augmenter au cours des prochaines années en raison du nombre croissant de dispositifs de cigarettes électroniques sur le marché, ceux-ci étant de plus en plus utilisés pour vapoter le cannabis.  De plus, l’utilisation du cannabis à des fins médicales et la légalisation du produit ont entrainé une perception de plus en plus positive du cannabis, ce qui peut également contribuer à une hausse de consommation.

Le cannabis vaporisé semble plus sécuritaire, mais procure-t-il les mêmes effets que le cannabis fumé?  Pour répondre à cette question, une équipe de chercheurs américains a analysé les effets des deux modes d’administration du cannabis auprès de 17 volontaires qui n’étaient pas des consommateurs réguliers de la drogue (seulement une fois au cours de la dernière année et aucune consommation au cours du mois précédant l’étude).  L’étude des effets du cannabis chez ce type de consommateur est intéressante, car la plus grande disponibilité du cannabis pourrait « démocratiser » l’usage de cette drogue et possiblement augmenter le nombre de ces utilisateurs novices ou occasionnels.

Pour comparer les deux modes d’administration, chacun des participants a consommé le cannabis sous forme de fumée (joints) ou de vapeur, avec un intervalle d’une semaine entre les séances. Des quantités de cannabis contenant 0, 10 et 25 mg de THC ont été testées, ce qui correspond à des doses relativement faibles de la drogue (à titre de comparaison, un joint pré-roulé « standard » vendu à la SQDC contient environ 60 mg de THC).  Après l’inhalation, les chercheurs ont évalué les effets de la drogue sur les volontaires, autant du point de vue subjectif (relaxation, anxiété, malaise, appétit, somnolence, etc.) que sur certaines fonctions cognitives et psychomotrices (similaires à celles impliquées dans la conduite d’un véhicule automobile).

Les résultats obtenus peuvent surprendre : comparativement au placebo, l’inhalation du cannabis sous forme de vapeur permet une plus grande absorption de THC que sous forme de fumée (taux sanguin maximum de 14 ng/mL, comparativement à 10 ng/mL à partir de la dose 25 mg).  Cette différence semble significative, car les volontaires ont rapporté un plus grand nombre d’effets subjectifs (positifs comme négatifs) suite à l’inhalation de la vapeur comparativement à la fumée, et avaient également de moins bonnes performances aux tests cognitifs et psychomoteurs. En d’autres mots, chez cette population de consommateurs très occasionnels de la drogue, la vapeur de cannabis provoque des effets plus prononcés que la fumée, même à des doses relativement modestes de THC. Comme le souligne l’éditorial qui accompagne l’article, il est à souhaiter que les consommateurs novices ou occasionnels de cannabis soient sensibilisés à ces effets plus prononcés du cannabis vaporisé, notamment en ce qui concerne les dangers associés à la conduite automobile.

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