Les phtalates : une composante de certains plastiques et produits cosmétiques nuisible à la santé humaine

Les phtalates : une composante de certains plastiques et produits cosmétiques nuisible à la santé humaine

EN BREF

  • Les phtalates sont des produits chimiques ajoutés aux plastiques pour les rendre plus flexibles et à certains produits cosmétiques pour conserver leur parfum.
  • Une certaine quantité de ces produits sont relargués dans l’environnement, y compris dans la nourriture et les boissons vendues dans certains contenants de plastique.
  • À cause de leur utilisation répandue, les phtalates sont ingérés ou absorbés à notre insu et des métabolites de ces produits sont retrouvés chez la plupart des personnes.
  • Les phtalates sont des perturbateurs endocriniens et métaboliques, qui sont associés à des effets nuisibles sur le neurodéveloppement, l’asthme chez l’enfant, le diabète de type 2, le TDAH, l’obésité juvénile et chez les adultes, les cancers du sein et de l’utérus, l’endométriose et l’infertilité.
  • L’exposition aux phtalates de poids moléculaire élevé, tel le DEHP, a été associée à une hausse de la mortalité cardiovasculaire et de toute cause.
  • Des voix s’élèvent dans la communauté scientifique pour que l’utilisation des phtalates soit soumise et une réglementation plus stricte.

Les phtalates font partie d’une classe de produits chimiques utilisés à grande échelle au niveau industriel (voir le tableau 1 et la figure 1). Les phtalates de poids moléculaire élevé, tels le phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP) et le phtalate de diisononyle (DiNP), sont utilisés comme plastifiants pour conférer de la flexibilité à des matériaux en chlorure de polyvinyle (PVC) utilisés pour fabriquer des emballages pour la nourriture, des revêtements de plancher et des équipements médicaux (tubulures, poches de sang). Les phtalates de faible poids moléculaire, tel le phtalate de diéthyle (DEP) et le phtalate de dibutyle (DBP) sont ajoutés aux shampoings, lotions et autres produits de soins personnels afin de préserver leur parfum.

Ces phtalates n’étant pas liés chimiquement aux plastiques, ils sont relargués avec le temps dans l’environnement et peuvent pénétrer le corps humain par ingestion, inhalation et absorption par la peau. Une fois dans le corps, les phtalates sont rapidement métabolisés et excrétés dans l’urine et les fèces, de sorte que la moitié des phtalates sont éliminés du corps en moins de 24 h après y avoir pénétré. Malgré cette élimination rapide, la population est exposée en permanence aux phtalates puisque ces produits sont présents dans des produits de consommation utilisés pratiquement tous les jours. Des métabolites des phtalates DEHP et DiNP sont détectés dans 98 % de la population totale des États-Unis. Il a été estimé que l’exposition quotidienne à un phtalate très utilisé, le DEHP, varie de 3 à 30 µg/kg/jour, soit 0,21 mg à 2,1 mg par jour pour une personne pesant 70 kg (154 livres).

Tableau 1. Principaux phtalates utilisés dans des produits de consommation.  Adapté de Zota et coll., 2014.

PhtalateAbrév.
(anglais)
Restriction d’usage
aux États-Unis
Sources communes
Faible poids moléculaire
Phtalate de diméthyleDMPInsectifuges, bouteilles en plastique, aliments
Phtalate de diéthyleDEPParfums, déodorants, produits cosmétiques, savons
Phtalate de di-n-butyleDnBP++Cosmétiques, médicaments, emballages alimentaires, aliments, matériaux en PVC
Phtalate de diisobutyleDiBPCosmétiques, aliments, emballages alimentaires
Poids moléculaire élevé
Phtalate de butylbenzyleBBzP++Revêtements de sol en PVC, aliments, emballages alimentaires
Phtalate de dicyclohexyleDCHPAliments, emballages alimentaires
Phtalate de di(2-éthylhexyle)DEHP++Matériaux en PVC, jouets, cosmétiques, aliments, emballages alimentaires, sacs de sang, cathéters
Phtalate de di-n-octyleDnOP+Matériaux en PVC, aliments, emballages alimentaires
Phtalate de diisononyleDiNP+Matériaux en PVC, jouets, revêtements de sol, tapisserie
Phtalate de diisodécyleDiDP+Matériaux en PVC, jouets, fils et câbles, revêtements de sol

 

Figure 1. Structure chimique des phtalates les plus communément utilisés dans l’industrie.


Phtalates et mortalité cardiovasculaire et de toute cause
Une étude auprès de 5303 adultes faisant partie de la cohorte NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey) a évalué l’association entre l’exposition aux phtalates et la mortalité. Les participants ont fourni un échantillon d’urine dans lequel les principaux métabolites des phtalates ont été mesurés. L’exposition aux phtalates de poids moléculaire élevé a été associée à une hausse importante de la mortalité cardiovasculaire et de toute cause durant la durée de l’étude (de 2001 à 2010). Aucune association significative n’a été observée pour l’exposition aux phtalates de faible poids moléculaire totaux. Les participants qui ont été exposés davantage aux phtalates de poids moléculaires élevés (troisième tertile) avaient un risque de mortalité de toute cause 48 % plus élevé que les participants les moins exposés (premier tertile). L’examen du risque associé à chacun des métabolites des phtalates a révélé une association entre un taux urinaire élevé et un risque accru de 64 % de mortalité de cause cardiovasculaire pour le phtalate de monoéthyle (MEP, un phtalate de faible poids moléculaire). La présence de concentrations élevées de deux métabolites du DEHP (phtalate de poids moléculaire élevé), le MEHHP et le MECPP, était associée avec un risque accru de 27 % et 32 % de mortalité de toute cause, respectivement, par comparaison à la présence de plus faibles concentrations de ces métabolites. Un troisième métabolite du DEHP, le MEOHP, était associé à un risque 74 % plus élevé de mortalité cardiovasculaire (3e tertile vs 1er tertile).
En extrapolant les résultats de leur étude à la population américaine âgée de 55 à 64 ans, les auteurs estiment qu’environ 100 000 décès/année pourraient attribués à une exposition aux phtalates, pour un coût sociétal d’environ 39 milliards de dollars.

Les phtalates et la provenance de la nourriture
Une étude a évalué l’exposition aux phtalates de participants de la cohorte NHANES, selon qu’ils avaient pris un repas la veille à l’extérieur de la maison (restaurant, chaîne de restauration rapide, cafétéria) ou à la maison. Les personnes qui avaient mangé à l’extérieur avaient en moyenne 35 % plus de phtalates dans leur urine le lendemain que les personnes qui avaient mangé à la maison, surtout des aliments achetés à l’épicerie. L’association entre le fait de manger à l’extérieur et une concentration urinaire de phtalate élevée était la plus forte chez les adolescents. Parmi les adolescents, ceux qui ont rapporté être de grands consommateurs de fast-food et autre nourriture achetée à l’extérieur de la maison avaient des niveaux de phtalates jusqu’à 55 % plus élevés que les adolescents qui mangeaient à la maison. La consommation de certaines nourritures en particulier, plus particulièrement les cheeseburgers et autres sandwiches du même type, était associée à une exposition cumulative accrue aux phtalates, mais seulement lorsque ces nourritures étaient consommées dans les cafétérias, fast-food et autres restaurants. Les auteurs de l’étude jugent la situation inquiétante parce qu’aux États-Unis près des 2/3 de la population mangent au moins une fois de la nourriture à l’extérieur de la maison quotidiennement.

Phtalates et autres plastifiants dans la nourriture de restaurant de type fast-food
Une étude réalisée en 2021 a mesuré les concentrations de phtalates et d’un autre plastifiant dans des échantillons de hamburgers, frites, croquettes de poulet, burritos de poulet et pizza au fromage, ainsi que dans les gants de plastique utilisés dans les restaurants de fast food pour manipuler la nourriture. Les échantillons provenaient de restaurants des grandes chaînes américaines McDonald, Burger King, Pizza Hut, Domino’s, Taco Bell et Chipotle, dans la région de San Antonio au Texas. C’est le DEHT, un nouveau produit plastifiant utilisé en remplacement des phtalates, qui a été détecté en plus grande quantité dans la nourriture (médiane : 2,5 mg/kg) et dans les gants (28-37 % par poids). Les phtalates DnBP et DEHP ont été détectés dans 81 % et 70 % des échantillons de nourriture, respectivement. Les concentrations de DEHT étaient particulièrement élevées dans les burritos (6 mg/kg) que dans les hamburgers (2,2 mg/kg) et cet agent plastifiant n’était pas présent dans les frites. La pizza au fromage contenait les niveaux les plus bas de produits chimiques plastifiants (phtalates ou non), parmi les aliments de fast food analysés.   Il est à noter que, contrairement aux phtalates, peu de données sont actuellement disponibles sur la toxicité et les effets sur la santé des nouveaux plastifiants tel le DEHT, alors qu’ils sont de plus en plus utilisés dans l’industrie. Les résultats de cette étude ont des implications pour l’équité puisqu’aux États-Unis la population afro-américaine consomme davantage de fast-food que les autres groupes ethniques et qu’elle est davantage exposée à des produits chimiques d’autres sources dans leur environnement.

Les phtalates : des perturbateurs endocriniens
Dans une analyse de l’ensemble des études sur l’impact de l’exposition aux phtalates sur la santé humaine, les auteurs ont trouvé des preuves solides d’associations défavorables pour le neurodéveloppement, la qualité du sperme, et le risque d’asthme chez l’enfant, ainsi que des preuves de niveaux modérées à solides d’une association avec une anomalie de la distance ano-génitale chez les garçons (un marqueur de l’exposition aux perturbateurs endocriniens). Des associations entre l’exposition aux phtalates et l’incidence du diabète de type 2, endométriose, faible poids à la naissance, faible taux de testostérone, TDAH, cancer du sein et de l’utérus ont de plus été identifiés avec un niveau de preuve modéré. Enfin, d’autres associations ont été mises en évidence, mais avec niveau de preuve plus faible, incluant la naissance prématurée, l’obésité, l’autisme et la perte d’audition.

Implications pour le public
Des normes ont été adoptées dans plusieurs pays pour limiter et dans certains cas interdire l’utilisation des phtalates. Par exemple, l’utilisation de certains phtalates dans les jouets destinés aux très jeunes enfants a été interdite, puisque ces derniers mâchouillent et sucent leurs jouets. Dans les produits cosmétiques, l’utilisation du DEHP, le phtalate le plus problématique pour la santé, est interdite en Europe et au Canada. Selon l’European Chemicals Agency (ECHA), les doses dérivées sans effet (DNEL, ou « dose sécuritaire ») sont de 34 µg/kg pour le DEHP, 8,3 µg/kg pour le DiBP, 6,7 µg/kg pour le DnBP et 500 µg/kg pour le BBzP. Cette agence européenne a recommandé que l’utilisation de ces 4 phtalates sous forme de mélanges dans des produits soit limitée à 0,1 % (p/p) et que l’exception quant à l’utilisation du DEHP dans les emballages de produits médicaux soit abolie.

Un problème important avec ces « doses sécuritaires » a été mis en évidence pour le phtalate DEHP puisque selon une revue de 38 articles, l’exposition maximale au DEHP mesurée dans la population est plus de 6 fois supérieure à la dose dérivée sans effet (242 vs 34 µg/kg). De plus, pour trois autres phtalates (DiBP, DnBP et BBzP) les auteurs rapportent que des effets sur la santé ont été associés à des niveaux d’exposition beaucoup plus faibles que la dose dérivée sans effet établie par l’ECHA. Parmi ces effets nuisibles sur la santé, il y a l’augmentation de l’eczéma chez les enfants, des changements comportementaux chez les enfants, l’augmentation de l’indice de masse corporelle et du tour de taille chez les femmes et les hommes, des impacts sur la fertilité des femmes et des hommes.

Voici quelques suggestions pour limiter l’exposition aux phtalates :

  • Manger autant que possible à la maison et limiter au minimum la nourriture provenant de restaurants de type fast-food.
  • Dans la cuisine, utiliser des ustensiles et des contenants en verre, porcelaine, acier inoxydable ou en bois plutôt qu’en plastique.
  • Ne pas réchauffer son repas au four micro-ondes dans des contenants en plastique, puisque la chaleur fait augmenter le relargage des phtalates dans la nourriture.
  • Lire attentivement la liste des ingrédients des produits pour les soins corporels (pâte dentifrice, shampoings, etc.), les fabricants doivent indiquer la présence de phtalates dans leurs produits.
  • Pour les soins du corps, privilégier les produits naturels et qui contiennent peu d’ingrédients.

 

 

 

 

 

 

 

L’obésité juvénile, une véritable bombe à retardement de maladies cardiométaboliques

L’obésité juvénile, une véritable bombe à retardement de maladies cardiométaboliques

EN BREF

 

  • Les taux d’obésité chez les enfants et les adolescents canadiens ont plus que triplé au cours des 40 dernières années.
  • L’obésité juvénile est associée à une hausse marquée du risque de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires à l’âge adulte, ce qui peut hypothéquer considérablement l’espérance de vie en bonne santé.
  • La mise en place de politiques visant à améliorer l’alimentation des jeunes est primordiale pour renverser cette tendance et éviter l’apparition d’une épidémie de maladies cardiométaboliques touchant les jeunes adultes au cours des prochaines années.

Un des changements les plus spectaculaires à s’être produit au cours des dernières années est sans doute l’augmentation marquée du nombre d’enfants en surpoids. Par exemple, les taux d’obésité chez les enfants et les adolescents canadiens ont plus que triplé au cours des 40 dernières années : alors qu’en 1975, l’obésité constituait un problème assez rare, touchant moins de 3 % des enfants de 5-19 ans, la prévalence de l’obésité a fait un bond gigantesque depuis ce temps, touchant près de 14 % des garçons et 10% des filles en 2016 (Figure 1).  Si on ajoute à ces chiffres les données sur l’embonpoint, il y a donc environ 25 % des jeunes Canadiens qui sont en surpoids (une tendance similaire est observée au Québec). Cette prévalence d’obésité semble avoir plafonné au cours des dernières années, mais les enquêtes américaines récentes suggèrent que la pandémie de Covid-19 pourrait avoir provoqué une recrudescence du nombre de jeunes en surpoids, en particulier chez les 5-11 ans.

Figure 1. Augmentation de la prévalence de l’obésité chez les enfants canadiens au cours des 40 dernières années.  Tiré de NCD Risk Factor Collaboration (2017).

Mesure de l’obésité juvénile

Bien qu’elle ne soit pas parfaite, la mesure la plus fréquemment utilisée pour déterminer la présence d’un surpoids chez les jeunes de moins de 19 ans est l’indice de masse corporelle (IMC), calculé en divisant le poids par le carré de la taille (kg/m²). On doit cependant ajuster les valeurs obtenues en fonction de l’âge et du sexe pour tenir compte de l’évolution de la composition corporelle durant la croissance, comme illustré à la figure 2.

Figure 2. Normes de croissance de l’OMS pour les garçons de 5-19 ans vivant au Canada. Les données proviennent de l’OMS (2007).

Notez qu’un large éventail d’IMC situés de part et d’autre de la médiane (50e centile) sont considérés comme normaux. Les enfants souffrant d’embonpoint présentent quant à eux un IMC supérieur à celui de 85-95% de la population du même âge (85e-95e centile), tandis que l’IMC des enfants obèses est supérieur à celui de 97 % de la population du même âge (97e centile et plus). L’utilisation des scores z est autre façon de visualiser le surpoids et l’obésité juvénile. Cette mesure exprime l’écart de l’IMC par rapport à la valeur moyenne, en déviation standard. Par exemple, un score z de 1 signifie que l’IMC est une déviation standard au-dessus de la normale (ce qui correspond au surpoids), tandis que des scores z de 2 et de 3 indiquent, respectivement, la présence d’une obésité et d’une obésité sévère.

Cette hausse marquée de la proportion d’enfants en surpoids, et particulièrement d’enfants obèses, est une tendance inquiétante qui augure très mal pour la santé des prochaines générations d’adultes.  D’une part, il est bien établi que l’obésité durant l’enfance (et surtout pendant l’adolescence) représente un facteur de risque très élevé d’obésité à l’âge adulte, avec plus de 80 % des adultes obèses qui étaient déjà obèses durant leur enfance.  Cette obésité à l’âge adulte est associée à une hausse du risque d’une foule de problèmes de santé, autant au point de vue cardiovasculaire (hypertension, dyslipidémies, maladies ischémiques) que du développement d’anomalies métaboliques (hyperglycémie, résistance à l’insuline, diabète de type 2) et de certains types de cancers. L’obésité peut également provoquer une discrimination et une stigmatisation sociale et donc avoir des conséquences dévastatrices sur la qualité de vie, autant du point de vue physique que mentale.

Un autre aspect très dommageable de l’obésité juvénile, dont on ne parle pourtant que très peu, est l’accélération dramatique du développement de l’ensemble des maladies associées au surpoids.  Autrement dit, les enfants obèses sont non seulement à plus haut risque de souffrir des différentes pathologies causées par l’obésité à l’âge adulte, mais ces maladies peuvent également les toucher de façon précoce, parfois même avant d’atteindre l’âge adulte, et ainsi diminuer considérablement leur espérance de vie en bonne santé.

Ces impacts précoces de l’obésité juvénile sur le développement des maladies associées au surpoids sont bien illustrés par les résultats de plusieurs études récentes portant sur le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires.

Diabète précoce

Traditionnellement, le diabète de type 2 était une maladie extrêmement rare chez les jeunes (on l’appelait même « diabète de l’âge adulte » à une certaine époque), mais son incidence a considérablement augmenté avec la hausse de la proportion de jeunes obèses. Par exemple, les statistiques américaines récentes montrent que la prévalence du diabète de type 2 chez les enfants de 10-19 ans est passée de 0,34 par 1000 enfants en 2001 à 0,67 en 2017, soit une hausse de presque 100 % depuis le début du millénaire.

Les principaux facteurs de risque de diabète précoce sont l’obésité, en particulier l’obésité sévère (IMC supérieurs à 35) ou lorsque l’excès de graisse est principalement situé au niveau abdominal, un historique familial de la maladie et l’appartenance à certains groupes ethniques.  L’obésité demeure cependant le principal facteur de risque de diabète de type 2 :  chez les enfants (4-10 ans) et les adolescents (11-18 ans) obèses, on observe fréquemment une intolérance au glucose lors des tests d’hyperglycémie provoquée, un phénomène causé par le développement précoce d’une résistance à l’insuline. Une caractéristique du diabète de type 2 chez les jeunes est sa rapidité de développement : alors que chez les adultes, la transition d’un état prédiabétique à un diabète clairement défini est un processus généralement graduel, qui se produit sur une période de 5-10 ans, cette transition peut se produire très rapidement chez les jeunes, en moins de 2 ans.  Ceci fait donc en sorte que  la maladie est beaucoup plus agressive chez les jeunes que chez les plus âgés et peut causer l’apparition précoce de diverses complications,  notamment au niveau cardiovasculaire.

Une étude récente, parue dans le prestigieux New England Journal of Medicine, illustre bien les dangers qui découlent d’un diabète de type 2 qui est apparu précocement, durant l’enfance ou pendant l’adolescence. Dans cette étude, les chercheurs ont recruté des enfants très obèses (IMC ≥ 35) qui avaient été diagnostiqués avec un diabète de type 2 à l’adolescence et ont par la suite examiné pendant une dizaine d’années l’évolution de différents facteurs de risque et de pathologies associés à cette maladie.

Les résultats sont fort inquiétants, car la très grande majorité des patients de l’étude ont développé durant le suivi une ou plusieurs complications qui haussent considérablement leur risque de développer des ennuis de santé graves (Figure 3).  Mentionnons en particulier la forte incidence d’hypertension, de dyslipidémies (taux de cholestérol-LDL et de triglycérides trop élevés) et d’atteintes rénales (néphropathies) et nerveuses (neuropathies) chez cette population qui, rappelons-le, n’est âgée que de 26 ans en moyenne. Pire encore, près du tiers de ces jeunes adultes présentaient 2 complications ou plus, ce qui augmente évidemment encore plus le risque de détérioration de leur état de santé. D’ailleurs, il faut noter que 17 accidents cardiovasculaires sérieux (infarctus, insuffisance cardiaque, AVC) sont survenus durant la période de suivi, ce qui est anormalement élevé compte tenu du jeune âge des patients et du nombre relativement restreint de personnes qui ont participé à l’étude (500 patients).

Figure 3. Incidence de différentes complications associées au diabète de type 2 chez les adolescents. Tiré de TODAY Study Group (2021).

Il faut aussi noter que ces complications sont survenues en dépit du fait que la majorité de ces patients étaient traités avec des médicaments antidiabétiques comme la metformine ou encore l’insuline.  Ceci est en accord avec plusieurs études montrant que le diabète de type 2 est beaucoup plus difficile à contrôler chez les jeunes que chez les personnes d’âge mûr. Les mécanismes responsables de cette différence sont encore mal compris, mais il semble que le développement de la résistance à l’insuline et la détérioration des cellules pancréatiques qui produisent cette hormone progressent beaucoup plus rapidement chez les jeunes que chez les plus âgés, ce qui complique le contrôle de la glycémie et augmente le risque de complications.

Cette difficulté à traiter efficacement le diabète de type 2 précoce fait en sorte que les jeunes diabétiques sont beaucoup plus à risque de mourir prématurément que les non-diabétiques (Figure 4). Par exemple, les jeunes qui développent un diabète précoce, avant l’âge de 30 ans, ont un taux de mortalité 3 fois plus élevé que la population du même âge qui n’est pas diabétique.  Cette hausse demeure significative, bien que moins prononcée, jusqu’à environ 50 ans, tandis que les cas de diabètes qui se manifestent à des âges plus avancés (60 ans et plus) n’ont pas d’impact majeur sur la mortalité comparativement à la population en général.  Il est à noter que cette hausse de mortalité touchant les plus jeunes diabétiques est particulièrement prononcée en bas âge, aux environs de 40 ans.

Ces résultats montrent donc à quel point un diabète de type 2 précoce peut entrainer une détérioration rapide de l’état de santé et amputer des dizaines d’années de vie, incluant des années qu’on considère souvent comme les plus productives de l’existence (quarantaine et cinquantaine). Pour toutes ces raisons, on doit considérer le diabète de type 2 comme un des principaux dommages collatéraux de l’obésité juvénile.

Figure 4.  Taux de mortalité standardisés selon l’âge du diagnostic d’un diabète de type 2.  Les taux de mortalité standardisés représentent le ratio de la mortalité observée chez les individus diabétiques sur la mortalité anticipée pour chaque groupe d’âge. Tiré de Al-Saeed et coll. (2016).

Maladies cardiovasculaires

On observe depuis quelques années une recrudescence de l’incidence des maladies cardiovasculaires chez les jeunes adultes (voir notre article à ce sujet). Cette nouvelle tendance est surprenante, dans la mesure où la mortalité attribuable aux maladies cardiovasculaires est en baisse constante depuis plusieurs années dans la population générale (grâce notamment à une réduction du nombre de fumeurs et à l’amélioration des traitements) et on aurait pu s’attendre à ce que les jeunes bénéficient eux aussi de ces développements positifs.

Les données recueillies jusqu’à maintenant suggèrent fortement que l’augmentation de la prévalence de l’obésité chez les jeunes contribue à cette recrudescence de maladies cardiovasculaires prématurées, avant l’âge de 55 ans. D’une part, il a été montré qu’une prédisposition génétique à développer un surpoids durant l’enfance est associée à un risque accru de maladies coronariennes (et de diabète de type 2) à l’âge adulte. D’autre part, cette hausse du risque a également été observée dans les études à long terme où l’on examine l’association entre le poids des individus durant l’enfance et l’incidence d’accidents cardiovasculaires une fois qu’ils sont parvenus à l’âge adulte.   Par exemple, une grande étude danoise portant sur plus de 275,000 enfants d’âge scolaire (7 à 13 ans) a montré que chaque augmentation d’une unité du score z de l’IMC à ces âges (voir la légende de la Figure 2 pour la définition du score z) était associé à une hausse du risque de maladies cardiovasculaires à l’âge adulte, après 25 ans (Figure 5).

Cette hausse du risque est directement proportionnelle à l’âge où les enfants sont en surpoids, c’est-à-dire que plus un IMC élevé est présent à des âges avancés, plus le risque de subir un accident cardiovasculaire plus tard à l’âge adulte est augmenté. Par exemple, une augmentation du score z de 1 chez les enfants de 13 ans est associée à une hausse deux fois plus élevée du risque à l’âge adulte qu’une augmentation similaire qui touche un enfant de 7 ans (Figure 5). Des résultats similaires sont observés pour les filles, mais la hausse du risque de maladies cardiovasculaires est plus faible que chez les garçons.

Figure 5. Relation entre l’indice de masse corporelle durant l’enfance et le risque de maladies cardiovasculaires à l’âge adulte.  Les valeurs représentent les risques associés à une hausse de 1 unité du score z de l’IMC à chaque âge. Tiré de Baker et coll. (2007).

Athérosclérose précoce

Plusieurs études suggèrent que la hausse du risque de maladies cardiovasculaires à l’âge adulte observées chez les enfants en surpoids est une conséquence du développement précoce de plusieurs facteurs de risque qui accélère le processus d’athérosclérose.  Des études d’autopsie d’adolescents obèses décédés de causes autres que cardiovasculaires (accidents, par exemple) ont révélé que des plaques d’athéromes fibreuses étaient déjà présentes au niveau de l’aorte et des artères coronaires, indiquant une progression anormalement rapide de l’athérosclérose.

Comme mentionné plus tôt, le diabète de type 2 est certainement le pire des facteurs de risque pouvant générer cette progression prématurée, car la grande majorité des enfants et adolescents diabétiques développent très rapidement plusieurs anomalies qui haussent considérablement le risque d’atteintes graves aux vaisseaux sanguins (Figure 3).  Mais même sans la présence d’un diabète précoce, les études montrent que plusieurs  facteurs de risque de maladies cardiovasculaires sont déjà présents chez les enfants en surpoids, qu’il s’agisse d’hypertension, de dyslipidémies,d’inflammation chronique, d’intolérance au glucose ou encore d’anomalies vasculaires (épaississement de la paroi interne de la carotide, par exemple).  Une exposition à ces facteurs qui débute dès l’enfance crée donc des conditions favorables au développement prématuré de l’athérosclérose, ce qui augmente par le fait même le risque d’accident cardiovasculaire à l’âge adulte.

Il faut cependant noter que l’impact négatif de l’obésité juvénile sur la santé à l’âge adulte n’est pas irréversible : les études montrent en effet que les personnes qui souffraient d’embonpoint ou étaient obèses durant l’enfance, mais qui présentaient un poids normal à l’âge adulte, ont un risque de maladies cardiovasculaires similaire à celui des personnes qui ont été minces toute leur vie.   Il est cependant extrêmement difficile de traiter l’obésité, autant durant l’enfance qu’à l’âge adulte, et le meilleur moyen d’éviter l’exposition chronique prolongée à l’excès de graisse et les dommages pour la santé cardiovasculaire (et la santé en général) qui en découle est évidemment de prévenir le problème à la source, en modifiant les facteurs du mode de vie qui sont étroitement associés à un risque accru de développer un surpoids, notamment la nature de l’alimentation et l’activité physique (le stress psychosocial pourrait également jouer un rôle).  Compte tenu des effets catastrophiques de l’obésité juvénile sur la santé, la santé cardiovasculaire en particulier,  le potentiel de cette approche préventive précoce (appelée « prévention primordiale ») est immense et pourrait permettre de mettre un terme à la hausse des cas de diabète et de mortalité prématurée touchant actuellement les jeunes adultes.

Santé cardiovasculaire idéale

Une étude récente montre à quel point cette approche de prévention primordiale peut avoir des répercussions extraordinaires sur la santé cardiovasculaire. Dans cette étude, les chercheurs ont déterminé le score de santé cardiovasculaire idéal, tel que défini par l’American Heart Association (Tableau 1), de plus de 3 millions de Sud-Coréens âgés en moyenne de 20-39 ans.  Le surplus de poids représente un élément très important de ce score en raison de son influence sur d’autres facteurs de risque également utilisés dans le score comme l’hypertension, l’hyperglycémie à jeun et le cholestérol.

Les participants ont été suivis pendant une période d’environ 16 ans et l’incidence de maladies cardiovasculaires prématurées (avant 55 ans) a été en utilisant comme critère principal (primary endpoint) une combinaison d’hospitalisation pour infarctus, un AVC, une insuffisance cardiaque ou une mort subite d’origine cardiaque.

Tableau 1. Paramètres utilisés pour définir le score de santé cardiovasculaire idéale. Puisqu’on compte 1 point pour chaque cible atteinte, un score de 6 reflète une santé cardiovasculaire optimale. Adapté de Lloyd-Jones et coll. (2010), en excluant les facteurs alimentaires qui n’ont pas été évalués dans l’étude coréenne.

Comme le montre la Figure 6, la santé cardiovasculaire au début de l’âge adulte exerce une influence déterminante sur le risque d’accidents cardiovasculaires qui surviennent de façon prématurée, avant l’âge de 55 ans.  Comparativement aux participants en très mauvaise santé cardiovasculaire au départ (score de 0), chaque cible additionnelle atteinte permet de diminuer le risque d’accidents cardiovasculaires, avec une protection maximale d’environ 85 %  chez les personnes dont le mode de vie permet d’atteindre 5 cibles de santé cardiovasculaire idéale ou plus (scores de 5 et 6).  Des résultats similaires ont été obtenus aux États-Unis et montrent à quel point la santé en bas âge, de l’enfance jusqu’au début de l’âge adulte, joue un rôle déterminant pour prévenir le développement des maladies cardiovasculaires au cours du vieillissement.

Figure 6. Influence de la santé cardiovasculaire des jeunes adultes sur le risque d’accidents cardiovasculaires prématurés. Tiré de Lee et coll. (2021).

Pourtant, notre société demeure étrangement passive face à la montée de l’obésité juvénile, un peu comme si l’augmentation du poids corporel des enfants et adolescents était devenue la norme et qu’on ne peut rien faire pour renverser cette tendance.  Ce désintérêt est vraiment difficile à comprendre, car la situation actuelle est une véritable bombe à retardement qui risque de provoquer dans un proche avenir un tsunami de maladies chroniques prématurées, affectant de jeunes adultes. Il s’agit d’un scénario extrêmement préoccupant si l’on considère que notre système de santé, en plus d’avoir à traiter les maladies qui touchent une population vieillissante (1 Québécois sur 4 aura plus de 65 ans en 2030), devra en plus composer avec des patients plus jeunes, atteints de maladies cardiométaboliques causées par le surpoids. Inutile de dire que ce sera un fardeau important pour les systèmes de soins….

Cette situation n’est cependant pas inévitable, car les gouvernements disposent de moyens législatifs concrets qui peuvent être utilisés pour tenter de renverser cette tendance. Tel que décrit précédemment, plusieurs politiques visant à améliorer la qualité du régime alimentaire pour prévenir les maladies peuvent être rapidement implantées :

  • Taxer les boissons sucrées. Une approche simple et directe qui a été adoptée par plusieurs pays est d’introduire une taxe sur les produits alimentaires industriels, en particulier les boissons gazeuses (voir notre article sur le sujet). Le principe est le même que pour toutes les taxes touchant d’autres produits nocifs pour la santé comme l’alcool et le tabac, c’est-à-dire qu’une hausse des prix est généralement associée à une diminution de la consommation.  Les études qui ont examiné l’impact de cette approche pour les boissons gazeuses indiquent que c’est effectivement le cas, avec des baisses de la consommation observée (entre autres) au Mexique, à Berkeley (Californie) ou encore aux Barbades.  Cette approche représente donc un outil prometteur, surtout si les montants récoltés sont réinvestis de façon à améliorer l’alimentation de la population (subventions pour l’achat de fruits et légumes, par exemple).
  • Exiger des étiquettes nutritionnelles claires sur les emballages. On peut aider le consommateur à faire un choix éclairé en indiquant clairement sur le devant du produit si celui-ci est riche en sucre, en gras ou en sel, comme c’est le cas au Chili (voir notre article à ce sujet).
  • Éliminer le marketing d’aliments malsains pour les enfants. L’exemple du Chili montre aussi qu’on peut imposer des restrictions sévères sur la commercialisation des produits de la malbouffe en interdisant les publicités de ces produits dans les émissions ou les sites web destinés aux jeunes, de même qu’en interdisant leur vente dans les écoles. Le Royaume-Uni prévoit adopter très bientôt une approche en ce sens en éliminant toute publicité sur l’internet et à la télévision de produits riches en sucre, sel et gras avant 21 heures, tandis que le Mexique est allé encore plus loin en interdisant carrément toutes les ventes des produits de la malbouffe aux enfants.

Il n’y a aucune raison pour que le Canada n’adopte pas des approches de ce type pour protéger la santé des jeunes.

La vaccination contre l’influenza réduit le risque de mort prématurée chez les patients coronariens

La vaccination contre l’influenza réduit le risque de mort prématurée chez les patients coronariens

EN BREF

 

  • L’infection par le virus de l’influenza crée des conditions inflammatoires qui haussent le risque d’infarctus du myocarde.
  • Chez les patients ayant subi un infractus, l’administration d’un vaccin contre l’influenza réduit significativement le risque de mortalité dans les 12 mois suivant l’accident coronarien.
  • Ces résultats suggèrent que la vaccination contre l’influenza devrait être considérée comme une partie intégrante des traitements post-infarctus. 

Avec la pandémie de Covid-19 qui sévit depuis maintenant presque deux ans, on en vient parfois à oublier que d’autres virus respiratoires existent et peuvent eux aussi avoir des impacts très négatifs sur la santé.  C’est le cas notamment de la grippe, une des maladies virales les plus communes et qui touche chaque année de 5 à 20 % de la population mondiale.

L’infection des cellules des voies respiratoires par le virus de l’influenza déclenche une myriade de symptômes cliniques, les plus communs étant le « nez qui coule », les maux de gorge, la fièvre et un malaise généralisé. Par contre, le corps humain possède généralement une bonne résistance au virus et les personnes en bonne santé réussissent dans la très grande majorité des cas à surmonter l’infection en quelques jours.  Par contre, la grippe demeure une maladie dangereuse pour les personnes dont l’immunité n’est pas optimale (jeunes enfants, personnes âgées ou touchées par une maladie chronique), car le virus peut entrainer chez ces personnes des complications pulmonaires graves (pneumonies, bronchites hémorragiques) et potentiellement mortelles.

En plus de ses effets néfastes sur les poumons,  plusieurs observations indiquent que l’infection par le virus de l’influenza peut également affecter le système cardiovasculaire.  Par exemple, on  sait depuis longtemps que le pic de la saison de la grippe est corrélé avec une hausse des décès associés aux maladies ischémiques comme l’infarctus du myocarde et les AVC.  Certaines études ont également rapporté que les patients qui sont admis à l’hôpital pour un infarctus aigu sont significativement plus à risque d’avoir été affectés par une infection respiratoire dans les jours ou les semaines précédant leur admission.  De la même façon, d’autres études ont montré que les personnes qui consultent un médecin pour une infection respiratoire aigüe ou des symptômes de la grippe sont plus à risque d’être touchées par la suite par un événement cardiovasculaire grave.

Ce lien entre l’influenza et les maladies cardiovasculaires est particulièrement bien illustré par les résultats d’une étude canadienne publiée dans le New England Journal of Medicine.  Les chercheurs ont observé que les personnes qui avaient été déclarées positives pour l’un ou l’autre des différents virus respiratoires avaient un risque beaucoup plus élevé d’être hospitalisées pour un infarctus aigu dans les 7 jours suivant le diagnostic.  Cette hausse du risque est particulièrement élevée pour les virus de l’influenza A et B (5 et 10 fois, respectivement), mais est également observée pour les infections par le virus syncytial (RSV) ainsi que pour d’autres virus respiratoires (adénovirus, métapneumovirus, coronavirus, etc.) (Figure 1).  Il est donc certain que ces hausses du risque d’événements cardiovasculaires graves contribuent à la mortalité associée aux infections respiratoires, en particulier celle causée par les virus de la grippe.

Figure 1. Impact de différents virus respiratoires sur le risque d’infarctus du myocarde. Tiré de Kwong et coll. (2018).

Cette association entre les infections pulmonaires et le risque d’événements cardiovasculaires pourrait être due à l’interaction étroite qui existe entre ces deux organes.   Au cours des échanges gazeux, le sang veineux (pauvre en oxygène) est propulsé du ventricule droit du cœur dans les artères pulmonaires, s’oxygène dans les capillaires pulmonaires, revient à l’oreillette gauche par les veines pulmonaires pour être finalement expulsé dans la circulation via l’aorte.  La présence d’un foyer inflammatoire associée à la présence d’une infection pulmonaire peut donc se transmettre rapidement à l’ensemble de l’organisme. Ceci est particulièrement dangereux pour le cœur, car ce climat proinflammatoire causé par l’infection  provoque une inflammation aigüe de la paroi des vaisseaux et une augmentation du potentiel de coagulation, deux phénomènes connus pour favoriser la rupture des plaques d’athérosclérose et provoquer l’obstruction des artères coronaires responsable de l’infarctus.

L’impact de la vaccination

L’hiver est le pic de la saison de la grippe, car le virus de l’influenza est très contagieux à basse température et à faible taux d’humidité, deux caractéristiques des conditions météorologiques hivernales. Malgré une protection imparfaite (environ 50-70 % d’efficacité, dans les meilleures années), la vaccination demeure la meilleure façon de réduire le risque de contracter l’influenza et de diminuer du même coup les complications parfois sévères de cette infection.

Ceci est particulièrement important pour les personnes à haut risque en raison d’antécédents de maladies cardiovasculaires.  Plusieurs études ont montré que la vaccination contre l’influenza réduit l’incidence d’événements cardiovasculaires chez les patients atteints d’une maladie coronarienne, en particulier ceux qui avaient récemment subi un infarctus.  L’étude randomisée FLUVACS (FLU Vaccination Acute Coronary Syndromes) a montré que chez des patients admis pour un infarctus ou pour une angioplastie (pose de « stent » pour dilater les coronaires obstruées), la vaccination réduisait le risque de décès de causes cardiovasculaires après 6 mois (75 % de réduction) et un an (66 % de réduction). Dans la même veine, l’étude randomisée FLUCAD a montré que la vaccination de patients atteints d’une maladie coronarienne (tel que visualisé par angiographie) réduit de moitié le risque d’infarctus dans l’année qui suit.

Les résultats d’une étude randomisée à double insu récemment publiée dans Circulation permet de bien visualiser ces bienfaits de la vaccination contre l’influenza pour les personnes qui ont subi un infarctus du myocarde.  Dans cette étude multicentrique, les patients hospitalisés pour un infarctus ou pour une revascularisation (pose de stents pour traiter une obstruction sévère des artères coronaires) ont été séparé en deux groupes, soit un groupe contrôle (placebo) et un groupe recevant un vaccin contre l’influenza dans les 72 heures suivant l’hospitalisation.  Pour juger de l’efficacité de l’intervention, le critère principal utilisé (primary endpoint) était une combinaison d’infarctus, de thromboses et de mortalité toute cause survenus dans l’année suivant la randomisation des patients.  L’incidence d’infarctus, de mortalité cardiovasculaire et de mortalité  toute cause aégalement été analysée séparément en tant que critères de jugement secondaires (secondary endpoints).

Comme le montre la Figure 2, les résultats de l’étude sont assez spectaculaires dans l’ensemble.  Par exemple, l’incidence du critère de jugement principal (infractus, thromboses et mortalité toute cause) a diminué de presque moitié chez les patients vaccinnés (5,3 % vs 7,2 % pour le placebo). Des diminutions similaires ont également été observée pour les critères secondaires comme la mortalité toute cause (2,9 % vs 4,9 %) et la mortalité cardiovasculaire (2,7 % vs 4,5 %). Seule la diminution d’incidence d’infarctus du myocarde n’est pas significativement modifiée chez les patients vaccinés (2,0 % vs 2,4 %).  Globalement, les résultats de l’étude confirment que la vaccination contre l’influenza des patients ayant subi un infarctus ou à très haut risque d’accidents coronariens (revascularisation) diminue significativement le risque de mort prématurée dans l’année qui suit l’hospitalisation. Ces observations sont en accord avec une méta-analyse récente, portant sur près de 240,000 patients atteints d’une maladie cardiovasculaire, qui montrait que la vaccination contre l’influenza  était associée à une réduction du risque de mortalité cardiovasculaire et toute casue, mais pas sur l’incidence d’infarctus du myocarde.

Figure 2. Courbes de Kaplan-Meier des événements survenus suivant l’administration d’un placebo (lignes rouges) ou d’un vaccin contre l’influenza (lignes bleues).  L’incidence cumulative des événements est présenté pour le critère jugement principal de l’étude (une combinaison d’infarctus, de thromboses et de mortalité toute cause) (A) et les critères secondaires comme la mortalité toute cause (B), la mortalité cardiovasculaire (C) et l’infarctus du myocarde (D).  Tiré de Fröbert et coll. (2021).

Il faut aussi noter que la vaccination contre l’influenza semble également bénéfique en prévention primaire, car une étude réalisée auprès de 80,363 personnes âgées de 65 et plus a montré que la vaccination réduisait l’incidence d’infarctus du myocarde de 25 % sur une période de 13 ans. Que l’on soit en bonne santé ou atteint d’une maladie cardiovasculaire, il n’y a donc que des avantages à se faire vacciner contre l’influenza.

 

Le vélo : un exercice particulièrement bénéfique pour la santé des diabétiques

Le vélo : un exercice particulièrement bénéfique pour la santé des diabétiques

EN BREF

  • L’exercice et l’activité physique apportent de nombreux bienfaits pour les personnes atteintes de diabète de type 2.
  • Parmi une grande cohorte de 110 944 personnes provenant de 10 pays européens, 7 459 personnes étaient atteintes du diabète de type 2, dont 37 % étaient des cyclistes.
  • Après un suivi de 5 ans, les chercheurs ont constaté que moins de morts prématurées et de morts causées par une maladie cardiovasculaire sont survenues proportionnellement chez les cyclistes que chez les non-cyclistes.
  • Les participants qui ont commencé à faire du vélo après le début de l’étude ont aussi vu leur risque de mortalité diminué significativement, ce qui montre qu’il n’est jamais trop tard pour se mettre au vélo et en tirer des bénéfices pour la santé.

Le diabète augmente le risque de développer une maladie cardiovasculaire et de mourir prématurément de cause cardiovasculaire et de toute cause. L’activité ou l’exercice physique pratiqués régulièrement réduit les facteurs de risque de maladie cardiovasculaire chez les diabétiques.

Bienfaits de l’exercice aérobique
Chez les diabétiques, l’entraînement aérobique (marche rapide, course, vélo, etc.) augmente la sensibilité à l’insuline, la densité mitochondriale (production d’énergie dans les cellules), la réactivité des vaisseaux sanguins, les fonctions immunitaires et pulmonaires et le débit cardiaque. De plus, l’entraînement régulier réduit le taux d’hémoglobine glyquée et de triglycérides sanguins, ainsi que la pression artérielle.

Bienfaits de l’exercice de résistance
Le diabète est un facteur de risque d’avoir un faible tonus musculaire, et il peut provoquer un déclin plus rapide de la force et de la fonction musculaire. Quelques mécanismes ont été proposés pour expliquer ce phénomène chez les diabétiques, incluant : 1) une dysfonction endothéliale secondaire aux taux de glucose élevés dans le sang qui causent une vasoconstriction des vaisseaux qui nourrissent les muscles et 2) une perturbation du métabolisme énergétique du muscle squelettique par le biais d’une dysfonction des mitochondries (éléments de la cellule qui produit son énergie).

Les bienfaits de l’entraînement en résistance (levée de poids, utilisation d’une bande de résistance, etc.) dans la population en général incluent des améliorations de la masse et de la force musculaire, de la condition physique, de la densité minérale osseuse, de la sensibilité à l’insuline, de la pression artérielle, du profil lipidique et de la santé cardiovasculaire. Pour les diabétiques (type 2), l’entraînement en résistance améliore le contrôle de la glycémie, la résistance à l’insuline, la pression artérielle, la force musculaire, la masse corporelle maigre vs masse adipeuse.

Bienfaits d’autres types d’exercice
Les personnes diabétiques sont particulièrement affectées par la perte de mobilité des articulations, une situation causée en partie par l’accumulation des produits terminaux de glycation qui survient lors du vieillissement normal, mais qui est accélérée par l’hyperglycémie. Les personnes diabétiques peuvent donc bénéficier d’exercices d’étirements qui leur permettent d’augmenter la souplesse et la mobilité de leurs articulations.

Vélo et risque de mortalité chez des diabétiques
Y a-t-il une activité physique plus bénéfique que d’autres pour améliorer la santé des diabétiques et réduire le risque de mort prématurée ? Une étude prospective auprès de 7 459 adultes diabétiques âgés de 55,9 ans en moyenne, a évalué s’il y a une association entre le temps passé à faire du vélo et la mortalité cardiovasculaire ou de toute cause. Les participants, qui étaient diabétiques depuis 7,7 années en moyenne au début de l’étude, ont répondu à des questionnaires détaillés au moment du recrutement et 5 ans après. En comparaison avec les participants qui ne faisaient pas du tout de vélo (0 minute/semaine), ceux qui en ont fait avaient un risque moins élevé de mortalité de toute cause, soit de 22 % (1 à 59 min/semaine) à 32 % (150 à 299 min/semaine). Des réductions du même ordre de grandeur (21 à 43 %) ont été observées pour la mortalité de cause cardiovasculaire. Ces diminutions du risque de mortalité étaient indépendantes des autres activités physiques rapportées par les participants et d’autres facteurs confondants (niveau de scolarité, tabagisme, adhérence au régime alimentaire méditerranéen, apport énergétique total, activité physique professionnelle).

Une autre question à laquelle les chercheurs de l’étude ont souhaité répondre est de savoir si le fait d’arrêter ou au contraire de commencer à faire du vélo durant le suivi de 5 ans a eu une conséquence sur le risque de mortalité des participants diabétiques. Les résultats indiquent que les participants qui se sont mis au vélo après le début de l’étude avaient un risque significativement moins élevé de mortalité cardiovasculaire et de toute cause, comparativement aux non-cyclistes. Les participants qui ont au contraire cessé de faire du vélo après le début de l’étude avaient un risque de mortalité prématurée similaire à celui des non-cyclistes. Il n’est donc jamais trop tard pour se mettre à la pratique du vélo et d’en tirer des bénéfices importants pour la santé, à condition que cet exercice soit pratiqué régulièrement, sans interruption.

D’autres chercheurs ont été étonnés du fait que l’association entre la pratique du vélo et la réduction du risque de mortalité soit indépendante de la pratique d’autres activités physiques. Ils font remarquer qu’il y a une relation entre la quantité d’activité physique et la réduction de la mortalité (4 % de réduction du risque par 15 minutes d’activité physique additionnelles par jour) pour les personnes en santé et les personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire selon des données probantes. Ils se demandent si un biais comparable à celui du « healthy worker effect » n’est pas en cause ici. Ce biais pourrait être causé dans ce cas-ci par le fait que les diabétiques qui font du vélo soient en meilleure santé que ceux qui n’en font pas, d’où une plus faible mortalité prématurée. Dans leur réponse à cette critique, les auteurs de l’étude disent être d’accord que les cyclistes pourraient être en meilleure santé que les non-cyclistes, mais ils disent avoir fait tout ce qu’ils pouvaient faire pour minimiser ce biais potentiel en ajustant les résultats pour tenir compte des facteurs de risques de mortalité prématurée, incluant le régime alimentaire, l’activité physique autre que le vélo, incidence d’infarctus du myocarde et de cancer, et en excluant les fumeurs, les anciens fumeurs et les personnes qui font du sport. Les auteurs concluent qu’ils sont persuadés que le vélo peut contribuer directement à diminuer la mortalité prématurée, mais que dans ce type d’étude il est toujours possible qu’il y ait des facteurs confondants connus ou inconnus.

Une étude antérieure avait déjà rapporté que le vélo avait des avantages par rapport à d’autres activités physiques. L’étude a été réalisée il y a une vingtaine d’années auprès de 30 640 participants dans la région de Copenhague au Danemark. Au cours des 14,5 années durant lesquelles il y a eu un suivi, les personnes qui se déplaçaient à vélo pour se rendre au travail avaient un risque 40 % moins élevé de mourir prématurément que les participants non cyclistes, après avoir tenu compte de possibles facteurs confondants, incluant la quantité d’activité physique durant les loisirs.

La pratique du vélo demande d’être en forme, un bon sens de l’équilibre et d’avoir les moyens financiers pour se procurer un vélo. De plus, il faut que la pratique du vélo puisse se faire dans un environnement sécuritaire, ce qui est de plus en plus possible avec l’ajout de pistes cyclables ces dernières années. Au Québec le vélo ne peut être pratiqué sécuritairement durant l’hiver, c’est-à-dire durant plus de 4 mois, mais il est heureusement possible de faire du vélo stationnaire à l’intérieur des logements ou dans les centres d’entraînement. Il y a un réel engouement pour la pratique du vélo ces dernières années, y compris le vélo à assistance électrique qui permet aux personnes plus âgées ou moins en forme de gravir les pentes sans trop d’effort. Souhaitons que cet engouement perdure afin que davantage de personnes en santé ou atteintes d’une maladie chronique puissent bénéficier des bienfaits pour la santé de cette activité physique extraordinaire.