Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

Voir tous les articles
Association entre l’activité physique et la mortalité prématurée : des différences entre les femmes et les hommes ?

En bref

  • Dans le but d’évaluer si les femmes et les hommes bénéficient des mêmes bienfaits de l’activité physique sur la santé, des chercheurs ont examiné les données d’une vaste cohorte américaine.
  • L’activité physique pratiquée régulièrement comparée à l’inactivité était associée à des réductions du risque de mortalité de toute cause de 24% pour les femmes et 15% pour les hommes. 
  • Les hommes atteignaient une protection maximale, soit une réduction de 18% du risque de mortalité de toute cause en faisant 300 minutes par semaine d’activité physique, alors que les femmes ont obtenu une protection similaire en faisant 140 minutes par semaine d’activité physique. 
  • Les résultats soulèvent beaucoup d’intérêt, mais il y a de nombreuses limitations à cette étude et il serait mal avisé de recommander aux femmes de faire moins d’exercice que les hommes. 

Les recommandations des organismes de santé publique pour la quantité et la fréquence d’activité physique visent tous les adultes, sans faire de distinction entre les femmes et les hommes. Il est recommandé aux adultes de faire au moins 150 minutes par semaine d’activité physique aérobique d’intensité modérée ou 75 minutes par semaine d’activité physique aérobique d’intensité vigoureuse. De plus, les adultes sont encouragés à faire durant les loisirs 300 minutes par semaine d’exercice d’intensité modérée s’ils souhaitent réduire encore davantage le risque de développer une maladie cardiovasculaire. En dépit de ces recommandations, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à faire de l’exercice. Cet écart hommes-femmes est observé dès l’enfance et il continue d’exister à l’âge adulte. 

Bien que la recherche axée sur les différences hommes-femmes relativement à la maladie cardiovasculaire a fait des progrès durant les 20 dernières années, cette maladie demeure la deuxième cause de mortalité après le cancer au Canada et la première cause aux États-Unis. Récemment, des chercheurs se sont demandé si les bienfaits de l’activité physique pour la santé sont égaux pour les hommes et les femmes. À partir des données d’une étude prospective d’une durée de 22 ans auprès de 412 413 Américains adultes, les chercheurs ont examiné les associations entre l’activité physique (fréquence, durée, intensité, type) et la mortalité de toute cause ou de cause cardiovasculaire. Globalement, 32,5% des femmes et 43,1% des hommes ont fait régulièrement de l’activité physique aérobique et toutes les mesures de cette activité physique étaient significativement plus fréquentes chez les hommes. En particulier, la participation régulière à des activités physiques d’intensité modérée (≥150 min/semaine) était de 15,2% pour les hommes et 10,3% pour les femmes et celle à des activités physiques d’intensité vigoureuse (≥75 min/semaine) était de 38,9% pour les hommes et 28,3% pour les femmes. 

Mortalité de toute cause
L’activité physique pratiquée régulièrement durant les loisirs, comparée à l’inactivité était associée à des réductions du risque de mortalité de toute cause de 24% pour les femmes et 15% pour les hommes. Les hommes atteignaient une protection maximale (18% de réduction du risque) en faisant 300 minutes par semaine d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse, alors que les femmes ont obtenu une protection similaire en faisant 140 minutes par semaine d’activité physique, et une protection maximale (24%) à ~300 minutes par semaine (Figure 1). 

Figure 1. Différences entre les sexes dans la réduction du risque de mortalité de toute cause associée à l’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse. Adapté de Ji et coll., 2024

Des exercices de renforcement musculaire étaient pratiqués régulièrement par 28% des hommes et 20% des femmes. Le risque de mortalité de toute cause était réduit de 11% pour les hommes et 19% pour les femmes qui faisaient des activités de renforcement musculaire, par comparaison à ceux et celles qui n’en faisaient pas. Les hommes qui participaient à 3 séances de musculation par semaine ont obtenu un maximum de bienfait sur la mortalité (14% de réduction du risque de mortalité de toute cause), alors que les femmes ont obtenu ce même niveau de protection en ne faisant qu’une seule séance de musculation par semaine. 

Mortalité cardiovasculaire
Des associations similaires entre l’activité physique et la mortalité de cause cardiovasculaire ont été observées. En effet, l’activité physique pratiquée régulièrement durant les loisirs, comparée à l’inactivité était associée à des réductions du risque de mortalité cardiovasculaire de 36% pour les femmes et 14% pour les hommes. Faire régulièrement des activités de renforcement musculaire, comparé à l’inactivité était associé à une réduction du risque mortalité cardiovasculaire de 30 % pour les femmes et 11% pour les hommes. Ces différences hommes-femmes étaient hautement significatives (p < 0,001) selon les évaluations statistiques. Les principaux résultats de l’étude sont illustrés dans la figure 2 ci-dessous.

Figure 2. Différences entre les sexes dans la réduction du risque de mortalité associée à l’activité physique. Adapté de Ji et coll., 2024

Limitations de l’étude
Les auteurs ont identifié plusieurs limitations à leur étude. D’abord, les données ont été recueillies à l’aide de questionnaires, une méthode moins fiable pour estimer la quantité et la fréquence d’activité physique que l’utilisation d’accéléromètres ou de montres « intelligentes ». Dans cette étude c’est l’activité physique durant les loisirs qui a été considérée ; or il est possible que d’autres types d’activité physique qui n’ont pas été mesurés aient pu contribuer aux différences hommes-femmes qui ont été observées. L’estimation des activités de renforcement musculaire a été faite à partir de données sur la fréquence de telles activités et non pas de leur durée. Les auteurs préviennent que la nature observationnelle de l’étude ne permet pas d’établir un lien causal et que les résultats doivent être interprétés avec prudence. Malgré les précautions prises par les chercheurs pour mitiger les effets de possibles facteurs de confusion et réduire la probabilité d’un effet de causalité inverse, il reste possible que ces phénomènes aient eu une influence sur les analyses des données. 

Les auteurs mentionnent que plusieurs facteurs, notamment des variations anatomiques et physiologiques, pourraient expliquer les différences de résultats entre les hommes et les femmes. Par exemple, par rapport aux hommes, les femmes pourraient utiliser davantage leurs ressources respiratoires, métaboliques et de force musculaire pour effectuer le même mouvement et, par conséquent, bénéficier de plus grands bienfaits pour la santé. Les auteurs concluent en disant que les résultats de leur étude pourraient être utiles pour l’évaluation et les recommandations reliées à l’activité physique, en tenant compte davantage des différences entre les femmes et les hommes. Des recommandations plus spécifiques, c.-à-d. qui tiennent compte du sexe, pourraient être plus bénéfiques pour la santé de tous, selon les auteurs.

Nous sommes d’avis que bien que les résultats de cette étude soient d’intérêt, il y a de nombreuses limitations méthodologiques et il serait mal avisé de recommander aux femmes de faire moins d’exercice que les hommes en se basant sur cette seule étude. De nouvelles études, utilisant une méthodologie et des technologies plus fiables et performantes, seront nécessaires pour établir plus précisément et avec un degré de confiance plus élevé quels sont les niveaux d’activité physique optimaux pour la santé des femmes. 

Partagez cet article :