Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

Voir tous les articles
Comment la colère est-elle liée à l’infarctus et l’accident vasculaire cérébral ?

En bref

  • La colère a été associée à un risque accru d’événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) dans plusieurs études antérieures, mais le mécanisme derrière ce phénomène demeure inconnu.
  • Dans une étude récente, on a demandé à 280 participants adultes en bonne santé de se remémorer un épisode de colère ou d’anxiété ou de lire des phrases induisant la tristesse durant 8 minutes.
  • La santé de l’endothélium (couche de cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins) a été évaluée immédiatement après l’induction de l’émotion négative ou l’exécution d’une tâche neutre et après 3, 40, 70 et 100 minutes. 
  • La colère a significativement réduit la dilatation des vaisseaux sanguins. Deux autres émotions négatives, l’anxiété et la tristesse n’ont pas eu d’effet significatif sur la santé de l’endothélium.

En 1959, des chercheurs ont pour la première fois suggéré que les personnes de type hautement compétitives, ambitieuses, motivées par le travail, soucieuses de leur emploi du temps et agressives (comportement de type « A ») avaient un risque plus élevé de subir un événement cardiovasculaire. Cette hypothèse a généré un grand intérêt et plusieurs chercheurs ont depuis étudié l’association entre les facteurs psychologiques et les événements cardiovasculaires

La colère a été associée à un risque accru d’événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) dans plusieurs études antérieures, mais le mécanisme derrière ce phénomène demeure inconnu (voir ici, ici et ici). Des chercheurs ont récemment examiné les effets de trois émotions négatives (colère, anxiété et tristesse) sur la santé de l’endothélium, la couche de cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins. L’étude randomisée et contrôlée a été réalisée auprès de 280 participants âgés de 18 à 73 ans qui n’avaient pas d’historique d’hypertension, diabète, de déséquilibre métabolique ou de trouble de l’humeur. Les participants ont été assignés au hasard en trois groupes qui ont été soumis à des conditions conçues pour susciter des émotions précises :

  • Colère et anxiété : Les participants devaient se remémorer un événement qui les a rendus en colère ou anxieux et d’en parler durant 8 minutes.
  • État dépressif : Les participants devaient lire des phrases qui étaient de plus en plus tristes durant 8 minutes (Velten Mood Induction Procedure).
  • État neutre : Les participants de ce groupe témoin devaient compter à voix haute durant 8 minutes.

Les chercheurs ont mesuré le flux sanguin de chacun des participants à l’aide d’un brassard gonflé sur le bras dominant, un cathéter intraveineux et une sonde portée au doigt, immédiatement après l’induction de l’émotion négative ou l’exécution de la tâche neutre et après 3, 40, 70 et 100 minutes. Puisque le simple fait de parler peut affecter les vaisseaux sanguins, les participants du groupe témoin devaient parler (compter) sans que cela suscite d’émotions négative ou positive. 

La colère a significativement réduit la dilatation des vaisseaux sanguins, par rapport au groupe témoin. Deux autres émotions négatives, l’anxiété et la tristesse n’ont pas eu d’effet significatif sur la santé de l’endothélium. L’effet défavorable de la colère a perduré jusqu’à 40 minutes, avant de revenir à la normale. Les auteurs de l’étude pensent qu’une personne qui se met souvent en colère endommage ses artères continuellement, et qu’avec le temps cela pourrait mener à développer de l’athérosclérose et des maladies cardiovasculaires.

Les vaisseaux sanguins en santé sont soumis au processus de vasodilatation sur une base régulière, afin d’accroître le flux sanguin et permettant ainsi d’acheminer l’oxygène et les nutriments à travers le corps. L’altération de la vasodilatation, causée par la perte de la fonction endothéliale, favorise plusieurs processus qui mènent à l’accumulation de plaques dans les artères, c.-à-d. l’athérosclérose. 

Les mécanismes biologiques sous-jacents par lesquels la colère perturbe la vasodilatation dépendante de l’endothélium demeurent inconnus. Parmi les mécanismes possibles, il y aurait :

  • l’activation du système nerveux sympathique, qui a déjà été associée avec des perturbations de la vasodilatation dépendante de l’endothélium ;
  • le dérèglement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien ;
  • une baisse de la biodisponibilité de l’oxyde nitrique ;
  • une augmentation du stress oxydatif ; une augmentation de l’inflammation des artères ;
  • une hausse de l’endothéline -1 (neuropeptide vasoconstricteur sécrété par l’endothélium), qui a déjà été associée avec le stress psychologique. 

Un des points importants à retenir de cette étude est que les émotions négatives ne sont pas toutes égales en ce qui concerne leurs effets sur le système cardiovasculaire. À la lumière des résultats de cette étude, les cliniciens pourraient informer leurs patients des différentes stratégies de gestion de la colère afin de promouvoir une bonne santé cardiovasculaire, particulièrement auprès des patients qui éprouvent un inconfort ou une douleur à la poitrine quand ils sont en colère ou stressés. 

Partagez cet article :