L’impact positif du café sur le risque de fibrillation auriculaire

La fibrillation auriculaire (FA) est une arythmie qui se caractérise par des battements du cœur très irréguliers (et le plus souvent rapides) dus à un dérèglement de l’activité électrique de l’oreillette gauche, la cavité du cœur qui reçoit le sang oxygéné des poumons. La transmission du signal électrique devient tellement anarchique qu’il n’y a pas contraction de l’oreillette à proprement parler et la stagnation du sang qui en résulte peut provoquer la formation d’un caillot (thrombus) qui peut être éjecté à tout moment dans la circulation via l’aorte et atteindre le cerveau. La FA est le désordre du rythme cardiaque le plus commun dans la population, touchant environ une personne sur trois durant son existence et qui, si elle est non traitée, représente l’une des premières causes d’accidents vasculaires cérébraux.

Pour les patients qui présentent une FA qui ne peut être corrigée par les médicaments anti-rythmiques ou qui nécessite une intervention d’urgence, une procédure courante est de rétablir le rythme cardiaque normal à l’aide de la cardioversion. Cette technique consiste à administrer, sous anesthésie, un choc électrique à un moment précis du rythme cardiaque, ce qui arrête brièvement les battements du cœur et, après une seconde ou deux, celui-ci recommence à battre à un rythme normal. Cependant, malgré ce succès à court terme, on observe fréquemment une récidive des épisodes de FA après la cardioversion, avec des taux atteignant souvent 50 % ou plus au cours de la première année, et parfois même dès le premier mois. L’identification de facteurs qui pourraient prévenir ces récidives, ou du moins diminuer leur fréquence, présente donc un intérêt considérable pour améliorer la qualité de vie des patients. 

Le café : un stimulant antiarythmique ?

Il est généralement admis que des stimulants comme la caféine ont le potentiel de déclencher des arythmies et c’est pour cette raison qu’un des changements au mode de vie le plus souvent recommandé aux patients souffrant de FA est de réduire ou même cesser la consommation de café.  Cet effet proarythmique du café demeure cependant quelque peu nébuleux, dans la mesure où les études observationnelles n’ont généralement observé aucun risque accru de FA chez les consommateurs de café (voir ici et ici, par exemple) et même, au contraire, la majorité de ces études rapportent une diminution du risque chez les buveurs de café.  Cette absence d’effet négatif est également suggérée par un essai clinique randomisé récent où on a observé que la consommation de café caféiné n’entraînait pas davantage de contractions prématurées de l’oreillette, connues pour déclencher des épisodes de FA.

Les résultats de l’essai randomisé DECAF (Does Eliminating Coffee Avoid Fibrillation), présentés début novembre au congrès annuel de l’American Heart Association, confirment cette absence d’effet négatif du café sur le risque de FA. Dans cet essai clinique multicentrique, 200 patients atteints de FA persistante (âge moyen de 69 ans) et qui avaient subi avec succès une cardioversion ont été séparés de façon aléatoire en deux groupes : 1) un groupe « café », qui pouvait continuer à consommer régulièrement ce breuvage (1 tasse par jour en moyenne, soit environ 7 tasses par semaine) et 2) un groupe « abstinent », qui avait accepté d’éliminer le café (et toutes formes de caféine) de leurs habitudes quotidiennes.  Le critère d’évaluation principal de l’étude était toute récidive de FA d’une durée supérieure à 30 secondes dans les six mois suivant la cardioversion, telle que détectée en clinique ou enregistrée par un dispositif.

Les résultats montrent de façon sans équivoque que la consommation de café est bénéfique pour les patients atteints de FA (Figure 1) : son effet positif apparait très tôt, dès le premier mois de l’étude, et à six mois, la probabilité de récidive de FA passe de 64 % dans le groupe « abstinence » à 47 % des participants du groupe « café », soit une réduction de 39 % du risque de récidive chez les buveurs réguliers de café.  Autrement dit, non seulement la consommation modérée de café (1 tasse par jour) semble absolument sans danger pour les personnes atteintes de FA, mais elle pourrait même améliorer leur situation en réduisant le risque de récidive des arythmies.

Le café, c’est bon pour le cœur

Ces résultats s’ajoutent à la liste des bénéfices cardiovasculaires attribuables à la consommation de café qui ont été mis en évidence au cours des dernières années (voir notre article à ce sujet). Le café n’est pas simplement une source de caféine : il s’agit plutôt d’une boisson d’origine végétale très complexe, contenant plusieurs centaines de composés phytochimiques (les polyphénols, par exemple) ayant des effets positifs sur plusieurs processus impliqués dans le développement des maladies chroniques (l’inflammation et la résistance à l’insuline, entre autres).  Il faut donc absolument éviter d’extrapoler les bénéfices observés dans cette étude à la caféine qui est présente en forte dose dans d’autres produits, en particulier les boissons énergisantes. Ces produits de synthèse n’apportent rien de vraiment bien utile au-delà d’une diminution temporaire de la fatigue, et certaines études suggèrent que certains additifs qu’elles contiennent pourraient avoir des effets négatifs sur la santé (à titre d’exemple, on a récemment observé que la taurine, un acide aminé non essentiel couramment ajouté dans les boissons énergisantes, pourrait stimuler la croissance d’un type agressif de leucémie).