Les suppléments anti-vieillissement : une nouvelle fontaine de jouvence ?

Les suppléments anti-vieillissement : une nouvelle fontaine de jouvence ?

EN BREF

  • La berbérine, tout comme le médicament antidiabétique metformine, est un activateur d’une enzyme (AMPK) qui est impliquée dans certains effets bénéfiques anti-vieillissement de la restriction calorique.
  • Le resvératrol et le ptérostilbène réduisent l’inflammation, le risque de maladie cardiaque, de cancer et de neurodégénération, en plus de protéger l’intégrité du génome via l’activation d’enzymes nommées « sirtuines ».
  • Les suppléments nicotinamide mononucléotide (NMN) et le nicotinamide riboside (NR) sont efficaces pour augmenter les taux de nicotinamide adénine dinucléotide (NAD) qui diminuent avec l’âge.
  • Certains de ces suppléments allongent la vie de plusieurs organismes vivants (levures, vers, mouches) et d’animaux de laboratoire (souris, rats), mais il n’y a pas encore de données probantes chez l’humain à cet effet.

Depuis des millénaires l’homme cherche à ralentir le vieillissement et prolonger la vie à l’aide d’élixirs, d’eaux miraculeuses, de pilules et autres suppléments. Pourtant on sait aujourd’hui que dans les communautés où les gens vivent plus longtemps (les « blue zones »), il semble que le « secret » de la longévité consiste en un mode de vie caractérisé par une activité physique soutenue tout le long de la vie, une alimentation saine composée principalement de végétaux et des liens sociaux et familiaux très forts.

Il y a donc cette idée que certaines molécules ont des propriétés anti-vieillissement, c.-à-d. qu’elles sont en mesure de retarder le vieillissement normal et donc de prolonger la vie, malgré un mode de vie suboptimal. Cette question intéresse aussi les scientifiques qui ont identifié et étudié les effets anti-vieillissement de certaines molécules surtout sur des cellules en culture et des animaux de laboratoire. Plusieurs suppléments « anti-vieillissement » sont offerts dans le commerce, mais sont-ils vraiment efficaces ?

Metformine
La metformine est un médicament largement prescrit depuis plus de 60 ans pour traiter le diabète de type 2. La metformine est un analogue synthétique non toxique de la galégine, un composé actif extrait de la plante galéga officinal (rue de chèvre) qui était utilisé dès le 17e siècle comme remède contre l’émission excessive d’urine causée par le diabète.   Elle normalise la glycémie en augmentant la sensibilité à l’insuline des principaux tissus qui utilisent le glucose tels le foie et le tissu adipeux.

La metformine cause un stress énergétique dans la cellule en inhibant le complexe I de la chaîne respiratoire mitochondriale (centrale de l’énergie dans la cellule), ce qui a pour résultat d’inhiber à son tour l’enzyme mTORC1 (mechanistic target of rapamycin complex 1) par des mécanismes dépendant ou non de l’activation de l’enzyme AMPK. Le complexe mTORC1, composé de l’enzyme mTOR (une sérine/thréonine kinase) et de protéines régulatrices, est impliqué dans la régulation de plusieurs activités cellulaires (synthèse des protéines, transcription de l’ADN en ARN, prolifération, croissance, mobilité et survie cellulaire) en réponse à la détection de nutriments. Elle est aussi impliquée dans les nombreux changements qui surviennent lors du ralentissement du vieillissement causé par la restriction calorique, au niveau de la fonction mitochondriale (centrale de l’énergie dans la cellule) et de la sénescence cellulaire. L’adénosine monophosphate kinase (AMPK) est une enzyme qui fonctionne comme un capteur central des signaux métaboliques.

La metformine atténue les signes du vieillissement et augmente la durée de vie de plusieurs organismes vivants, incluant plusieurs espèces animales. Chez l’humain, les diabétiques qui prennent de la metformine vivent plus longtemps que ceux qui ne prennent pas ce médicament. Parmi les effets secondaires indésirables associés à la prise de metformine, il y a à court terme les diarrhées, flatulences, maux de ventre et à long terme une diminution de l’absorption de la vitamine B12.

La metformine pourrait-elle retarder le vieillissement dans la population en général, comme cela semble être le cas pour les diabétiques ? Pour répondre à cette question, un essai clinique contrôlé est en cours, il s’agit de l’étude TAME (Targeting Ageing with Metformin) qui sera réalisée auprès de 3000 participants âgés de 65 à 79 ans, recrutés dans 14 sites pilotes aux États-Unis. L’étude d’une durée de six ans a pour but d’établir si la prise de metformine peut retarder le développement ou la progression de maladies chroniques associées au vieillissement, tels les maladies cardiovasculaires, le cancer et les démences. Cette étude suscite beaucoup d’intérêt parce que la metformine est un médicament peu coûteux et dont la sécurité est bien établie. Advenant des résultats positifs, la metformine pourrait devenir le premier médicament prescrit pour traiter le vieillissement et potentiellement augmenter l’espérance de vie en bonne santé des personnes âgées.

Berbérine
La berbérine est un alcaloïde dérivé de l’isoquinoline qui est retrouvé dans plusieurs espèces de plantes : le coptide chinois (Coptis chinensis), l’hydraste du Canada (Hydrastis canadensis) et l’épine-vinette (Berberis vulgaris). Le coptide chinois est l’une des 50 herbes fondamentales de la pharmacopée traditionnelle chinoise et il est utilisé principalement pour prévenir ou atténuer les symptômes, telle la diarrhée, associés à des maladies digestives. La berbérine a de nombreux effets biologiques bien documentés scientifiquement (voir ces articles de revue en anglais ici, et ici), incluant des activités anti-inflammatoire, anti-tumorale, antiarythmique et des effets favorables sur la régulation de la glycémie et des lipides sanguins. La berbérine prolonge la durée de vie de la drosophile (mouche à fruits) et stimule leur activité locomotrice.

Figure 1. Structures de la berbérine et de la metformine.

Metformine et berbérine : des composés mimétiques de la restriction calorique
La berbérine agit de manière similaire à la metformine, même si leurs structures sont très différentes (voir figure 1). Les deux molécules sont des activateurs d’une enzyme, l’AMPK, qui fonctionne comme un capteur central des signaux métaboliques. L’activation de l’AMPK est impliquée dans certains effets bénéfiques pour la santé de la restriction calorique à long terme. À cause de ce mécanisme commun, il a été suggéré que la metformine et la berbérine pourraient agir comme des composés mimétiques de la restriction calorique et augmenter la durée de vie en bonne santé. Voici les principaux bienfaits potentiels des activateurs de l’AMPK qui ont été identifiés :

  • réduction de risque d’athérosclérose ;
  • réduction du risque d’infarctus du myocarde ;
  • réduction du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) ;
  • amélioration du syndrome métabolique ;
  • réduction du risque de diabète de type 2 ;
  • contrôle de la glycémie chez les diabétiques ;
  • réduction du risque de gain de poids ;
  • réduction du risque de certains cancers ;
  • réduction du risque de démence et d’autres maladies neurodégénératives
    Il faut souligner qu’aucune étude randomisée contrôlée n’a encore été publiée pour démontrer de tels effets positifs chez l’humain.

Il faut souligner qu’aucune étude randomisée contrôlée n’a encore été publiée pour démontrer de tels effets positifs chez l’humain.

Resvératrol, ptérostilbène
Le resvératrol et le ptérostilbène sont des composés polyphénoliques naturels de la classe des stilbénoïdes qui sont retrouvés en faible quantité dans la peau du raisin (resvératrol), les amandes, les myrtilles et d’autres plantes (ptérostilbène). Des études ont montré (voir cet article de revue) que le resvératrol peut réduire l’inflammation, le risque de maladie cardiaque, de cancer et de maladie neurodégénérative. Le resvératrol active les gènes des sirtuines, des enzymes qui protègent l’intégrité de l’ADN et de l’épigénome (l’ensemble des modifications qui ne sont pas codées par la séquence d’ADN , qui régulent l’activité des gènes en facilitant ou en empêchant leur expression). Il semble que le ptérostilbène soit une meilleure alternative au resvératrol parce qu’il est mieux absorbé dans l’intestin et qu’il est plus stable dans le corps humain. De plus, certaines études indiquent que le ptérostilbène est supérieur au resvératrol en ce qui concerne les effets cardioprotecteur, anticancer et antidiabétique.

Le resvératrol prolonge la vie d’organismes vivants tels la levure (+70 %), le ver C. elegans (+10-18 %), l’abeille (+33-38 %) et certains poissons (+19-56 %). Cependant, la supplémentation en resvératrol ne prolonge pas la vie de souris ou de rats en bonne santé. Par ailleurs, le resvératrol a prolongé la vie (+31 %) de souris dont le métabolisme était affaibli par un régime alimentaire à haute teneur en calories. Il semble que le resvératrol protège les souris obèses contre la stéatose hépatique en diminuant l’inflammation et la lipogenèse. Le resvératrol est une molécule qui un potentiel élevé pour améliorer la santé et la longévité chez l’humain, mais il ne sera pas facile de démontrer l’efficacité de cette molécule sur la longévité dans des essais cliniques à large échelle, à cause des coûts énormes et des problèmes de compliance associés à ce genre d’essai de longue durée.

Les suppléments précurseurs du NAD peuvent-ils prévenir le vieillissement ?
Le nicotinamide adénine dinucléotide (NAD) joue un rôle essentiel dans le métabolisme cellulaire, comme cofacteur ou coenzyme dans des réactions d’oxydoréductions (voir figure 2) et comme molécule de signalisation dans diverses voies métaboliques et autres processus biologiques. Le NAD est impliqué dans plus de 500 réactions enzymatiques distinctes et c’est l’une des molécules les plus abondantes dans le corps humain (approx. 3 g/personne). Les manuels de biochimie décrivent encore le métabolisme du NAD de manière statique et insistent principalement sur les réactions de conversion (oxydoréduction) entre la forme oxydée « NAD+ » et la forme réduite « NADH » (voir la figure 1 ci-dessous).

Figure 2. Le nicotinamide adénine dinucléotide est un coenzyme impliqué dans de nombreuses réactions d’oxydoréduction au niveau cellulaire. L’équation en haut de la figure montre l’échange de deux électrons dans cette réaction. Les différences dans les structures du NAD+ (forme oxydée) et du NADH (forme réduite) sont indiquées en rouge.

Pourtant les résultats de recherches récentes montrent que le NAD est impliqué dans une foule de réactions autres que celles d’oxydoréductions. Le NAD et ses métabolites servent de substrats pour des enzymes très diverses qui sont impliquées dans plusieurs aspects du maintien de l’équilibre cellulaire (homéostasie). Par exemple, les sirtuines, une famille d’enzymes qui métabolisent le NAD, ont des impacts sur l’inflammation, la croissance cellulaire, le rythme circadien, le métabolisme énergétique, la fonction neuronale et la résistance au stress.

Les cellules humaines, à l’exception des neurones, ne peuvent importer le NAD. Elles doivent donc le synthétiser à partir de l’acide aminé tryptophane ou de l’une des formes de vitamine B3 comme le nicotinamide (NAM, aussi connu sous le nom de niacinamide) ou l’acide nicotinique (niacine, NA). La concentration de NAD dans le corps diminue avec l’âge, une diminution qui a été associée à des pathologies métaboliques et neurodégénératives. On s’est donc demandé s’il ne serait pas possible de retarder le vieillissement en compensant la baisse par des suppléments.

Il y a trois approches pour augmenter les niveaux de NAD dans le corps :

  • La supplémentation en précurseurs du NAD
  • L’activation des enzymes impliqués dans la biosynthèse du NAD.
  • L’inhibition de la dégradation du NAD.


Les précurseurs du NAD
Un apport de 15 mg de niacine via l’alimentation permet de maintenir des niveaux homéostatiques (constants) de NAD. On a longtemps cru que cet apport en niacine était optimal pour toute la population ; or il s’est avéré que les niveaux de NAD décroissent avec l’âge et qu’une supplémentation qui ramène les niveaux de NAD à une valeur normale, ou légèrement au-dessus, a des bienfaits sur la santé d’organismes vivants, de la levure aux rongeurs.

La supplémentation en acide nicotinique (niacine) à dose très élevée (250-1000 mg/jour durant 4 mois) est efficace pour augmenter la concentration de NAD dans le corps selon une étude clinique, mais son emploi est limité par les effets secondaires déplaisants, incluant le rougissement et les démangeaisons cutanées causés par le relargage de prostaglandine (>50 mg niacine/jour) ; de la fatigue et des effets gastro-intestinaux (>500 mg/jour). L’autre forme de vitamine B3, le nicotinamide (NAM) a le désavantage d’inhiber certaines enzymes telles que PARP et les sirtuines, aussi les chercheurs sont-ils d’avis que d’autres précurseurs tels que le nicotinamide riboside (NR) et le nicotinamide mononucléotide (NMN) sont plus prometteurs puisqu’ils n’inhibent pas ces mêmes enzymes. Le NMN est présent dans la nature, particulièrement dans les fruits et légumes (brocoli, choux, concombre, avocat, edamame), mais l’apport alimentaire en NMN est trop faible pour permettre de maintenir des niveaux constants de NAD dans le corps.

Le NR est bien toléré et une dose orale quotidienne de 1000 mg résulte en une hausse substantielle des niveaux de NAD dans le sang et les muscles, une stimulation de l’activité énergétique mitochondriale et une baisse des cytokines inflammatoires dans la circulation sanguine. Des études sur des animaux ou des cellules en culture indiquent que la supplémentation en NR a des effets positifs sur la santé et quelle a des effets neuroprotecteurs dans des modèles du syndrome de Cockayne (maladie héréditaire due à un défaut de réparation de l’ADN), de lésions induites par le bruit, de sclérose latérale amyotrophique, des maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

Figure 3. Structures de quatre formes de vitamine B3, des précurseurs du NAD. La similarité entre les structures de ces molécules est indiquée en bleu et en noir, les différences en rouge. Ces quatre molécules sont toutes des précurseurs du NAD (voir texte).

Effet de la supplémentation en NAD sur la neurodégénérescence
Un essai clinique contrôlé de phase I (étude NADPARK) a été réalisé afin d’établir si la supplémentation NR par voie orale peut effectivement augmenter les niveaux de NAD dans le cerveau, et avoir des impacts sur le métabolisme cérébral de patients atteints de la maladie de Parkinson. Trente patients récemment diagnostiqués ont été traités quotidiennement durant 30 jours avec 1000 mg de NR ou un placebo. La supplémentation a été bien tolérée et a significativement augmenté, quoique de façon variable, les niveaux de NAD et de ses métabolites dans le cerveau tel que mesuré par résonance magnétique nucléaire au 31phosphore. Chez les patients qui ont reçu du NR et qui ont eu une hausse de leur NAD dans le cerveau, on a observé une altération du métabolisme cérébral, associé à de légères améliorations cliniques. Ces résultats, publiés en 2022, ont été jugés prometteurs par les chercheurs qui sont en train de faire un essai clinique de phase II (étude NOPARK), qui a pour but d’établir si la supplémentation en NR peut retarder ou non la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la région nigrostriatale du cerveau et la progression clinique de la maladie chez des patients atteints de Parkinson au stade précoce.

Effet de la supplémentation en NAD sur le vieillissement
Les études montrent que la supplémentation en NR et MNM augmente les niveaux de NAD dans des souris, et qu’elle augmente légèrement la durée de la vie de ces animaux. Parmi les autres effets bénéfiques répertoriés chez la souris, il y a : une amélioration de l’endurance musculaire, une protection contre les complications du diabète, un ralentissement de la progression de la neurodégénérescence, des améliorations au niveau du cœur, du foie et des reins. Chez l’humain peu d’études bien faites ont été réalisées à ce jour et celles-ci étaient de courte durée et ont donné pour la plupart des résultats décevants, contrairement aux données obtenues chez les animaux. La durée de vie des souris relativement courte (2 à 3 ans) permet de tester l’effet de suppléments sur leur longévité, mais ce type d’expérience ne peut être envisagée chez les humains qui ont une espérance de vie beaucoup plus grande.

Les suppléments de NNM et de NR sont en vente libre et la Food and Drug Administration (FDA) des É.-U. a jugé que, selon les données disponibles, il est sécuritaire de les consommer (il est à noter que contrairement aux médicaments la FDA des É.-U. ne juge pas de l’efficacité thérapeutique des suppléments). Les suppléments en vente libre ne sont pas tous de qualité égale, aussi est-il recommandé de privilégier les produits certifiés GMP (Good Manufacturing Practice, une réglementation promulguée par la FDA des É.-U.). Veuillez noter que, dans l’état des connaissances sur le sujet, nous n’encourageons pas l’utilisation des suppléments NMN ou NR.

Heureusement il est possible de faire quelque chose pour maintenir un niveau normal de NAD en vieillissant sans devoir consommer des suppléments : faire de l’exercice !   Une étude récente indique en effet que la baisse de NAD chez des personnes âgées qui font peu ou pas du tout d’exercices n’est pas observée chez celles qui font régulièrement de l’exercice physique (au moins 3 séances structurées d’exercices physiques d’au moins une heure chacune par semaine). Ces personnes âgées très actives (marchant en moyenne 13 000 pas par jour) avaient des niveaux de NAD comparables aux participants adultes plus jeunes. Les niveaux de NAD et les fonctions mitochondriale et musculaire augmentent en fonction de la quantité d’exercice, tel qu’estimé par le nombre de pas marchés quotidiennement.

Certains suppléments sont prometteurs et il faudra suivre avec attention les résultats des études bien menées qui sont en cours ou à venir. La prise de suppléments sur une base quotidienne coûte cher, leur qualité est très variable et certains peuvent avoir des effets secondaires (inconforts intestinaux par exemple). Dans l’état des connaissances, il semble que la plupart des bienfaits potentiels associés à la prise de ces suppléments, y compris la longévité, peuvent être obtenus simplement en associant des exercices physiques réguliers, une alimentation saine basée sur les végétaux, le maintien d’un poids santé (IMC entre 18,5 et 25 kg/m2) et la restriction calorique (en pratiquant par exemple le jeûne intermittent une fois par semaine).

Les suppléments de vitamines et minéraux: inefficaces pour prévenir les maladies cardiaques

Les suppléments de vitamines et minéraux: inefficaces pour prévenir les maladies cardiaques

EN BREF

  • Les multivitamines, la vitamine C, la vitamine D, le β-carotène (provitamine A), le calcium et le sélénium n’ont pas d’effet significatif sur les accidents cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC) et sur la mortalité, toutes causes confondues.
  • Une augmentation du risque de mortalité (toutes causes confondues) est associée à la prise de suppléments d’antioxydants (+6 %) et de niacine (vitamine B3) pris avec une statine (+10 %).
  • Il est recommandé de ne pas prendre de suppléments de β-carotène (vitamine A) ou de vitamine E. Le β-carotène a été associé à un risque plus élevé de cancer du poumon chez les fumeurs et la vitamine E à un risque plus élevé de cancer de la prostate. 

Mis à jour le 13 août 2019

La plupart des suppléments de vitamines et minéraux couramment utilisés ne préviennent pas les maladies cardiaques et ne prolongent pas la vie selon une revue systématique et des méta-analyses de 179 essais randomisés contrôlés.   L’étude publiée en 2018 dans le Journal of the American College of Cardiology a été réalisée par des groupes de chercheurs provenant de plusieurs institutions, incluant l’Université de Toronto et la Harvard School of Public Health. Les multivitamines, la vitamine C, la vitamine D, le β-carotène (provitamine A), le calcium et le sélénium n’ont pas d’effet significatif sur les accidents cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC) et sur la mortalité, toutes causes confondues. L’exemple de la vitamine D, l’une des plus étudiées avec 43 essais randomisés contrôlés, illustre bien l’absence de bienfait ou d’effet nuisible puisqu’il y a eu 2908 décès sur 18 719 participants (15,5 %) dans le groupe qui a pris un supplément de vitamine D et 2968 décès sur 18 831 participants (15,8 %) dans le groupe témoin, durant la durée des études. Seize études sur la vitamine D rapportent un effet favorable sur la mortalité, 17 études rapportent un effet défavorable et 10 études indiquent un effet neutre. Les données sont de grande qualité et démontrent de manière convaincante un effet neutre des suppléments de vitamine D sur la mortalité, toutes causes confondues.

Des données de qualité faible à moyenne indiquent que l’acide folique (vitamine B9) réduit de 17 % le risque d’accidents cardiovasculaires et de 20 % le risque d’AVC, alors que les vitamines du complexe B réduisent le risque d’AVC seulement (–10 %). Deux études sur sept indiquent que l’acide folique réduit le risque d’AVC et les résultats de la méta-analyse des sept études sont fortement influencés par une seule étude favorable qui compte pour 92 % de l’ensemble des données. Cette étude favorable a été réalisée en Chine, dans une communauté où il n’y a pas de fortification avec l’acide folique. Depuis 1998 tous les produits céréaliers vendus au Canada (ex.: pain, pâtes alimentaires) sont fortifiés en acide folique à raison de 0,15 mg par 100 g de farine. Parmi les bonnes sources alimentaires d’acide folique, on retrouve les abats (foie), les légumes vert foncé (brocoli, épinards, choux de Bruxelles et petits pois), le maïs, les pois secs, les lentilles et les oranges.

Une augmentation du risque de mortalité (toutes causes confondues) est associée à la prise de suppléments d’antioxydants (+6 %) et de niacine (vitamine B3) pris avec une statine (+10 %). Les antioxydants n’ont pas d’effets sur les accidents cardiovasculaires, selon les méta-analyses d’essais randomisés contrôlés (données de qualité moyenne).

Une autre revue systématique et méta-analyse récente conclut que les suppléments de vitamines et minéraux ne préviennent pas les accidents cardiovasculaires ou la mort de cause cardiovasculaire. Cette méta-analyse, publiée en juillet 2018 dans un journal de l’American Heart Association, Circulation : Cardiovascular Quality and Outcomes, incluait 18 études prospectives et essais randomisés contrôlés avec au total 2 millions de participants et un suivi d’une durée moyenne de 12 ans. La méta-analyse de 18 études indique que les suppléments de multivitamines (suppléments contenant plus de 3 vitamines ou minéraux) n’ont pas d’effet sur le risque mortalité d’origine cardiovasculaire, la mortalité due à un AVC, la mortalité due à la maladie coronarienne, non plus que sur l’incidence de l’AVC. Par contre, les multivitamines sont associées à une réduction du risque d’incidence de la maladie coronarienne (-12 %), mais cette association n’est plus significative lorsque seuls les essais randomisés contrôlés (plus fiables que les études prospectives) sont pris en compte dans l’analyse.

La consommation de suppléments de vitamines et de minéraux n’est pas associée à une plus grande longévité selon une étude américaine auprès de 30 899 participants adultes (cohorte NHANES). La consommation de certaines vitamines (vitamines A et K) et de certains minéraux (magnésium, zinc et cuivre) en quantité adéquate est associée à une réduction du risque de mortalité de cause cardiovasculaire ou de toute cause, mais seulement lorsque ces nutriments essentiels proviennent de la nourriture, et non pas de suppléments. L’excès de calcium (≥1000 mg/jour) sous forme de supplément était associé à un risque 53 % plus élevé de mortalité causée par le cancer, par comparaison avec les personnes qui ne prenaient pas du tout de supplément de calcium.  L’apport de calcium provenant de la nourriture n’est pas associé à un risque plus élevé de mortalité causée par le cancer.

Historiquement, les suppléments de vitamines ont sauvé des vies dans certains cas précis de carence sévère (ex. : scorbut), mais les experts ont maintenant cessé de les recommander pour la prévention de maladies chroniques. Un groupe d’experts américains, la U.S. Preventive Services Task Force(USPSTF) a examiné en 2013 l’ensemble des données disponibles sur la supplémentation en vitamines et minéraux et la prévention des maladies cardiovasculaires et le cancer, et fait des recommandations en 2014. La USPSTF conclut que les données disponibles n’indiquent pas que les suppléments de vitamines et de minéraux préviennent les maladies cardiovasculaires ou le cancer. Pour les adultes en santé qui n’ont pas de besoins nutritionnels spécifiques, la USPSTF ne recommande pas les multivitamines et les suppléments individuels ou par pair pour prévenir les maladies cardiovasculaires ou le cancer. Le groupe d’experts recommande de ne pas prendre de suppléments de β-carotène (vitamine A) ou de vitamine E.  Le β-carotène a été associé à un risque plus élevé de cancer du poumon chez les fumeurs et la vitamine E à un risque plus élevé de cancer de la prostate.

Aux États-Unis, on estime que plus de 50 % de la population prend un supplément quelconque. Environ 30 % des Américains prendraient des multivitamines, 19 % de la vitamine D, 14 % du calcium et 12 % de la vitamine C. C’est un très gros marché, les ventes annuelles de suppléments de vitamines, minéraux et de plantes totalisaient 21 milliards de dollars en 2015 aux États-Unis seulement.

Visites à l’urgence à cause d’effets indésirables de suppléments alimentaires.
Il a été estimé que chaque année aux États-Unis, plus de 23 000 visites aux urgences des cliniques et hôpitaux sont attribuables à des effets indésirables causés par des suppléments alimentaires. Ce sont souvent de jeunes adultes âgés de 20 à 34 ans (28 % des visites) et des enfants sans surveillance (21 % des visites) qui se présentent à l’urgence. En excluant les enfants sans surveillance, 66 % des visites pour des effets indésirables causés par un seul supplément impliquent des produits à base de plantes et autres produits naturels ; 32 % des visites impliquent la consommation de micronutriments (vitamines et minéraux). Les produits naturels pour la perte de poids et les produits énergisants sont fréquemment impliqués : ils causent 72 % des effets indésirables des suppléments tels que palpitations, douleurs thoraciques ou tachycardie. Parmi les adultes âgés de plus de 65 ans, les étouffements, la dysphagie causée par les comprimés ou un globus pharyngé (sensation de boule dans la gorge) représentent 38 % des visites reliées à des effets indésirables de suppléments et 83 % de ces visites impliquent des micronutriments.

La consommation de suppléments vendus pour perdre du poids, pour développer les muscles, ou pour donner de l’énergie est associée avec un risque accru de graves problèmes médicaux chez les enfants et les jeunes adultes, selon une étude publiée dans Journal of Adolescent Health en 2019. Comparé aux vitamines, les suppléments pour perdre du poids, pour développer les muscles, ou pour donner de l’énergie sont associés avec un risque 2,6 à 2,7 fois plus élevé d’expérimenter un problème médical grave (hospitalisation, invalidité, mort). Les suppléments vendus pour améliorer la performance sexuelle et ceux pour nettoyer le colon étaient associés à un risque 2,4 fois et 1,7 fois plus élevé d’avoir un problème médical grave, comparé aux vitamines.

Les résultats des méta-analyses citées plus haut, les plus complètes publiées à ce jour, viennent renforcer un large consensus qui s’est établi depuis plusieurs années. Les personnes qui ont une déficience confirmée doivent, bien entendu, prendre des suppléments selon les recommandations de leur médecin. Mais pour la prévention des maladies chroniques, les données scientifiques n’indiquent pas que les suppléments sont bénéfiques. Ces suppléments sont inutiles lorsqu’on a une saine alimentation, basée sur une vaste gamme de végétaux de qualité, riches en vitamines, minéraux, fibres, et composés phytochimiques essentiels au maintien d’une bonne santé et qui réduisent les risques de plusieurs maladies chroniques. Rappelons que pour réduire le risque de maladie cardiovasculaire, en plus de manger sainement il faut arrêter de fumer, faire de l’exercice, contrôler sa pression artérielle et les niveaux de cholestérol-LDL.

 

 

 

Résidus de pesticides dans les fruits et les légumes : les avantages de la consommation dépassent largement les risques

Résidus de pesticides dans les fruits et les légumes : les avantages de la consommation dépassent largement les risques

Un rapport récent de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) fait le point sur l’exposition aux résidus de pesticides retrouvés sur les fruits et légumes frais couramment consommés par la population québécoise. Il s’agit d’un sujet d’une grande importance, car plusieurs de ces pesticides sont reconnus comme cancérigènes à fortes doses et il est donc légitime de s’inquiéter de la présence de trop grandes quantités de ces molécules toxiques dans notre alimentation.
Les résultats de l’étude sont à plusieurs égards rassurants, car le risque cancérigène global estimé pour l’ensemble des pesticides étudiés est très faible, ces contaminants n’étant responsables que d’un maximum de 39 cas de cancers annuellement pour l’ensemble de la population québécoise. À l’opposé, les auteurs estiment que le nombre de cas de cancer prévenus annuellement au Québec par la consommation de fruits et de légumes est d’environ 4000, soit 100 fois plus, en raison de l’effet protecteur bien documenté des végétaux sur le développement de plusieurs types de cancer. Les bénéfices associés à la consommation régulière de végétaux surpassent donc largement les risques associés aux résidus de pesticides et confirment l’importance de continuer à encourager la population à adopter pour une alimentation contenant une grande variété de fruits et de légumes. Néanmoins, il faut selon les auteurs demeurer vigilants et continuer à favoriser la mise en place de mesures visant à réduire autant que possible l’exposition de la population aux pesticides.
En ce sens, une approche qui est de plus en plus populaire est de favoriser la consommation de végétaux issus de l’agriculture biologique. Selon les principes de base du « bio » (santé, écologie, équité et précaution), l’utilisation de pesticides synthétiques est bannie (certains pesticides naturels demeurent utilisés) et ces aliments peuvent donc représenter une alternative valable aux produits cultivés de façon conventionnelle pour les personnes qui désirent minimiser leur exposition aux résidus de pesticides. Cette réduction a été bien documentée par des études qui montrent que la consommation d’aliments bios se traduit par une diminution significative de la quantité de pesticides présents dans l’urine, autant chez les enfants que chez les adultes. Selon une analyse de l’ensemble des données disponibles, il est estimé que le risque de contamination par des résidus de pesticides est diminué d’environ 30 % dans les aliments bios comparativement aux produits issus de l’agriculture conventionnelle. Cependant, et comme le confirme l’étude de l’INSPQ, le degré de contamination des produits conventionnels demeure dans l’ensemble très faible et il n’est donc pas certain que cette diminution de l’exposition aux résidus de pesticides puisse se traduire par des bénéfices sur la santé.
Les études n’indiquent pas non plus que les aliments bios seraient nécessairement plus nutritifs ou meilleurs pour la santé. Par exemple, une analyse de 237 études indique que les aliments bios ne contiennent pas plus de vitamines et de minéraux que ceux produits de façon conventionnelle. Une autre analyse de 343 études suggère que les produits bios contiennent légèrement plus d’antioxydants et d’oméga-3, ce qui est positif, mais que ces végétaux possèdent en parallèle moins de protéines et de fibres, ce qui l’est moins. Quoi qu’il en soit, une revue récente de l’ensemble des publications sur ce sujet conclut qu’il est peu probable que ces très légères différences puissent exercer un impact significatif sur la santé.
Il existe néanmoins d’excellentes raisons de choisir les produits bios, surtout si vous en avez les moyens. Par exemple, l’absence d’engrais chimiques et de pesticides dans la culture biologique réduit la contamination des sols et des nappes phréatiques, sans compter qu’elle permet d’éviter à certains travailleurs de ferme d’être exposés à de très fortes quantités de ces produits. On peut également préférer certains produits bios qui nous semblent de meilleure apparence, de meilleur goût ou qui proviennent de petits producteurs locaux que l’on souhaite encourager. Par exemple, depuis un peu plus d’un an, les employés et les visiteurs de la cafétéria de l’Institut de cardiologie de Montréal mangent les légumes biologiques cultivés à la Ferme des Quatre-Temps et les résultats sont très positifs, avec une hausse de 30 % de la consommation de légumes.
Le plus important demeure de manger régulièrement des fruits et des légumes, qu’ils proviennent de l’agriculture conventionnelle ou biologique. Tous les organismes de lutte aux maladies chroniques, sans exception, recommandent la consommation quotidienne d’un minimum de 5 portions de fruits et de légumes étant donné le rôle crucial de ces aliments dans la prévention des maladies cardiovasculaires, du diabète de type 2 et de plusieurs types de cancer.