Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Effets nocifs des plastiques sur la santé cardiovasculaire

En bref

  • Les effets nuisibles des plastiques pour la santé augmentent en raison de la croissance exponentielle de la production mondiale de ces matériaux synthétiques fabriqués à partir de combustibles fossiles. 
  • Des nano- et microparticules de plastiques ont été détectées dans des plaques d’athérome de l’artère carotide de certains patients ayant subi une endartériectomie de la carotide.
  • La présence de particules de plastique dans une plaque chez des patients était associée à un risque plus élevé de décès ou d’événements cardiovasculaires majeurs, comparativement aux patients dont les plaques ne contenaient pas de plastique. 

Les plastiques sont des matériaux synthétiques fabriqués par l’industrie pétrochimique à partir de combustibles fossiles : pétrole, gaz et charbon. Les plastiques sont composés d’une matrice de polymères et de divers additifs chimiques qui leur confère diverses propriétés telles que flexibilité, stabilité, couleur, résistance au feu, imperméabilité à l’eau. La production de plastique augmente de manière exponentielle, ce qui risque de se traduire par une exposition plus élevée et à davantage d’effets nuisibles pour tous les organismes vivants. En effet, la production mondiale de plastiques a explosé depuis les 75 ans de son existence, passant de 2 millions de tonnes en 1950 à 400 millions de tonnes aujourd’hui. Des experts ont estimé que cette production devrait doubler en 2040 et tripler en 2060, principalement parce que l’industrie pétrochimique va se tourner vers la production de ces dérivés pour compenser la diminution de la demande de combustibles fossiles comme source d’énergie. 

Les particules de plastiques dans le corps humain
Des particules de plastiques ont été détectées dans 77% des échantillons de sang provenant de donneurs en bonne santé. Le polytéréphtalate d’éthylène (PET) était le plus souvent présent (50% des donneurs), suivi par le polystyrène (36%), le polyéthylène (23%) et le polyméthacrylate de méthyle (5%). Les concentrations maximales de particules de plastiques dans le sang d’un donneur étaient de 2,4 µg/mL pour le PET, 4,8 µg/mL pour le polystyrène et 7,1 µg/mL pour le polyéthylène.  

Les particules de plastiques ingérés peuvent non seulement traverser la barrière intestinale et se retrouver dans le sang, mais aussi par la suite dans divers organes tels le foie, les poumons, le placenta et dans des fluides corporels tels le lait maternel et l’urine. 

Les particules de plastiques retrouvées dans le corps humain proviennent principalement de la chaîne alimentaire. En se basant sur une consommation de nourriture typique, il a été estimé que chaque personne ingère environ 39 000 à 52 000 particules de plastiques chaque année. L’autre voie est l’inhalation (35 000 à 62 000 particules/année), ce qui comporte des risques pour le système respiratoire. 

Plastiques provenant de la chaîne alimentaire
L’eau potable est une source majeure des plastiques ingérés quotidiennement. En effet, des quantités élevées de nano- et microplastiques ont été mesurées dans 92% à 100% des échantillons d’eau embouteillée, 24-100% des échantillons d’eau du robinet, alors que peu de plastiques ont été retrouvés dans des échantillons d’eau de puits (voir cet article de synthèse). Le PET et le polypropylène sont les plastiques les plus présents puisque la plupart des bouteilles d’eau sont fabriquées avec du PET et que les bouchons sont en polypropylène.

Parmi les légumes testés, il semble que le brocoli et les carottes contiennent davantage de particules de plastique, jusqu’à 100 000 particules par g de légume. Les microplastiques sont particulièrement retrouvés dans les racines des légumes, ce qui fait des légumes racines (carottes, radis, betterave, pomme de terre) une source potentiellement importante de particules de plastique ingérées par les consommateurs. 

Les poissons et fruits de mer contiennent du plastique en quantité appréciable, mais ils sont retrouvés principalement dans le système digestif qui n’est généralement pas consommé. Par contre, les mollusques, qui sont consommés entièrement, représentent une source significative de particules de plastiques. 

Nanoplastiques dans les plaques d’athérome et risque d’événement cardiovasculaire
Dans une étude prospective auprès de 257 patients ayant subi une endartériectomie de la carotide (intervention chirurgicale visant à éliminer le matériau d’une plaque d’athérome), ceux qui présentaient une plaque contenant des nano- et microplastiques avaient un risque plus élevé de décès ou d’événements cardiovasculaires majeurs que ceux dont les plaques ne contenaient pas de plastique.

Le polyéthylène (PE) a été détecté dans les plaques d’athérome de 150 patients (58%) alors que le chlorure de polyvinyle (PVC) a été retrouvé dans les plaques de 31 patients (12%). La quantité moyenne de PE dans les plaques étaient de 21,7±24,5 µg par mg de plaque et celle de PVC était de 5,2±2,4 µg par mg de plaque. L’analyse de la taille des particules de plastique indique que ce sont les nanoplastiques (1-1000 nanomètre) plutôt que les microplastiques (1-1000 micromètre) qui sont principalement retrouvés dans les plaques.

Durant le suivi d’une durée moyenne de 34 mois après la chirurgie, 8 des 107 patients (7,5%) dont les plaques ne contenaient pas de plastiques ont subi un événement (infarctus du myocarde non fatal, AVC non fatal ou mortalité de toutes causes) comparativement à 30 des 150 (20%) patients dont les plaques contenaient des microplastiques. Les chercheurs ont estimé que les patients qui avaient du plastique dans leur plaque d’athérome avaient un risque 4,5 fois plus élevé de subir un événement que ceux dont les plaques ne contenaient pas de plastiques. 

Ce type d’étude ne permet pas d’établir de lien de causalité. Il est en effet possible que la présence de particules de plastiques dans les plaques des patients soit liée à leur état de santé général ou à de mauvaises habitudes de vie, sans qu’elle ne soit la cause de la hausse du risque d’événements cardiovasculaire. Néanmoins, cette étude a eu beaucoup de retentissement dans les médias et elle devrait inciter la communauté scientifique à investiguer de façon plus approfondie les effets potentiellement néfastes des particules de plastiques dans les artères pour la santé cardiovasculaire.    

Des microplastiques retrouvés dans des caillots sanguins
Dans une autre étude récente, des chercheurs ont évalué et quantifié les microplastiques présents dans les thrombi (caillots sanguins) prélevés chez 30 patients ayant subi une thrombectomie (ablation d’un thrombus dans un vaisseau sanguin) à cause d’un infarctus du myocarde (IM), d’un AVC ischémique (AVCI) ou d’une thrombose veineuse profonde (TVP). Des particules de plastique ont été détectées dans 80% des thrombi, en concentrations moyennes de 62 µg/g pour les AVCI, 142 µg/g pour les IM et 70 µg/g pour les TVP. Parmi les 10 polymères de plastique qui ont été investigués, la présence de polyamide 66 (PA66), de chlorure de polyvinyle (PVC) et de polyéthylène (PE) a été confirmée. Des analyses statistiques indiquent que des concentrations plus élevées de microplastiques dans les caillots pourraient être associées à une gravité accrue de la maladie. Ces résultats ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre la présence de microplastique et la formation des caillots sanguins, mais ces résultats sont préoccupants et soulèvent la possibilité que les particules de plastiques puissent être nocives pour la santé cardiovasculaire.   

Trop d’emballages en plastique ?
Depuis quelques décennies de plus en plus de denrées alimentaires sont emballées dans du plastique, sous forme de pellicules, barquettes et contenants. De nos jours, plusieurs fruits et légumes offerts au supermarché sont emballés dans du plastique : laitues, concombres, poivrons, champignons, choux, fruits, petits fruits, etc. 

Un consensus sur la nécessité de réduire l’utilisation des emballages en plastique émerge à l’échelle mondiale. En Europe, des pays tels la France et l’Espagne ont imposé des limites ou des taxes sur l’utilisation des plastiques dans le but de réduire leur utilisation. L’Union européenne, le Canada et les États-Unis sont en train d’élaborer des plans pour diminuer considérablement l’utilisation du plastique dans les emballages.

Pas si simple…
Cela représente un défi parce que les emballages en plastique sont très utiles pour protéger les fruits et légumes et par conséquent très efficaces pour diminuer le gaspillage alimentaire et ses impacts sur l’environnement. Les aliments gaspillés se retrouvent ultimement dans les dépotoirs où ils seraient responsables de près de 60% des émissions de méthane. Une étude réalisée en Suisse a montré que chaque concombre (importés d’Espagne) jeté à la poubelle a un impact environnemental équivalent à 93 emballages en plastique pour concombre. Comment les chercheurs en sont-ils arrivés à cette estimation qui peut sembler surprenante au premier abord? Ils ont analysé deux scénarios et estimé l’impact sur les changements climatiques de la production et du transport d’une tonne métrique de concombre : 1) sans utilisation d’emballage en plastique, et 2) avec utilisation de film en polyéthylène à basse densité.   Ils ont tenu compte de la culture en serre, du transport dans des camions réfrigérés (1200 km), de la production et l’incinération du plastique, etc.  Pour fin de comparaison, le coût environnemental estimé pour produire et transporter un seul concombre était 0,992 kg CO2-éq, alors que celui pour produire et éliminer un emballage de plastique n’était que de 0,0106 kg CO2-éq (c.-à-d. 93 fois moins). Les chercheurs ont estimé que l’utilisation du plastique pour emballer les concombres permettrait de diminuer le gaspillage de 4,8%. Les bénéfices de l’emballage des concombres pour l’environnement seraient 4,9 fois plus grands que l’impact environnemental négatif causé par l’emballage en plastique lui-même. 

Alternatives aux emballages en plastique

De nouveaux emballages ont été créés récemment pour remplacer ceux en plastique. En voici quelques exemples : 

  • des sacs de filet en cellulose biodégradable
  • des films fabriqués à partir de pelures d’orange, de carapaces de crevette et d’autres déchets naturels qui peuvent être utilisés comme du cellophane ou transformés en sacs.
  • Des contenants (plateaux, boîtes) fabriqués à partir de plantes : paille de riz, tiges de canne à sucre, déchets alimentaires.

Ces nouveaux emballages compostables ou recyclables ne sont cependant pas près de remplacer les emballages de plastiques. Si l’on devait éliminer demain tous les emballages en plastique en les remplaçant par des emballages en fibres, la durée de conservation des fruits et légumes diminuerait considérablement. Il deviendrait alors impossible d’acheter certains fruits et légumes hors saison et le prix du panier d’épicerie augmenterait en conséquence, ce qui n’est probablement pas souhaité par la plupart des consommateurs habitués à l’abondance. 

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