Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Le mirage des édulcorants

MIs à jour le 28 mai 2018

Les sucres ajoutés sont de plus en plus pointés du doigt comme un important facteur de risque d’obésité et de maladies du cœur.  Pour diminuer les risques associés à ces sucres, plusieurs personnes se tournent vers les édulcorants de synthèse comme l’aspartame ou le sucralose (Splenda) : puisque ces substances miment le goût sucré mais sont dépourvues de calories, elles devraient en théorie permettre aux gens de satisfaire leur « dent sucrée », sans pour autant ingérer un surplus d’énergie pouvant mener au surpoids et aux problèmes de santé associés à l’embonpoint et à l’obésité.

La réalité est pourtant bien différente : plusieurs études ont clairement montré que les personnes qui consomment ces sucres artificiels, des boissons gazeuses diètes par exemple, ont un risque d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de syndrome métabolique identique à celles qui consomment des aliments contenant du vrai sucre.

Une étude récente (réalisée chez les drosophiles et les rongeurs) suggère que ce phénomène pourrait provenir d’une hausse de l’appétit causée par les édulcorants.  Les scientifiques ont en effet observé que le simple fait d’ajouter un édulcorant (sucralose) à l’alimentation entrainait une hausse de 30 % de la quantité totale de calories consommées. Il semble donc que le cerveau n’aime pas qu’on cherche à le « berner » avec des faux sucres : lorsqu’il détecte le goût sucré, mais sans les calories qui lui ont normalement associées, il réagit en augmentant l’appétit envers d’autres aliments pour compenser cette absence de calories. Ce phénomène serait lié à une hausse des taux d’un neurotransmetteur (neuropeptide Y) dont le rôle est normalement de stimuler l’appétit lors d’un jeûne.

Remplacer les boissons sucrées par leurs versions « diètes » ne représente donc pas la façon optimale de perdre du poids.  Boire de l’eau constitue une bien meilleure approche:  une étude réalisée auprès de femmes obèses diabétiques qui suivaient un régime amaigrissant indique que la substitution des boissons diètes par de l’eau permet d’améliorer significativement la perte de poids et se traduit par une amélioration du métabolisme du glucose et de la sensibilité à l’insuline.

Il semble aussi que les édulcorants comme l’aspartame, la saccharine ou le sucralose provoquent une augmentation marquée du taux de sucre sanguin, plus élevée même que celle observée suite à la consommation de « vrai » sucre.  Ce résultat surprenant serait causé par un dérèglement du microbiome intestinal qui provoque une intolérance au glucose et une perturbation du métabolisme. Il est possible que cet effet soit encore plus prononcé chez les jeunes enfants, car des chercheurs ont récemment montré que la concentration d’édulcorants est beaucoup plus élevée dans le sang d’enfants ayant consommé une boisson contenant du sucralose, probablement en raison de leur plus petit volume sanguin.

Ces observations suggèrent donc que les édulcorants de synthèse ne sont pas aussi inoffensifs qu’on peut le penser et qu’on aurait tort de considérer les produits « diètes » comme des alternatives valables à ceux contenant des sucres ajoutés. Qu’ils soient « vrais » ou « faux », les sucres ajoutés semblent aussi néfastes pour la santé et ceci est particulèrement vrai en ce qui concerne les boissons gazeuses.  À la lumière du débat actuel sur la taxation des boissons sucrées, on doit donc se demander si les boissons « diètes » ne devraient pas être elles-aussi taxées de la même façon, comme c’est le cas pour la taxe récemment approuvée par la ville de Philadelphie et qui entrera en vigueur en janvier 2017.

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