Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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8 août 2024
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Longévité accrue chez des athlètes d’élite

Il y a 70 ans, un Anglais âgé de 25 ans est devenu la première personne à courir la distance d’un mile (1,61 km) en moins de 4 minutes (3 min et 59,4 s). Depuis 1954, plus de 1755 athlètes ont couru le mile en moins de 4 minutes, le plus rapide étant un Marocain qui a couru le mile en 3 min et 43,13 s en 1999. Pour courir si rapidement il faut pousser le corps humain à ses limites, ce qui est très exigeant pour le système cardiovasculaire. Certains pensent que ce genre d’exercice extrême pourrait avoir des conséquences négatives sur la santé. Ils pointent vers des études qui montrent des associations entre le risque d’événements cardiaques et la dose d’exercice qui sont « en forme de U » ou « en forme de J inversé ». Ces études suggèrent que l’exercice d’intensité modérée est bénéfique pour la santé, mais que les extrêmes (trop peu ou trop d’exercice) augmenteraient le risque de mortalité prématurée. D’autres données semblent appuyer cette hypothèse, indiquant que des séances d’exercice à haute intensité ou des événements sportifs extrêmes comme les marathons, les triathlons de type Ironman ou le cycliste d’endurance sont associés à des marqueurs de lésions cardiaques, une diminution de la fonction ventriculaire au repos et, dans certains cas, à la calcification des coronaires et à la fibrose du myocarde (voir notre article sur le sujet).

La plupart des études qui suggèrent que l’exercice intense a des effets défavorables sur la santé cardiovasculaire ou la mortalité prématurée ont été réalisées auprès de la population en général et non pas auprès d’athlètes d’endurance de haut niveau. Il faut savoir que très peu de personnes dans la population font de l’exercice intensément, et que par conséquent les données recueillies dans de telles études doivent être interprétées avec beaucoup de prudence. En effet, les quelques études épidémiologiques réalisées auprès d’athlètes de haut niveau qui font énormément d’exercice (cyclistes du Tour de France (voir ici et ici), athlètes olympiques, rameurs) ont montré une longévité accrue parmi ces groupes en comparaison avec la population en général. 

Dans une étude récente, des chercheurs se sont demandé quelle était la longévité des 200 premiers athlètes à avoir couru un mile en moins de 4 minutes. Parmi ces 200 coureurs (des hommes uniquement), 60 étaient morts et 140 étaient toujours vivants. Dans l’ensemble ces athlètes ont vécu 4,7 années de plus que l’espérance de vie prédite. En tenant compte de la décennie durant laquelle l’exploit a été accompli, la longévité a été accrue de 9,2 années (années 1950), 5,5 années (années 1960) et 2,9 années (années 1970). Les auteurs de l’étude pensent que la diminution de l’effet favorable sur la longévité observée au fil des décennies peut être attribuée à la hausse de l’espérance de vie dans la population en général, en raison des progrès dans le diagnostic et le traitement de plusieurs maladies, communicables ou non. 

Les facteurs qui contribuent à la longévité accrue parmi ces coureurs du mile en moins de 4 minutes et d’autres cohortes d’athlètes d’endurance demeurent à être établis précisément. L’augmentation de la longévité observée parmi les athlètes de haut niveau est la plus grande chez les athlètes qui pratiquent des sports d’endurance (course, cyclisme, aviron), alors que les athlètes de puissance ont une hausse de longévité moins importante ou encore la même longévité que celle de la population en général. Les études sur les cyclistes du Tour de France et les athlètes olympiques d’endurance indiquent que la longévité accrue est principalement attribuable à une réduction de la mortalité cardiovasculaire et celle reliée au cancer. Les athlètes d’endurance ont en commun d’avoir développé une grande capacité maximale de consommation d’oxygène, qui est l’un des meilleurs prédicteurs de maladie cardiovasculaire, de cancer et de mortalité de toutes causes. De plus, il est probable que les athlètes d’élite ont une génétique favorable et qu’ils ont adopté un style de vie sain (alimentation, sommeil, etc.), en plus de s’entraîner intensivement et de participer à des compétitions. 

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