Suppléments d’acides gras oméga-3 : inefficaces pour la prévention des maladies cardiovasculaires

Suppléments d’acides gras oméga-3 : inefficaces pour la prévention des maladies cardiovasculaires

EN BREF

  • L’étude VITAL auprès de participants qui n’avaient pas de maladie cardiovasculaire et l’étude ASCEND auprès de patients diabétiques n’ont pas montré d’effet bénéfique des suppléments d’acides gras oméga-3 sur la santé cardiovasculaire.
  • L’étude REDUCE-IT a rapporté un effet bénéfique d’un supplément d’acide gras oméga-3 (Vascepa®), alors que l’étude STRENGTH a rapporté une absence d’effet d’un autre supplément (Epanova®).
  • Les résultats divergents des études REDUCE-IT et STRENGTH ont soulevé une controverse scientifique, principalement au sujet de l’utilisation discutable de l’huile minérale comme placebo neutre dans l’étude REDUCE-IT.
  • Dans l’ensemble, les résultats des études amènent a conclure à l’inefficacité des suppléments d’acides gras oméga-3 pour prévenir les maladies cardiovasculaires, en prévention primaire et fort probablement aussi en prévention secondaire.

La consommation de poisson sur une base régulière (1 à 2 fois par semaine) est associée à une réduction du risque de mortalité causée par la maladie coronarienne (voir ces méta-analyses ici et ici). De plus, des associations favorables entre la consommation de poisson et les risques de diabète de type 2, d’accident vasculaire cérébral, de démence, de maladie d’Alzheimer et de déclin cognitif ont aussi été identifiées (voir notre article sur le sujet).

Un grand nombre d’études ont suggéré que ce sont principalement les acides gras oméga-3 (O-3), un type d’acide gras polyinsaturé à très longue chaîne présent en grande quantité dans plusieurs espèces de poissons, qui sont la cause des effets favorables sur la santé que procure la consommation de poisson et autres fruits de la mer. Par exemple, une méta-analyse de 17 études prospectives publiée en 2021 indique que le risque de mourir prématurément était significativement moins élevé (15-18 %) chez les participants qui avaient le plus d’O-3 circulants, par comparaison à ceux qui en avaient le moins. De plus, des associations favorables de même ampleur ont été observées pour la mortalité d’origine cardiovasculaire et celle liée au cancer.

Puisque manger du poisson est associé à une meilleure santé cardiovasculaire pourquoi ne pas isoler le « principe actif », c.-à-d. les acides gras oméga-3 qu’il contient et en faire des suppléments ? Cela semblait être une excellente idée ; c’est d’ailleurs la même approche pharmacologique qui a été appliquée avec succès sur une foule de plantes, champignons et microorganismes, ce qui a permis de créer des médicaments. On pense ici par exemple à l’aspirine, un dérivé de l’acide salicylique retrouvée dans l’écorce de certaines espèces d’arbres, la quinine extraite de l’arbuste quinquina (antipaludéen), la digitaline extraite de la digitale pourpre (traitement de problèmes cardiaques), le paclitaxel extrait de l’if (anticancéreux), etc.

Les suppléments d’O-3 d’origine marine sont-ils autant, voir même plus efficaces que l’aliment entier duquel ils sont extraits ? Plusieurs études randomisées contrôlées (ERC) ont été réalisées durant les dernières années pour tenter de prouver l’efficacité des O-3. Les méta-analyses des ERC (voir ici et ici) indiquent que les suppléments d’O-3 (EPA et DHA) n’ont pas ou très peu d’effet en prévention primaire, c.-à-d. sur le risque d’avoir une maladie cardiovasculaire ou de mourir prématurément d’une maladie cardiovasculaire ou de toute autre cause. Par contre, des données provenant de certaines études indiquaient que les suppléments d’O-3 pourraient avoir des effets bénéfiques en prévention secondaire, c.-à-d. chez des personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire.

Afin d’obtenir un niveau de preuve plus élevé, plusieurs grandes études bien planifiées et contrôlées ont été réalisées récemment : ASCEND, VITAL, STRENGTH et REDUCE-IT.

L’étude VITAL (VITamin D and omegA-3 TriaL) auprès de 25 871 participants qui n’avaient pas de maladie cardiovasculaire et l’étude ASCEND (A Study of Cardiovascular Events iN Diabetes) auprès de 15 480 patients diabétiques n’ont pas montré d’effet bénéfique des suppléments d’O-3 sur la santé cardiovasculaire.

Sont parus ensuite les résultats des études REDUCE-IT (REDUction of Cardiovascular Events with Icosapent ethyl-Intervention Trial) et STRENGTH (Outcomes Study to Assess STatin Residual Risk Reduction With EpaNova in HiGh CV Risk PatienTs With Hypertriglyceridemia). Les résultats de ces études étaient particulièrement attendus puisqu’elles ont testé l’effet des suppléments d’O-3 sur les accidents vasculaires majeurs à de fortes doses (3000-4000 mg d’O-3/jour) chez des patients à risque traités avec une statine afin de réduire le cholestérol sanguin, mais qui avaient des taux élevés de triglycérides.

Les résultats des deux études sont divergents, ce qui a soulevé une controverse scientifique. L’étude REDUCE-IT a rapporté une réduction importante de 25 % du nombre d’événements cardiovasculaires dans le groupe de patients qui a pris quotidiennement un supplément d’O-3 (Vascepa® ; éthyl-EPA), par comparaison au groupe de patients qui a pris un placebo (huile minérale). L’étude STRENGTH a rapporté une absence d’effet de suppléments d’O-3 (Epanova® ; un mélange d’EPA et de DHA sous forme d’acides carboxyliques) sur les événements cardiovasculaires majeurs chez des patients traités avec une statine, comparé au groupe de patients qui a pris un placebo d’huile de maïs.

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer les résultats différents entre les deux grandes études. L’une d’entre elles est que l’huile minérale utilisée comme placebo dans l’étude REDUCE-IT pourrait avoir provoqué des effets défavorables qui auraient conduit à un effet faussement positif du supplément d’O-3. En effet, l’huile minérale n’est pas un placebo neutre puisqu’il a causé une hausse moyenne de 37 % de la protéine C-réactive (CRP), un marqueur de l’inflammation systémique dans le groupe témoin, ainsi qu’une hausse 7,4 % du cholestérol-LDL et de 6,7 % de l’apolipoprotéine B par comparaison au groupe qui a pris le Vascepa. Ces trois biomarqueurs sont associés à une hausse du risque d’événements cardiovasculaires.

Deux autres hypothèses pourraient expliquer la différence entre les deux études. Il est possible que les niveaux plasmatiques modérément plus élevés d’EPA obtenus dans l’étude REDUCE-IT puissent être la cause des effets bénéfiques observés dans cette étude, ou que le DHA utilisé en combinaison avec l’EPA dans l’étude STRENGTH puisse avoir contrecarré les effets bénéfiques de l’EPA.

Pour tester ces deux hypothèses, les chercheurs responsables de l’étude STRENGTH ont procédé à des analyses a posteriori des données recueillies lors de leur essai clinique. Les patients ont été classés selon leur niveau plasmatique d’EPA après 12 mois de prise quotidienne de supplément d’O-3. Ainsi, dans le premier tertile les patients avaient une concentration plasmatique moyenne d’EPA de 30 µg/mL, ceux du deuxième tertile : 90 µg/mL et ceux du troisième tertile : 151 µg/mL. La concentration plasmatique moyenne d’EPA dans le troisième tertile (151 µg/mL) est comparable à celle rapportée dans l’étude REDUCE-IT (144 µg/mL). Les analyses montrent qu’il n’y avait pas d’association entre la concentration plasmatique d’EPA ou de DHA et le nombre d’événements cardiovasculaires majeurs. Les auteurs concluent à l’absence de bénéfices pour la prise de suppléments d’O-3 en prévention secondaire, mais suggèrent que d’autres études devraient être menées dans l’avenir pour comparer l’huile minérale et l’huile de maïs comme placebo et aussi pour comparer différentes formulations d’acides gras oméga-3.

Dans l’ensemble, les résultats des études récentes amènent à conclure à l’inefficacité des suppléments d’O-3 pour prévenir les maladies cardiovasculaires, en prévention primaire et fort probablement aussi en prévention secondaire. Il est à noter que, pris en grande quantité, les suppléments d’O-3 peuvent avoir des effets indésirables. En effet, dans les deux études STRENGTH et REDUCE-IT, l’incidence de fibrillation auriculaire était significativement plus élevée avec la prise de suppléments d’O-3. De plus, les saignements étaient plus fréquents chez les patients qui ont pris l’éthyl-EPA (Vascepa®) dans l’étude REDUCE-IT que chez les patients qui ont pris le placebo. Il semble donc plus avisé de manger du poisson 1 à 2 fois par semaine pour se maintenir une bonne santé que de prendre des suppléments inefficaces et coûteux.

 

 

Privilégier les sources alimentaires de gras insaturés procure de nombreux avantages pour la santé

Privilégier les sources alimentaires de gras insaturés procure de nombreux avantages pour la santé

EN BREF

 

  • Les acides gras insaturés, retrouvés principalement dans les huiles végétales, les noix, certaines graines et les poissons gras, jouent plusieurs rôles essentiels au bon fonctionnement du corps humain.

  • Alors que les acides gras saturés, retrouvés majoritairement dans les aliments d’origine animale, augmentent les taux de cholestérol-LDL, les gras insaturés diminuent ce cholestérol et réduisent du même coup le risque d’événements cardiovasculaires.

  • Le consensus scientifique actuel est donc qu’une réduction de l’apport en gras saturés, combinée à un apport accru en gras insaturés, représente la combinaison de matières grasses optimale pour prévenir les maladies cardiovasculaires et diminuer le risque de mortalité prématurée. 

La plupart des experts en nutrition s’accordent maintenant pour dire qu’une réduction de l’apport en gras saturés, combinée à un apport accru en gras insaturés de qualité (en particulier monoinsaturés et polyinsaturés oméga-3) représente la combinaison de matières grasses optimale pour prévenir les maladies cardiovasculaires et diminuer le risque de mortalité prématurée.  Le consensus actuel, récemment résumé dans des articles publiés dans les revues Science et BMJ, est donc de privilégier les sources alimentaires de matières grasses insaturées, comme les huiles végétales (en particulier l’huile d’olive extra-vierge et celles riches en oméga-3 comme celle de canola), de même que les noix, certaines graines (lin, chia, chanvre) et les poissons gras (saumon, sardines), tout en limitant l’apport en aliments principalement composés de gras saturés comme les viandes rouges. Cela correspond en gros au régime méditerranéen, un mode d’alimentation qui a été à maintes reprises associé à une diminution du risque de plusieurs maladies chroniques, en particulier les maladies cardiovasculaires.

Pourtant, et malgré ce consensus scientifique, la presse populaire et les médias sociaux regorgent d’informations contradictoires sur l’impact des différentes formes de graisses alimentaires sur la santé.  Ceci est particulièrement frappant depuis la montée en popularité des régimes faibles en glucides (low-carb), notamment le régime cétogène, qui prônent une réduction drastique des glucides combinée à un apport élevé en gras.  En général, ces régimes ne font aucune distinction quant au type de gras qui devrait être consommé, ce qui peut mener à des recommandations extravagantes comme ajouter du beurre dans son café ou encore manger du bacon tous les jours.  En conséquence, les adeptes de ces régimes peuvent manger des quantités excessives d’aliments riches en gras saturés, et les études montrent que ce type d’alimentation est associé à une hausse significative du cholestérol-LDL, un important facteur de risque de maladies cardiovasculaires. Selon une étude récente, une alimentation contenant peu de glucides (<40 % des calories), mais beaucoup de gras et protéines d’origine animale, pourrait même augmenter significativement le risque de mort prématurée.

Il y a donc énormément de confusion entourant les effets des différentes graisses alimentaires sur la santé. Pour y voir plus clair,  il nous semble utile de faire un tour d’horizon des principales différences qui existent entre les graisses saturées et insaturées, tant au niveau de leur structure chimique que de leurs effets sur le développement de certaines maladies.

 

Un peu de chimie…

Les acides gras sont des chaînes de carbone de longueur variable dont la rigidité varie selon le degré de saturation de ces atomes de carbone par des atomes d’hydrogène.  Lorsque tous les atomes de carbone de la chaîne forment des liaisons simples entre eux en engageant deux électrons (un provenant de chaque carbone), on dit que l’acide gras est saturé, car chaque carbone porte le maximum d’hydrogènes possible.  À l’inverse, lorsque certains carbones de la chaîne utilisent 4 électrons pour former une double liaison entre eux (2 en provenance de chaque carbone), on dit que l’acide gras est insaturé, car il lui manque des atomes d’hydrogène.

Ces différences de saturation ont une grande influence sur les propriétés physico-chimiques des acides gras. Lorsqu’ils sont saturés, les acides gras sont des chaînes linéaires qui permettent aux molécules de se serrer étroitement les unes contre les autres et d’être ainsi plus stables. C’est pour cette raison que le beurre et les graisses d’origine animale, de riches sources de ces gras saturés, sont solides ou semi-solides à la température ambiante et requièrent une source de chaleur pour fondre.

Les acides gras insaturés ont quant à eux une structure très différente (Figure 1). Les doubles liaisons présentes dans leurs chaînes créent des points de rigidité qui produisent un « pli » dans la chaîne et empêchent les molécules de se serrer de façon les unes contre les autres d’une façon aussi étroite que les gras saturés.  Les aliments qui sont principalement composés de gras insaturés, les huiles végétales par exemple, sont donc liquides à température ambiante.  Cette fluidité dépend directement du nombre de doubles liaisons présentes dans la chaîne du gras insaturé : les gras monoinsaturés ne contiennent qu’une double liaison et sont donc moins fluides que les gras polyinsaturés qui en contiennent 2 ou 3, et c’est pourquoi l’huile d’olive, une riche source de gras monoinsaturés, est liquide à la température ambiante, mais se solidifie au réfrigérateur, tandis que les huiles riches en gras polyinsaturés demeurent liquides même à températures froides.

Figure 1. Structure des principaux types de graisses saturées, monoinsaturées et polyinsaturées oméga-3 et oméga-6.  Les principales sources alimentaires de chacune des graisses sont indiquées en italique.

Les gras polyinsaturés peuvent être classifiés en deux grandes classes, soit les gras oméga-3 et oméga-6.  Le terme oméga fait référence à l’endroit où se situe la première double liaison dans la chaîne de l’acide gras à partir de son extrémité (oméga est la dernière lettre de l’alphabet grec). Un acide gras polyinsaturé oméga-3 ou oméga-6 est donc un gras dont la première double liaison est localisée à la position 3 ou 6, respectivement (indiqué en rouge sur la figure).

Il faut noter qu’il n’y a pas d’aliment qui contient seulement un type de gras.  Par contre, en règle générale, les aliments d’origine végétale (en particulier les huiles, les graines et les noix) sont principalement composés de gras insaturés, tandis que ceux d’origine animale comme les viandes, les œufs ou les produits laitiers contiennent plus de gras saturés.  Il y a cependant des exceptions : certaines huiles tropicales comme les huiles de palme et de coco contiennent de grandes quantités de gras saturés (plus que le beurre), alors que certaines viandes comme les poissons gras sont de riches sources de gras polyinsaturés oméga-3 comme les acides eicosapentanoïque (EPA) et docosahexanoïque (DHA).

Rôles physiologiques des acides gras

Tous les acides gras, qu’ils soient saturés ou insaturés, jouent des rôles importants dans le fonctionnement normal du corps humain, en particulier comme constituants des membranes cellulaires et comme source d’énergie pour nos cellules.  D’un point de vue alimentaire, par contre, ce sont cependant seulement les gras polyinsaturés qui sont essentiels : alors que notre métabolisme est capable de fabriquer par lui-même les acides gras saturés et monoinsaturés (principalement à partir du glucose et du fructose au niveau du foie), les acides linoléique (oméga-6) et linolénique (oméga-3) doivent quant à eux absolument être obtenus par l’alimentation.  Ces deux gras polyinsaturés, ainsi que leurs dérivés à plus longues chaînes (AA, EPA, DHA), jouent en effet des rôles essentiels dans plusieurs fonctions physiologiques de base, notamment au niveau du cerveau, de la rétine, du cœur, du système reproducteur et de l’immunité. Ces bénéfices sont en grande partie dus au degré d’insaturation de ces gras qui confère une plus grande fluidité aux membranes cellulaires et facilitent du même coup une foule de processus comme la transmission de l’influx électrique au niveau cardiaque ou des neurotransmetteurs au niveau des synapses du cerveau. En somme, même si tous les gras ont des fonctions importantes pour le fonctionnement de l’organisme, les gras polyinsaturés se démarquent clairement pour leur contribution à plusieurs processus essentiels à la vie.

Impacts sur le cholestérol

Une autre différence majeure entre les acides gras saturés et insaturés est leurs effets respectifs sur les taux de cholestérol-LDL.  Après leur absorption au niveau de l’intestin, les gras ingérés lors du repas (principalement sous forme de triglycérides et de cholestérol) sont « empaquetés » dans des structures appelées chylomicrons et transportés vers les organes périphériques (le tissu adipeux et les muscles, principalement) où ils sont captés et utilisés comme source d’énergie ou stockés pour usage futur. Les résidus de ces chylomicrons, contenant la portion des acides gras et du cholestérol en excès, sont par la suite acheminés vers le foie, où ils sont captés et vont influencer certains gènes  impliqués dans la production des lipoprotéines de faible densité (LDL) qui servent à transporter le cholestérol, de même que de leurs récepteurs qui servent à l’éliminer de la circulation sanguine (LDLR).

Et c’est là que se situe la principale différence entre les gras saturés et insaturés: un très grand nombre d’études ont montré que les gras saturés (en particulier ceux formés de 12, 14 et 16 atomes de carbone) augmentent la production de LDL tout en diminuant celle de son récepteur, avec comme résultat que la quantité de cholestérol-LDL dans le sang augmente. À l’inverse, même si les gras polyinsaturés augmentent eux aussi la production de cholestérol-LDL, ils augmentent en parallèle le nombre et l’efficacité des récepteurs LDLR, ce qui globalement diminue le taux sanguin de cholestérol-LDL.  Il a été proposé que cette plus grande activité du récepteur LDLR serait due à une augmentation de la fluidité des membranes causée par la présence des gras polyinsaturés qui permettrait au récepteur de se recycler plus rapidement à la surface des cellules du foie (et donc de pouvoir transporter plus de particules LDL à l’intérieur des cellules).

Réduction du risque de maladies cardiovasculaires

Un très grand nombre d’études épidémiologiques ont montré qu’une hausse des taux de cholestérol-LDL est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires.  Puisque les gras saturés augmentent ce cholestérol-LDL alors que les gras insaturés le diminuent, on peut s’attendre à ce que le remplacement des gras saturés par des gras insaturés provoque une diminution du risque de ces maladies. Et c’est exactement ce que les études montrent :  par exemple, une analyse de 11 études prospectives indique que le remplacement de 5 % de l’apport calorique provenant des gras saturés par des gras polyinsaturés était associé avec une diminution de 13 % du risque de maladie coronarienne. Une diminution du même ordre a été observée lors d’études cliniques, où le remplacement de chaque 1 % de l’énergie provenant des gras saturés par des gras insaturés réduisait de 2 % le risque d’événements cardiovasculaires. À la lumière de ces résultats, il ne fait donc aucun doute qu’une substitution des gras saturés par des gras insaturés représente une modification alimentaire essentielle pour diminuer le risque de maladie cardiovasculaire.

Un point très important de ces études, qui reste encore mal compris par plusieurs personnes (incluant certains professionnels de la santé), est que ce n’est pas seulement une diminution de l’apport en gras saturés qui compte pour améliorer la santé du cœur et des vaisseaux, mais surtout la source d’énergie qui est consommée pour remplacer ces gras saturés.  Par exemple, alors que la substitution des gras saturés par des gras polyinsaturés, monoinsaturés ou encore des sources de glucides complexes comme les grains entiers est associée à une diminution substantielle du risque de maladie cardiovasculaire, cette baisse est totalement abolie lorsque les gras saturés sont remplacés par des gras trans ou par des sources de glucides de mauvaise qualité (farines raffinées et sucres ajoutés) (Figure 2).  Les études cliniques indiquent que cet effet négatif d’un apport accru en sucres simples est causé une diminution du cholestérol-HDL (le bon) ainsi qu’à une hausse des taux de triglycérides.  Autrement dit, si une personne diminue son apport en gras saturés, mais augmente en parallèle sa consommation de glucides simples (pain blanc, patates, aliments industriels contenant des sucres ajoutés), ces sucres annulent tout simplement tout bénéfice cardiovasculaire qu’aurait pu apporter une réduction en gras saturés.

Figure 2. Modulation du risque de maladie coronarienne suite à une substitution des gras saturés par les gras insaturés ou par différentes sources de glucides.  Les valeurs indiquées correspondent aux variations du risque de maladie coronarienne suite à un remplacement de 5 % de l’apport calorique provenant des gras saturés par 5 % des différentes sources d’énergie. Adapté de Li et coll.(2015).

 

Une autre implication de ces résultats est qu’il faut se méfier des produits « faibles en gras » ou encore « 0 % de gras », même si ces aliments sont généralement promus comme plus sains.  Dans la très grande majorité des cas, la réduction des gras saturés dans ces produits implique l’addition parallèle de sucres simples, ce qui contrecarre les effets positifs de la réduction des gras saturés.

Cette hausse du risque par les sucres simples explique en bonne partie la confusion générée par certaines études suggérant qu’il n’existe pas de lien entre la consommation de gras saturés et le risque de maladie cardiovasculaire (voir ici et ici, par exemple).  Cependant, la plupart des participants de ces études utilisaient des glucides simples comme source d’énergie pour remplacer les gras saturés, ce qui contrecarrait les bénéfices d’une réduction de l’apport en gras saturés. Malheureusement, la couverture médiatique de ces études n’a pas rendu compte de ces nuances, avec comme résultat qu’un grand nombre de personnes ont pu croire à tort qu’un apport élevé en gras saturés ne présentait aucun risque pour la santé cardiovasculaire.

En terminant, il vaut donc la peine de rappeler encore une fois le consensus scientifique actuel, énoncé suite à l’examen critique de plusieurs centaines d’études : le remplacement des gras saturés par des gras insaturés (monoinsaturés ou polyinsaturés) est associé à une diminution significative du risque de maladie cardiovasculaire.  Comme mentionné plus tôt, la façon la plus simple de faire cette substitution est d’utiliser les huiles végétales comme corps gras principal à la place du beurre et de privilégier des aliments riches en gras insaturés comme les noix, certaines graines et les poissons gras (saumon, sardines), tout en limitant l’apport en aliments riches en gras saturés comme les viandes rouges.  Il est aussi intéressant de noter qu’en  plus d’exercer des effets positifs sur le système cardiovasculaire, des études récentes suggèrent que ce type d’alimentation prévient l’accumulation excessive de graisse au niveau du foie (stéatose hépatique), un important facteur de risque de résistance à l’insuline et donc de diabète de type 2.  Un rôle important dans la fonction hépatique est également suggéré par l’observation récente que le remplacement des gras saturés d’origine animale par des gras mono- ou polyinsaturés était associé à une réduction importante du risque de carcinome hépatocellulaire, la principale forme de cancer du foie. Il n’y a donc que des avantages à privilégier les sources alimentaires de matières grasses insaturées.

Effets des acides gras oméga-3 sur le système cardiovasculaire : les résultats des études VITAL et REDUCE-IT

Effets des acides gras oméga-3 sur le système cardiovasculaire : les résultats des études VITAL et REDUCE-IT

EN BREF

  • L’étude VITAL conclut à une absence d’effet bénéfique significatif des suppléments d’acides gras oméga-3 sur la santé cardiovasculaire en prévention primaire.
  • L’étude REDUCE-IT montre que les suppléments d’acides gras oméga-3 ont un effet protecteur des chez des personnes à haut risque de maladie cardiovasculaire.
  • Ces résultats ne sont contradictoires qu’en apparence puisqu’il s’agit ici de deux études très différentes (populations, dose et nature des acides gras oméga-3), et par conséquent difficilement comparables.

Mis à jour le 19 mars 2019

Les résultats de deux nouvelles études importantes sur les effets cardioprotecteurs potentiels des acides gras oméga-3 (O-3) ont été présentés en novembre 2018 au congrès de l’American Heart Association et publiés dans le New England Journal of Medecine. Alors que l’étude VITAL conclut à une absence d’effet bénéfique significatif des O-3 sur la santé cardiovasculaire en prévention primaire, l’étude REDUCE-IT montre qu’ils ont un effet protecteur chez des personnes à haut risque de maladie cardiovasculaire. Ces résultats ne sont contradictoires qu’en apparence puisqu’il s’agit ici de deux études très différentes (populations, dose et nature des O-3), et par conséquent difficilement comparables.

Étude VITAL (VITamin D and omegA-3 TriaL)
Dans l’étude VITAL, les 25 871 participants qui n’avaient pas de maladie cardiovasculaire connue ont pris quotidiennement 1 g d’un supplément d’O-3 approuvé par la FDA (Omacor®, contenant 0,46 g d’EPA et 0,38 g de DHA sous forme d’ester d’éthyle) ou un placebo. Durant les 5,3 années de l’étude, il y a eu un peu moins (8 %) d’événements cardiovasculaires majeurs (un critère composite incluant les infarctus du myocarde, les AVC, et les morts d’origine cardiovasculaire) dans le groupe qui a pris le supplément d’O-3 que dans le groupe qui a pris le placebo, mais cette différence n’était pas significative. L’analyse secondaire des éléments du critère composite suggère que le risque d’infarctus du myocarde était moins élevé d’environ 28 % dans le groupe qui a pris le supplément d’O-3 que dans le groupe placebo. La diminution de l’incidence d’infarctus de myocarde associée à la supplémentation en O-3 était plus marquée chez les participants qui consommaient moins de 1,5 portion de poisson par semaine (-40 %), et plus encore chez les Afro-Américains (-77 %). Les risques d’AVC, de mort d’origine cardiovasculaire, de mort causée par le cancer ou de toute cause étaient les mêmes pour le groupe qui a reçu les suppléments d’O-3 que pour le groupe qui a reçu le placebo. Les auteurs concluent que la supplémentation avec de l’huile de poisson ne prévient pas les événements cardiovasculaires majeurs, en prévention primaire.

Rappelons qu’en 2018 une méta-analyse de 10 essais randomisés contrôlés incluant 77 917 patients n’avait pas montré d’effet préventif des suppléments d’O-3, non plus qu’une autre étude, ASCEND (A Study of Cardiovascular Events in Diabetes), qui avait testé des suppléments d’O-3 chez des patients atteints de diabète de type 2.

Étude REDUCE-IT (REDUction of Cardiovascular Events with EPA—Intervention Trial)
Dans l’étude REDUCE-IT, les 8 179 participants avaient un risque cardiovasculaire élevé, c.-à-d. qu’ils avaient des taux de triglycérides élevés et qu’ils étaient traités avec une statine pour normaliser leur taux de cholestérol. De plus, 71 % des participants avaient déjà subi un événement cardiovasculaireet près de 60 % étaient diabétiques. La moitié des participants a pris quotidiennement 4 g d’un supplément d’O-3 (Vascepa® ; éthyl-EPA), alors que l’autre moitié a pris un placebo (huile minérale). Après 4,9 années de suivi en moyenne, il y a eu une diminution spectaculaire de 25 % du nombre d’événements cardiovasculaires dans le groupe qui a pris le supplément d’O-3, par comparaison au traitement placebo (critère principal de l’étude, un composite de mort d’origine cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde non mortel, d’AVC non mortel, revascularisation coronarienne ou angine instable). Des résultats similaires ont été obtenus pour le critère secondaire (composite de mort d’origine cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde non mortel et d’AVC non mortel), c-à.d. une diminution de 26 % dans le groupe « omega-3 » par rapport au groupe « placebo ». Si on considère uniquement la mort d’origine cardiovasculaire, elle était réduite de 20 % dans le groupe qui a pris le supplément d’O-3, par rapport au groupe qui a pris un placebo.

Une analyse secondaire des données de l’étude REDUCE-IT publiée en 2019 indique que le Vascepa peut prévenir non seulement un premier événement cardiovasculaire, mais aussi des événements subséquents. Les participants qui ont reçu le Vascepa avaient un risque relatif significativement moins élevé de subir un deuxième (-32 %), un troisième (-31 %) ou un quatrième et subséquent (-48 %) événement cardiovasculaire que les participants du groupe placebo. Il ne fait aucun doute que le Vascepa à 4 g/jour est efficace pour prévenir les événements cardiovasculaires chez des personnes qui ont un risque cardiovasculaire élevé (triglycérides élevés, taux de cholestérol normalisé par une statine).

Tous les suppléments d’huile oméga-3 ne sont pas équivalents.
Dans l’étude REDUCE-IT, les participants ont pris quotidiennement une grande quantité (4 g) d’une huile d’O-3 (Vascepa®contenant uniquement de l’éthyl-EPA) un produit approuvé par la FDA pour le traitement de l’hypertriglycéridémie. Dans l’étude VITAL les participants ont pris quotidiennement le supplément Omacor®, aussi approuvé par la FDA pour le traitement de l’hypertriglycéridémie, mais qui contient un mélange de deux esters d’éthyle d’acides gras oméga-3 (éthyl-EPA et éthyl-DHA). Les suppléments d’O-3 approuvés par la FDA sont très purs et contrôlés alors que les suppléments offerts en vente libre peuvent contenir de l’éthyl-EPA et de l’éthyl-DHA en quantité et ratio variables, d’autres huiles, et être plus ou moins oxydés. Pour obtenir une dose d’EPA équivalente à celle de l’étude REDUCE-IT (4 g EPA/jour), il faudrait ingérer environ 8-9 gélules du supplément Omacor®utilisé dans l’étude VITAL, par exemple. C’est une quantité excessive qui pourrait être nuisible au fonctionnement du système digestif et provoquer des maux de ventre, il n’est donc pas recommandé de consommer de telles quantités de supplément d’huile de poisson.

Les acides gras oméga-3 dans la chair de poisson s’y retrouvent sous forme de triglycérides (trois acides gras oméga-3 sont liés par des liens esters à une molécule de glycérol), une forme qui est plus facilement assimilable que les esters d’éthyle. Les esters d’éthyle d’EPA et DHA sont métabolisés par des enzymes (estérases) qui clivent le lien ester et permettent ainsi de retrouver les O-3 sous forme d’acides gras libres qui sont ensuite absorbés dans l’intestin. Puisque l’activité de ces estérases est dépendante de la sécrétion de sels biliaires dans l’intestin, il est important de consommer un repas contenant une certaine quantité minimale de gras, autrement les esters d’éthyle d’O-3 ne seront pas clivés par les estérases et ne seront pas absorbés.

D’autres études cliniques en cours où des doses modérées à fortes d’éthyl-EPA sont testées devraient fournir davantage de données sur leur efficacité. Citons les études RESPECT-EPA (Randomized Trial for Evaluation in Secondary Prevention Efficacy of Combination Therapy—Statin and EPA) and EVAPORATE (Effect of VAscepa on Progression of cORonary Atheroslerosis in Persons with Elevated Triglycerides on Statin Therapy).

De plus, l’étude STRENGTH (STatin Residual risk reduction with EpaNova in hiGh cardiovascular risk paTients with Hypertriglyceridemia), qui teste un supplément d’huile de poisson différent (Epanova®qui contient de l’EPA et du DHA sous forme d’acide carboxylique et non d’ester d’éthyle), devrait nous dire si les effets bénéfiques de l’étude REDUCE-IT sont attribuables au produit particulier utilisé dans cette étude.

En conclusion, pour la prévention primaire des événements cardiovasculaires majeurs les suppléments d’O-3 ne sont pas efficaces, mais il est toujours recommandé de manger du poisson 2 à 3 fois par semaine puisque de nombreuses études populationnelles ont montré des bienfaits pour la santé cardiovasculaire. En prévention secondaire, pour ceux qui ont déjà subi un infarctus du myocarde ou un AVC et qui ont des taux élevés de triglycérides et de cholestérol, les suppléments d’O-3 de haute qualité et en dose massive semblent être efficaces (le supplément d’éthyl-EPA Vascepa® et non pas les suppléments en vente libre). Il restera à confirmer ces résultats dans d’autres études, à tester différentes formes d’acides gras oméga-3 et à mieux comprendre le mécanisme d’action.

Tendances et controverses sur l’alimentation pour prévenir les maladies cardiovasculaires

Tendances et controverses sur l’alimentation pour prévenir les maladies cardiovasculaires

Le Conseil pour la prévention des maladies cardiovasculaires du Collège américain de cardiologie a publié une revue de la littérature (en deux parties, voir ici et ici) où il fait l’état de la question des types de nourriture et habitudes alimentaires pour la prévention des maladies cardiovasculaires. Le but des experts qui ont rédigé ces revues est d’informer les cliniciens sur les aliments et régimes « à la mode », afin qu’ils puissent transmettre ces informations à leurs patients. Plus spécifiquement, le guide s’est penché sur certains aliments, nutriments et suppléments qui restent controversés dans la communauté scientifique, ce qui entraîne une confusion pour les patients, les consommateurs et les médias. Nous proposons dans cet article un résumé en français du contenu des deux articles publiés dans le Journal of the American College of Cardiology. 


Les saines habitudes alimentaires
Chaque année les patients sont bombardés de nouveaux livres sur des régimes « miracles » qui prétendent favoriser une meilleure santé, la perte de poids et la réduction des risques de maladies. Bien que les données scientifiques disponibles pour certains de ces régimes soient limitées, il existe plusieurs régimes alimentaires pour lesquels il a été clairement démontré qu’ils réduisent le risque de nombreuses maladies chroniques, y compris la maladie coronarienne. Les cliniciens doivent avoir une compréhension des principes à la base de ces régimes alimentaires sains, afin d’être en mesure d’évaluer les allégations des nouveaux régimes qui font souvent l’objet d’une large couverture médiatique. Les régimes alimentaires sains, basés sur des données probantes, sont riches en fruits, légumes, grains entiers, légumineuses et noix avec modération, et certains incluent des quantités limitées de viandes maigres (volaille et poissons), de produits laitiers à faible teneur en gras et d’huiles végétales (Tableau 1). Ces régimes alimentaires sont également faibles en gras saturés, en gras trans et gras solides, en sodium, en sucres ajoutés et en grains raffinés

Tableau 1. Recommandations cliniques pour différents types de régimes, d’aliments et de nutriments.  D’après Freeman et coll., J. Am. Coll. Cardiol., 2017 et Freeman et coll., J. Am. Coll. Cardiol., 2018.  MCV = maladie cardiovasculaire ; ERC = essai randomisé contrôlé. 

AlimentsType d’étudeRecommandations pour les patients
Régime alimentaire avec graisses ajoutées, aliments frits, œufs, abats, viandes transformées, et boissons sucrées (par ex. : régime alimentaire du sud des États-Unis) Études prospectivesÉviter
Cholestérol alimentaireERC , études prospectives et méta-analyses.Limiter
Huile de canolaLes méta-analyses d’ERC montrent une amélioration des taux de lipides sanguins, mais il n’y a aucune étude prospective ou ERC pour l’incidence de MCV.Avec modération
Huile de noix de cocoMéta-analyses d’ERC et études d’observation sur les effets nocifs sur les lipides sanguins. Aucune étude prospective ou ERC pour l’incidence de MCV. Éviter
Huile de tournesolAucune étude prospective ou ERC pour l’incidence de MCV. Avec modération
Huile d’oliveLes ERC montrent une diminution de l’incidence de MCV.Avec modération
Huile de palmeLes ERC et études d’observation montrent une augmentation de l’incidence de MCV.Éviter
Fruits et légumes riches en antioxydantsLes ERC et études d’observation montrent une diminution de l’incidence de MCV.Fréquemment
Suppléments d’antioxydantsLes ERC et études prospectives et d’observation montrent un effet nocif potentiel.Éviter
NoixLes ERC et de vastes études prospectives et méta-analyses montrent une diminution de l’incidence de MCV.Avec modération
Légumes verts à feuillesDe grandes méta-analyses et des études d’observation de taille variable ainsi qu’une grande étude prospective.Fréquemment
Protéine provenant de sources végétalesDe vastes études d’observation et prospectives.Fréquemment
Aliments contenant du glutenÉtudes d’observation et ERCÉviter si sensible ou allergique.
Produits laitiersERC, études prospectives, revues systématiques et méta-analyses.Des résultats contradictoires empêchent de faire une recommandation claire. Les produits laitiers entiers sont des sources importantes de gras saturés et de sodium dans le régime nord-américain et leur consommation devrait être limitée.
Sucres ajoutésÉtudes prospectives, ERC.Éviter
LégumineusesERC, études prospectives, revues systématiques et méta-analyses.Fréquemment
CaféÉtudes prospectives.Fréquemment
ThéÉtudes prospectivesFréquemment
Boissons alcooliséesERC, études prospectives, revues systématiques et méta-analyses.Éviter ou limiter à <1 verre/jour pour les femmes et <2 verres/jour pour les hommes.
Boissons énergisantesPetites études non contrôlées, études de cas.Éviter
ChampignonsERC, études prospectives, longitudinales et méta-analyses.Fréquemment
Aliments fermentés : kimchi , choucroute, tempe , kéfir à base de lait, yogourt, kombucha.ERC, études prospectives.Encourager, si désiré.
Acides gras oméga-3ERC, études prospectives, revues systématiques et méta-analyses.Fréquemment. On ne sait pas encore quelle est la meilleure source (végétale vs animale).
Vitamine B12ERC, études prospectives.Supplémenter s’il y a une carence dans le régime alimentaire, mais trop de vitamine B12 pourrait augmenter le risque de cancer.

Les œufs et le cholestérol d’origine alimentaire
Malgré l’enthousiasme général suscité par l’énoncé original du « 2015 Dietary Guidelines Advisory Commitee Report » dans lequel il était écrit que « les données disponibles ne montrent pas de relation appréciable entre la consommation de cholestérol alimentaire et le taux de cholestérol sanguin », il demeure prudent de conseiller aux patients de limiter le plus possible leur consommation d’aliments contenant du cholestérol, tels les œufs. Il s’avère que bien qu’il ne fasse pas augmenter le taux de cholestérol sanguin autant que les gras trans et les gras saturés, le cholestérol alimentaire fait tout de même réellement augmenter le cholestérol dans le sang, d’où la recommandation de limiter sa consommation. Les fruits de mer, qui contiennent aussi du cholestérol, mais peu de gras saturés, constituent un meilleur choix que d’autres aliments riches en gras saturés. Il est toutefois recommandé d’en manger de petites quantités, afin de limiter l’apport en cholestérol alimentaire. De plus, des études récentes ont démontré que la consommation d’œufs produit une augmentation de l’oxyde de triméthylamine (TMAO) via la dégradation de la lécithine en choline qui est transformée en triméthylamine (TMA) par le microbiote intestinal, puis en TMAO par le foie. Le TMAO est une molécule très inflammatoire qui accélère le développement des plaques d’athérosclérose.

Huiles végétales
Les gras solides (à la température ambiante), incluant l’huile de noix de coco et l’huile de palme, sont riches en acides gras saturés et ont des effets défavorables sur les facteurs de risque de la maladie coronarienne. Les prétentions selon lesquelles les huiles tropicales (coco et palme) ont des effets bénéfiques pour la santé ne sont pas fondées et l’on devrait décourager l’utilisation de ces huiles. Au contraire, les huiles végétales liquides (canola, tournesol, olive) sont riches en acides gras mono-insaturés et ont des effets bénéfiques sur les lipoprotéines et les lipides sanguins, soit une augmentation du cholestérol-HDL (le « bon cholestérol ») et une réduction des triglycérides. Les données probantes sont plus complètes pour l’huile d’olive qui a des effets confirmés sur la réduction du risque d’athérosclérose. Le guide alimentaire américain 2015-2020 recommande l’utilisation des huiles végétales liquides pour la prévention du risque d’athérosclérose, dans le contexte d’un régime alimentaire sain où la quantité de calories consommées est contrôlée.

Les petits fruits et les suppléments d’antioxydants
Les États-Unis ont connu récemment un « berry boom » et en 2014 les baies et autres petits fruits étaient au troisième rang des fruits les plus consommés dans ce pays, après les bananes et les pommes. Il est probable que le facteur « super-aliment » accolé à ces fruits a joué un rôle dans ce gain de popularité. Les petits fruits contiennent de grandes quantités de composés phénoliques, incluant les anthocyanes qui ont des propriétés antioxydante et anti-inflammatoire. Les données disponibles à ce jour suggèrent que les fruits et légumes sont la source d’antioxydants la plus saine et bénéfique pour réduire le risque de maladie coronarienne. Il n’y a pas de données probantes qui soutiennent que les suppléments d’antioxydants réduisent le risque de maladie coronarienne.

Les noix
Les noix comprennent les amandes, les noix de Grenoble, les noisettes, les noix du Brésil, les pistaches, les noix de pin et les pacanes, ainsi que les arachides qui sont des légumineuses du point de vue de la botanique. Les acides gras dans les noix sont principalement insaturés, l’acide oléique étant le plus abondant. Les noix contiennent également des glucides et des fibres complexes, des protéines, des tocophérols, des minéraux non sodiques, des phytostérols et des polyphénols. La consommation de noix fait baisser le taux de cholestérol sanguin (essais randomisés contrôlés) et est associée à une réduction du risque de maladie coronarienne, de maladie cardiovasculaire en général et de mortalité de toute cause selon des méta-analyses d’études prospectives. Les noix peuvent faire partie d’un régime alimentaire visant à réduire le risque de maladie coronarienne. Le contrôle des portions est nécessaire afin d’éviter un gain de poids puisque les noix contiennent beaucoup de gras et sont denses en calories. Les cliniciens doivent fournir des conseils pour incorporer les noix dans le régime alimentaire sans que le nombre de calories consommées quotidiennement change, en substituant les noix à d’autres aliments, préférablement des aliments qui procurent des « calories vides ».
Voir aussi cet article de l’Observatoire: Les noix, de précieux alliés pour la prévention des maladies cardiovasculaires

Légumes verts à feuilles
Les bienfaits vasculaires attribués aux légumes verts à feuilles incluent la réduction de la rigidité artérielle et de la pression artérielle. Ces effets sont dus en partie à l’apport en nitrate inorganique (NO3), qui subit une conversion bactérienne en nitrite (NO2) dans la salive, suivie d’une conversion en oxyde nitrique (NO) dans le système gastro-intestinal. Cependant, les effets physiologiques s’estompent deux jours après l’ingestion, et un apport quotidien d’aliments riches en nitrates pourrait être nécessaire pour maintenir les bienfaits pour le système cardiovasculaire. Les légumes verts très riches en nitrates incluent la roquette, le mesclun et la bette à carde, alors que le céleri, le chou vert, les haricots verts, le chou frisé et les épinards en contiennent des quantités appréciables. Un régime alimentaire riche en légumes verts à feuilles a des effets bénéfiques significatifs sur les facteurs de risque de la maladie coronarienne et est associé à une réduction du risque de développer cette maladie. Des indications précises devraient être fournies aux patients qui prennent de la warfarine (Coumadin®) pour établir une prise stable et cohérente, afin d’éviter des variations de l’efficacité de l’anticoagulant.

Les jus de fruit et de légumes
Jusqu’à ce que des données comparatives soient disponibles, la consommation de fruits et légumes entiers est préférable et les jus ne devraient être consommés que lorsque la consommation quotidienne de fruits et légumes est insuffisante. Des conseils devraient être fournis pour maintenir un apport calorique optimal et éviter l’addition de sucres pour minimiser la surconsommation calorique.

Régimes alimentaires basés sur les végétaux
Les régimes alimentaires basés sur les végétaux sont de plus en plus populaires en raison d’une variété de bienfaits pour la santé. Le régime végétalien est dépourvu de tout produit animal, tandis qu’un régime végétarien est typiquement sans viandes, mais peut inclure des produits laitiers et des œufs. Tous les végétaux contiennent des protéines, mais en quantités variables. Gramme pour gramme (poids sec), les aliments riches en protéines végétales, tels que les légumineuses, contiennent autant ou davantage de protéines que la plupart des produits alimentaires d’origine animale, sans le sodium et les gras. Bien que les quantités d’acides aminés essentiels varient d’un aliment à l’autre, presque tous les aliments à base de végétaux contiennent la plupart des acides aminés essentiels. Consommer des aliments provenant d’une variété de végétaux peut fournir des quantités suffisantes d’acides aminés essentiels, si l’on prend soin de bien planifier les repas. Des données probantes indiquent qu’un régime alimentaire basé principalement sur les végétaux est associé à une amélioration des facteurs de risques de la maladie coronarienne, à un ralentissement de la progression de la maladie coronarienne et à des effets bénéfiques sur cette maladie.
Voir aussi cet article de l’Observatoire:  Végétarisme et maladies cardiovasculaires

Gluten
Pour les 1 % à 2 % de la population atteinte de la maladie cœliaque, un régime sans gluten réduit la morbidité et la mortalité. Il existe 3 troubles liés au gluten: la maladie cœliaque, l’allergie au blé et la sensibilité au gluten non cœliaque. La sensibilité au gluten non cœliaque est en grande partie la source de la controverse sur le gluten. Les estimations suggèrent que 6 % ou plus de la population souffrent de sensibilité au gluten non cœliaque. Bien que les personnes ayant un trouble lié au gluten doivent éviter le gluten, beaucoup d’autres suivent un régime sans gluten dans le but de perdre du poids ou pour d’autres bienfaits pour la santé. Pour les personnes qui n’ont pas de trouble lié au gluten, il n’y a aucune preuve que d’éviter de manger du gluten se traduira par une perte de poids ou que le gluten favorise le gain de poids. Pour les patients qui sont atteints d’un trouble lié au gluten, un régime alimentaire riche en fruits et légumes, légumineuses, sources de protéines maigres, noix et graines, produits laitiers à faible teneur en gras ou des produits alternatifs riches en calcium et en vitamine D, sources de gras sains, incluant les gras oméga-3, joue un rôle important dans la gestion des symptômes. Cependant, chez les patients qui n’ont pas de trouble lié au gluten, les données disponibles n’indiquent pas que le régime sans gluten soit bénéfique pour la santé.

Les produits laitiers
L’évaluation des effets des produits laitiers sur le risque cardiovasculaire est freinée par la nature observationnelle de la plupart des études et par le nombre insuffisant d’études cliniques qui ne sont pas subventionnées par l’industrie laitière. Il ne semble pas y avoir de consensus clair qui se dégage entre les études publiées ou entre les experts sur les effets des produits laitiers sur le risque de maladie cardiovasculaire. Il semble y avoir un lien entre la consommation quotidienne de certains produits laitiers et la hausse du cholestérol-LDL (« mauvais cholestérol »), les fractures et la mortalité de toute cause, mais l’ampleur de ces effets est incertaine. Il y a un large consensus sur le fait que les produits de lait entier sont une source importante de gras saturés et de sodium dans le régime alimentaire nord-américain, et que nous devrions par conséquent en limiter la consommation. Néanmoins, les produits laitiers à faible teneur en gras demeurent une source commode de plusieurs vitamines, de minéraux et de protéines de haute qualité.
Voir aussi cet article de l’Observatoire: Boire du lait est-il essentiel à la santé ?

Les sucres ajoutés
Des études de bonne qualité ont établi un lien entre les sucres ajoutés et les risques de maladies cardiovasculaires et de maladies vasculaires athérosclérotiques. Les personnes devraient limiter les sucres ajoutés à <10 % des calories consommées et préférablement <100 calories/jour pour les femmes et <150 calories/jour pour les hommes. Les cliniciens devraient recommander à leurs patients une alimentation à base d’aliments non transformés, en prenant un soin particulier à sélectionner des produits qui contiennent peu ou pas du tout de sucre ajouté sous n’importe qu’elle forme, et cesser complètement de boire des boissons sucrées. Plusieurs comités d’experts ont recommandé de limiter la consommation de sucres ajoutés (Tableau 2).

Tableau 2. Recommandation des experts pour la consommation de sucres ajoutés.  Selon Freeman et coll., J. Am. Coll. Cardiol., 2018.  ACC = American College of Cardiology; AHA = American Heart Association; MCV = Maladie cardiovasculaire.  

Groupe d’expertsRecommandations
AHA/ACCLimiter la consommation de sucreries et de boissons sucrées.
AHALes adultes devraient minimiser leur consommation de boissons et de nourriture contenant des sucres ajoutés ; une limite supérieure prudente de la consommation est la moitié de l’allocation calorique discrétionnaire, qui pour la plupart des femmes est ≤100 calories/jour et pour la plupart des hommes est ≤150 calories par jour provenant de sucres ajoutés.
Les enfants et les adolescents devraient limiter leur consommation de boissons sucrées à 1 boisson de 225 mL ou moins par semaine ; il est raisonnable de recommander que les enfants consomment ≤ 25 g (100 calories ou environ 6 cuillères à café) de sucres ajoutés/jour et que les enfants de < 2 ans évitent complètement les sucres ajoutés.
American Academy of PediatricsLimiter la consommation de boissons sucrées chez les enfants.
Les pédiatres devraient recommander l’élimination des boissons sucrées dans les écoles.
American Diabetes AssociationLes personnes qui souffrent de diabète de type 2 et ceux qui sont à risque devraient éviter les boissons sucrées pour contrôler leur poids et réduire le risque de MCV et de stéatose hépatique. Privilégier des aliments sains, riches en nutriments et limiter la consommation d’aliments riches en sucres et en gras.
2015 Dietary Guidelines Advisory CommitteeLimiter les sucres ajoutés à un maximum de 10 % de l’apport calorique quotidien total ; lorsque les sucres ajoutés dans les aliments et les boissons dépassent de 3 % à 9 % du total des calories, selon le niveau de calorie, un régime alimentaire sain peut être difficile à atteindre et la densité des nutriments peut être affectée négativement.
Healthy People 2020Réduire la consommation de calories provenant des sucres ajoutés à un objectif de 9,7 % de l’apport énergétique quotidien.
Organisation mondiale de la SantéL’OMS recommande un apport réduit en sucres libres tout au long de la vie ( recommandation forte ) ; chez l’adulte et l’enfant, l’OMS recommande de ramener l’apport en sucres libres à moins de 10 % de l’apport énergétique total ( recommandation forte ). L’OMS propose d’aller plus loin et de ramener l’apport en sucres libres à moins de 5 % de l’apport énergétique total ( recommandation conditionnelle , qui aurait des avantages supplémentaires dans la réduction du risque de certaines maladies non transmissibles chez les adultes et les enfants).

Légumineuses
Les légumineuses sont des graines riches en nutriments qui incluent les pois, les haricots, les fèves, les lentilles et les graines oléagineuses comme le soja. Les légumineuses ont un faible contenu en gras, mais sont riches en protéines, glucides complexes, fibres alimentaires, polyphénols et saponines (des triterpènes glycosylés qui ont des propriétés hypocholestérolémiantes). Les légumineuses sont une source abordable et renouvelable de protéines et de fibres. La consommation de légumineuses est associée à une réduction de l’incidence de la maladie coronarienne et elle améliore la glycémie, le cholestérol-LDL, la pression artérielle systolique et le poids corporel. Les légumineuses devraient faire partie de tout régime alimentaire destiné à améliorer la santé cardiométabolique.

Café
Le café est l’une des boissons les plus consommées à l’échelle mondiale. Il est riche en polyphénols biologiquement actifs, qui sont responsables de son goût amer caractéristique. La consommation de café augmente souvent de façon aiguë la pression artérielle chez les individus qui ne consomment habituellement pas de caféine, mais ce n’est généralement pas le cas pour les buveurs réguliers de café. Les méta-analyses de nombreuses études indiquent la consommation de café est associée à une réduction des risques de mortalité de toute cause et de mortalité due à une maladie cardiovasculaire. Cet effet protecteur augmente en fonction de la dose. Le café n’augmente pas le risque d’arythmie, d’hypertension ou d’hyperlipidémie. Il est à noter que les boissons à base de café peuvent contenir de grandes quantités de sucres et de gras ajoutés, ce qui réduit les bienfaits pour santé.
Voir aussi cet article de l’Observatoire: Les effets du café sur les maladies cardiovasculaires

Thé
Le thé contient un mélange de molécules antioxydantes comprenant des flavonoïdes et des polyphénols.La consommation de thé semble sans risque et pourrait être associée à une amélioration de la santé cardiovasculaire et à un meilleur bilan lipidique selon de vastes études populationnelles et des méta-analyses. Il est à noter que ces données sont basées sur une consommation de thé (parfois plus de 5 tasses par jour) sans sucre ajouté, édulcorant, lait ou crème.

Boissons alcoolisées
Les liens entre la consommation d’alcool et les maladies cardiovasculaires sont complexes et varient en fonction de l’âge, du sexe, de l’ethnicité, de facteurs génétiques, des habitudes d’absorption d’alcool et du type de boisson alcoolisée consommée. Une consommation faible à modéré, soit moins d’une once d’alcool (30 mL), est associée à une réduction des risques de maladies cardiovasculaires en général, de maladie coronarienne, d’angine, d’infarctus du myocarde, de mortalité de toute cause ou due à une maladie cardiovasculaire, d’insuffisance cardiaque et d’AVC ischémique, ainsi qu’à des paramètres intermédiaires améliorés comme la sensibilité à l’insuline, les taux sanguins de cholestérol-HDL et d’adiponectine, l’agrégation plaquettaire et l’inflammation systémique. Cependant, la consommation excessive d’alcool et les beuveries (« binge drinking») sont associées à des risques accrus de fibrillation auriculaire et d’arythmies ventriculaires, de mort cardiaque subite, de défaillance diastolique et systolique du ventricule gauche, de cardiomyopathie induite par l’alcool, d’insuffisance cardiaque, d’AVC hémorragique et ischémique, d’hypertension artérielle, de diabète de type 2, d’hypertriglycéridémie et d’inflammation. Les études indiquent qu’il y a des bénéfices à consommer de l’alcool, toutefois il n’y a pas suffisamment de données de grande qualité pour faire des recommandations sur un type spécifique de boisson alcoolisée pour réduire le risque de maladie cardiovasculaire. Il y a aussi des risques de chute, de certains cancers et de maladies du foie qui sont associés à la consommation d’alcool. Il n’est pas recommandé de commencer à boire de l’alcool pour bénéficier des effets favorables pour la santé, et la consommation de ceux qui en boivent ne doit pas excéder les quantités recommandées. L’alcool devrait être préférablement consommé avec les repas. Les mélanges de boissons alcoolisées avec des sodas, de la crème et des édulcorants réduisent les effets bénéfiques sur la santé.
Voir aussi cet article de l’Observatoire:  Les bons et mauvais côtés de l’alcool

Boissons énergisantes
Il semble que les boissons énergisantes, habituellement des mélanges de vitamines et de caféine ou de composés contenant de la caféine, augmentent le risque d’effets nocifs sur la santé allant de l’arythmie, aux spasmes coronaires et même jusqu’à la mort. Ces boissons ont été associées à une augmentation de la morbidité et de la mortalité, en particulier chez les jeunes. La concentration en caféine dans toutes les boissons énergisantes dépasse considérablement (de 2 à 4 fois) la limite imposée pour les boissons gazeuses par la Food and Drug Administration des États-Unis. Il y a encore peu de données (et elles sont de faible qualité) en ce qui concerne les boissons énergisantes et les effets sur les maladies cardiovasculaires. On devrait éviter de consommer des boissons énergisantes jusqu’à ce que de nouvelles études de meilleure qualité soient réalisées.

Champignons
Les résultats des études précliniques et cliniques suggèrent que la consommation de champignons peut être cardioprotectrice par divers mécanismes. La plupart des études indiquent que les champignons ont des effets anti-inflammatoires et antioxydants. Les composés biologiquement actifs tels que l’ergothionéine, l’ergostérol et les bêta-glucanes (polysaccharides) sont responsables de ces effets et ils ont des effets antiathérosclérotique, hypocholestérolémiant, antihypertenseur et des effets immunomodulateursselon des études randomisées contrôlées. La consommation de champignons a également été associée à une réduction des maladies liées aux maladies cardiovasculaires, comme le syndrome métabolique, le diabète de type 2 et l’obésité. Bien qu’il n’y ait pas encore de données probantes de haute qualité qui indique que les champignons aient des effets sur le système cardiovasculaire, ils pourraient être associés à une amélioration de processus inflammatoire et oxydatif, ce qui pourrait avoir des effets bénéfiques sur les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires. Il faut être conscient que certains champignons sauvages sont vénéneux.

Aliments fermentés et algues
Les probiotiques sont des micro-organismes (bactéries) qui se retrouvent dans les aliments fermentés. Ils sont connus pour stimuler la production de lymphocytes T et de cellules dendritiques, qui ont le potentiel de supprimer l’inflammation. On pense que les bactéries probiotiques réduisent le cholestérol en déconjuguant les acides biliaires, et en utilisant le cholestérol comme nourriture ou en l’incorporant dans leur paroi cellulaire. Les algues sont d’excellentes sources de fibres alimentaires, d’antioxydants et d’autres composés qui sont bénéfiques pour la santé cardiovasculaire. Les composés des algues (p. ex. alginates, fucoxanthine, fucoïdane) présentent des propriétés antiobésité et hypocholestérolémiante, en partie en favorisant la satiété. Les algues sont aussi une source de peptides biologiquement actifs qui, lorsqu’ils sont concentrés, présentent des propriétés anti-hypertensives qui sont semblables aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion et ils améliorent la sensibilité à l’insuline. La spiruline, une microalgue filamenteuse en forme de spirale de couleur bleu-vert (cyanobactérie), a des propriétés hypocholestérolémiantes.  Il n’y a pas de données probantes de haute qualité qui indiquent que les aliments fermentés et les algues ont des effets sur les maladies cardiovasculaires. Des études d’observation et des essais cliniques suggèrent que les probiotiques naturels et les algues ont des effets bénéfiques potentiels sur les maladies cardiovasculaires, la dyslipidémie et le poids corporel. Cependant, il n’y a pas suffisamment de résultats probants pour recommander la consommation de ces aliments à l’heure actuelle, bien qu’il n’y ait pas non plus de données qui indiquent qu’ils soient nocifs pour la santé.

Acides gras oméga-3
Il existe deux classes distinctes d’acides gras oméga-3 : 1) les acides gras polyinsaturés à longue chaîne ω3 (ou n-3) d’origine marine ; et 2) l’acide alpha linolénique (AAL) d’origine végétale. Les deux ont des effets bénéfiques sur le système cardiovasculaire. Les acides gras oméga-3 d’origine marine, principalement l’acide eicosapentaénoïque (AEP) (20:5n-3) et l’acide docosahexaénoïque (ADH) (22:6n-3), abondent dans la chair des poissons gras. Le principal acide gras oméga-3 dérivé des plantes est l’AAL (18:3n-3), un acide gras essentiel qui doit provenir de l’alimentation. Les sources d’AAL comprennent les légumes verts à feuilles (AAL jusqu’à 80 % des acides gras) ; noix, huile de canola et huile de soja (AAL ∼10 % des acides gras totaux) ; et les graines de lin/huile de lin (AAL ∼50 % des acides gras totaux). L’AAL est rapidement oxydée après absorption et a un faible taux de conversion en AEP/ADH (environ 10 % en AEP et 1 % en ADH). Il y a des données probantes qui sont en faveur de l’inclusion des acides gras oméga-3 dans un régime alimentaire protecteur pour le cœur, probablement sous la forme d’aliments complets et non pas de suppléments. Il semble que les acides gras oméga-3, autant de source végétale que marine, ont des effets bénéfiques sur les maladies cardiovasculaires, mais il y a quelques inquiétudes (durabilité, environnement) concernant les acides gras oméga-3 d’origine marine qui devront être examinées plus en détail.
Voir aussi cet article de l’Observatoire: Les acides gras oméga-3 d’origine marine et la santé cardiovasculaire

Vitamine B12
Plusieurs grandes études indiquent que les suppléments de vitamine B12 ne préviennent pas les maladies cardiovasculaires. Les personnes susceptibles d’avoir une déficience en vitamine B12 devraient prendre des suppléments (2,4 µg/jour).
Voir aussi cet article de l’Observatoire:  Les suppléments de vitamine B12 sont indispensables aux végétaliens

Regard vers l’avenir
En résumé, la santé future de la population mondiale dépend du passage à des habitudes alimentaires plus saines. Toutefois, dans la recherche du modèle alimentaire « parfait » et d’aliments qui procurent des avantages « miracles », les consommateurs sont vulnérables aux allégations de bienfaits pour la santé qui sont non corroborées. En tant que cliniciens, il est important de se tenir au courant des données scientifiques à jour afin de fournir aux patients des conseils nutritionnels pertinents et efficaces pour réduire les risques cardiovasculaires. Les données disponibles soutiennent les bienfaits cardiovasculaires des noix, de l’huile d’olive et autres huiles végétales liquides, des régimes alimentaires basés sur les végétaux et les protéines d’origine végétale, des légumes verts à feuilles, des fruits riches en antioxydants, des acides gras oméga-3 (de sources marines et végétales, bien qu’il y ait quelques préoccupations concernant les sources marines), de la vitamine B12 (mais pas en excès et lorsqu’il y a une carence alimentaire), des champignons, des légumineuses de toutes sortes, du café, du thé, de l’alcool en quantité faible à modérée, des aliments fermentés et des algues. Bien que les jus puissent être bénéfiques pour les personnes qui autrement ne consommeraient pas une quantité suffisante de fruits et de légumes frais, il faut faire preuve de prudence pour éviter une consommation excessive de calories. Il n’y a actuellement aucune preuve de bienfaits par l’apport régulier en suppléments d’antioxydants. Le gluten est un problème pour ceux qui ont un trouble lié au gluten et il est important d’être attentif à cela dans la pratique clinique. Il n’existe toutefois aucune preuve d’un effet cardiovasculaire bénéfique ou sur la perte de poids, hormis la restriction calorique potentielle associée à un régime sans gluten. Les données probantes à ce jour suggèrent des effets nocifs d’une grande consommation de viande rouge et de sucre ajouté, de la vitamine B12 en excès et de toute quantité de boissons énergisantes. Enfin, il y a encore un débat sur les effets des produits laitiers sur les MCV, bien qu’ils demeurent la première source de graisses saturées et de sodium en Amérique du Nord.

Les acides gras oméga-3 d’origine marine et la santé cardiovasculaire

Les acides gras oméga-3 d’origine marine et la santé cardiovasculaire

Mis à jour le 23 juillet 2018

Des études populationnelles en Occident et Asie ont rapporté depuis une trentaine d’années que la consommation de poissons sur une base régulière, soit une à deux fois par semaine, est associée à une réduction du risque de mortalité causée par la maladie coronarienne (voir une étude pionnière ici et des méta-analyses ici et ici). Des associations favorables entre la consommation de poisson et les risques de mortalité, toutes causes confondues, d’accident vasculaire cérébral, de diabète de type 2, de démence, de maladie d’Alzheimer et de déclin cognitif ont aussi été identifiées.

Une méta-analyse de 17 études de cohortes d’une durée moyenne de 15,9 années, auprès de 315 812 participants, indique que le fait de consommer un peu de poisson (1 portion/semaine) ou modérément (2-4 portions/semaine) est associé à un risque 16 % et 21 % moins élevé de mortalité due à la maladie coronarienne, respectivement, comparé à une faible consommation (<1 portion/semaine ou <1-3 portions/mois). L’analyse de la relation dose-effet indique que chaque 15 g additionnel de poisson consommé quotidiennement diminue le risque de mortalité coronarienne de 6 %. La consommation de poisson en grande quantité (>5 portions/semaine) n’est cependant pas associée à une réduction plus importante (17 %) du risque de mortalité coronarienne qu’une consommation modérée (21 %), un résultat qui provient d’un nombre limité d’études.

Ces observations, combinées avec les taux moins élevés de maladie coronarienne observés dans des populations (Inuits du Groenland, autochtones d’Alaska, pêcheurs japonais) qui consomment de grandes quantités de poissons riches en acides gras polyinsaturés à très longue chaîne, dont les acides gras oméga-3, ont suscité un grand intérêt pour évaluer si la consommation de ce type d’acide gras peut prévenir la maladie coronarienne. Les acides gras oméga-3 d’origine marine incluent l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA) qu’on retrouve dans les poissons et autres fruits de la mer, mais pas l’acide alpha linolénique (ALA), un acide gras oméga-3 d’origine végétale qui procure lui aussi des bienfaits pour la santé cardiovasculaire (voir cet article).

L’American Heart Association (AHA) a publié en 2018 un avis scientifique sur les acides gras à longue chaîne de type omega-3 d’origine marine et la maladie cardiovasculaire. Selon cette analyse, les données provenant d’études prospectives et d’études cliniques randomisées appuient la recommandation de consommer des poissons et fruits de mer (non-frits), spécialement les espèces qui contiennent des niveaux élevés d’acide gras oméga-3. Le comité d’experts de l’AHA conclut qu’un à deux repas de poissons ou fruits de mer par semaine devraient être inclus dans le régime alimentaire pour réduire le risque d’insuffisance cardiaque, de maladie coronarienne, d’accident vasculaire cérébral ischémique et de mort subite d’origine cardiaque, particulièrement quand les produits de la mer remplacent de la nourriture moins saine. Consommer plus de 2 repas de produits de la mer par semaine n’est généralement pas associé à un effet bénéfique plus important ni à un effet nocif.

Les suppléments d’acides gras oméga-3 et la prévention de la maladie coronarienne.
Plusieurs études cliniques randomisées ont comparé les effets d’une supplémentation en acides gras oméga-3 (huile de poisson ou un mélange d’EPA/DHA sous forme d’esters éthyliques) avec un placebo (une huile végétale) ou l’absence de supplémentation, chez des personnes qui avaient un historique de maladie coronarienne, d’accident vasculaire cérébral, ou qui avaient un risque élevé de développer une maladie cardiovasculaire. Ces études ont généré des résultats contradictoires sur les associations entre la supplémentation en acides gras oméga-3 et les accidents coronariens mortels ou non mortels et d’autres types de maladies cardiovasculaires. Une étude italienne auprès de 11 323 survivants à un récent infarctus du myocarde a rapporté une diminution du risque d’accident cardiovasculaire de 10 % dans le groupe qui avait consommé des suppléments d’acides gras oméga-3, par comparaison au groupe témoin. Une étude japonaise auprès de 18 645 personnes qui avaient un taux de cholestérol total de 243 mg/dL ou plus, parmi lesquels 20 % seulement avaient déjà eu un accident coronarien, a aussi rapporté que la supplémentation en huile de poisson était associée à une réduction de 19 % des accidents cardiovasculaires majeurs. Aucune des autres grandes études contrôlées avec un placebo n’a montré d’associations significatives avec la maladie coronarienne ou la mortalité.

Une méta-analyse de 18 études cliniques randomisées publiée en 2017 indique que la supplémentation en acides gras oméga-3 est associée à une baisse non significative statistiquement de 6 % du risque de maladie coronarienne. L’analyse des sous-populations qui sont plus à risque montre que les acides gras oméga-3 réduisent significativement le risque de maladie coronarienne de 16 % chez les personnes qui ont des taux sanguins élevés de triglycérides (>150 mg/dL) et de 14 % chez celles qui ont des taux sanguins élevés de cholestérol-LDL (>130 mg/dL). Dans la même publication, une méta-analyse de 16 études prospectives auprès de 732 000 patients indique une association entre la consommation d’acides gras oméga-3 et une réduction significative d’accident coronarien de 18 %. Une autre méta-analyse de 14 études cliniques randomisées (71 899 participants) publiée la même année présente des résultats semblables, soit une légère réduction du risque de mortalité d’origine cardiaque de 8 % par les acides gras oméga-3 pour l’ensemble des participants, et une réduction du risque de 18 % parmi les personnes qui avaient des taux sanguins élevés de triglycérides (≥150 mg/dL) ou de cholestérol-LDL (≥130 mg/dL).

Une méta-analyse de 10 études cliniques randomisées, publiée en janvier 2018 dans JAMA Cardiology, conclut que la supplémentation avec des acides gras oméga-3 d’origine marine sur une période de 4,4 années en moyenne n’est pas associée à une réduction significative de la maladie coronarienne mortelle ou non mortelle (infarctus), ou n’importe quel autre accident vasculaire majeur. Même si elle n’est pas statistiquement significative, notons qu’une baisse de 7 % du risque de mortalité causée par la maladie coronarienne a été observée dans le groupe qui a consommé des suppléments oméga-3, par rapport au groupe qui a reçu un placebo. Par ailleurs, les auteurs précisent dans la section discussion de l’article que la marge d’erreur (intervalle de confiance de 95 %) pour certains résultats de la méta-analyse ne permet pas d’exclure qu’une diminution de 7 % du risque d’accident vasculaire majeur et une diminution de 10 % du risque de maladie coronarienne soient associées avec la supplémentation en acides gras oméga-3. Les résultats de cette récente méta-analyse ne soutiennent donc pas les recommandations actuelles de l’American Heart Association aux personnes qui ont un historique de maladie cardiovasculaire de consommer 1000 mg/jour de supplément d’acide gras oméga-3, pour prévenir la mortalité coronarienne, l’infarctus du myocarde non mortel, ou n’importe quel autre accident cardiovasculaire.

Le Cochrane Heart Group a aussi examiné en 2018 les essais randomisés contrôlés sur les effets d’une consommation accrue d’acide gras oméga-3 à longue chaîne provenant de poissons, de suppléments (EPA, DHA) ou de végétaux (ALA), sur la mortalité de toute cause, les maladies cardiovasculaires, l’adiposité et la lipidémie (taux de cholestérol-LDL, cholestérol-HDL triglycérides). Les méta-analyses indiquent que les suppléments d’acides gras oméga-3 (EPA et DHA) n’ont pas ou très peu d’effet sur le risque d’avoir une maladie cardiovasculaire ou de mourir prématurément d’une maladie cardiovasculaire ou de toute autre cause. La supplémentation en EPA/DHA réduit légèrement la concentration sérique de triglycérides et elle augmente la concentration de cholestérol-HDL (le « bon » cholestérol). La supplémentation en acide alpha linolénique (ALA) n’a pas d’effet sur la mortalité, toutes causes confondues, la mortalité d’origine cardiovasculaire et les accidents coronariens. Par contre, la supplémentation en ALA pourrait faire diminuer légèrement le risque d’avoir un accident cardiovasculaire et elle réduit probablement la mortalité causée par la maladie coronarienne et l’arythmie. Les effets sur l’AVC ne sont pas clairs à cause de la faible qualité des données disponibles. Les auteurs concluent que les suppléments d’EPA/DHA ne sont pas utiles pour prévenir les maladies cardiovasculaires, mais que les suppléments d’ALA pourraient apporter une légère protection pour certaines maladies cardiaques et du système circulatoire.

La méta-analyse publiée dans Jama Cardiology a été critiquée, entre autres par le DAlex Vasquez (voir sa présentation vidéo ou la transcription officielle). Le point majeur de cette critique est que les doses d’acides gras oméga-3 (EPA/DHA) utilisées étaient en dessous de la dose thérapeutique dans 7 études sur les 10 sélectionnées pour cette méta-analyse (<1800 mg EPA/DHA par jour). Une dose trop faible d’acide gras oméga-3 ne permet pas d’atteindre un « indice d’oméga-3 » (le contenu en EPA et DHA dans les membranes des globules rouges, un biomarqueur qui est fortement corrélé au contenu d’EPA et DHA dans tous les tissus, y compris le tissu cardiaque) suffisamment élevé pour obtenir un effet cardioprotecteur. Un indice d’oméga-3 (IO3) élevé (8-12 %) a été associé avec un risque moins élevé de maladie coronarienne et de mortalité d’origine coronarienne dans des études épidémiologiques (voir ici et ici). L’indice d’oméga-3 d’un Américain moyen qui ne prend pas de supplément est d’environ 4 à 5 %, alors qu’une alimentation riche en poissons ou la prise de supplément permet d’obtenir un IO3 de 10 %. Selon Statistique Canada, en 2012-2013 moins de 3 % des Canadiens adultes avaient des niveaux d’IO3 associés à un faible risque de maladie coronarienne (IO3≥8 %), et 43 % avaient des niveaux associés à un risque élevé (IO3≤4 %). Par ailleurs, une étude auprès de participants en bonne santé a montré que la prise de 900 mg d’EPA/DHA par jour a permis d’obtenir un IO3 médian de 7,5 %, alors que la prise de 1800 mg d’EPA/DHA par jour a permis d’obtenir un IO3 de 9,5 %.

Plusieurs grandes études en cours auprès de 54 354 participants additionnels, incluant les études ASCENDVITALSTRENGTH et REDUCE-IT, vont fournir de nouvelles données sur les effets des suppléments d’acides gras oméga-3 sur le risque d’accident vasculaire majeur et la maladie coronarienne mortelle ou non mortelle. Les études cliniques STRENGTH et REDUCE-IT en particulier sont à surveiller puisqu’elles testeront l’effet de la supplémentation en acides gras oméga-3 sur les accidents vasculaires majeurs à de plus fortes doses (3000-4000 mg/jour), chez des patients à risque qui sont traités avec une statine, mais qui ont des taux sanguins élevés de triglycérides. Les études cliniques randomisées qui sont en cours ont des protocoles de grande qualité qui devraient donner des résultats plus convaincants et définitifs sur les effets des suppléments d’acides gras oméga-3 sur la santé cardiovasculaire (voir cet éditorial).

Il y a une contradiction évidente entre les résultats des études cliniques d’intervention (supplémentation en acides gras oméga-3) et ceux des études épidémiologiques. Tel que décrit plus haut, alors que les résultats des études cliniques d’intervention sont plutôt neutres, ceux des études populationnelles indiquent clairement un effet protecteur des acides gras oméga-3 sur les accidents cardiovasculaires. Parmi les facteurs qui ont été proposés pour expliquer une telle différence, il y a que : 1) les participants des études cliniques ont été recrutés sans prendre en considération leur niveau de base d’acides gras oméga-3 sanguin et tissulaire (tel que mesuré par l’indice d’oméga-3), un important facteur prédicteur d’accident cardiovasculaire ; 2) une variabilité interindividuelle dans la réponse à un apport accru en EPA/DHA fait qu’une certaine proportion des participants qui ont consommé les suppléments a probablement des niveaux d’acides gras oméga-3 comparables à ceux de certains participants du groupe témoin (placebo) ; 3) Les participants des études ont reçu l’instruction de prendre le supplément d’EPA/DHA avec leur petit-déjeuner, un repas à faible teneur en gras qui entraîne une faible biodisponibilité des acides gras oméga-3. Autrement dit, il faudrait faire les études cliniques en recrutant des participants qui ont de faibles niveaux d’indice d’oméga-3 et traiter ces individus avec des doses personnalisées d’acides gras oméga-3, de manière à atteindre un indice d’oméga-3 élevé.

Manger du poisson ou prendre des suppléments d’huile de poisson ?
Les efforts de recherche ont focalisé sur les acides gras oméga-3 contenus dans les poissons et nous savons qu’ils sont en grande partie responsables des bienfaits de la consommation de poisson pour la santé. N’y aurait-il pas d’autres nutriments dans le poisson qui pourraient contribuer à son effet bénéfique pour la santé cardiovasculaire ? Dans les études qui ont examiné les effets de suppléments d’acides gras oméga-3, des effets favorables ont généralement été observés à des doses plus élevées que celles fournies typiquement par le régime alimentaire. Par contre, une consommation de petites quantités de poisson a été associée à des bienfaits cardiovasculaires. La chair de poisson est considérée comme une excellente source de protéines et contient peu de gras saturés. De plus, le poisson est une bonne source de vitamines, particulièrement de vitamine D et B, et contient de la taurine, un acide aminé qui a des effets bénéfiques sur le cœur. Bien que cela n’ait pas été démontré à ce jour, il est possible que des nutriments de la chair de poisson, incluant les vitamines, acides aminés et oligo-éléments (sélénium, calcium, cuivre, manganèse), puissent participer aux bienfaits cardiovasculaires, directement ou en synergie avec les acides gras oméga-3.

La contamination des poissons par des composés toxiques (par ex. : métaux lourds, biphényles polychlorés, dioxines, pesticides organochlorés) est une source de préoccupation, mais les experts sont d’avis que les bienfaits qu’apporte la consommation de poisson, particulièrement pour la santé cardiovasculaire, l’emportent sur les risques potentiels associés à la présence possible de contaminants. Il est conseillé de manger une grande variété de poissons différents et, pour les femmes enceintes ou qui allaitent, de suivre les recommandations de Santé Canada et de la Food and Drug Administration d’éviter de consommer certaines variétés de poissons prédateurs (thon frais/congelé, le requin, l’espadon, le marlin, l’hoplostète orange et l’escolier) dont la chair contient plus de mercure que d’autres poissons.

Pourquoi prendre des suppléments d’acides gras oméga-3 alors qu’on peut déguster les délicieux et nombreux poissons et autres fruits de la mer offerts sur le marché ? Pour référence, le tableau 1 ci-dessous indique le contenu approximatif en acides gras oméga-3 de différents produits de la mer, dont les poissons gras des mers froides (hareng, saumon, maquereau, thon rouge) à haute teneur en acides oméga-3.

Tableau 1. Contenu en acides gras oméga-3 dans des produits de la mer. Source USDA National Nutrient Database for Standard Reference

Produit de la merAcides gras oméga-3 par portion de 85 g
Hareng sauvage (de l’Atlantique et du Pacifique)
Saumon d’élevage (de l’Atlantique)
Saumon royal sauvage (chinook)
Maquereau sauvage (du Pacifique et chinchard)
>1 500 mg
Saumon en conserve (rose, rouge et kéta)
Maquereau en conserve (chinchard)
Maquereau sauvage (de l’Atlantique et espagnol)
Thon sauvage (thon rouge)
1 000 à 1 500 mg
Saumon sauvage (rouge, coho, kéta et rose)
Sardines en conserve
Thon en conserve (germon blanc)
Espadon sauvage
Truite d’élevage (arc-en-ciel)
Huîtres sauvages et cultivées
Moules sauvages et cultivées
500 à 1 000 mg
Thon en conserve (léger)
Thon sauvage (bonite)
Goberge sauvage (de l’Alaska)
Sébaste sauvage (du Pacifique)
Palourdes sauvages et cultivées
Crabe sauvage (des neiges, royal, dormeur)
Langouste sauvage
Vivaneau sauvage
Mérou sauvage
Plie/sole sauvage
Flétan sauvage (Pacifique et Atlantique)
200 à 500 mg
Pétoncles sauvages
Crevettes sauvages et cultivées
Homard sauvage
Crabe sauvage (bleu)
Morue sauvage
Aiglefin sauvage
Tilapia d’élevage
Silure d’élevage
Mahi-mahi sauvage
Thon sauvage (albacore)
Poisson-empereur sauvage
Produit de surimi (imitation de crabe)
<200 mg

L’effet positif des graines de lin sur la santé cardiovasculaire

L’effet positif des graines de lin sur la santé cardiovasculaire

On entend souvent dire que tous les végétaux sont équivalents en termes d’impact positif sur la santé et que l’important est simplement d’en manger le plus souvent possible, sans se préoccuper de la nature des fruits, légumes ou graines qui sont consommés. Autrement dit, ce serait essentiellement la quantité qui compte et il n’y aurait pas de différence entre manger une laitue iceberg ou du brocoli, ni des bleuets plutôt qu’une banane. Cette vision réductionniste est quelque peu dépassée, car on sait maintenant qu’il existe des différences énormes dans la composition biochimique des végétaux et que certains d’entre eux sont réellement dans une classe à part pour leur contenu en molécules connues pour exercer des effets positifs sur la santé. L’inclusion de ces aliments dans les habitudes alimentaires pourrait donc permettre de bonifier les bénéfices associés à une alimentation riche en végétaux, notamment en termes de prévention des maladies cardiovasculaires.

Les graines de lin sont un bon exemple d’un aliment qui se distingue des autres végétaux grâce à certaines caractéristiques uniques.  D’une part, ces graines contiennent des quantités très élevées d’acides gras polyinsaturés (72 % de tous les gras), avec les trois quarts de ces gras qui sont de type oméga-3. D’autre part, les graines de lin sont une source exceptionnelle de lignanes, un groupe de polyphénols possédant des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Plusieurs études réalisées au cours des dernières années suggèrent que ces propriétés des graines de lin pourraient exercer plusieurs effets positifs sur la santé cardiovasculaire.

Acide linolénique : un gras pas comme les autres

Les graines de lin sont parmi les seuls aliments d’origine végétale (l’autre étant les graines de chia)  à contenir plus d’acides gras de type oméga-3 (acide linolénique) que de type oméga-6 (acide linoléique). Par exemple, alors que le ratio oméga-3/oméga-6 est inférieur à 1 pour l’ensemble des huiles végétales couramment consommées, ce ratio est de 4 pour les graines de lin, soit jusqu’à 500 fois supérieur à celui de certaines sources végétales (tournesol, par exemple) (Tableau 1).

Acides grasLinCanolaSojaMaïsOliveTournesol
Saturés107,415,714,815,312,8
Monoinsaturés18,563,324,228,173,822,4
Polyinsaturés
(totaux)
71,828,159,857,11066
Acide linolénique
(oméga-3)
559,17,810,60,5
Acide linoléique
(oméga-6)
16,818,652,156,19,465,6
Ratio
oméga-3/oméga-6
40,50,20,020,060,008
Tableau 1. Proportion (en %) des différents types d’acides gras présents dans diverses sources végétales. Adapté de Dubois (2007).

Cette prédominance de l’acide linolénique dans les graines de lin est très intéressante, car cet acide gras oméga-3 exerce des effets positifs sur plusieurs facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (diminution des taux de cholestérol-LDL, baisse de la pression artérielle) et possède également des propriétés antiinflammatoire et antiarythmique.  Toutes ces propriétés pourraient contribuer à la diminution de risque d’événements cardiovasculaires associée à la consommation d’acide linolénique observée dans plusieurs études (voir Tableau 2).

ÉtudeNombre de participantsPrincipaux résultats
Hu et coll. (1999)76,283 (femmes)Un apport plus élevé en acide linolénique est associé à une baisse d'infarctus du myocarde fatal.
Albert et coll. (2005)76,283 (femmes)Diminution de 40 % du risque de mort cardiaque subite chez les personnes consommant le plus d'acide linolénique
Baylin et coll. (2003)964Le taux d'acide linolénique dans le tissu adipeux est inversement associé à une diminution du risque d'infarctus
Djoussé et coll. (2001)2004Une alimentation riche en acide linolénique est associée à une plus faible incidence de plaques d'athérosclérose calcifiées au niveau des coronaires.
Dilecek et coll. (1992)12,866 (hommes)Un apport élevé en acide linolénique est associé à une diminution du risque de mortalité cardiovasculaire et toute cause.
Djoussé et coll (2005)4594Un apport élevé en acide linolénique est associé à une diminution de la pression systolique et de l'incidence d'hypertension.
Tableau 2. Exemples d’études rapportant un effet positif de l’acide linolénique sur la santé cardiovasculaire. Tiré de Rodriguez-Leyva (2010).

L’acide linolénique peut aussi être transformé en DHA et EPA, deux acides gras oméga-3 à longues chaînes qui ont été à maintes reprises associés à une réduction du risque de mortalité cardiovasculaire (cette conversion en DHA et EPA est assez faible, aux environs de 5 %, mais est généralement plus élevée chez les femmes).  Donc, si on sait maintenant que le simple fait de remplacer les gras saturés de l’alimentation (provenant d’aliments d’origine animale) par des matières grasses insaturées végétales diminue significativement le risque de développer une maladie cardiovasculaire, cette protection pourrait être encore plus importante lorsque ces gras insaturés sont de type oméga-3.

L’étude de Lyon est l’une plus importantes démonstrations du potentiel de ces oméga-3 d’origine végétale en prévention des maladies cardiovasculaires.  Dans cette étude, 605 survivants d’un infarctus du myocarde ont été séparés aléatoirement en deux groupes, soit un suivant une diète faible en gras tel que recommandé par l’American Heart Association, et un autre auquel on avait prescrit une diète de type méditerranéen comprenant une margarine enrichie en acide linolénique (1.1 g/ jour).  Après un suivi de deux ans, l’incidence de maladies cardiovasculaires, incluant la mortalité cardiaque, a diminué de façon spectaculaire (73 %) dans le groupe d’intervention, soulevant l’intéressante possibilité que l’inclusion de l’acide linolénique dans l’alimentation puisse améliorer significativement la santé cardiovasculaire.

En prévention primaire, la plupart des études épidémiologiques réalisées par la suite ont montré que les personnes qui ont un apport élevé en acide linolénique sont moins à risque d’être touchées  par les maladies cardiovasculaires, un effet protecteur qui a été observé autant aux États-Unis (voir ici et ici), qu’en Europe (Hollande) ou en Amérique centrale (Costa Rica).  Une méta-analyse de 13 études prospectives indique qu’un apport accru en acide linolénique de 1 g par jour est associé à une réduction de 10 % du risque de maladies cardiovasculaires, une protection confirmée par l’analyse des données de 8 études américaine et européenne comprenant un total de 148,675 femmes et 80,368 hommes.  La réduction du risque offerte par l’acide linolénique pourrait même être beaucoup plus importante (60 %) pour les personnes dont l’apport en oméga-3 à longues chaînes (DHA et EPA, retrouvés principalement dans les poissons gras) est faible (< 0,1 g/jour).

En somme, la plupart des données recueillies jusqu’à présent tendent à montrer qu’un apport accru en acide linolénique est associé à une réduction du risque d’événements cardiovasculaires.

Les lignanes : des phytoestrogènes protecteurs

Une autre caractéristique unique aux graines de lin est leur contenu exceptionnel en lignanes, un groupe de composés phénoliques complexes qui possèdent des propriétés antioxydantes et antiinflammatoires.  Alors que la majorité des végétaux contiennent des niveaux relativement faibles de lignanes, ces molécules sont présentes en quantités beaucoup plus élevées dans les graines de lin (300 mg/100g), soit plus de 1000 fois plus que dans certains aliments couramment consommés (Tableau 3).

AlimentsLignanes (mg/100g)
Graines de lin335
Graines de sésame132
Pois chiches35
Pois verts8,4
Pain de seigle (grains entiers)1,2
Graines de tournesol0,58
Asperges0,34
Arachides0,28
Fraises0,14
Tableau 3. Principales sources alimentaires de lignanes.  Tiré de Peterson 2010.

Ces lignanes, principalement le sécoisolaricirésinol et le matairésinol, sont métabolisés par le microbiome intestinal en entérolactone et en entérodiol, deux molécules qui possèdent une faible action estrogénique (phytoestrogènes). Puisque les estrogènes exercent une action cardioprotectrice (et seraient responsables de la plus faible incidence de maladies cardiovasculaires chez les femmes comparativement aux hommes), il a donc été proposé que les propriétés estrogéniques des lignanes pourraient contribuer à réduire le risque d’événements cardiovasculaires.  Certaines études épidémiologiques qui se sont penchées sur cette question ont observé que c’était bel et bien le cas, c’est-à-dire qu’un apport plus élevé en lignanes ou encore une hausse du taux sanguin d’entérolactone (produit par le métabolisme des lignanes) sont associés à une diminution du risque d’événements cardiovasculaires.

Graines de lin et maladies cardiovasculaires

Une des principales limitations des études sur les rôles cardioprotecteurs de l’acide linolénique et des lignanes est la faible quantité de ces molécules dans l’alimentation occidentale traditionnelle.  Par exemple, ce sont les vinaigrettes à salades qui représentent la principale source d’acide linolénique dans plusieurs études épidémiologiques, tandis que la distribution restreinte des lignanes dans les végétaux fait en sorte que leur apport risque d’être sous le seuil nécessaire pour générer des effets cardiovasculaires importants. La présence simultanée de quantités importantes d’acide linolénique et de lignanes dans les graines de lin suggère donc que l’addition de ces graines aux habitudes alimentaires représente une façon simple (et économique) de pallier à ces carences et de bonifier l’impact bénéfique de ces deux classes de molécules sur la santé cardiovasculaire.

Jusqu’à présent, l’effet le mieux documenté d’une supplémentation en graines de lin est sur la diminution de la pression artérielle.  Par exemple, une étude randomisée à double aveugle avec placebo réalisée à Porto Rico (FLAX-PAD) a montré que l’ajout de 30 g de graines de lin moulues à l’alimentation provoquait une baisse significative de la pression systolique (10 mm Hg) et diastolique (7 mm Hg).  Cette réduction est encore plus prononcée chez les personnes qui étaient hypertendues au départ de l’étude (>140 mm Hg), avec une réduction de 15 mm Hg de la pression systolique, une baisse encore plus prononcée que celle obtenue à l’aide de certains médicaments antihypertenseurs.  Une méta-analyse de 11 études sur l’impact de la supplémentation en graines de lin sur la pression artérielle suggère toutefois un effet antihypertenseur plus modeste, avec des baisses d’environ 2 mm Hg de la pression systolique et de 1,2 mm de Hg de la pression diastolique.  Cela peut sembler peu, mais les études montrent qu’une réduction de la pression artérielle de cet ordre pourrait diminuer de 10 % la mortalité associée aux AVC et de 7 % celle causée par les maladies coronariennes.

Il semble également que la supplémentation en graines de lin pourrait diminuer les taux de cholestérol-LDL, un autre important facteur de risque de maladies cardiovasculaires.  Une méta-analyse de 28 études a montré que les graines de lin provoquaient une diminution moyenne de 0.10 mmol/L  et de 0.08 mmol/L du cholestérol total et du cholestérol-LDL, respectivement, cet effet étant particulièrement prononcé chez les femmes (- 0.24 mmol/L) et chez les personnes qui présentaient des taux de cholestérol élevés au début de l’intervention.  Une réduction de 15 % du  cholestérol-LDL a également été observée chez des patients atteints d’une artérite des membres inférieurs, cette baisse s’additionnant à celle provoquée par les statines.

Au cours des dernières années, on a beaucoup mis d’emphase sur l’importance de consommer régulièrement des acides gras oméga-3 à longues chaines (DHA et EPA), principalement présents dans les poissons gras comme le saumon, pour diminuer le risque de maladies cardiovasculaires.  Il ne faudrait cependant pas oublier que les oméga-3 d’origine végétale ont eux aussi un rôle protecteur et qu’un apport élevé en aliments riches en acide linolénique, comme les grains de lin, peut lui aussi contribuer à réduire le risque d’événements cardiovasculaires.  D’ailleurs, un certain nombre d’études (ici et ici, par exemple) ont rapporté que les deux types d’oméga-3 ont des rôles complémentaires et qu’une hausse combinée de l’apport en acide linolénique et en oméga-3 à longues chaines pourrait être souhaitable pour obtenir un effet protecteur maximal.

Concrètement, on recommande un apport quotidien moyen de 2,2 g en acide linolénique, ce qui correspond à une seule cuillérée à table (15 ml) de graines de lin.  Il faut absolument broyer les graines pour augmenter l’absorption des acides gras oméga-3 et permettre la transformation des lignanes en phytoestrogènes actifs par les bactéries intestinales. Par contre, les oméga-3 étant très fragiles et sensibles à la dégradation, achetez des graines entières que vous pourrez moudre au fur et à mesure dans un simple moulin à café et conservez la mouture au maximum de deux semaines au frigo dans un contenant hermétique.  Les graines moulues possèdent un léger goût de noisette qui se marie très bien aux céréales, yogourts, smoothies et même comme accompagnement aux salades.