Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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30 novembre 2023
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L’activité physique intense pourrait favoriser les infections respiratoires

En bref

  • Des analyses « multi-omiques » ont été réalisées dans trois fluides corporels (plasma sanguin, urine, salive) prélevés chez des pompiers forestiers, avant et après une séance d’activité physique intense.
  • Les résultats montrent des signatures moléculaires qui supportent le maintien de l’homéostasie durant l’activité physique intense, mais également avec des effets possibles sur la susceptibilité aux infections respiratoires.

Certains métiers (ex. : pompier, soldat) et activités (sports d’élite) nécessitent un niveau d’activité physique très intense, au-delà de la capacité d’adaptation normale du corps humain, ce qui peut mener à l’épuisement, à une baisse de la performance et à une augmentation de la susceptibilité des travailleurs et athlètes à se blesser ou devenir malade. Afin d’étudier les signatures moléculaires de l’activité physique à haute intensité, des chercheurs ont réalisé des analyses protéomique, lipidomique et métabolomique (« multi-omiques ») chez des pompiers forestiers qui ont accepté de faire un exercice très intense. Le but ultime de ces travaux est d’augmenter la sécurité des pompiers et premiers répondants, en permettant de mieux évaluer l’équilibre entre les réponses adaptatives et adverses et de prédire les changements biochimiques et physiologiques précoces qui mènent à l’épuisement.

En complément aux analyses multi-omiques chez les pompiers forestiers, les auteurs de l’étude ont procédé à une revue systématique des études sur les infections respiratoires en réponse à une activité physique de haute intensité. Cette revue a permis d’identifier 6 articles dont les résultats suggèrent une susceptibilité accrue aux infections respiratoires.

Onze pompiers forestiers ont fait une séance d’exercice intense qui consistait à se déplacer en terrain montagneux durant 45 minutes, en portant leur lourd équipement de pompier pesant de 9 à 20 kg. Des échantillons de sang, d’urine et de salive ont été recueillis avant et tout de suite après la séance d’exercice. Des analyses protéomique, métabolomique, lipidomique ont été réalisés par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS/MS). Ces analyses ont permis d’identifier et de quantifier 3835 protéines, 730 lipides et 182 métabolites dans les 3 différents types d’échantillons.

Les analyses dans le plasma sanguin révèlent une signature typique de dommages tissulaires et d’une réponse de réparation, accompagnée par une augmentation du métabolisme des glucides. L’augmentation des protéines de la matrice extracellulaire dans le plasma sanguin après la séance d’exercice intense est le résultat de bris cellulaires. Des protéines impliquées dans la réparation des tissus endommagés (système de coagulation) ont été retrouvées en plus grande quantité dans le plasma sanguin après l’exercice intense. Enfin un changement important dans le métabolisme des lipides, de la glycolyse et du cycle des acides tricarboxyliques a été observé, probablement pour répondre à la demande accrue en énergie par l’organisme. 

Les analyses multi-omiques dans l’urine a montré une forte augmentation de 6 des 8 protéines qui font partie du système rénine-angiotensine et d’autres protéines, supportant une excrétion accrue de catabolites, la réabsorption de nutriments et le maintien de l’équilibre des fluides. 

L’analyse de la salive a montré une diminution de trois cytokines pro-inflammatoires (IL-36a, IL-18 et IL-1) normalement impliquée dans la défense contre les virus, et une augmentation de 8 peptides antimicrobiens. Les auteurs de l’étude soumettent l’hypothèse que la diminution de l’inflammation dans la cavité buccale et possiblement dans les voies respiratoires pourrait être un mécanisme d’adaptation temporaire, pour améliorer la performance respiratoire durant l’activité physique intense. Ainsi, une réduction de l’inflammation permettrait aux personnes qui pratiquent des activités physiques intenses (pompiers, soldats, athlètes) de mieux respirer et d’acheminer davantage d’oxygène vers les organes, mais elle rendrait l’organisme plus susceptible aux infections respiratoires. L’augmentation de l’expression des peptides antimicrobiens et de certaines autres protéines du système immunitaire (CD14, CD55) serait un mécanisme compensatoire pour améliorer la défense contre l’infection.

Il y a plusieurs limitations d’ordre méthodologique à cette étude et elle ne permet pas d’expliquer précisément les mécanismes moléculaires sous-jacents, mais elle constitue une étape importante en vue de mieux comprendre les effets indésirables d’une activité intense sur l’organisme humain.  

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