Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Les dysfonctions érectiles, un signe avant-coureur de maladies cardiovasculaires

L’érection se produit lorsque les corps caverneux, deux structures spongieuses qui parcourent la longueur du pénis, deviennent engorgés de sang. Suite à une stimulation sexuelle, il y a relâchement de monoxyde d’azote par les cellules endothéliales des artères irriguant le pénis, ce qui augmente l’afflux sanguin dans ces corps caverneux ; en parallèle, la pression qui s’accumule dans les corps caverneux comprime les veines qui évacuent normalement le sang, ce qui permet de bloquer sa circulation et de maintenir l’engorgement nécessaire au rapport sexuel. D’un point de vue physiologique, l’érection est donc un phénomène essentiellement « vasculaire », qui requiert le bon fonctionnement des vaisseaux sanguins qui irriguent le pénis.

Problèmes d’érection

On estime qu’environ 20 % des hommes âgés de 20 ans et plus sont affectés par des dysfonctions érectiles, ce qui représente environ 322 millions de personnes à l’échelle mondiale. Bien qu’une certaine proportion de ces problèmes soit d’origine psychologique, neurologique ou hormonale, ce sont des anomalies dans la circulation du sang au pénis qui sont responsables dans la très grande majorité des cas de dysfonctions érectiles.

Ce lien entre la santé des vaisseaux sanguins et les problèmes d’érection est bien illustré par de nombreuses études montrant que les hommes qui présentent certains facteurs de risque connus pour favoriser le développement de maladies cardiovasculaires (tabagisme, hypertension, cholestérol élevé, obésité, diabète) sont également plus à risque de souffrir de dysfonctions érectiles (une proportion qui peut atteindre 50 % chez les diabétiques).  Cette association s’explique par le fait que toutes ces conditions peuvent causer des altérations majeures aux vaisseaux sanguins et ainsi perturber l’arrivée de sang nécessaire à l’irrigation adéquate des corps caverneux du pénis. L’apparition d’une dysfonction érectile, surtout lorsqu’elle se produit de façon précoce, représente donc la manifestation visible d’une détérioration de la santé des vaisseaux sanguins de l’ensemble du corps.

Ce concept est bien illustré par une méta-analyse de 12 études réalisées auprès de 36,744 hommes qui a montré que ceux qui présentaient par une dysfonction érectile au début de ces études avaient un risque accru de maladie cardiovasculaire en général (hausse de 48 %), d’infarctus (hausse de 46 %), d’AVC (hausse de 35 %) et de mortalité prématurée en général (hausse de 19 %) dans les années qui suivent.  Ces hausses demeurent significatives même lorsqu’on tient compte de la contribution d’autres facteurs connus pour favoriser le développement des maladies cardiovasculaires (tabac, surpoids, etc.), ce qui suggère que les dysfonctions érectiles pourraient représenter un facteur de risque indépendant de ces maladies. Ces observations sont en accord avec ceux d’une étude récente montrant que chez des hommes âgés de 60 à 78 ans, la dysfonction érectile double le risque d’infarctus, d’AVC et de mort cardiaque subite au cours des 4 années suivantes.

Les dysfonctions érectiles sont rarement discutées sur la place publique : l’érection demeure le symbole par excellence de la virilité et la plupart des hommes affectés éprouvent une grande gêne face à leur condition. Il faut cependant prendre conscience qu’un problème d’érection n’est pas un signe de faiblesse, mais plutôt un signal d’alarme de la présence d’un problème dans la fonction des vaisseaux sanguins qui peut provoquer un événement cardiovasculaire grave à court ou moyen terme. La situation n’est cependant pas irréversible : l’adoption de meilleures habitudes de vie, en particulier une activité physique régulière et une alimentation principalement axée sur la consommation de végétaux (le régime méditerranéen, par exemple), peuvent améliorer significativement la circulation sanguine dans l’ensemble du corps et ainsi diminuer non seulement le risque de problèmes érectiles, mais aussi les maladies cardiovasculaires en général.

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