Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

Voir tous les articles
Augmenter l’apport en protéines végétales permet de réduire le risque de maladies cardiovasculaires

En bref

  • Au Canada, seulement le tiers des protéines consommées quotidiennement provient d’aliments de source végétale.
  • Une augmentation, même légère, de cet apport en végétaux est associée à une diminution significative du risque de maladies cardiovasculaires, en particulier l’infarctus du myocarde.

Les lignes directrices de la Société canadienne de cardiologie en matière de pratique clinique recommandent de remplacer certaines protéines animales par des protéines végétales dans l’alimentation pour réduire le risque de maladies cardiovasculaires. Cette recommandation s’appuie sur les résultats de plusieurs études montrant qu’une réduction de l’apport en aliments d’origine animale au profit de végétaux est associée à une amélioration de la santé cardiométabolique et une réduction de la mortalité prématurée. 

Malgré tout, la majorité des protéines consommées par la population proviennent toujours de sources animales, en particulier les viandes rouges et charcuteries, la volaille et les produits laitiers : au Canada et aux États-Unis, par exemple, le rapport moyen entre les protéines végétales et animales dans l’alimentation est d’environ 1:3 (soit un ratio de 0,33).  

Comme nous l’avons récemment mentionné, cette surreprésentation des protéines d’origine animale pourrait créer des conditions inflammatoires au niveau de la paroi des vaisseaux et favoriser la progression de plaques d’athérosclérose responsables des infarctus du myocarde.  Les mécanismes en cause demeurent mal compris, mais il semble que certains acides aminés présents en plus grandes quantités dans les protéines animales (ceux à chaîne latérale ramifiée comme la leucine, en particulier) suractivent les cellules responsables de l’inflammation et accélèrent la déposition de cholestérol dans la paroi des artères. 

Il est également bien établi que les protéines animales ont un impact négatif sur l’environnement beaucoup plus important que celui des protéines végétales, notamment en termes de production de gaz à effet de serre (voir notre article à ce sujet), et que les niveaux de consommation actuels de protéines animales sont insoutenables si on espère atténuer les impacts dévastateurs du réchauffement climatique au cours des prochaines années. 

Pour toutes ces raisons, il existe actuellement un consensus général sur l’importance (et même l’urgence) de modifier les habitudes alimentaires modernes pour y inclure plus de protéines végétales et moins de protéines animales. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il faut devenir un végétarien strict : l’alimentation méditerranéenne, par exemple, contient beaucoup de végétaux, mais également certains aliments d’origine animale (poissons et produits laitiers fermentés, en particulier) et est clairement établie comme un des meilleurs moyens de diminuer significativement le risque de maladies cardiovasculaires, autant dans la population en général que chez les patients coronariens

Pour les personnes omnivores, ce qui représente tout de même près de 90 % de la population canadienne, l’aspect le plus important à améliorer est donc d’augmenter la proportion actuelle de protéines provenant des végétaux, qui est seulement de 1:3 (ratio de 0,33), sans devoir obligatoirement éliminer complètement celles d’origine animale. 

Ratio en hausse, maladies cardiovasculaires en baisse

Une étude récente apporte des informations précieuses sur la quantité de protéines végétales requise pour réduire significativement le risque de maladies cardiovasculaires.  En examinant pendant une trentaine d’années les habitudes alimentaires de 202,863 participants aux trois grandes cohortes de l’Université Harvard, les chercheurs ont évalué le ratio de protéines consommées selon la source (végétale vs animale) en divisant le pourcentage des calories totales provenant de protéines végétales par le pourcentage des calories totales provenant de protéines animales. Un ratio inférieur à 1 signifie donc que l’apport en protéines végétales est moindre que celui en protéines animales, tandis qu’à l’inverse, un ratio supérieur à 1 implique un apport en protéines végétales plus élevé que celui en protéines animales.

Lorsqu’on examine l’incidence de maladies coronariennes en fonction de ce ratio protéines végétales/protéines animales, on constate qu’une hausse de l’apport en protéines végétales (augmentation du ratio végétal/animal) est associée à une diminution rapide d’environ 25 % du risque de maladies cardiovasculaires, et ce même lorsque la quantité de protéines végétales demeure inférieure à celle de protéines animales (ratio <1) (Figure 1).  Cette diminution du risque est particulièrement frappante lorsqu’on examine plus spécifiquement l’incidence de maladie coronarienne, avec une protection pouvant atteindre 35 % à des ratios  < 1 et même 40 % et plus lorsque la quantité de protéines végétales consommées excède celle de protéines animales (ratio >1).  Cette différence entre l’effet protecteur des protéines végétales sur les maladies cardiovasculaires totales (infarctus et AVC) et la maladie coronarienne (infarctus) s’explique par l’absence d’effet des protéines végétales sur l’incidence d’AVC.

Figure 1. Association entre le risque de maladies cardiovasculaires et le type de protéines consommées. Une augmentation de l’apport en protéines végétales, qui se traduit par une hausse du ratio protéines végétales / protéines animales, est associée à une diminution optimale du risque de maladies cardiovasculaires dès que l’apport en protéines végétales atteint la moitié de l’apport en protéines animales (ratio de 0,5).  La diminution du risque est cependant encore plus prononcée pour la maladie coronarienne (infarctus du myocarde) lorsque l’apport en protéines végétales surpasse celui en protéines animales (ratio > 1).  Adapté de Glenn et coll. (2024)

L’effet protecteur associé à un apport accru en protéines végétales est particulièrement évident dans un contexte où les protéines représentaient une proportion élevée des calories totales consommées (Figure 2).  Par exemple, pour les ratios de protéines végétales /protéines animales suffisamment élevés pour diminuer le risque de maladies cardiovasculaires (ratio > 0.5), on observe que cette baisse du risque est la plus prononcée pour une densité protéique (le pourcentage de calories sous forme de protéines) de l’ordre de 20 %, ce qui correspond à environ 100 g de protéines sur un apport total de 2000 kcal/jour. Ceci est à peu de choses près la quantité moyenne de protéines consommées par la population nord-américaine, mais principalement à partir de sources animales (viandes rouges, volailles et œufs et produits laitiers). Pour obtenir cette quantité totale de protéines (100 g), tout en augmentant l’apport en végétaux pour atteindre un ratio végétal/animal de 1.0 (optimal pour la prévention de la maladie coronarienne), il s’agit donc simplement de consommer 50 g de protéines de sources végétales et 50 g de protéines de sources animales. Étant donné que les végétaux contiennent en général moins de protéines, une attention particulière devrait donc être portée à consommer préférentiellement ceux qui sont plus riches en protéines, par exemple les légumineuses et les noix, pour atteindre cet objectif. 

Figure 2. La réduction du risque de maladies cardiovasculaires associé à un apport plus élevé en protéines végétales est influencée par la quantité totale de protéines consommées. Le risque de maladies cardiovasculaires observé pour chaque ratio de protéines végétales/protéines animales (faible, intermédiaire et élevé) est plus faible chez les participants dont l’alimentation contenait une plus forte densité protéique, c’est-à-dire une plus forte proportion des calories totales provenant des protéines.  Notez que le plus faible risque est observé pour un ratio végétal/animal > 0,5 combiné à un apport protéique correspondant à 20 % des calories totales. Adapté de Glenn et coll. (2024).

Remplacer les viandes rouges 

Une analyse plus approfondie a révélé que c’est le remplacement des viandes rouges par des aliments d’origine végétale qui procure les plus grands bénéfices en termes de prévention des maladies cardiovasculaires, en particulier la maladie coronarienne (Figure 3). Dans ce dernier cas, on a observé que le remplacement de seulement 1 portion quotidienne de viande rouge et/ou de charcuterie par 4 sources de protéines végétales (farines raffinées, grains entiers, noix et légumineuses) était associé à un risque plus faible. Le remplacement de la volaille par des grains entiers et les noix, de même que le remplacement des produits laitiers par des noix sont également associés à une diminution du risque.

Figure 3. Effet d’une substitution des protéines animales par des protéines de source végétale sur le risque de maladies cardiovasculaires. Les rapports de risque indiqués par des cercles verts correspondent à une substitution de 3 % de l’apport en énergie provenant des protéines animales par l’équivalent en protéines végétales.  L’effet d’une substitution d’une portion quotidienne des principales sources de protéines animales (viandes rouges, volailles et produits laitiers) par l’équivalent de différents types d’aliments d’origine végétale (farines raffinées, grains entiers, noix et légumineuses) est illustré par les cercles de couleurs.  Notez la plus forte diminution du risque de maladies cardiovasculaires et de la maladie coronarienne par le remplacement des viandes rouges par les différents végétaux. Adapté de Glenn et coll. (2024).

En somme, cette étude montre que le simple fait de modifier légèrement l’alimentation de façon à y intégrer un peu plus de végétaux et moins de viandes rouges et charcuteries peut avoir des répercussions très positives pour la santé cardiovasculaire.  Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet impact positif des aliments de source végétale :  1) les sources de protéines végétales sont plus faibles en graisses saturées et plus riches en graisses insaturées et en glucides complexes (comme les fibres), un profil nutritionnel qui a été à maintes reprises associé à un plus faible risque de maladies cardiovasculaires dans les études épidémiologiques; 2) les profils d’acides aminés des protéines végétales sont différents des protéines animales, avec notamment un contenu moins élevé en acides aminés à chaîne ramifiée (BCAA), qui ont été associés à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, ainsi que des quantités plus élevées en arginine, un acide aminé bénéfique pour le contrôle de la pression artérielle; 3) la substitution des sources de protéines animales par les végétaux permet d’abaisser l’apport en fer héminique et des précurseurs du N-oxyde de triméthylamine (TMAO), deux facteurs de risque de maladies cardiovasculaires. Mais quels que soient les mécanismes en cause, il n’y a pas de doute qu’une augmentation, même légère, de la proportion de végétaux dans notre alimentation ne peut qu’être bénéfique, autant pour la santé cardiovasculaire que celle de la planète.

Partagez cet article :