Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Régimes pour perdre du poids : leçons d’une étude importante de l’Université Stanford sur les approches « low-carb », « low-fat » et nutrigénomique.

Toute personne qui a tenté de maigrir sait combien il est difficile de perdre du poids et surtout de maintenir ces pertes à long terme. Une des principales causes de ces échecs est la grande difficulté de diminuer significativement l’apport calorique sur de longues périodes : les études montrent en effet que la plupart des personnes qui entreprennent un régime amaigrissant sont capables de perdre du poids à court terme, souvent de façon assez importante, mais finissent presque toujours par abandonner ces régimes après quelques mois et par regagner du même coup les kilos perdus. Plusieurs facteurs expliquent ces abandons, mais il est certain que l’environnement dans lequel nous vivons n’est pas tellement favorable à une restriction calorique soutenue : au contraire, nous sommes constamment sollicités par un large éventail de produits alimentaires très attrayants, souvent vendus à prix modiques, et promus par un marketing très agressif qui nous pousse (souvent bien inconsciemment) à consommer toujours plus de nourriture. Dans plusieurs cas, ces aliments industriels sont ultratransformés, c’est-à-dire pauvres en nutriments essentiels, mais surchargés de sucre, de gras et de sel, et leur consommation entraine l’absorption d’un excès de calories incompatible avec le maintien d’un poids corporel santé. Malheureusement, on estime qu’environ la moitié de toutes les calories consommées par les Canadiens proviennent de ces aliments ultratransformés et il n’y a pas de doute que ces habitudes alimentaires contribuent à la forte proportion de personnes en surpoids dans notre société.

Une étude tout à fait remarquable, récemment parue dans JAMA, montre qu’il est possible de perdre du poids simplement en diminuant la consommation de ces aliments ultransformés au profit d’aliments de meilleure qualité.

Dans cette étude fort coûteuse (8 millions de dollars américains), le groupe du Dr Christopher Gardner de l’Université Stanford a recruté 609 volontaires âgés de 18 à 50 ans qui présentaient un excès de poids (indice de masse corporelle moyen de 33, ce qui correspond à une obésité de classe I).   Les participants ont été répartis de façon aléatoire en deux groupes, chacun d’entre eux étant encouragé à suivre deux régimes alimentaires distincts :

  • Un régime faible en gras (« low-fat »), principalement basé sur la consommation régulière de sources de glucides complexes comme les légumineuses et les céréales.
  • Un régime faible en glucides (« low-carb »), composé principalement d’aliments riches en bons gras comme le saumon, les noix et les graines, des fruits comme l’avocat et l’huile d’olive.

Dans les deux groupes, les chercheurs ont suggéré aux participants de ne pas se préoccuper des calories consommées (autrement dit, de ne pas se priver et ne pas avoir faim), mais seulement de se limiter aux « vrais » aliments permis par leur régime alimentaire respectif et d’éviter les aliments industriels riches en sucres et en gras (boissons gazeuses, pâtisseries, biscuits, etc.). 22 séances de formation ont été tenues régulièrement tout au long de l’étude pour aider les participants à faire de bons choix alimentaires, de même qu’à modifier leur rapport à la nourriture. Par exemple, les chercheurs ont recommandé aux participants d’éviter de manger dans la voiture ou devant la télé et de privilégier les repas cuisinés à la maison, concoctés à partir d’ingrédients frais et partagés en famille ou entre amis.

Trois principaux résultats de l’étude méritent une attention particulière :

  • La qualité prime sur la quantité. Même en ne tenant pas du tout compte du nombre de calories consommées, les participants ont ingéré en moyenne 500 calories de moins par jour, ce qui s’est traduit par une perte de poids d’environ 5 kg après une année. Autrement dit, le simple fait de mettre l’emphase sur la consommation d’aliments non transformés et de consacrer plus de temps à la préparation des repas entraine involontairement une diminution de l’apport énergétique total.
  • À calories égales, il n’y a pas de différence entre les régimes « low-carb » et « low-fat ». Après 12 mois, les participants du groupe « low-fat » avaient perdu 5,3 kg (11,7 lbs), tandis que ceux du groupe « low-carb » avaient perdu 6,0 kg (13,2 lbs), une différence qui n’est pas statistiquement (ni cliniquement) significative. C’est la diminution de l’apport calorique quotidien qui a entrainé la perte de poids, que cette baisse provienne d’une réduction des glucides ou encore des gras.
  • Les gènes n’influencent pas la réponse aux deux régimes. Des études antérieures ont suggéré qu’il existe certaines variations génétiques qui modifient le métabolisme des glucides et des graisses.  Cette approche, appelée nutrigénomique, suscite présentement beaucoup d’intérêt, car elle implique qu’il serait possible d’optimiser l’efficacité des régimes amaigrissants en  fonction du profil génétique, par exemple en prescrivant un régime « low-carb » à une personne qui possède des gènes connus pour diminuer l’efficacité du métabolisme des glucides. Malheureusement,  les chercheurs ne sont pas parvenus à reproduire ces résultats, n’ayant observé aucun impact de ces variations génétiques sur la perte de poids provoquée par l’un ou l’autre des régimes.  Même chose pour la sécrétion d’insuline : alors que plusieurs ont proposé qu’une alimentation « low-carb » devrait être recommandée pour les personnes qui produisent beaucoup d’insuline ou qui sont insulino-résistants (une situation fréquente chez les personnes en surpoids), les chercheurs de l’étude n’ont pu observer aucune différence d’efficacité des deux régimes selon le degré de sécrétion ou de sensibilité à l’insuline.

En somme, ces résultats montrent que le contrôle du poids corporel n’est pas quelque chose de bien compliqué et qu’il ne sert à rien de blâmer le sucre, le gras, l’insuline ou encore nos gènes pour l’épidémie actuelle d’embonpoint et d’obésité. C’est plutôt le « gros bon sens » qui devrait primer et le plus important demeure simplement de privilégier des aliments non transformés, principalement d’origine végétale, et de minimiser l’apport en aliments industriels ultratransformés et ultrariches en calories.

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