Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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17 janvier 2017
La fibrillation auriculaire chez les athlètes

La fibrillation auriculaire (FA) est une arythmie qui se caractérise par des battements du coeur très irréguliers, conséquence d’un dérèglement de l’activité électrique de l’oreillette gauche (les ventricules se contractent normalement, heureusement). En pratique, la transmission du signal électrique est tellement anarchique qu’il n’y a pas contraction de l’oreillette à proprement parler, ce qui cause une stagnation du sang à ce niveau et un risque élevé de formation d’un caillot (thrombus). Ce caillot peut à tout moment traverser la valve mitrale pour se rendre au ventricule gauche et ensuite être éjecté dans la circulation via l’aorte pour atteindre le cerveau et provoquer une embolie cérébrale aux conséquences dévastatrices. D’ailleurs, la fibrillation auriculaire non traitée par des anticoagulants représente l’une des premières causes d’accidents vasculaires cérébraux.

Plusieurs études ont démontré que les très grands athlètes, tels que les marathoniens, les cyclistes et les skieurs de fond professionnels ou de haut niveau sont plus touchés par la FA que la population en général. Par exemple, une étude a révélé que les champions de ski de fond scandinaves qui avaient complété le plus de courses et avec les meilleurs chronos, avaient de 4 à 5 fois plus de risque d’être touchés par des épisodes de fibrillation auriculaire. Cette hausse du risque ne semble pas restreinte aux athlètes d’élite et toucherait également les hommes âgés de moins de 50 ans et les joggers qui s’entraînent de façon extrêmement intensive plus de 5 jours par semaine. Les mécanismes de ce phénomène ont fait l’objet de nombreuses études, la plus connue étant celle de l’équipe du Dr Stanley Nattel de l’Institut de Cardiologie de Montréal qui a soumis des rats à un entraînement intensif sur un tapis roulant une heure par jour pendant 16 semaines d’affilée, ce qui représente l’équivalent de dix ans d’entraînement chez l’humain. Les résultats ont montré que cette fibrillation serait liée à une dilatation des oreillettes causée par l’augmentation du débit cardiaque ainsi qu’à une hyperactivité du nerf vague qui rend l’oreillette plus susceptible de se contracter de façon désordonnée.

Les personnes très sportives qui s’entrainent à très haute intensité depuis plusieurs années doivent donc demeurer attentives à tout signe inhabituel qui peut suggérer la présence d’une FA (palpitations, inconfort au niveau de la poitrine, essoufflement, étourdissements, fatigue). Comme le souligne une étude récente, ces anomalies peuvent souvent être traitées avec succès simplement en diminuant le niveau d’intensité de l’exercice ou, pour les cas plus graves, à l’aide de médicaments anti-arhymiques ou de procédures chirurgicales (ablation des cellules défectueuses de l’oreillette).

Il faut retenir que l’exercice est indispensable à la prévention des maladies cardiovasculaires et au maintien d’une bonne santé en général, mais qu’il est généralement préférable de s’en tenir à une quantité modérée pour éviter les complications associées à des périodes prolongées d’entraînement très intensif, en particulier la FA.  D’ailleurs, les études montrent que la pratique régulière d’activités physiques modérées contribue à diminuer le risque de FA,  ce qui montre à quel point tout est fonction de la « dose » d’exercice réalisée.

Je dis toujours à mes patients qui désirent s’entraîner pour des épreuves extrêmes qu’ils doivent le faire seulement si c’est une passion pour eux, et non dans l’espoir qu’ils seront en meilleure santé. Les études montrent clairement qu’il n’est absolument pas nécessaire de faire autant d’activité physique pour prévenir les maladies cardiovasculaires et vivre plus longtemps, car l’effet protecteur maximal est atteint à des niveaux d’activité physique bien inférieurs à ces extrêmes.

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