Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Effet anti-vieillissement d’un mode de vie sain

En bref

  • Les télomères sont des structures répétitives d’ADN qui se trouvent aux deux extrémités des chromosomes et qui assurent l’intégrité du génome durant la division cellulaire.
  • Les télomères raccourcissent à chaque division cellulaire, jusqu’à ce qu’ils deviennent trop courts pour remplir leur fonction de protection.
  • Le raccourcissement des télomères dans les lymphocytes et monocytes est associé au vieillissement et à des maladies liées au vieillissement telles que le cancer, l’AVC, la démence, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, l’ostéoporose et le diabète de type 2.
  • L’exercice d’endurance (ex. : course à pied, la marche rapide ou la natation) et un mode de vie sain en général ont été associés à une augmentation de la longueur des télomères et pourraient par conséquent retarder le vieillissement cellulaire et permettre de demeurer plus longtemps en bonne santé.

Adopter un mode vie sain, c.-à-d. bien s’alimenter, faire de l’exercice, gérer son stress et ne pas fumer ni consommer trop d’alcool, a des effets bénéfiques sur le vieillissement de nos cellules selon la littérature scientifique récente. Un des phénomènes bien documentés qui survient lors du vieillissement cellulaire est la dégradation des télomères, des structures uniques qui se trouvent aux extrémités de chacun de nos chromosomes ; or un mode de vie sain permet de ralentir ce processus.

Télomères et vieillissement

Les télomères sont des structures répétitives d’ADN, en forme « d’épingle à cheveux », qui se trouvent aux deux extrémités des chromosomes et qui assurent l’intégrité du génome durant la division cellulaire. À chaque division, les télomères raccourcissent, jusqu’à ce qu’ils deviennent trop courts pour remplir leur fonction de protection : la cellule ne peut plus se diviser et entre alors en sénescence, puis meurt. Le raccourcissement des télomères est contrecarré par l’action de la télomérase, une enzyme qui allonge les télomères lors de chaque réplication de l’ADN. Le raccourcissement des télomères dans les cellules mononucléées du sang périphérique (lymphocytes et monocytes) est associé au vieillissement et à des maladies liées au vieillissement telles que le cancer, l’AVC, la démence, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, l’ostéoporose et le diabète de type 2. La longueur des télomères des leucocytes est statistiquement, quoique faiblement associée avec la mortalité, mais elle ne peut pas prédire la survie aussi bien que d’autres variables (âge, mobilité, cognition, tabagisme, activités de la vie quotidienne).

Activité physique

L’entraînement physique permet d’améliorer plusieurs aspects de la santé humaine, incluant la capacité à faire de l’exercice, la régulation de la pression artérielle, la sensibilité à l’insuline, le profil lipidique, la réduction du gras abdominal et de l’inflammation. Ces effets bénéfiques contribuent à l’augmentation de la fonction endothéliale, ils retardent la progression des lésions athérosclérotiques, et améliorent la collatéralisation des vaisseaux sanguins chez les personnes atteintes de diabète de type 2, de maladie coronarienne et d’insuffisance cardiaque. Les mécanismes sous-jacents sont connus en partie, mais les détails au niveau moléculaire sont moins connus et font l’objet de nombreuses recherches.

Le processus de vieillissement cellulaire peut être ralenti par l’exercice soutenu. Une étude publiée en 2009 a montré que l’entraînement physique soutenu chez de jeunes athlètes ou des athlètes d’âge moyen était associé à une plus grande activité de la télomérase, à l’expression accrue de protéines stabilisatrices des télomères, et à des télomères plus longs, comparé à des personnes sédentaires.

Approche protéomique des effets de l’exercice

Des chercheurs ont étudié les effets de l’exercice d’endurance sur l’expression de 1 129 protéines dans le plasma sanguin (protéome plasmatique), classées en 10 modules ou motifs selon leur niveau d’interconnexion. L’exercice a modifié l’expression des protéines de 4 modules chez de jeunes hommes, et de 5 modules chez les hommes plus âgés. Les modules touchés par l’exercice incluaient des protéines reliées à des voies de signalisation impliquées dans la cicatrisation, la régulation de l’apoptose (mort cellulaire), du glucose, de l’insuline et la signalisation du stress cellulaire, ainsi qu’aux réponses immunitaire et inflammatoire. Qui plus est, plusieurs modules touchés par l’exercice ont pu être corrélés avec des indicateurs physiologiques et cliniques d’une vie en bonne santé, incluant la pression artérielle diastolique, la résistance à l’insuline, la capacité aérobique maximale, et la fonction endothéliale vasculaire.

Alimentation

Selon une revue systématique des études publiées sur le sujet, 5 études indiquent que la consommation de fruits et légumes est associée à de plus longs télomères, alors que 8 autres études n’ont pas identifié d’association significative. Pour d’autres aliments que les fruits et légumes, incluant les céréales et les viandes les données ne sont pas concluantes dans leur ensemble. Certaines études indiquent cependant des associations défavorables entre certains groupes d’aliments et la longueur des télomères : céréales, viandes transformées, boissons sucrées, gras et huiles. En ce qui concerne les habitudes alimentaires, seul le régime méditerranéen a été associé à des télomères plus longs, mais pas dans toutes les études publiées à ce jour. De futures études d’observation à plus large échelle et de nouveaux essais randomisés contrôlés plus ciblés pourraient permettre de mieux identifier les éléments du régime alimentaire qui sont bénéfiques pour le maintien des télomères et ralentir le processus de vieillissement cellulaire.

Effet du stress

Plusieurs études transversales ont rapporté des associations entre la stabilité des télomères et l’exposition au stress (articles de revue ici, ici et ici).  L’association dure tout au long de la vie et elle a été observée chez des enfants dont les mères avaient subi un stress important. Il semble que même le stress prénatal subi indirectement par le fœtus est associé à des télomères plus courts après la naissance. L’exposition prolongée ou à répétition au stress est associée à un raccourcissement des télomères et au développement de maladies liées au vieillissement telles que le diabète de type 2, des maladies cardiaques, la démence et l’arthrose. Les personnes atteintes de trouble bipolaire, de schizophrénie, de dépression majeure et du syndrome de stress post-traumatique ont des télomères plus courts selon certaines études. Le stress et les maladies mentales ont donc des effets directs sur le vieillissement de nos cellules, avec des conséquences sur la santé au cours de la vie.

Mode de vie global

Pour des hommes chez qui l’on avait diagnostiqué un cancer de la prostate de grade peu élevé, l’adoption du mode vie complètement différent et sain (alimentation basée sur les végétaux et à faible teneur en gras, exercice, gestion du stress, soutien social) a été associée à une augmentation de 10 % de la longueur des télomères dans leurs lymphocytes et monocytes, 5 ans après le début de l’intervention. Les participants du groupe témoin (surveillance active seulement) ont au contraire vu la longueur moyenne de leurs télomères diminuer légèrement (–3 %). Cette étude d’intervention ne portait que sur un petit groupe de personnes (n=30), aussi des essais randomisés contrôlés à plus grande échelle seront nécessaires pour confirmer ces résultats.

Il y a de plus en plus de données qui indiquent que l’activité physique a une influence importante sur la santé et la qualité de vie lors du vieillissement. Ainsi les personnes âgées qui font régulièrement de l’exercice sont souvent en meilleure forme, elles sont plus musclées et elles sont moins susceptibles de développer des maladies chroniques ou des incapacités physiques que les personnes âgées sédentaires. Adopter un mode de vie qui combine une saine alimentation, l’exercice physique régulier et la gestion du stress est certainement l’une des meilleures choses à faire pour éviter ou combattre les maladies liées au vieillissement.

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