Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Manger mieux, polluer moins

En bref

  • La production de nourriture est responsable d’environ 30 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES), la grande majorité de ces GES provenant de l’élevage des ruminants.
  • Un régime alimentaire principalement basé sur la consommation d’aliments d’origine végétale est associé à une diminution de 50 % de ces émissions de GES.
  • Les études montrent que ce régime diminue également la mortalité prématurée  et son adoption permettrait donc d’obtenir des résultats mutuellement bénéfiques pour la santé humaine et l’environnement.

Il est clairement établi qu’une augmentation de l’apport alimentaire en végétaux comme les fruits, légumes, légumineuses, noix et graines est associée à une diminution du risque de développer plusieurs maladies chroniques, incluant les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et certains types de cancers.  

Une autre qualité intrinsèque à un apport élevé en aliments d’origine végétale, dont on parle beaucoup moins, est son potentiel de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre (GES) associée à la production de nourriture. Globalement, on estime en effet qu’environ 25 % (et jusqu’à 33 % si on tient compte du gaspillage alimentaire) de l’ensemble des GES provient de la production et la distribution des aliments, le secteur alimentaire impliqué dans la production de protéines animales étant responsable à lui seul de la moitié de ces émissions de GES, principalement en raison du méthane produit par le bétail et l’aquaculture qui capte la chaleur de façon 28 fois plus importante que le CO2.

Une bonne façon de visualiser cet impact de l’élevage sur la production de GES est de comparer les émissions associées à différents aliments d’origine animale et végétale en fonction de la quantité de protéines contenues dans ces aliments (Figure 1). Ces comparaisons montrent clairement que les produits dérivés de l’élevage, la viande de bœuf en particulier, représentent une source beaucoup plus importante de GES que les végétaux : par exemple, la production de chaque gramme de protéine de bœuf génère environ 250 fois plus de GES que la même quantité de protéine provenant des légumineuses.  Étant donné que les deux tiers des protéines quotidiennement consommées par les Canadiens proviennent de sources animales (viande, œufs et produits laitiers), une réduction de l’apport de ces aliments au profit des végétaux représente donc une façon concrète de diminuer l’impact environnemental de ce que nous mangeons. 

Figure 1. Comparaison des émissions de GES générées lors de la production de protéines animales et végétales.  Les émissions globales de gaz à effet de serre sont exprimées en équivalents de CO2 (CO2eq), c’est-à-dire en multipliant les quantités des différents GES (méthane, protoxyde d’azote) par leur potentiel de réchauffement comparativement au CO(28 fois pour le méthane et 298 fois pour le protoxyde d’azote sur une période de 100 ans). Notez la part importante des émissions liées à la fermentation entérique des ruminants (bovins, en particulier) et à la gestion du fumier lié à l’industrie de la viande et de la volaille. Pour les poissons et fruits de mer, c’est surtout la décomposition de la matière organique dans les bassins et les étangs d’aquaculture qui libère des GES, principalement sous forme de méthane, tandis que le chalutage est polluant à cause du dioxyde de carbone libéré lors de la perturbation des fonds marins. Tiré de Tilman et Clark (2014).

Le régime planétaire combine promotion de la santé et environnement

Un des meilleurs exemples du bien-fondé de cette approche est le régime planétaire (Planetary Health Diet) élaboré par un groupe multidisciplinaire d’experts chapeauté par la revue médicale britannique Lancet (EAT-Lancet Commission). À la base, ce mode d’alimentation a pour but de promouvoir la santé humaine et c’est pour cette raison qu’il privilégie un apport élevé en végétaux comme les céréales complètes, les fruits, les légumes, les noix et les légumineuses.  Les aliments d’origine animale, quant à eux, occupent dans ce régime une place allant de modérée (poisson, œufs, produits laitiers) à faible  (viande, en particulier viande rouge) (Tableau 1). Globalement, environ 53 % des calories proviennent des glucides complexes, 35 % des matières grasses (principalement insaturées) et 15 % des protéines, ce qui correspond en gros aux valeurs de référence du guide alimentaire canadien.  Il faut aussi noter que la quantité de protéines apportée par les végétaux est supérieure au minimum requis pour couvrir les besoins de base (10 % des calories) et permet un apport adéquat de tous les acides aminés essentiels.  

ComposantesApport recommandé
(g /jour pour 2500 kcal)
Apport pour un score maximal (g/jour)*Justification nutritionnelle et environnementale
Aliments d’origine végétale
1. Céréales entières210 (20-50 % des calories totales)≥ 75 g/jr (F)
≥ 90 g /jr (M)
La consommation de céréales complètes, mais non celle de céréales raffinées, améliore le profil lipidique et est associée à une baisse du risque d’obésité, de diabète de type 2, de maladie coronarienne, de cancer colorectal, et de mortalité totale.
La production de céréales génère environ 30 fois moins de GES que celle associée à l’élevage.
2. Tubercules (ex. pommes de terre)50 (0-100)≤ 50Bien que la culture de pommes de terre ait une empreinte de GES relativement faible, similaire à celle des céréales, la consommation de légumes féculents est associée à un risque plus élevé d’excès de poids et de diabète de type 2, comparativement aux céréales complètes ou aux légumes non féculents. Cette association semble cependant plus forte pour les pommes de terre frites que pour les pommes de terre nature.
3. Légumes

4. Fruits
300 (200-600)

200 (100-300)
≥ 300

≥ 200
En plus de leur bilan favorable en termes d’émissions de GES, les fruits et légumes sont une source essentielle de nombreux nutriments et composés phytochimiques. Leur consommation est inversement proportionnelle aux risques de prise de poids, de diabète de type 2, de maladie coronarienne, de certains cancers(du sein, par exemple), de déclin cognitif et de mortalité totale.
5. Noix et arachides

6.Légumineuses (e.g. soja, fèves, lentilles, pois) et graines (e.g. lin, chia)
50 (0-75)

75 (0-100)
≥ 50

≥ 75
Les noix, les légumineuses et les graines fournissent des graisses insaturées, des fibres, de nombreux micronutriments et représentent d’excellentes sources de protéines, tout en générant environ 250 fois moins d’émissions de GES que la viande rouge. Elles ont des effets bénéfiques sur les lipides sanguins, et leur consommation a été associée à une réduction des risques de diabète de type 2, de maladie coronarienne et de mortalité totale.
Aliments d’origine animale
7. Produits laitiers250 (0-500)≤ 250Le lait et ses dérivés présentent une bonne valeur nutritionnelle, mais sont riches en graisses saturées et augmentent le cholestérol LDL par rapport aux huiles végétales insaturées. Par contre, certaines données suggèrent que la consommation de yaourt, et peut-être d’autres produits fermentés, pourrait être associée à une réduction du risque de diabète de type 2.
8. Volaille30 (0-60)
(2 portions par semaine)
≤ 30La viande de volaille a une composition en graisses polyinsaturées qui se situe entre celle de la viande rouge et celle des sources de protéines végétales. Son bilan d’émissions de GES est lui aussi intermédiaire, c.-à-d. inférieur à celui de la viande rouge, mais supérieur aux végétaux. En général, la consommation de volaille n’est pas associée à une hausse du risque de maladies chroniques et il est suggéré de privilégier ces viandes par rapport aux viandes rouges.
9. Poisson et fruits de mer30 (0-100)
(2 portions par semaine)
≥ 30Le poisson, les crustacés et autres aliments d’origine animale aquatique sont particulièrement importants comme source d’acides gras oméga-3, associés dans plusieurs études à une réduction du risque de maladies cardiovasculaires (mais non sous forme de suppléments). Bien que ces aliments possèdent une empreinte d’émissions de GES élevée, il semble que leurs effets cardioprotecteurs ne nécessitent pas un apport élevé, étant déjà maximal avec deux portions de 100 g par semaine.
10. Oeufs15 (0-25)
(2 par semaine)
≤ 15Les œufs sont une source concentrée de protéines et de nutriments essentiels, mais sont également riches en cholestérol alimentaire. Malgré tout, la plupart des études ne rapportent pas d’association significative entre la consommation modérée d’œufs et le risque de maladies cardiovasculaires. .
11. Viandes rouges (bœuf, agneau, porc)15 (0-30)
(1 portion par semaine)
≤ 15La viande rouge est riche en protéines, mais également en graisses saturées et en cholestérol et pauvre en acides gras polyinsaturés essentiels. Comparativement aux sources végétales de protéines (p. ex., noix, soja et autres légumineuses), la consommation de viande rouge augmente le taux sanguin de cholestérol LDLet est associée à un risque accru de maladie coronarienne, de diabète de type 2, de cancer colorectal, de démence et de mortalité prématurée, en particulier pour les viandes rouges transformées (ex. charcuteries).
En plus de ces effets négatifs sur la santé, la production de viande rouge est aussi celle qui génère les plus fortes émissions de GES.
Gras et sucre
12. Gras ajoutés insaturées (huiles d’olive, canola, etc.)

Gras ajoutés saturés (beurre, saindoux, suif, huile de palme ou de coco)
40 (0-80)
(5-20 % des calories totales)

12 (0-12)
≥ 20 % des calories totales

0% des calories totales
Contrairement au beurre et autres sources de gras saturés qui augmentent les taux de cholestérol LDL, les huiles végétales contiennent principalement des acides gras insaturés qui réduisent ce cholestérol et leur consommation est fortement liée à une réduction des risques de maladies cardiométaboliques et de la mortalité totale..
La valeur de référence d’environ 20 % de l’apport énergétique quotidien recommandé est similaire à celle d’un régime méditerranéen, associé à maintes reprises à une incidence réduite de maladies cardiovasculaires..
14, Sucres ajoutés ou libres (jus de fruits)30 (0-30)≤ 5 % des calories totalesLes sucres ajoutés ou libres n’apportent aucune valeur nutritionnelle et peuvent être nocifs en cas de consommation excessive. Leur consommation, notamment sous forme de boissons sucrées, a des effets cardiométaboliques indésirables et a été associée positivement à l’obésité, au diabète de type 2, à la maladie coronarienne, et à la mortalité totale.

Tableau 1. Composantes du régime planétaire. * Le barème utilisé pour établir le score d’adhésion au régime varie selon les études, certaines utilisant 10 points pour chaque composante (pour un maximum de 140 points), alors que d’autres utilisent 1 point par composante (pour un maximum de 14 points). Adapté de Rockström et coll. (2025) et de Bui et coll. (2024).

De façon générale, nos habitudes alimentaires actuelles ne correspondent pas à ces recommandations et vont même, dans la plupart des cas, en sens inverse : nous mangeons 7 fois plus de viande rouge, 3 fois plus de volaille et 2 fois plus de produits laitiers que celles suggérées par le régime planétaire, tandis que l’apport en végétaux, en grains entiers particulièrement, est bien en deçà des recommandations (Figure 2).

Figure 2. Differences entre l’alimentation actuelle et le régime planétaire.  Les valeurs représentent la comparaison (en %) de l’apport de chaque catégorie d’aliments mesurée en Amérique du Nord en 2020 et celui recommandé par le régime planétaire (ligne pointillée). Tiré de Rockström et coll. (2025).
 

Bénéfices mutuels

Le terme « régime planétaire » provient des données montrant que son adoption réduirait de façon importante non seulement le risque de mortalité prématurée, mais également les émissions de GES associés à la production de nourriture (Figure 3). 

Le régime planétaire peut donc être considéré comme un mode d’alimentation « gagnant-gagnant », bénéfique autant pour la santé humaine que pour l’environnement.

Figure 3. Bénéfices mutuels du régime planétaire sur la santé humaine et l’environnement.  La modélisation des effets d’une plus grande adhésion de la population au régime planétaire (reflétée par une hausse du score) suggère que sur une période de 20 ans, une réduction de moitié de l’émission des GES associés à la production de nourriture serait corrélée avec une réduction importante de la mortalité prématurée. Adapté de Laine et coll. (2021).

Ces bénéfices du régime planétaire viennent d’être confirmés par une étude montrant que les personnes qui adhèrent le plus fortement au régime voient leur risque de mortalité prématurée totale, par cancer ou des suites de maladies cardiovasculaires significativement réduit comparativement à celles qui adhèrent le moins à ces recommandations (Figure 3).  

Figure 4. Association entre les scores d’adhésion au régime planétaire et le risque de mortalité.  Les données ont été recueillies auprès de 42 947 participants de la cohorte US NHANES menée par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis.  Adapté de Wang et coll. (2025).

Une méta-analyse de l’ensemble des études qui ont examiné l’impact du régime planétaire montre également une réduction du risque de plusieurs maladies spécifiques, incluant le cancer colorectal (réduction de 13 %), le cancer du poumon (32 %), la maladie coronarienne (17 %), le diabète (26 %) et les AVC (16 %).   Ces résultats sont en accord avec l’observation que le régime planétaire est l’un de ceux qui sont le plus étroitement associés à un vieillissement en bonne santé, sans la présence de maladies chroniques majeures et sans altération de la fonction cognitive, de la fonction physique ou de la santé mentale (voir notre article à ce sujet).

En somme, il n’y a que des avantages à augmenter l’apport en aliments d’origine végétale, autant pour notre santé que celle de la planète. 

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