Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Les substituts de viande à base végétale réduisent certains facteurs de risque cardiovasculaire

En bref

  • Les participants à une étude ont été partagés en deux groupes, l’un a consommé quotidiennement durant huit semaines deux portions de substituts de viande à base végétale (produits Beyond Meat: burger, simili-bœuf, saucisses, simili-poulet), alors que l’autre groupe a consommé la même quantité de viandes (bœuf, porc, poulet).
  • Les participants qui ont consommé des substituts de viande à base végétale ont perdu un peu de poids et avaient des taux sanguins d’oxyde de triméthylamine (TMAO) et de cholestérol-LDL significativement moins élevés que ceux qui ont consommé de la viande durant la même période.
  • Les substituts de viande à base végétale semblent favorables pour la santé par rapport à la viande puisque des taux élevés de TMAO et de cholestérol-LDL sont deux facteurs de risque de maladies cardiovasculaires.

Dans un article publié dans ces pages en 2019, nous avons discuté des mérites et des défauts des nouveaux produits alimentaires qui imitent le goût et la texture de la viande, tels les produits Beyond Meat et Impossible Burger. Ces produits sont certainement plus écologiques que la viande rouge (bœuf et porc en particulier) qui demande énormément de ressources qui taxent l’environnement mondial. D’autre part, ce sont des produits ultra-transformés qui contiennent de bonnes quantités de gras saturés et de sel.

Afin de valider si les substituts de viande à base végétale pourraient être meilleurs pour la santé que la viande, la compagnie Beyond Meat a subventionné le Dr Christopher D. Gardner un chercheur indépendant et renommé à l’école de médecine de l’université Stanford en Californie pour faire une étude randomisée contrôlée. Il faut être extrêmement prudents avec les études subventionnées par l’industrie alimentaire, puisque cette dernière a avantage à ne publier que des résultats qui appuieront la vente de leurs produits. Par contre, dans le cas de cette étude toutes les précautions semblent avoir été prises pour qu’il n’y ait pas d’influences sur les résultats : désign de l’étude (randomisée et contrôlée avec plan d’étude croisée), analyses statistiques par une tierce personne qui n’était pas impliquée dans le désign de l’étude et la récolte des données. Beyond Meat n’était pas impliquée ni dans le désign de l’étude, la réalisation de l’étude, non plus que dans l’analyse des données. De plus, le Dr Gardner a déclaré avoir déjà réalisé six études subventionnées par l’industrie alimentaire dont les résultats étaient nuls par rapport à l’hypothèse de départ.

Les 36 participants à l’étude ont été partagés au hasard en deux groupes. Durant les huit premières semaines, un groupe de participants a été assigné à manger deux portions/jour de substituts de viande à base végétale (produits Beyond Meat: burger, simili-bœuf, saucisses, simili-poulet), alors que l’autre groupe a consommé deux portions/jour de viande (bœuf, porc, poulet). Les deux groupes ont ensuite permuté de régime alimentaire pour les huit semaines suivantes (plan d’étude croisé). Les taux à jeun de lipides, de glucose, d’insuline, d’oxyde de triméthylamine (TMAO) ont été mesurés avant le début de l’étude et à chaque deux semaines durant les deux phases de l’étude.

Le principal paramètre de l’étude était le niveau sanguin de TMAO, un facteur de risque émergeant associé à l’athérosclérose et autres maladies cardiovasculaires. Le groupe qui a consommé de la viande durant les huit premières semaines avait un taux moyen de TMAO significativement plus élevé que le groupe qui a consommé des substituts de viande à base végétale (4,7 vs 2,7 µM), ainsi qu’un taux moyen de cholestérol-LDL (le « mauvais cholestérol ») plus élevé (121 vs 110 mg/dL) alors que le taux moyen de cholestérol-HDL (le « bon cholestérol ») n’était pas significativement différent.

Une surprise attendait les chercheurs : les participants qui ont d’abord consommé des produits à base de végétaux durant les huit premières semaines n’ont pas vu leur taux de TMAO augmenter lorsqu’ils ont mangé de la viande durant la seconde partie de l’étude. Les chercheurs n’ont pas été en mesure d’identifier de changements dans le microbiome (flore intestinale) qui aurait pu expliquer cette différence. Néanmoins, il semble que le fait d’avoir rendu les participants « végétariens » durant huit semaines leur a fait perdre la capacité à produire du TMAO à partir de la viande. Cet effet d’une alimentation végétarienne sur le microbiome a déjà été démontré par l’équipe du Dr Stanley L. Hazen de la Cleveland Clinic (voir aussi notre article « Athérosclérose : le rôle du microbiome intestinal »). Après quelques semaines de retour à une alimentation carnivore, le microbiome recommence à produire du TMAO à partir de la viande rouge et des œufs.

Le TMAO est un métabolite produit par le microbiome intestinal à partir de carnitine et de choline, deux composés présents en grande quantité dans les viandes rouges telles les viandes de bœuf et de porc. Des concentrations élevées de TMAO peuvent promouvoir l’athérosclérose et des thromboses. En effet, de nombreuses études d’observation et sur des modèles animaux ont montré qu’il y a une association entre le TMAO et le risque cardiovasculaire, et qu’il est bénéfique de réduire les niveaux de TMAO. Notons cependant qu’un lien de causalité entre le TMAO et les maladies cardiovasculaires n’a pas été établi et qu’il est possible qu’il soit un marqueur plutôt qu’un agent causal de ces maladies.

En plus de l’effet favorable sur le TMAO, les participants qui ont consommé des substituts de viande à base végétale ont perdu du poids (1 kg en moyenne) et avaient un taux de cholestérol-LDL significativement moins élevé que ceux qui ont mangé de la viande (110 vs 121 mg/dL). Ces différences ont été observées, peu importe l’ordre dans lequel les participants ont suivi les deux régimes alimentaires.

Beyond Meats espère probablement que ces résultats lui permettront de répondre aux critiques sur leurs produits qui sont ultra-transformés et qui contiennent beaucoup de sel et pratiquement autant de gras saturés que la viande. Plusieurs personnes souhaitent réduire leur consommation de viandes rouges, mais n’aiment pas pour autant les plats végétariens classiques. Il nous apparaît que si ces substituts de viande plaisent aux consommateurs soucieux de maintenir une bonne santé et qu’ils leur permettent de diminuer leur consommation de viande, cela leur sera bénéfique et les encouragera peut-être à cuisiner eux-mêmes des végé-burgers et autres substituts de viande à base végétale. Qui sait si ces produits ne faciliteront pas dans l’avenir des modifications significatives au régime alimentaire ? Réduire sensiblement notre consommation de viande ne pourra qu’être bénéfique pour notre santé et celle de la planète.

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