Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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Les bénéfices cardiovasculaires associés à la perte de poids corporel

En bref

  • L’excès de poids, en particulier lorsqu’il est présent au niveau abdominal, est un important facteur de risque de maladies cardiovasculaires et de mortalité prématurée.
  • Une nouvelle classe de médicaments, les agonistes des incrétines comme le semaglutide (Ozempic, Wegovy) et le tirzepatide (Mounjaro, Zepbound), permet d’obtenir des pertes de poids substantielles, pouvant atteindre de 15 à 20 % du poids corporel initial.
  • Deux études récentes rapportent que ces pertes de poids sont associées à une amélioration spectaculaire du statut clinique des insuffisants cardiaques et à une diminution du risque d’accidents cardiovasculaires chez les patients à haut risque.

L’incidence de l’obésité a augmenté de façon dramatique au cours des dernières décennies, avec environ 600 millions d’adultes et 100 millions d’enfants qui sont aujourd’hui obèses à l’échelle de la planète.  Il s’agit d’une tendance très inquiétante, car il est clairement établi que le surpoids, et particulièrement l’obésité, représente une cause majeure de plusieurs maladies chroniques et de mortalité prématurée. Par exemple, une grande étude portant sur près de 4 millions de personnes a montré qu’un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à la normale (20-25) est associé à une hausse significative du risque de mourir prématurément (Figure 1).  Cette association est particulièrement évidente pour les personnes obèses (IMC>30) et surtout très obèses (IMC> 35), mais elle est également significative pour les personnes en embonpoint (IMC entre 25-30).  

Figure 1. Relation entre l’indice de masse corporelle et le risque de mortalité.  Les données
proviennent de 189 études (n = 3,951,455 personnes vivant dans 32 pays du monde, répartis sur 4 continents).  Adapté de Valenzuela et coll. (2023).

Les maladies cardiovasculaires sont un bon exemple de cet effet négatif du surpoids sur la santé. On estime en effet que sur les 4 millions de décès causés par le surpoids en 2015, plus des deux tiers de cette mortalité étaient directement liés aux maladies cardiovasculaires en raison de l’effet désastreux de l’obésité sur plusieurs facteurs de risque (diabète de type 2, hypertension, hyperlipidémies) qui haussent considérablement le risque d’infarctus, d’AVC et d’insuffisance cardiaque

 Par exemple, une méta-analyse d’une vingtaine d’études regroupant plus de 300,000 personnes a montré que chaque augmentation de 5 unités de l’IMC était associée à une hausse de 30 % du risque de maladies ischémiques (l’infarctus, notamment). Environ la moitié de cette hausse serait causée par l’effet du surpoids sur la pression artérielle et les taux de cholestérol sanguins, tandis que l’autre moitié serait due à l’excès de graisse en tant que tel. 

Gras viscéral

Plusieurs études indiquent que c’est principalement la graisse accumulée au niveau de du tissu adipeux viscéral (VAT)  qui est associée à un risque accru de maladies cardiométaboliques (Figure 2). Cet excès de graisse viscérale provient en grande partie de la saturation du tissu adipeux sous-cutané (SAT), celui qui prend normalement en charge la gestion des réserves d’énergie.  Lorsque les adipocytes du SAT ne parviennent plus à augmenter suffisamment en nombre et en taille pour emmagasiner le gras excédentaire, celui-ci est alors redirigé vers le VAT, principalement au niveau de l’abdomen (foie, pancréas) ainsi qu’au niveau du cœur (Figure 2).  

Il est maintenant bien documenté que les dépôts anormaux de graisses au niveau du foie (stéatose hépatique non alcoolique) sont fortement corrélés avec la présence d’un syndrome métabolique, une constellation de facteurs de risque associés à un risque accru de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires.  Des données récentes indiquent que l’excès de graisse viscéral en périphérie du cœur  plus particulièrement au niveau de la structure qui recouvre le myocarde (l’épicarde) pourrait également contribuer à cette hausse du risque de maladies cardiométaboliques. Ce dépôt de graisse est en contact étroit avec le muscle cardiaque et les artères coronaires qui le nourrissent et cette proximité rend le cœur particulièrement vulnérable aux bouleversements métaboliques provoqués par l’excès de graisse. On a d’ailleurs observé que le volume de la graisse épicardique était étroitement corrélé avec le degré d’obésité et était associé avec le risque d’accidents cardiovasculaires

Les mécanismes responsables de l’effet négatif de ces dépôts de graisses au niveau du VAT du foie et du cœur sont fort complexes (Figure 2), mais on peut dire pour simplifier que la présence de cet excès de gras est interprétée comme une « agression » par le système immunitaire et provoque le développement d’un climat pro-inflammatoire, tant au niveau local que dans l’ensemble de l’organisme, qui diminue l’efficacité de la réponse à l’insuline.   La combinaison de ces deux conditions (inflammation chronique et résistance à l’insuline) représente un important facteur de risque de maladies cardiovasculaires et contribuerait donc à la hausse d’accidents cardiovasculaires et à la mortalité prématurée observée chez les personnes obèses dans les études épidémiologiques.  

Figure 2. Principaux mécanismes impliqués dans la hausse du risque de maladies cardiométaboliques chez les personnes en surpoids. Dans le corps humain, les réserves de graisse sont emmagasinées dans trois types distincts de tissus adipeux, chacun d’entre eux étant modifié lors du développement de l’obésité (portion droite de la figure). L’hypertrophie des adipocytes du tissu adipeux sous-cutané (SAT) permet une accumulation importante de graisse en périphérie du corps, mais lorsque la quantité de gras excédentaire dépasse une certaine limite, les graisses commencent à s’accumuler dans le tissu adipeux viscéral (VAT), autour des vaisseaux sanguins (périvasculaire) (A), du cœur (B) et de l’abdomen (C).  L’obésité semble aussi perturber la fonction du tissu adipeux brun (BAT), un type de graisse particulier qui est spécialisé dans la production de chaleur, mais les effets de cette perturbation demeurent mal compris. 
On sait en revanche que c’est l’accumulation ectopique des graisses au niveau du VAT qui est la grande responsable des problèmes cardiométaboliques associés à l’obésité.  Au niveau des organes, l’excès de graisses est toxique (lipotoxicité) et entraine un recrutement de cellules immunitaires qui, collectivement, créent des conditions pathophysiologiques menant au développement de la résistance à l’insuline et à l’établissement de conditions inflammatoires chroniques, deux importants facteurs de risque de maladies cardiovasculaires.  Adapté de Valenzuela et coll. (2023).

Perte de poids

L’effet négatif de l’excès de poids, en particulier lorsqu’il est localisé au niveau viscéral, suggère que chez les personnes obèses, une perte de poids corporel devrait en principe réduire le risque de maladies cardiométaboliques.  Les études suggèrent que c’est effectivement le cas, mais que les pertes de poids requises pour contrecarrer les effets négatifs à long terme de l’obésité sur le système cardiovasculaire doivent être substantielles.  Par exemple, l’un des plus grands essais cliniques sur la modification du mode de vie pour le traitement de l’obésité (Look AHEAD) n’a pas réussi à montrer une réduction significative des accidents ou de la mortalité cardiovasculaire après un suivi de 10 ans, cette absence d’effet étant probablement due à la perte de poids relativement faible (environ 6 %)  atteinte par la majorité des participants. Ceci est en accord avec plusieurs essais d’intervention montrant que même si la perte de poids typiquement obtenue par des interventions au mode de vie (5-10 kg) améliore certains facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (inflammation systémique, dysfonction endothéliale, paramètres du syndrome métabolique),  il n’y a pas de réduction majeure du risque de maladies cardiovasculaires.  Par contre, une analyse ultérieure de l’étude Look AHEAD a montré que les participants quoi avaient perdu ≥ 10 % de leur poids corporel présentaient une réduction significative d’accidents cardiovasculaires.   L’importance d’une perte substantielle de poids pour parvenir à une réduction significative du risque d’accidents cardiovasculaires est également suggérée par les études portant sur les effets de la chirurgie bariatrique, une procédure invasive où des pertes de poids de 10 à 40 kg sont typiquement observées. Par exemple, une étude suédoise a rapporté des taux significativement plus faibles d’événements cardiovasculaires mortels et non mortels chez les patients ayant subi cette chirurgie.

Médicaments anti-obésité

Comme nous l’avons mentionné dans un article précédent, une classe de médicaments reçoit actuellement énormément d’attention pour ses effets jamais-vu sur la perte de poids.  Ces médicaments, en particulier le semaglutide (Ozempic, Wegovy) et le tirzepatide (Mounjaro, Zepbound), sont des agonistes (activateurs) simple ou double de certains récepteurs impliqués dans le contrôle du taux de glucose sanguin et c’est pour cette raison qu’ils ont été initialement développés pour le traitement du diabète de type II.  Les essais cliniques ont cependant mis en évidence que ces médicaments entrainaient des pertes de poids très importantes chez les patients obèses, très souvent supérieures à 15 % de leur poids corporel initial, même en absence de diabète (Figure 3). Ces médicaments offrent donc une opportunité unique d’examiner l’impact de la perte de poids sur le risque de maladies cardiovasculaires.

Figure 3.  Comparaison des pertes de poids corporel obtenues suite au traitement avec les médicaments anti-obésité de nouvelle génération.  Notez que le semaglutide (Wegovy) et le tirzepatide (Zepbound) sont actuellement les seuls agents approuvés par les agences règlementaires pour la perte de poids.  L’orforglipon, le survodutide et le retatrutide sont quant à eux encore à l’étape des essais cliniques de Phase 2/3.  Ces médicaments sont soit des agonistes (activateurs) purs des récepteurs au GLP-1 (orange), des agonistes doubles du GLP-1 et du CGC (glucagon) (rouge) ou du GLP-1 et du GIP (bleu foncé) ou encore des triples agonistes du GLP-1, du GIP et du GCG (bleu pâle).
N.B. : PO; per os (voie orale, chaque jour), SQ : sous-cutané (par injection, une fois par semaine).  
 

Insuffisance cardiaque

C’est dans ce contexte que deux études récentes portant sur l’une de ces nouvelles molécules (le semaglutide) ont particulièrement retenu l’attention des communautés médicale et scientifique. La première étude portait sur l’effet d’un traitement avec le  semaglutide sur les symptômes associés à l’insuffisance cardiaque, une maladie grave et incurable qui touche plus de 64 millions de personnes dans le monde et représente une cause majeure de mortalité et de détérioration de la qualité de vie (voir encadré). 

Un cœur à bout de souffle
Dans l’insuffisance cardiaque, le cœur ne pompe pas suffisamment de sang pour subvenir aux besoins en oxygène du corps, ce qui génère de la fatigue, de la difficulté à respirer et une grande difficulté (ou incapacité) à accomplir certaines tâches simples comme monter quelques marches d’escalier ou transporter ses sacs d’épicerie.  Cette perte d’efficacité du muscle cardiaque peut être causée par des dommages directs à sa structure, par exemple suite à un infarctus, ou encore de façon indirecte, suite à une exposition prolongée à une pression artérielle trop élevée : pour compenser la plus grande résistance des vaisseaux sanguins et permettre au sang de circuler, le muscle cardiaque doit alors augmenter sa charge de travail et devient avec le temps plus épais et rigide.  
En clinique, ce dysfonctionnement du cœur est analysé en mesurant la fraction d’éjection, c’est-à-dire la quantité de sang que le ventricule gauche pompe à chaque contraction. Par exemple, une fraction d’éjection de 60 % signifie que 60 % de la quantité totale de sang présent dans le ventricule gauche est expulsé à chaque battement cardiaque. La fraction d’éjection d’un cœur normal se situe entre 55 et 70 pour cent, mais peut diminuer jusqu’à 10 % dans l’insuffisance cardiaque sévère. 
Il est toutefois important de noter qu’environ la moitié des patients sont catégorisés comme ayant une insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée (HfpEF), c’est-à-dire que le muscle cardiaque est devenu si épais et si raide qu’il ne parvient plus à se dilater adéquatement lors du remplissage du ventricule et contient donc un volume de sang plus petit que d’habitude. Le cœur peut alors présenter une fraction d’éjection à peu près normale, aux environs de 50 % par exemple, mais la quantité totale de sang pompé à chaque battement est néanmoins réduite et n’est pas suffisante pour répondre aux besoins du corps. La majorité des insuffisants cardiaques HfpEF souffrent également d’embonpoint ou d’obésité et plusieurs études (ici, par exemple) suggèrent que ce surpoids contribuerait au développement et à la progression de ce type d’insuffisance cardiaque. 

 

Dans cette étude, les chercheurs ont recruté 529 patients obèses (IMC moyen  de 37)  atteints d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée (HfpEF) et les ont traités pendant un an avec un placebo ou le semaglutide (2,4 mg par semaine).  Les résultats sont assez impressionnants, autant en termes du poids corporel perdu par les patients traités avec le semaglutide (près de 15 %) que de l’amélioration de certains paramètres associés à l’insuffisance cardiaque comme une diminution des symptômes de la maladie et une amélioration du statut fonctionnel des patients (Figure 4). 

Comme l’ont noté les experts, la différence de 8 points du score KCCQ-CSS observée entre le semaglutide et le placebo est très significative, de 2 à 4 fois supérieure à ce qu’on observe généralement dans les essais avec d’autres médicaments.  Plus de 50 % des patients traités avec le semaglutide ont même augmenté leur score de 15 points, ce qui correspond à une nette amélioration de leur condition clinique. Ces effets bénéfiques du semaglutide sont directement corrélés avec la perte de poids des patients, quel que soit leur degré d’obésité (IMC de 30 à 40 et plus) ou leur fraction d’éjection (de 45 à 60% et plus) de départ.

Figure 4.  Changements observés chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque traités avec un placebo ou le semaglutide.  A. Le Kansas City Cardiomyopathy questionnaire-clinical status summary (KCCQ-CSS) est utilisé pour estimer la sévérité de l’insuffisance cardiaque en termes des symptômes de la maladie (fatigue, dyspnée, œdème) et de ses limitations physiques sur la vie quotidienne (physique, émotionnelle, sociale). Une augmentation des points de ce score correspond à une amélioration du statut clinique des patients, plus prononcée chez ceux ayant reçu le semaglutide. B. Les pertes de poids observées au cours de l’étude sont exprimées en % du poids corporel initial des participants, qui était aux environs de 105 kg en moyenne (IMC =37). Notez la perte de poids très importante associée au traitement avec le semaglutide. C. Le test de marche mesure la distance parcourue par les participants pendant une période de 6 minutes, soit environ 300 mètres en moyenne. Une plus grande distance reflète encore ici une amélioration du statut fonctionnel des patients traités avec le semaglutide. D.  La protéine C réactive est une protéine inflammatoire et sa diminution reflète une réduction de l’inflammation chronique chez les patients traités avec le semaglutide qui pourrait contribuer à l’amélioration du statut clinique des patients.  Adapté de Kosiborod et coll. (2023).

L’obésité n’est donc pas simplement une comorbidité de l’insuffisance cardiaque, mais bel et bien une cause métabolique qui contribue au développement de cette maladie. La possibilité d’améliorer substantiellement le statut clinique des insuffisants cardiaques à l’aide de ces médicaments anti-obésité de nouvelle génération représente donc un énorme pas en avant dans la gestion de cette condition extrêmement débilitante et difficile à traiter.

Étude SELECT

La deuxième étude (appelée SELECT) sur les effets cardiovasculaires du traitement au semaglutide portait quant à elle sur la prévention d’accidents cardiovasculaires chez des patients obèses ayant des antécédents de maladies cardiovasculaires et donc à très haut risque de récidive (Figure 5). Après un suivi de 40 mois en moyenne, on a observé une réduction statistiquement significative de 20 % du critère d’évaluation principal (une combinaison d’infarctus, d’AVC et de mort cardiaque) chez les patients traités avec le semaglutide comparativement à ceux ayant reçu le placebo (Figure 5A). En chiffres absolus, par contre, cet effet protecteur est beaucoup moins impressionnant, avec une réduction de seulement 1,5 % de l’incidence d’accidents cardiovasculaires.  Autrement dit, seulement  1-2 patients obèses à très haut risque de récidives sur 100 peuvent bénéficier de l’effet positif de la molécule, même après 3 années complètes de traitement.  Ce résultat est très en deçà de ce qu’on pouvait espérer, surtout si l’on considère le coût élevé de cette nouvelle classe de médicament.

Il faut cependant noter que les pertes de poids obtenues lors de l’étude SELECT sont bien inférieures à celles rapportées dans l’étude sur l’insuffisance cardiaque mentionnée plus tôt (voir Figure 4) ainsi que dans plusieurs autres essais cliniques (voir notre article sur le sujet). Au lieu de pertes de poids moyennes de l’ordre de 15 %, les patients de SELECT ont perdu environ 8,5 % (en soustrayant le placebo) de leur poids corporel (Figure 5B) et on peut se demander si une perte de poids plus importante aurait pu diminuer encore plus le risque d’accidents cardiovasculaires chez ces patients.  L’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments anti-obésité générant des pertes de poids plus importantes, notamment le tirzepatide (récemment approuvé sous le nom de Zepbound), pourrait permettre de répondre à cette question.

Figure 5. Effet du traitement avec le semaglutide sur le risque d’accidents cardiovasculaires dans l’étude SELECT. Les 17,605 participants de l’étude (âge moyen de 62 ans, IMC moyen de 33 kg/m2) ont été traités avec le semaglutide ou un placebo et suivis pendant une durée moyenne de 40 mois.  Les patients n’étaient pas diabétiques, mais présentaient néanmoins des taux anormaux de HbA1c (5.7-6.4%), un marqueur d’hyperglycémie chronique, avaient un historique de maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC, maladie artérielle périphérique) et étaient donc à haut risque de récidive malgré une médication agressive (statines, anti-plaquettaires, antihypertenseurs).  A. Le traitement avec le semaglutide est associé à une réduction de 20 % du risque d’accidents cardiovasculaires (une combinaison d’infarctus, d’AVC et de mortalité cardiovasculaire), ce qui correspond cependant, en nombre absolu, à une baisse de seulement 1,5 % de l’incidence de ces accidents. B. Les pertes de poids, exprimées en % du poids corporel initial, obtenues suite au traitement avec le semaglutide sont en moyenne d’environ 9 % et atteignent un maximum à 1 an. Tiré de Lincoff et coll. (2023).

Globalement, le résultat de ces études confirme que pour les personnes qui souffrent d’obésité, une perte de poids corporel est associée à une amélioration de leur santé cardiovasculaire. Ceci est particulièrement flagrant en ce qui concerne les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque et il n’y a pas de doute que ces personnes peuvent grandement bénéficier de ces médicaments anti-obésité de nouvelle génération.  L’étude SELECT a révélé que ces bénéfices sont cependant beaucoup plus incertains en prévention secondaire, chez les patients à très haut risque de récidive, et il n’y a encore aucune donnée de disponible en prévention primaire, chez des personnes obèses n’ayant aucun antécédent de maladies cardiovasculaires. À l’exception de l’insuffisance cardiaque, il est donc encore beaucoup trop tôt pour déterminer si ces médicaments pourront éventuellement représenter une option thérapeutique valable pour améliorer la santé cardiovasculaire de la population en surpoids. D’autant plus que ces molécules ne sont pas dépourvues d’effets secondaires parfois assez importants, notamment au niveau gastro-intestinal : en plus des nausées qui sont très fréquentes, une étude récente a rapporté que les agonistes de GLP-1 haussent de 10 fois le risque de pancréatite et de 4 fois celui d’occlusion intestinale et de gastroparésie (ralentissement ou arrêt du transport de la nourriture de l’estomac vers les intestins).

Prévenir plutôt que guérir

Une énorme limitation du traitement de l’obésité à l’aide de ces médicaments de nouvelle génération est que les données actuellement disponibles indiquent que l’arrêt du traitement mène rapidement à un regain de la majorité du poids initialement perdu. Autrement dit, le traitement avec ces médicaments pourrait être « à vie », un peu comme on le fait actuellement pour l’hypertension ou l’excès de cholestérol. Cela suscite beaucoup d’inquiétude, autant en termes de leurs effets à long terme sur la santé  que du point de vue financier : au Québec, par exemple, on estime qu’environ 28% de la population adulte québécoise est obèse, ce qui correspond à près de 2 millions de personnes.  Puisqu’une année de traitement avec ces médicaments coûte environ 6000$ par personne, on parle d’une facture avoisinant les 12 milliards de dollars annuellement.  

Comme c’est toujours le cas pour l’ensemble des maladies liées à nos habitudes de vie, la solution à l’épidémie d’obésité se trouve beaucoup plus dans la prévention que dans son traitement. Les données accumulées lors des essais cliniques avec les nouveaux médicaments anti-obésité montrent clairement que c’est la perte d’appétit, en particulier pour les aliments hypercaloriques, qui joue un rôle central dans la perte de poids.  Autrement dit, la hausse importante du nombre de personnes en surpoids observée au cours des dernières décennies est causée par une surconsommation de nourriture et non par un excès de sédentarité, comme on entend souvent dire.

En termes de prévention, cela signifie qu’il faut absolument améliorer les habitudes alimentaires de la population si on espère réduire l’incidence de l’obésité et des nombreuses maladies chroniques qui en découlent.  Des moyens existent et pourraient être mis en place avec un peu de bonne volonté politique : étiquetage nutritionnel sur le devant de l’emballage pour identifier clairement les produits contenant trop de sucre, de gras ou de sel;   taxation des boissons sucrées pour inciter les consommateurs à choisir des options plus saines; élargir l’accès aux fruits et légumes cultivés localement, tout en soutenant les entreprises locales.  Ceci est particulièrement important pour éliminer le surpoids chez les enfants et adolescents, en forte hausse au cours des dernières années, car  il est bien établi que l’obésité juvénile augmente dramatiquement le risque de devenir obèse à l’âge adulte. 

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