Dr Martin Juneau, M.D., FRCP

Cardiologue, directeur de l'Observatoire de la prévention de l'Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention Watch, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.

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L’importance d’être actif après une crise cardiaque

La douleur thoracique est l’une des causes les plus courantes des visites à l’urgence, représentant environ 5 % de toutes les admissions.  Ces consultations sont véritablement appropriées, car même si les causes de ces douleurs peuvent s’avérer dans certains cas tout à fait bénignes (somatisation, douleurs musculosquelettiques), d’autres sont beaucoup plus graves (infarctus, embolie pulmonaire, dissection de l’aorte) et peuvent provoquer une mort subite.  

Syndrome coronarien aigu

Il est particulièrement important de consulter en cas de sensation de tiraillement, de brûlure ou d’oppression dans la poitrine, qui sont des symptômes classiques du syndrome coronarien aigu (SCA), c’est-à-dire d’un ralentissement ou d’un blocage soudain de l’apport sanguin au cœur causé par une obstruction des artères coronaires. Un SCA est une urgence médicale qui doit être immédiatement prise en charge à l’aide de médicaments ou de procédures de revascularisation (pose de « stents » dans les coronaires bloquées) pour rétablir la circulation du sang au niveau du myocarde. 

En dépit de leur succès, ces traitements ne corrigent cependant pas les causes profondes responsables du blocage des artères ; en conséquence, même si la vie des patients touchés par un SCA est sauvée à court terme, ils demeurent néanmoins à très haut risque de complications et de mortalité subite par la suite à moins de modifier leurs habitudes de vie, en particulier en ce qui concerne le tabagismel’alimentationle stress chronique et le niveau d’activité physique.

Inactivité physique et sédentarité

Une augmentation du temps consacré à l’activité physique est certainement l’une des modifications au mode de vie les plus importantes à adopter pour les patients ayant subi un accident coronarien.  Par exemple, au cours d’une étude qui mesurait le niveau d’activité physique de 620 patients après un SCA, on a observé que seulement 16 % d’entre eux adhéraient aux recommandations minimales d’activité physique, soit 30 minutes of d’activité modérée (comme la marche rapide) au moins 5 jours par semaine.  Cette inactivité physique s’accompagne d’une très grande sédentarité, de l’ordre de 12-13 h par jour passées en position assise durant le mois suivant l’hospitalisation. 

On sait depuis longtemps que l’inactivité physique représente un des plus importants facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, mais la recherche des dernières années a clairement montré que ce risque est encore plus prononcé lorsque cette inactivité est combinée à de longues périodes de sédentarité, par exemple demeurer assis pendant plusieurs heures consécutives. En plus de réduire le temps consacré à l’exercice et de priver le corps des bénéfices cardiovasculaires et musculaires de l’activité physique, la sédentarité représenterait également  un facteur de risque indépendant en raison de ses effets négatifs sur la fonction des vaisseaux sanguins, la pression artérielle ainsi que sur le métabolisme du glucose. 

En termes de prévention de maladie cardiovasculaire, la combinaison optimale est donc d’atteindre le seuil minimal de 150 minutes d’activité physique par semaine (et idéalement un peu plus), tout en évitant autant que possible de rester assis pendant de longues périodes (Figure 1A). Cet objectif n’est pas toujours facile à atteindre, car une personne physiquement active peut en même temps passer de longues périodes en position assise et donc être considérée comme «  active, mais sédentaire » (Figure 1B). À l’inverse, certaines personnes ne font pas d’exercice, mais réussissent néanmoins à éviter de trop longues périodes de sédentarité prolongées (Figure 1C).  La pire combinaison est évidemment lorsque l’absence d’exercice est combinée à une sédentarité prolongée, par exemple lorsqu’une personne se rend au travail en voiture, demeure assise devant un ordinateur pendant 8 heures, suivi du retour à la maison où elle consacre le reste de sa journée à se distraire devant la télévision ou d’autres écrans (Figure 1D).

Figure 1. Exemples de différents profils d’activité et de sédentarité.

Sédentarité post-infarctus

Une étude récente illustre bien l’impact de ces différents profils d’activité/sédentarité sur le risque de mortalité cardiovasculaire chez les patients ayant subi un accident coronarien. Dans cette étude, les chercheurs ont recruté 609 personnes (âge moyen de 62 ans) qui avaient été admises à l’urgence pour des symptômes de syndrome coronarien aigu et ont mesuré par la suite leur niveau d’activité physique et de sédentarité à l’aide d’un accéléromètre.  L’incidence d’accidents cardiaques ou de mortalité cardiovasculaire au cours de l’année suivant l’hospitalisation a par la suite été analysée en fonction des niveaux d’activité des participants.

Comme le montre la Figure 2, les résultats obtenus sont sans équivoque : comparativement aux patients « modèles », qui ont été actifs et peu sédentaires, l’inactivité physique combinée à une forte sédentarité (plus de 14 h par jour) augmente de près de 800 % le risque d’accidents cardiovasculaires.  Cette hausse du risque est moins prononcée, mais demeure significative (265 %), chez les personnes peu actives, mais qui limitent néanmoins la durée de leurs périodes de sédentarité. Il faut aussi noter que même chez les personnes actives, de longs épisodes de sédentarité semblent augmenter le risque de récidives cardiovasculaires (212 %). Ces résultats soulignent donc l’importance de minimiser de longues périodes de sédentarité, quel que soit le niveau d’activité physique.  

Figure 2. Risque d’accidents cardiaques et de mortalité à 1 an en fonction d’une combinaison du niveau d’activité physique et de la durée des périodes sédentaires. 
Notez que les hausses du risque ont été ajustées pour tenir compte de la gravité des SCA initiaux pour s’assurer que les niveaux d’activité et de sédentarité mesurés étaient responsables du risque plus élevé d’accidents cardiovasculaires, et non la conséquence d’une maladie coronarienne initialement plus sévère et donc à plus haut risque de récidive.  Tiré de Diaz et coll. (2025).

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