Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.16 février 2021
EN BREF
- L’exposition au froid provoque une contraction des vaisseaux sanguins, une augmentation de la pression artérielle, du rythme cardiaque et du travail du muscle cardiaque.
- La combinaison du froid et de l’exercice augmente davantage le stress sur le système cardiovasculaire.
- Les températures froides sont associées à une augmentation des symptômes cardiaques (angine, arythmies) et à une incidence accrue d’infarctus du myocarde et de mort subite d’origine cardiaque.
- Les patients atteints d’une maladie coronarienne devraient limiter leur exposition au froid et s’habiller chaudement et se couvrir le visage lorsqu’ils font de l’exercice.
Le froid parfois mordant de nos hivers peut-il nuire à notre santé globale et à notre santé cardiovasculaire en particulier ? Nous avions déjà abordé un aspect de cette question concernant le risque d’infarctus causé par l’effort considérable qui est nécessaire pour pelleter la neige en hiver (voir : Tempêtes de neige et le risque d’infarctus du myocarde), et dans un résumé des résultats d’une étude suédoise sur l’association entre le froid et l’incidence de crise cardiaque. Pour une revue exhaustive de la littérature sur les effets du froid sur la santé en général, voir le rapport de synthèse récemment publié par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Dans le présent article, nous porterons notre attention sur les principaux effets du froid sur le système cardiovasculaire et plus particulièrement sur la santé des personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire.
L’exposition brève et prolongée au froid affectent toutes deux le système cardiovasculaire, et l’exercice par temps froid augmente encore davantage le stress sur le cœur et les artères. De nombreuses études épidémiologiques ont montré que les maladies et la mortalité cardiovasculaires augmentent lorsque la température ambiante est froide et durant les vagues de froid. La saison hivernale est associée à un plus grand nombre de symptômes cardiaques (angine, arythmies) et d’évènements cardiovasculaires tels la crise hypertensive, la thrombose veineuse profonde, l’embolie pulmonaire, des ruptures et dissections aortiques, l’accident vasculaire cérébral, l’hémorragie intracérébrale, l’insuffisance cardiaque, la fibrillation auriculaire, les arythmies ventriculaires, l’angine de poitrine, l’infarctus aigu du myocarde et la mort subite d’origine cardiaque.
Mortalité attribuable au froid
À l’échelle mondiale, davantage de décès attribuables à la température ont été causés par le froid (7,29 %) que par la chaleur (0,42 %). Pour le Canada, c’est 4,46 % des décès qui étaient attribuables au froid (2,54 % pour Montréal), et 0,54 % à la chaleur (0,68 % pour Montréal).
L’intuition pourrait nous porter à croire que c’est durant les épisodes de froid extrême que surviennent un plus grand nombre d’effets indésirables sur la santé, mais la réalité est toute autre. Selon une étude qui a analysé 74 225 200 décès survenus entre 1985 et 2012 dans 13 grands pays situés sur 5 continents, les températures extrêmes (froides ou chaudes) étaient responsables de seulement 0,86 % de tous les décès, alors que la majorité des décès reliés au froid sont survenus à des températures modérément froides (6,66 %).
Effets aigus du froid sur le système cardiovasculaire des personnes en santé
Pression artérielle – La baisse de la température de la peau lors de l’exposition au froid est détectée par les thermorécepteurs cutanés qui stimulent le système nerveux sympathique et provoque un réflexe de vasoconstriction (diminution du diamètre des vaisseaux sanguins). Cette vasoconstriction périphérique prévient la perte de chaleur à la surface du corps et a pour effet d’augmenter la pression artérielle systolique (5-30 mmHg) et diastolique (5-15 mmHg).
Rythme cardiaque – Il n’est pas très affecté par l’exposition du corps à l’air froid, mais il augmente rapidement lorsque par exemple on plonge la main dans de l’eau glacée (« test au froid » utilisé pour faire certains diagnostics, tel celui de la maladie de Raynaud) ou qu’on inhale de l’air très froid. L’air froid provoque généralement une légère augmentation du rythme cardiaque de l’ordre de 5 à 10 battements par minute.
Risque de rupture de plaque d’athérome ?
Des études post-mortem ont montré que la rupture des plaques d’athéromes (dépôts de lipides sur la paroi des artères) est la cause immédiate de plus de 75 % des infarctus du myocarde aigus. Le stress causé par le froid pourrait-il favoriser la rupture des plaques d’athéromes ? Dans une étude en laboratoire, des souris exposées au froid dans une chambre froide (4°C) durant 8 semaines ont vu leur taux de cholestérol-LDL sanguin et le nombre de plaques augmenter par comparaison aux souris du groupe témoin (chambre à 30°C). D’autre part, on sait que l’exposition au froid induit l’agrégation des plaquettes in vitro et qu’elle fait augmenter les facteurs de coagulation in vivo chez des patients durant les jours plus froids (<20°C) par comparaison aux jours plus chauds (>20°C). Combinés, ces effets du froid pourraient contribuer à favoriser la rupture de plaque, mais aucune étude n’a pu démontrer cela jusqu’à présent.
Risque d’arythmies cardiaques
Les arythmies sont une cause fréquente de mort subite cardiaque. Même chez des volontaires en bonne santé, le simple fait de plonger la main dans de l’eau froide en retenant la respiration peut provoquer des arythmies cardiaques (tachycardies nodales et supraventriculaires). Le froid pourrait-il favoriser la mort subite chez des personnes à risque ou atteintes d’une maladie cardiaque ? Les arythmies ne pouvant être détectées post-mortem, il est très difficile de prouver une telle hypothèse. S’il s’avérait que l’exposition à l’air froid peut favoriser les arythmies, les personnes atteintes de maladie coronarienne pourraient être vulnérables au froid puisque l’arythmie viendrait amplifier le déficit en sang oxygéné qui parvient au muscle cardiaque.
Effets du froid combiné à l’exercice
Le froid et l’exercice augmentent tous deux individuellement la demande en oxygène par le cœur, et la combinaison des deux stress a un effet additif sur cette demande (voir ces deux articles de synthèse en anglais, ici et ici). L’exercice dans le froid résulte donc en une augmentation de la pression artérielle systolique et diastolique ainsi que du « double produit » (fréquence cardiaque x pression artérielle), un marqueur du travail cardiaque.
La demande accrue en oxygène par le muscle cardiaque provoquée par le froid et l’exercice fait augmenter le débit sanguin dans les artères coronaires qui irriguent le cœur. La vitesse du flux sanguin coronarien augmente en réponse au froid et à l’exercice combinés en comparaison avec l’exercice seulement, mais cette hausse est atténuée, particulièrement chez les personnes plus âgées. Il semble donc que le froid cause un décalage relatif entre la demande en oxygène provenant du myocarde et l’alimentation en sang oxygéné durant l’exercice.
Lors d’une étude effectuée par notre équipe de recherche, nous avons exposé 24 patients coronariens souffrant d’angine stable à 6 conditions expérimentales en chambre froide à -8°C : une épreuve d’effort avec électrocardiogramme (EE) au froid sans médicament anti-angineux et une EE à +20°C. Nous avons par la suite répété ces deux EE après la prise d’un médicament (propranolol) qui ralentit la fréquence cardiaque, puis avec un autre médicament (diltiazem) qui cause une dilatation des artères coronaires. Les résultats ont démontré que chez seulement 1/3 des patients, le froid causait une ischémie légère à modérée (manque d’apport sanguin) au myocarde. Lorsque l’EE était effectuée avec la prise d’un médicament, cet effet était complètement renversé. Les deux médicaments se sont montrés également efficaces pour renverser cette ischémie. La conclusion : le froid n’a eu qu’un effet modeste chez 1/3 des patients et les médicaments anti-angineux sont aussi efficaces au froid (-8°C) qu’à +20°C.
Dans une autre étude chez le même type de patients, nous avons comparé les effets d’une EE à -20°C avec une EE à +20°C. Les résultats ont montré qu’à cette température très froide, tous les patients présentaient une angine et une ischémie plus précoce.
Hypertension
La prévalence de l’hypertension est plus élevée dans les régions froides ou durant l’hiver. Les hivers froids font augmenter la gravité de l’hypertension et font accroître le risque d’évènements cardiovasculaires tels l’infarctus du myocarde et l’AVC chez les hypertendus.
Insuffisance cardiaque
Le cœur des patients atteints d’insuffisance cardiaque n’est pas capable de pomper suffisamment de sang pour maintenir le débit sanguin nécessaire pour satisfaire les besoins du corps. Quelques études seulement ont examiné les effets du froid sur l’insuffisance cardiaque. Les patients atteints d’insuffisance cardiaque n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre lorsque la charge de travail du cœur augmente lorsqu’il fait froid ou lorsqu’ils doivent faire un effort physique soutenu. Le froid combiné à l’exercice diminue davantage les performances des insuffisants cardiaques. Par exemple, dans une étude que nous avons réalisée à l’Institut de cardiologie de Montréal, le froid a réduit de 21 % le temps d’exercice chez des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque. Dans la même étude, l’utilisation de médicaments antihypertenseurs de la classe des bêtabloquants (métoprolol ou carvedilol) a permis d’augmenter significativement le temps d’exercice et d’atténuer l’impact de l’exposition au froid sur la capacité fonctionnelle des patients. Une autre de nos études indique qu’un traitement avec un médicament antihypertenseur de la classe des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, le lisinopril, atténue aussi l’impact du froid sur la capacité à faire de l’exercice chez des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque.
Froid, exercice et maladie coronarienne
Il est plutôt improbable que le froid seul puisse causer une augmentation du travail du muscle cardiaque suffisamment importante pour provoquer un infarctus du myocarde. Le stress causé par le froid fait augmenter le travail du muscle cardiaque et par conséquent l’apport de sang au cœur chez les personnes en santé, mais chez les coronariens on observe généralement une réduction du débit sanguin dans les artères coronaires. La combinaison du froid et de l’exercice met les coronariens à risque d’ischémie cardiaque (manque d’oxygène au cœur) beaucoup plus tôt dans leur séance d’entraînement que par temps chaud ou tempéré. Pour cette raison, les personnes atteintes d’une maladie coronarienne doivent limiter l’exposition au froid et porter des vêtements qui les gardent au chaud et se couvrir le visage (perte de chaleur importante dans cette partie du corps) lorsqu’ils font de l’exercice à l’extérieur par temps froid. Par ailleurs, la tolérance à l’exercice des coronariens sera réduite par temps froid. Il est fortement recommandé aux patients coronariens de faire des exercices d’échauffement à l’intérieur avant de sortir faire de l’exercice à l’extérieur par temps froid.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.15 mars 2018
Mis à jour le 23 mai 2018
Les nitrates (NO3–) et les nitrites (NO2–) sont surtout connus auprès du public comme des résidus indésirables de la chaîne agroalimentaire, puisqu’ils sont associés à des effets potentiellement cancérogènes. Pourtant ces molécules se retrouvent naturellement dans les fruits et légumes (nitrate) ainsi que dans le corps humain (nitrate et nitrite) où elles participent à des fonctions physiologiques importantes, particulièrement au niveau cardiovasculaire. De plus, il est maintenant établi que les nitrates alimentaires peuvent être bénéfiques pour la santé cardiovasculaire et pour les performances sportives comme nous le verrons plus loin.
Les nitrates et nitrites : dangereux ou inoffensifs ?
Dans le processus de salaison utilisé pour transformer les viandes en charcuteries (jambon, saucisses, bacon, etc.), des sels nitrés sont ajoutés pour stabiliser la couleur et la saveur des viandes, ainsi que pour prévenir le développement de microorganismes pathogènes. Les sels nitrés sont en effet très efficaces pour prévenir la prolifération de bactéries, dont la redoutable Clostridium botulinum qui produit une toxine très puissante qui cause le botulisme, une maladie paralytique grave, parfois mortelle. Les nitrates et nitrites eux-mêmes ne sont pas cancérogènes, ce sont plutôt les composés N-nitrosés, telles les nitrosamines, produits par la réaction des nitrites avec les protéines de la viande qui le sont. La formation des nitrosamines est favorisée par le processus de salaison à cause de la présence abondante de nitrites ajoutés, de protéines et de myoglobine dont le groupement héminique accélère la réaction. La cuisson à haute température (friture) accélère grandement la formation de nitrosamines, aussi la réglementation gouvernementale limite-t-elle les quantités de nitrites utilisés en salaison et oblige l’ajout d’agents neutralisants (antioxydants) dans certains produits comme le bacon par exemple. Les nitrates présents naturellement dans les aliments proviennent en majeure partie des fruits et légumes, où la présence d’antioxydants tels la vitamine C et les polyphénols inhibent la formation de composés N-nitrosés.
Jusqu’à il y a une vingtaine d’années, on considérait les nitrates et nitrites présents dans le corps humain comme les produits finaux et inertes du métabolisme de l’oxyde nitrique (NO), un gaz qui agit comme une molécule de signalisation et qui est impliqué dans la régulation du flux sanguin et plusieurs autres fonctions physiologiques. En présence d’oxygène, l’oxyde nitrique est produit dans les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins par une réaction d’oxydation de l’acide aminé L-arginine en NO et L-citrulline. Plusieurs médicaments utilisés pour traiter les maladies cardiovasculaires augmentent la voie de signalisation du NO, soit en augmentant sa biodisponibilité ou en inhibant sa dégradation. Les plus connus sont les nitrates organiques (par ex. la nitroglycérine), qui agissent en relarguant du NO rapidement, ce qui provoque une dilatation non spécifique des artères et des veines et permet une meilleure circulation sanguine. D’autres agents pharmacologiques sont les inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 qui sont utilisés pour traiter l’hypertension pulmonaire et la dysfonction érectile (par ex. le sildénafil, mieux connu sous le nom commercial de Viagra). De plus, les inhibiteurs de l’enzyme HMG réductase (statines) et de l’enzyme de conversion de l’angiotensine augmentent indirectement la biodisponibilité du NO.
On sait depuis 2001 que les nitrites endogènes sont une source alternative importante de NO, particulièrement quand les niveaux d’oxygène sont réduits, comme c’est le cas dans la microcirculation sanguine (voir la figure 1). À ce moment-là, on considérait que l’apport en nitrates et nitrites provenant de l’alimentation n’avait pas d’effet sur les vaisseaux sanguins, puisqu’on ne pensait pas que cet apport puisse augmenter la concentration circulante de nitrites. On sait maintenant que les nitrates alimentaires sont rapidement absorbés dans l’intestin grêle, qu’environ 75 % des nitrates sont excrétés par les reins et que ce qui reste devient hautement concentré dans les glandes salivaires (10 fois la concentration plasmatique). Lorsque les nitrates sont sécrétés dans la salive, ils sont réduits en nitrites par les bactéries commensales puis avalés avec la salive et absorbés dans la circulation au niveau de l’intestin. Les nitrites circulants peuvent être réduits en oxyde nitrique par différentes enzymes (réductases).
Figure 1. Formation et recyclage des nitrates (NO3–), nitrites (NO2–) et de l’oxyde nitrique (NO). Adapté de Woessner et coll., 2017. En présence d’oxygène, l’oxyde nitrique synthase endothéliale (eNOS) catalyse l’oxydation de la L-arginine en NO. Le NO peut également être rapidement oxydé en nitrite et en nitrate. Une source secondaire de NO vasculaire est procurée par l’alimentation. Il a été démontré que la consommation d’aliments riches en nitrate inorganique (légumes verts à feuilles, betterave) augmente la concentration de nitrate plasmatique, qui peut être sécrété dans la salive et réduit en nitrite par les bactéries commensales présentes dans la bouche. Le nitrite peut ensuite être réduit en NO (et d’autres oxydes d’azote biologiquement actifs) par plusieurs mécanismes qui sont accélérés dans des conditions hypoxiques. Par conséquent, bien qu’une partie des nitrates et nitrites circulants soient excrétés par les reins, ils peuvent également être recyclés en NO.
Sources alimentaires de nitrates.
Environ 85 % des nitrates (NO3–) alimentaires proviennent des légumes, le reste vient surtout de l’eau potable. Les nitrites (NO2–) alimentaires proviennent surtout des viandes salaisonnées (charcuteries). Les légumes peuvent être groupés en 3 catégories selon leur contenu en nitrate (voir Tableau I), les légumes à niveaux élevés en nitrates (>1000 mg/kg) appartiennent aux familles des Brassicacées (roquette), Chénopodiacées (betterave, épinard), Astéracées (laitue) et Apiacées (céleri). La plupart des légumes de consommation courante ont un contenu moyen en nitrates (100-1000 mg/kg), alors que les oignons et tomates contiennent très peu de nitrates (<100 mg/kg). La confection de jus de légumes est une façon pratique et populaire d’augmenter la consommation de légumes et plusieurs jus commerciaux sont en vente sur le marché. Alors que le contenu en nitrite des jus fraîchement préparé à la maison est négligeable, il augmente dramatiquement après deux jours à la température de la pièce, mais demeure bas si le jus est conservé au réfrigérateur, à 4 °C. La conversion des nitrates en nitrites dans les jus faits à la maison est due à la présence d’enzymes (réductases) bactériennes, ce qui est moins problématique dans les jus commerciaux qui sont légèrement pasteurisés.
Tableau I. Contenu en nitrate dans les légumes et dans l’eau. D’après Lidder et Webb, 2012.
*Note : Pour faciliter la sélection des légumes pour composer un régime alimentaire, les auteurs ont proposé d’utiliser des « unités de nitrate » (1 unité= 1 mmol), afin de s’assurer de consommer suffisamment de nitrates pour bénéficier des effets hypotenseurs ou de l’amélioration de la performance durant l’exercice, et aussi afin d’éviter de consommer plus de nitrates que recommandé (4,2 unités pour un adulte de 70 kg).
La dose journalière admissible (DJA) établie par l’Autorité européenne de sécurité des aliments pour les nitrates est 3,7 mg/kg (0,06 mmol/kg), ce qui correspond à environ 260 mg (4,2 mmol) par jour pour un adulte de 70 kg. Cette DJA a été établie en divisant par 100 la dose maximale qui est inoffensive pour des rats et des chiens. Selon des estimations, les Européens consomment 31-185 mg de nitrate par jour et 0-20 mg de nitrite par jour. Sur la base d’une recommandation modérée de consommer 400 g de fruits et légumes variés par jour, l’apport alimentaire en nitrates serait d’environ 157 mg/jour. Plusieurs pays recommandent actuellement un régime alimentaire riche en nitrates pour les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires. Le régime DASH (Dietary Approach to Stop Hypertension), par exemple, avec son accent sur les fruits et légumes, grains entiers, viandes maigres (volailles, poissons) et noix permet un apport alimentaire intéressant en nitrates. Dans une étude clinique, le régime DASH (enrichi en fruits et légumes) a fait baisser la pression artérielle de sujets hypertendus presque autant qu’une monothérapie avec un médicament antihypertenseur. Il a d’ailleurs été proposé que les effets cardioprotecteurs des fruits et légumes observés dans les études épidémiologiques soient causés par la grande quantité de nitrates présents dans les légumes verts à feuille.
Le choix des fruits et légumes consommés peut avoir un impact important sur la quantité de nitrates alimentaires. Par exemple, il a été estimé qu’un régime DASH (Dietary Approach to Stop Hypertension) qui ne contiendrait que des fruits et légumes dont le contenu en nitrates est peu élevé fournirait 174 mg de nitrate et 0,41 mg de nitrite, alors que la sélection de fruits et légumes riches en nitrate pourrait fournir jusqu’à 1222 mg de nitrate et 0,35 de nitrite. Cette estimation indique que l’apport alimentaire en nitrate peut varier jusqu’à environ 700 %, selon les choix alimentaires. L’excès de consommation de nitrates, très rare, peut causer la méthémoglobinémie, une maladie ou intoxication où la quantité de méthémoglobine (une forme d’hémoglobine qui ne peut fixer l’oxygène) est trop élevée. Les enfants en bas âge (<3 ans) sont beaucoup plus susceptibles que les enfants plus âgés et les adultes à cette maladie parfois appelée syndrome du bébé bleu. Cette intoxication est rare chez les adultes, car le régime alimentaire ne peut contenir du nitrate en quantité suffisamment élevée pour causer cette maladie. Par contre, 200 g d’épinards à forte teneur en nitrates/jour pourraient rendre malade de très jeunes enfants. L’American Academy of Pediatrics recommande de ne pas donner aux enfants de la nourriture (purées) contenant des légumes (par ex. épinard, betterave, haricot vert, carotte) avant l’âge de trois mois.
Une étude prospective publiée en 2018 a mis en évidence une association entre la concentration de nitrate dans l’urine et la prévalence de maladies cardiovasculaires et le risque de mortalité. Une concentration urinaire de nitrate 10 fois plus élevée était associée à une baisse de 33 % du risque d’être hypertendu et à une baisse de 39 % du risque de subir un AVC. Cependant, il n’y avait pas d’association entre la concentration urinaire de nitrate et l’infarctus du myocarde. De plus, une concentration urinaire de nitrate 10 fois plus élevée a été associée à un risque réduit de mortalité de toute cause (–37 %) et de mortalité d’origine cardiovasculaire (–56 %). Malgré les craintes que le nitrate puisse être transformé en nitrite et en N-nitrosamines et devenir cancérogène, le nitrate dans l’urine n’a pas été associé avec la prévalence du cancer ou la mortalité due au cancer. Des études à venir devraient évaluer si la supplémentation en nitrate peut prévenir ou réduire la prévalence de maladies cardiovasculaires et la mort prématurée.
Effet des nitrates sur la pression artérielle
Une étude publiée en 2008 (randomisée, avec placebo et permutation des groupes) a évalué les effets d’un régime alimentaire enrichi en nitrate sur la pression artérielle de volontaires en bonne santé, non-fumeurs et physiquement actifs. Le régime enrichi en nitrates a causé une diminution significative de la pression artérielle moyenne (3,2 mm Hg) et de la pression diastolique (3,7 mm Hg), en comparaison avec un régime contenant peu de nitrates. Dans cette étude, la quantité de nitrates prise quotidiennement sous forme de supplément correspondait à celle contenue normalement dans 150-250 g de légumes riches en nitrates tels les épinards, betterave et laitue. Les auteurs soulignent que la diminution de pression artérielle qu’ils ont observée dans leur étude est similaire à celle qui a été observée dans l’étude DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension) dans le groupe en bonne santé qui avait un régime alimentaire riche en fruits et légumes, en comparaison avec le groupe qui avait consommé peu de fruits et légumes. Dans une autre étude, l’ingestion de 500 ml de jus de betterave a causé une diminution encore plus importante de la pression artérielle systolique (~10,4 mm Hg) et diastolique (~8 mm Hg), en comparaison avec le groupe qui a ingéré le placebo (500 ml d’eau, étude avec permutation croisée des groupes). Cet effet était corrélé temporellement avec l’augmentation transitoire de la concentration plasmatique de nitrites. L’interruption du cycle entérosalivaire de conversion des nitrates en nitrites (en demandant aux volontaires de cracher toute leur salive pendant 3 h après avoir ingéré le jus de betterave) a complètement bloqué l’augmentation de la concentration plasmatique de nitrites et la baisse de pression artérielle. Ce dernier résultat confirme que la baisse de pression artérielle causée par l’ingestion du jus de betterave est attribuable à l’activité des nitrites convertis à partir des nitrates provenant du jus de betterave.
Hypertension, diabète de type 2, hypercholestérolémie, obésité.
Si les effets des nitrates sur la baisse tension artérielle chez des sujets en santé ont été rapportés de façon consistante dans plusieurs études, ce n’est pas toujours le cas des études sur des sujets qui sont atteints d’une maladie chronique. Dans une étude britannique auprès de 68 sujets hypertendus, ceux qui ont bu quotidiennement 250 ml de jus de betterave pendant un mois avaient une pression artérielle plus basse de 8 mm Hg, comparé à ceux qui avaient ingéré du jus de betterave déplété en nitrates (placebo). Dans une étude similaire, également auprès de sujets hypertendus, aucune diminution de la pression artérielle n’a été observée, même si l’ingestion de jus de betterave avait fait augmenter considérablement la concentration plasmatique de nitrites. Une autre étude, auprès de diabétiques, ne rapporte pas d’effet des nitrites alimentaires (jus de betterave) sur la pression artérielle, la fonction endothéliale et la sensibilité à l’insuline. Par ailleurs, la supplémentation de l’alimentation avec du jus de betterave a diminué significativement la pression artérielle systolique de participants en surpoids ou obèses âgés de 55 à 70 ans, en comparaison à une supplémentation avec du jus de cassis qui contenait très peu de nitrates. Enfin, une étude auprès de 69 participants atteints d’hypercholestérolémie indique que l’apport de nitrates alimentaires a amélioré leur fonction vasculaire, par comparaison avec le groupe qui a reçu le placebo. On ne connaît pas la cause de la variabilité des résultats obtenus dans les études cliniques. Parmi les facteurs qui ont été suggérés, il y a la durée du traitement, la prise en charge de la pression par des médicaments, les techniques utilisées pour mesurer la pression artérielle, et des différences entre les cohortes (par ex. âge, IMC, atténuation de la réponse au NO dans certaines maladies).
Insuffisance cardiaque
Une étude récente (randomisée, avec placebo et permutation des groupes) indique que la supplémentation en nitrates de provenance alimentaire (jus de betterave) augmente la performance durant l’exercice chez des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite. Voici un résumé de l’étude et de ces principaux résultats. Après l’ingestion de 140 ml d’un jus concentré de betterave, la concentration plasmatique en nitrate et nitrite des sujets a augmenté en moyenne de 15 fois (1469 %) et 2 fois (105 %), respectivement, et la concentration de l’oxyde nitrique (un gaz) dans l’haleine de 60 %. Cet effet n’a pas été observé avec le placebo, un jus de betterave dont on avait préalablement enlevé les nitrates et qui ne pouvait être distingué du jus de betterave original (emballage, couleur, texture, goût et odeur) par les sujets de l’étude. Deux heures après avoir ingéré le jus de betterave, les sujets ont fait des exercices sur un vélo fixe ergométrique en position semi-allongée, à différentes intensités durant quelques minutes. Les échanges gazeux respiratoires ont été mesurés en continu, et le rythme cardiaque, la pression artérielle et la fatigue perçue ont été évalués durant les 30 dernières secondes de chaque étape. L’ingestion de nitrates n’a pas eu d’effet sur la réponse ventilatoire, non plus que sur l’efficacité à faire l’exercice, le rythme cardiaque et la pression artérielle. Cependant, comparés au groupe placebo, les sujets qui avaient ingéré le jus de betterave ont été capables d’atteindre une pointe de consommation d’oxygène (VO2peak) plus élevée de 8 % et ils ont augmenté leur temps d’effort jusqu’à épuisement de 7 % en moyenne. Ces données suggèrent que l’apport en nitrates dans le régime alimentaire pourrait être un complément valable pour le traitement de l’intolérance à l’exercice parmi les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite.
Les nitrates et la performance athlétique
Il y a eu plusieurs études sur l’effet d’une supplémentation en nitrates sur la performance des athlètes amateurs et compétitifs. Dans une étude, 10 jeunes hommes ont ingéré du jus concentré de betterave ou un placebo, et après 2,5 heures (pour coïncider avec la concentration maximale de nitrites circulants), fait de l’exercice physique d’intensité moyenne à élevée. En comparaison avec le placebo, l’ingestion de 70 ml de jus de betterave n’a pas eu d’effet sur les performances athlétiques, mais l’ingestion de 140 ml ou 280 ml de jus a réduit la consommation d’oxygène durant un exercice modéré de 1,7 % et 3,0 % et augmenté le temps moyen d’exercice jusqu’à épuisement (à intensité très élevée) de 8 min 18 s à 9 min 30 s (14 %) et de 8 min 13 s à 9 min 12 s (12 %), respectivement. Une telle augmentation (12-14 %) peut sembler énorme, mais elle se traduira en fait à environ 1 à 2 % de réduction du temps pour compléter une course, par exemple. Dans un sport d’élite, une différence de 1 % est très significative, réduisant le temps pour courir une distance de 1500 mètres d’environ 2 secondes et celui pour une distance de 3000 mètres d’environ 4-5 secondes, par exemple. D’autres études ont montré une réduction de la consommation d’oxygène (pour un même effort) et l’amélioration de la performance pour la marche, la course, l’aviron, le cyclisme, par la supplémentation en nitrates (jus de betterave ou NaNO3–). Une méta-analyse de 17 de ces études montre que les nitrates donnent un léger bénéfice sur la performance pour les épreuves jusqu’à épuisement, et un faible effet favorable, mais non significatif statistiquement, sur la performance lors de courses contre la montre. Une autre méta-analyse publiée en 2016, incluant 26 études randomisées et contrôlées par placebo, indique que la supplémentation en nitrates diminue significativement la consommation d’oxygène pour un effort donné durant un exercice d’intensité moyenne ou intense chez des personnes en santé, mais pas chez les personnes atteintes d’une maladie chronique.
Les jus de betteraves et autres suppléments à haute teneur en nitrates ne sont évidemment pas une panacée. Il vaut mieux avoir une approche globale pour demeurer en santé, c’est-à-dire faire de l’exercice quotidiennement et adopter un régime alimentaire sain (méditerranéen par exemple) et manger chaque jour plusieurs portions de fruits et légumes, incluant des légumes verts riches en nitrates, fibres, minéraux et vitamines.
Dr Daniel Gagnon, Ph. D.Chercheur au centre ÉPIC de l'ICM. Professeur sous octroi adjoint au Département de physiologie moléculaire et intégrative, Faculté de médecine, Université de Montréal.1 mars 2018
Mis à jour le 14 août 2018
Le sauna finlandais, ou bain scandinave est une activité traditionnelle pratiquée en Finlande depuis 2000 ans, qui est de plus en plus populaire ailleurs dans le monde, y compris au Québec. Il y a environ 1,6 million de saunas résidentiels en Finlande (population : 5,5 millions) où presque toutes les familles en possèdent un. Selon la tradition finlandaise, le sauna stimule la circulation et la respiration, réduit les tensions musculaires et rajeunit la peau et le corps grâce à la transpiration. Le sauna est généralement déconseillé pour les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires, mais les études sur le sujet indiquent que les personnes qui ont une maladie cardiovasculaire (hypertension, maladie coronarienne, insuffisance cardiaque) stable et traitée peuvent utiliser le sauna sans risque pour leur santé. De plus, les données récentes indiquent que le sauna est associé à plusieurs bienfaits pour la santé, particulièrement la santé cardiovasculaire (voir aussi ces articles de revue en français et en anglais). Nous reproduisons plus bas les recommandations générales et spécifiques pour l’utilisation du sauna par des personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire formulées par Keast et Adamo, 2000.
Le sauna traditionnel consiste à s’exposer à la chaleur durant de courtes périodes de temps, dans une petite pièce spécialement conçue pour cet usage. Contrairement au bain turc (ou hammam), le sauna utilise de l’air sec et chauffé à une température élevée. Les murs et le plafond des saunas sont faits de bois non peint, généralement de l’épicéa (épinette) ou du pin, et les bancs sont en épicéa ou en peuplier. Traditionnellement, le chauffage était assuré par un poêle à bois contenant des pierres volcaniques, mais la plupart des saunas sont maintenant pourvus d’un poêle électrique ou de panneaux infrarouges. La température recommandée par la Société Finlandaise du Sauna est de 80 à 100 °C (limite réglementaire de 90 °C au Canada) au niveau du visage du baigneur et 30 °C au niveau du plancher. L’humidité relative de l’air est habituellement de 10 à 20 %, mais elle augmente temporairement lorsque le baigneur jette de l’eau sur les pierres chaudes. Un sauna de bonne qualité est pourvu d’un système d’aération efficace, soit un changement d’air de 3 à 8 fois par heure. Le rituel habituel consiste en de courts séjours (5 à 20 minutes) dans le sauna, entrecoupés de périodes de refroidissement et suivis de consommation de liquides pour compenser la perte d’eau par la sudation.
Recommandations générales pour l’utilisation du sauna finlandais par des personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire. (Adapté de Keast et Adamo, 2000) :
Acceptable pour :
- Les personnes à faible risque (angine stable, hypertension contrôlée, insuffisance cardiaque compensée) qui prennent des bains de courte durée, à une température de 60 °C à 80 °C.
- Les personnes déjà habituées au sauna.
Contre-indiqué pour :
- Les personnes qui pourraient être en mises en danger par une réduction du débit cardiaque ou de la pression artérielle.
- Les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque en décompensation aiguë ou de sténose aortique sévère.
- Les personnes souffrant d’angine instable.
- Ceux qui souffrent d’hypertension non contrôlée (160/95 mm Hg, l’un ou l’autre de ces chiffres).
- Les personnes qui ont consommé de l’alcool en quantité importante.
Recommandations spécifiques pour l’utilisation du sauna par des personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire.
- La température du sauna ne doit pas être trop chaude, soit de 60 °C à 80 °C.
- Lorsqu’elles entrent dans le sauna, ces personnes devraient d’abord s’asseoir sur les bancs inférieurs durant 2 à 3 minutes, comme période d’adaptation, avant de s’asseoir sur les bancs supérieurs (où la température est plus élevée).
- Faire de courtes séances dans le sauna (5 à 10 minutes).
- Après l’exposition au sauna, il est recommandé de bien s’hydrater pour éviter les réactions hypotensives.
- Éviter de s’immerger dans l’eau froide, un lac glacé par exemple, ou de se rouler dans la neige pour vous rafraîchir à cause du travail accru que cela impose au cœur.
- Éviter d’entrer dans un bain à remous (où la température de l’eau est généralement élevée) après le sauna.
- Selon le niveau de confort et d’énergie de la personne, les séances de sauna/repos peuvent être répétées 2 à 3 fois. Les séances de sauna peuvent être prolongées de 5 minutes à 15 minutes après une certaine adaptation. Les périodes de repos peuvent durer de 10 à 15 minutes.
Le sauna et le système cardiovasculaire
Les effets physiologiques du sauna sont résumés dans le tableau I. La température de la peau augmente rapidement jusqu’à environ 40 °C. La transpiration abondante débute peu après l’entrée dans le sauna, pour atteindre son maximum après 15 minutes, avec une quantité totale sécrétée d’environ 0,5 kg (1,1 lb) durant une séance. La circulation sanguine dans l’épiderme augmente et représente jusqu’à 50 à 70 % du débit cardiaque, alors que la circulation vers les organes internes et les muscles diminue. Le rythme cardiaque augmente à 100-150 battements par minute, ce qui a pour résultat d’augmenter le débit cardiaque qui passe de 5-6 L/min à 9-10 L/min. Les effets du bain sauna sur la tension artérielle rapportés dans la littérature scientifique sont variables.
Tableau I. Effets physiologiques aigus du sauna. Tiré de Kluger, 2011, d’après Hannuksela et coll. 2001.
Effet physiologique | Changement | Amplitude |
Température cutanée | Augmentée | En quelques minutes, jusqu’à 40 °C |
Température rectale | Augmentée | De 0,2 °C si 72 °C (15 min)
De 0,4 °C si 92 °C (20 min)
De 1 °C si 80 °C (30 min) |
Transpiration | Augmentée | 0,6 à 1 kg/h si 80 à 90 °C
Perte moyenne totale lors d’une session : 0,5 kg |
Flux sanguin cutané | Augmenté | De 5–10 % à 50–70 % du débit cardiaque (d’environ 0,5 à 7 L/min) |
Flux sanguin tissulaire | Diminué | Rein : baisse de 0,4 L/min
Digestif : baisse de 0,6 L/min
Muscle : 0,2 L/min |
Rythme cardiaque | Augmenté | jusqu’à 100 bpm (sauna modéré, individus habitués)
jusqu’à 150 bpm (sauna intense, individus non habitués) |
Débit cardiaque
| Augmenté
| 5–6 L/min à 9–10 L/min |
Volume d’éjection systolique | Inchangé | |
Pression artérielle systolique | Inchangée, augmentée ou diminuée | Augmentation : 9 à 21 mmHg
Diminution : 8 à 31 mmHg |
Pression artérielle diastolique | Inchangée ou diminuée | Diminution : 6 à 39 mmHg |
Sauna : réduction du risque d’accident cardiovasculaire fatal et de mortalité, toutes causes confondues.
Une étude de cohorte d’une durée de 20,7 années a été réalisée en Finlande auprès de 2315 hommes d’âge moyen (42–60 ans), afin de déterminer si la fréquence et la durée du sauna sont associées à un risque accru ou réduit de mortalité cardiovasculaire et de mortalité de toute cause. Après des ajustements pour des facteurs de risque cardiovasculaire et le statut socio-économique, en comparaison avec les hommes qui ne prenaient qu’un bain sauna par semaine, ceux qui en ont pris 2 à 3 par semaine et 4 à 7 fois par semaine avaient un risque relatif 22 % et 63 % moindre de mort cardiaque subite, respectivement. Des associations similaires ont été trouvées avec la mortalité causée par une maladie coronarienne, la mortalité cardiovasculaire et la mortalité de toutes causes. Il y a aussi une association favorable entre la durée des séances de sauna et la réduction du risque de mort cardiovasculaire. En effet, en comparaison avec les hommes dont les séances de bain sauna duraient moins de 11 minutes, ceux qui prenaient des bains de 11 à 19 minutes ou de plus de 19 minutes avaient un risque de mort subite cardiaque réduit de 7 % et 52 % respectivement. Une association similaire a été trouvée pour la mortalité causée par une maladie coronarienne, mais pas pour la mortalité, toutes causes confondues. Les principales critiques (voir ici et ici) qui ont été faites sur cette étude sont que :
- L’utilisation fréquente du sauna est un indicateur d’un mode de vie sain et possiblement d’un niveau socio-économique plus élevé. Il est donc possible que ce soit ces facteurs confondants qui soient la cause sous-jacente de la baisse de risque de mortalité, et non pas la fréquence du bain sauna. Les auteurs répondent que la nature de leur étude (d’observation) ne permet pas d’établir un lien de causalité étant donné que tous les facteurs confondants ne peuvent pas être complètement éliminés. Ils soulignent cependant que les associations favorables entre les séances de sauna et le risque de mortalité d’origine cardiovasculaire qu’ils ont observé augmentent avec la fréquence et la durée des séances de sauna, des caractéristiques d’une réelle association ;
- Le bain sauna peut être potentiellement nocif pour certaines personnes (en surpoids, souffrants d’une sténose aortique sévère ou d’angine instable, infarctus récent) et devrait être utilisé avec précaution. Les auteurs sont en accord et suggèrent que les personnes qui sont incapables de pratiquer un exercice physique de faible intensité devraient considérer le bain sauna avec prudence. Néanmoins, mis à part des circonstances particulières, le bain sauna (pas trop chaud) est bien toléré par la plupart des gens et est une activité relaxante qui apporte des bienfaits pour la santé.
Les décès survenant dans un sauna sont des évènements très rares. Les décès liés à l’utilisation du sauna survenus en Suède entre 1992 et 2003 ont été examinés en détail. Parmi les 77 cas recensés, 82 % étaient des hommes (la plupart d’âge moyen) et 84 % ont été trouvés morts dans le sauna. Pour 65 cas, la cause exacte ou probable de la mort a pu être déterminée : 34 (44 %) décès étaient liés à la consommation excessive d’alcool et 18 (23 %) à des causes cardiovasculaires. Les autres causes étaient la noyade (bain d’eau froide), l’intoxication au monoxyde de carbone, le manque d’oxygène (ventilateur obstrué), l’intoxication aux amphétamines et les brûlures. Tous les morts retrouvés dans le sauna étaient seuls, sauf deux personnes qui ont été retrouvées mortes ensemble. Les auteurs insistent sur le fait que les utilisateurs devraient éviter de prendre un bain sauna en solitaire, puisque c’est un facteur de risque facilement évitable. Boire de l’alcool avant de prendre un bain sauna n’est pas recommandé puisque cela fait augmenter le risque d’hypotension et d’évanouissement dans le sauna, ainsi que le risque d’arythmies et de mort par hyperthermie, particulièrement chez les personnes qui souffrent de maladie coronarienne.
Effets bénéfiques cardiovasculaires du sauna
Des études prospectives ont trouvé des associations favorables entre la pratique régulière du sauna et le risque de mort d’origine cardiovasculaire (voir plus haut) et de maladie d’Alzheimer et de démence. Plusieurs études cliniques indiquent que le bain sauna est bénéfique pour les personnes atteintes de maladie coronarienne, d’insuffisance cardiaque, de maladie pulmonaire obstructive chronique et de maladies rhumatismales (voir tableau III). Des chercheurs finlandais ont récemment fait une étude (voir les résultats ici et ici) auprès de 102 participants asymptomatiques, mais qui avaient au moins un facteur de risque cardiovasculaire. Les participants exposés au sauna pendant 30 minutes ont vu, en moyenne, leur pression systolique réduite de 137 à 130 mmHg et leur pression diastolique réduite de 82 à 75 mmHg, tout de suite après le sauna. La pression systolique est demeurée significativement plus basse 30 minutes après le sauna, comparée à celle mesurée avant le sauna. La vitesse d’onde de pouls, qui est un indicateur de l’élasticité des vaisseaux, a été réduite après le sauna, de 9,8 m/s à 8,6 m/s. Cette étude montre donc que le sauna à des effets bénéfiques sur la fonction cardiovasculaire, une baisse de la pression artérielle et de la rigidité des artères, mais ne prouve toutefois pas que le sauna prévienne le développement de maladies cardiovasculaires.
Réduction du risque d’accident vasculaire cérébral
Prendre fréquemment un bain sauna est associé à une réduction du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) selon une étude récente auprès de 1 628 Finlandais âgés de 53 à 74 ans qui ont été suivis pendant 15 ans. Comparé aux personnes qui ne prenaient qu’un bain sauna par semaine, le risque d’AVC était réduit de 14 % pour celles qui ont pris 2-3 bains par semaine, et de 61 % pour celles qui ont pris 4 à 7 bains par semaine. Ces associations favorables persistent même après avoir tenu compte des facteurs de risque de l’AVC, soient l’âge, le sexe, le diabète, l’indice de masse corporel, la dyslipidémie, la consommation d’alcool, l’inactivité physique et la situation socioéconomique.
Réduction du risque de pneumonie
Le bain sauna est associé à une réduction du risque de pneumonie selon une étude finlandaise auprès de 2210 hommes âgés de 42 à 61 ans qui ont été suivis sur une période de 25 ans. Comparé aux personnes qui ne prenaient qu’un bain sauna par semaine, le risque de pneumonie était réduit de 28 % pour celles qui ont pris 2-3 bains par semaine, et de 37 % pour celles qui ont pris 4 bains ou plus par semaine. Ces associations favorables tiennent compte de plusieurs facteurs de risque, incluant l’indice de masse corporelle, tabagisme, diabète, maladie coronarienne, asthme, bronchite chronique, tuberculose, scolarité, cholestérol total, la consommation d’alcool, l’inactivité physique et la situation socioéconomique.
Tableau II. Effets bénéfiques du sauna.
Effet | Maladie | Référence |
Réduction de la pression artérielle moyenne
et systolique, réduction de la résistance vasculaire | Hypertension | Gayda et coll., 2012 |
Diminution du risque de développer
la maladie (étude prospective) | Hypertension | Zaccardi et coll. 2017 |
Augmentation du volume d’éjection
systolique, baisse de la pression
diastolique et baisse des pressions de
remplissage cardiaques | Insuffisance cardiaque | Tei et coll., 1995 |
Réduction de la pression systolique,
amélioration de la fonction endothéliale | Insuffisance cardiaque | Kihara et coll., 2002 |
Réduction de la pression systolique et diastolique,
amélioration de la fonction endothéliale | Maladie coronarienne | Imamura et coll., 2001 |
Ischémie réversible lors du sauna
chez les coronariens stables | Maladie coronarienne | Gianetti et coll., 1999 |
Réduction de la rigidité artérielle | Sujets asymptomatiques | Laukkanen et coll., 2017a ; Lee et coll., 2017
|
Amélioration de la fonction pulmonaire | Maladie pulmonaire obstructive chronique | Laitinen et coll., 1988 ;
Cox et coll., 1989
|
Réduction de la douleur | Maladies rhumatismales | Isomäki et coll., 1988 ;
Nurmikko et coll., 1992
|
Réduction du risque de mortalité
d’origine cardiovasculaire (étude prospective) | | Laukkanen et coll., 2015 |
Diminution du risque de développer
la maladie (étude prospective) | Démence, Alzheimer | Laukkanen et coll., 2017b |
Réduction du risque d'accident cérébral vasculaire (étude prospective) | | Kunutsor et coll., 2018. |
Réduction du risque de pneumonie | Maladie respiratoire | Kunutsor et coll., 2017. |
Saunas à infrarouge lointain
Les saunas à infrarouge (SIRL) sont en vente libre au Canada et une revue critique de la littérature sur ses bienfaits pour la santé a été publiée en 2009. Ce type de sauna, dont une version japonaise est nommée Waon therapy, utilise une température plus basse (60 °C) que le sauna finlandais (80-100 °C). Les séances dans une cabine munie d’éléments à rayons infrarouges durent 15 minutes et sont suivies d’une période de 30 minutes ou le baigneur est emmailloté dans une couverture pour maintenir une température corporelle élevée. Enfin, les utilisateurs sont réhydratés pour compenser la perte d’eau par sudation. Dans des modèles animaux, ce type de sauna à basse température améliore la fonction endothéliale vasculaire et fait augmenter l’activité de l’oxyde nitrique synthase endothéliale (eNOS), une enzyme qui catalyse la production de monoxyde d’azote dans les cellules endothéliales, avec un effet vasodilatateur et une baisse de la pression artérielle. Le sauna à infrarouge procure des bienfaits pour les personnes susceptibles de développer une maladie coronarienne ou qui sont atteintes d’insuffisance cardiaque ou de maladies artérielles périphériques, et il améliore la qualité de vie des patients souffrants d’insuffisance cardiaque, en augmentant l’appétit et le bien-être en général. Cette thérapie pourrait être aussi bénéfique pour les personnes légèrement dépressives, en améliorant l’appétit et l’humeur.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.28 novembre 2017
Mis à jour le 2 avril 2020
Depuis quelques décennies, la consommation mondiale de viande rouge est en forte hausse, particulièrement dans les pays en voie de développement. Or de plus en plus d’études scientifiques indiquent que la consommation en grande quantité de viande rouge, particulièrement de viande transformée, est associée à un risque accru de plusieurs maladies chroniques, incluant les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et certains types de cancers, ainsi qu’à un risque accru de mortalité (voir cet article de revue récent). De plus, la consommation de viandes rouges est nuisible à l’environnement planétaire, un sujet que nous avons traité précédemment (voir « Manger moins de viande pour préserver la planète »).
La viande rouge non transformée et transformée.
La « viande rouge » est un aliment constitué des tissus musculaires de mammifères tel le bœuf, veau, porc, cheval, agneau et mouton, généralement consommé après cuisson. La couleur rouge de ce type de viande est attribuable principalement à la présence en concentration élevée de myoglobine, qui en se liant à l’oxygène se transforme en oxymyoglobine de couleur rougeâtre. La myoglobine est une protéine apparentée à l’hémoglobine (toutes deux contiennent un groupement prosthétique « hème » lié à du fer), mais la myoglobine a pour fonction d’emmagasiner l’oxygène dans les muscles plutôt que de le transporter comme c’est le cas pour l’hémoglobine dans les globules rouges. Les viandes transformées sont soumises à différents traitements pour augmenter leur durée de conservation (maturation, salaison, fumage, addition de produits de conservation). Des produits sont aussi ajoutés pour améliorer le goût, la couleur, la tendreté, la jutosité et l’homogénéité. Des exemples de viandes transformées sont le jambon, les saucisses, le bacon, le salami et autres charcuteries. La plupart des viandes transformées contiennent du porc ou du bœuf, mais peuvent aussi contenir d’autres types de viandes rouges, de la volaille, des abats ou du sang (boudin noir).
Les consommateurs de viande rouge mangent en moyenne quotidiennement de 50 à 100 g par personne et les grands consommateurs plus de 200 g par personne. La viande rouge est une importante source de protéines, d’acides aminés essentiels, de vitamines (incluant la vitamine B12), de minéraux (dont le fer héminique et le zinc) et d’autres micronutriments. Cependant, la viande rouge peut contenir aussi des additifs ajoutés lors du traitement et des contaminants tels que les polychlorobiphényles (PCB), le cadmium et des résidus d’antibiotiques et d’hormones utilisés dans la production animale. La pratique de cuire la viande rouge à haute température (poêle à frire, barbecue) peut mener à la production d’amines aromatiques hétérocycliques (AAH) et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), qui peuvent causer le cancer. Une haute température de cuisson de la viande rouge produit aussi des produits dit « produits terminaux de glycation » qui sont pro-oxydatifs et pro-inflammatoires.
Nitrate, nitrites et nitrosamine
Les viandes transformées contiennent en moyenne environ 40 % plus de nitrates que la viande rouge non transformée. Les nitrates (-NO2) et nitrites (-NO3) utilisés comme agent de conservation dans les procédés de transformation de la viande sont transformés en nitrosamines en se liant à des composés aminés qu’on retrouve dans la nourriture et dans l’estomac. Dans des modèles animaux, ces nitrosamines sont toxiques pour les cellules bêta du pancréas, diminuant la sécrétion d’insuline et augmentant le risque de diabète de type 2. Les nitrosamines contribuent à endommager l’ADN, à générer des dérivés réactifs de l’oxygène qui sont impliqués dans la formation d’adduits sur les protéines, la peroxydation des lipides et l’activation de cytokines pro-inflammatoires.
Oxyde de triméthylamine
En utilisant une approche métabolomique, un groupe de recherche a identifié des petites molécules présentes dans le sang qui sont des prédicteurs de maladie cardiovasculaire (voir aussi notre article intitulé « Athérosclérose : le rôle du microbiome intestinal »). Trois métabolites de la phosphatidylcholine ; la choline, l’oxyde de triméthylamine et la bétaïne (triméthylglycine) ont été identifiés et une étude clinique a confirmé que la présence de ces molécules dans la circulation sanguine est associée à un risque accru d’athérosclérose. L’oxyde de triméthylamine, mieux connu sous l’acronyme anglais de TMAO (pour Trimethylamine N-Oxide), est produit dans l’intestin à partir de la phosphatidylcholine (lécithine) présente dans les viandes rouges, les œufs, le lait, la volaille, fruits de mer et poissons et de la L-carnitine présente en grande quantité dans les viandes rouges. Dans l’intestin, la phosphatidylcholine est d’abord dégradée en choline qui est à son tour transformée par le microbiote intestinal (flore intestinale) en triméthylamine (TMA), un gaz qui est absorbé dans le sang et qui sera ensuite métabolisé, au niveau du foie, en oxyde de triméthylamine sous l’action enzymatique de monooxygénases à flavine. Chez la souris, l’addition de choline ou d’oxyde de triméthylamine dans le régime alimentaire a eu pour résultat de promouvoir l’athérosclérose. Le même groupe de chercheurs a démontré dans une étude subséquente, que la L-carnitine (qui a une structure semblable à la choline) était aussi athérogène via la production intestinale de triméthylamine par le microbiote et la transformation en TMAO au niveau du foie. L’analyse des niveaux sanguins de carnitine de 2595 personnes qui subissaient une évaluation de la fonction cardiaque a montré que les personnes qui avaient des niveaux élevés de cette molécule étaient significativement plus à risque d’évènements cardiovasculaires. Fait intéressant, les végétaliens et végétariens ont une capacité réduite à produire du TMAO après une prise orale de carnitine, comparée à des personnes omnivores. De plus, chez la souris la synthèse de TMAO est inductible et est associé à la nature des bactéries qui composent le microbiote.
Accident vasculaire cérébral (AVC)
L’ensemble des données de la littérature indiquent que la consommation de viandes rouges, transformées ou non transformées, augmente le risque d’AVC. Une méta-analyse de 6 études prospectives, incluant les données recueillies auprès de 329 495 participants entre 2003 et 2012, indique que la consommation d’une portion par jour de viande rouge non transformée (100-120g) ou de viande transformée (50 g) était associée à une augmentation du risque de faire un AVC de 11 % et 13 %, respectivement. Une autre méta-analyse de 5 grandes études prospectives arrive à des conclusions similaires, c.-à-d. que la consommation de viande rouge est associée à un risque plus élevé d’AVC, particulièrement d’AVC ischémique. Le risque augmente avec la quantité de viande rouge consommée : 13 % et 11 % pour chaque portion de viande rouge non transformée (100 g) ou transformée (50 g).
Maladie coronarienne
La majorité des études épidémiologiques publiées à ce jour indiquent que la consommation de viandes rouges, transformées ou non transformées, augmente le risque de maladie coronarienne. Cependant, une méta-analyse de 3 études prospectives et d’une étude cas-témoin, incluant 56 311 participants et 769 incidents cardiaques, n’a pas établi d’association entre la consommation de viande rouge non transformée et le risque de maladie coronarienne. Les résultats d’une autre étude avec des données de la Nurses’s Health Study, incluant un plus grand nombre de participants (84 136) et d’incidents cardiaques (2 210 incidents non fatals et 952 décès causés par la maladie coronarienne) que la méta-analyse citée ci-dessus, montre une augmentation significative du risque de maladie coronarienne de 19 % par portion de viande rouge non transformée. Une méta-analyse de 6 études sur la relation dose-effet indique que chaque portion (50 g) de viande transformée consommée quotidiennement augmente le risque de maladie coronarienne de 42 %. Dans cette étude, la consommation de viande rouge non transformée n’augmentait pas significativement le risque de maladie coronarienne.
Insuffisance cardiaque
L’association entre la consommation de viande rouge et le risque d’insuffisance cardiaque (IC) a été l’objet de 4 études prospectives seulement, qui n’ont pas encore été résumées dans une méta-analyse. Dans une première étude auprès de 14 153 participants, où 1 140 hospitalisations causées par l’IC ont été nécessaires, aucune association significative entre la consommation de viande rouge et l’IC n’a été observée. Dans une autre étude auprès de 21 120 médecins américains, parmi les 1204 cas d’IC identifiés, la consommation de viande rouge (non transformée et hot-dogs) en grande quantité était associée à un risque accru de 24 % de développer l’IC. La consommation de viande rouge non transformée et transformée n’a été étudiée séparément que dans deux études de cohortes. Dans l’une de ces études, auprès de 37 035 hommes suédois, 2891 incidents d’IC et 266 décès causés par l’IC sont survenus. La consommation de viande rouge non transformée n’était pas associée à un risque plus élevé d’IC ou de mortalité causée par l’IC. Par contre, des associations ont été identifiées pour la consommation de viande rouge transformée : 8 % d’augmentation du risque d’IC pour chaque portion de 50 g/jour et 38 % d’augmentation du risque de mortalité causée par l’IC. Des résultats similaires ont été observés dans une autre étude auprès de 34 057 Suédoises, parmi lesquelles 2 806 ont développé de l’IC durant les 13 années de l’étude. Le risque d’IC augmentait de 11 % pour chaque portion de 50 g/jour de viande rouge transformée et de 19 % dans les analyses basées sur les données à long terme.
Diabète de type 2
Depuis une décennie, un nombre considérable d’études prospectives ont montré que le régime alimentaire riche en viande rouge et viande transformée est associé à un risque accru de diabète de type 2. La plus récente méta-analyse indique que le risque de diabète de type 2 augmente de 15 % pour chaque portion (100 g/jour) de viande rouge non transformée (11 études), de 32 % pour chaque portion (50 g/jour) de viande transformée (21 études). Pour chaque portion de 100 g/jour de volaille, une « viande blanche », l’augmentation du risque (4 %) n’était pas statistiquement significative (10 études). Les composés de la viande rouge ou transformée qui contribuent à l’augmentation du risque de diabète de type 2 n’ont pas encore été identifiés avec certitude, mais plusieurs composés ont été proposés, incluant les acides aminés ramifiés, les acides gras saturés, les produits terminaux de glycation, le fer héminique, nitrite, nitrate, nitrosamine, phosphatidylcholine et L-carnitine. Les mécanismes potentiels par lesquels ces composés sont impliqués dans le développement du diabète de type 2 sont présentés dans cet article de revue. La figure 1 illustre en résumé les risques de développer le diabète de type 2 ou une maladie cardiovasculaire, qui sont associés à la consommation de viande rouge non transformée ou transformée, selon les plus récentes méta-analyses (2010-2015).
Figure 1. Risques associés à la consommation de viande rouge non transformée ou transformée et l’incidence de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires. Les résultats proviennent de méta-analyses sauf pour l’insuffisance cardiaque. Adapté de Wolk, J. Int. Med., 2017.
Cancer
Un résumé des résultats des plus récentes méta-analyses (2009-2015), basées sur des études prospectives sur 11 types de cancers est illustré dans la figure 2. En 2015, un comité consultatif international, composé de 22 scientifiques provenant de 10 pays, s’est rencontré au Centre international de Recherche sur le Cancer à Lyon en France, pour évaluer la cancérogénicité de la consommation de viande rouge et transformée. Le comité a conclu, sur la base des données disponibles pour le cancer colorectal, que la consommation de viande transformée est cancérogène pour l’humain et que la viande rouge non transformée est « probablement cancérogène pour l’humain ».

Figure 2. Risques associés à la consommation de viande rouge non transformée ou transformée et l’incidence de différents types de cancer. Adapté de Wolk, J. Int. Med., 2017.
Mortalité, toutes causes confondues, et mortalité causée par une maladie cardiovasculaire.
Une méta-analyse de 9 études prospectives qui ont évalué le risque de mortalité en relation avec la consommation de viande rouge non transformée ou transformée était basée sur 1 330 352 participants des États-Unis (5 cohortes), de l’Europe (3 cohortes) et de la Chine (1 cohorte). La consommation de viande transformée était associée à un risque accru de mortalité, toutes causes confondues, de 23 % alors que la consommation de viande non transformée en grande quantité n’augmentait pas significativement ce risque. En considérant séparément les cohortes américaines, européennes et de la Chine, une autre méta-analyse a montré qu’il y avait une association positive entre la consommation de viande rouge non transformée et le risque de mortalité pour 4 cohortes américaines (augmentation du risque de 15 % pour chaque portion quotidienne) mais aucune pour les cohortes européennes et de la Chine. Selon une méta-analyse récente, comprenant 6 cohortes et un total de 1 674 272 participants, le risque de mourir des suites d’une maladie cardiovasculaire était significativement plus élevé pour ceux qui ont consommé de la viande rouge et transformée. Pour chaque portion de 100 g/jour de viande rouge non transformée, le risque augmentait de 15 % (24 % pour chaque portion de 50 g/jour viande transformée).
Les données d’une étude prospective auprès de 29 682 Américains indiquent qu’une consommation modérée de viande (2 portions/semaine) est associée à une augmentation significative du risque de MCV : 7 % pour la viande transformée ; 3 % pour la viande non transformée et 4 % pour la volaille. La consommation de poisson ne fait pas augmenter ni diminuer, le risque de MCV. Une portion de viande non transformée ou de volaille était équivalente à environ 4 onces (113 g) alors qu’une portion de poisson était équivalente à environ 3 onces (85 g). Une portion de viande transformée était équivalente à 2 tranches de bacon ou 1 hot dog.
Le résultat pour la volaille était inattendu puisque dans la plupart des études publiées à ce jour la consommation de cette viande n’est pas associée à une augmentation du risque de MCV. Les auteurs suggèrent que cette association pourrait être reliée à la consommation de poulet frit (populaire aux États-Unis). La méthode de préparation des aliments n’a pas été évaluée de manière consistante et universelle dans toutes les cohortes de l’étude, par conséquent il n’a pas été possible d’isoler la consommation de poulet frit de celle de volaille. En ce qui concerne le risque de mortalité (toutes causes confondues), la consommation de viande transformée ou non transformée est associée à une augmentation du risque de 3 % pour chaque quantité consommée équivalente à 2 portions/semaines. Les personnes qui consomment davantage que 2 portions/semaine de ces viandes ont donc des risques plus élevés de mourir prématurément. Ni la consommation de volaille, non plus que celle de poisson, n’augmentent le risque de mortalité.
Santé mentale
La consommation de viandes traitées avec des sels nitrés a été associée à un risque plus élevé d’expérimenter un épisode maniaque selon une étude prospective américaine. Parmi les participants de la cohorte qui avaient un historique de trouble psychiatrique, ceux qui ont rapporté avoir mangé des charcuteries avaient un risque 3,5 fois plus élevé d’avoir un épisode maniaque. Par contre, la consommation de charcuteries n’était pas associée à d’autres symptômes ou diagnostics psychiatriques tels que la schizophrénie, la dépression bipolaire ou la dépression majeure. Parmi les différents types de charcuteries, ce sont les viandes de type « jerky » (viande salaisonnée et séchée) qui étaient davantage associées à un risque accru d’expérimenter un épisode maniaque : 5,15 fois plus pour les bâtonnets de viandes (meat sticks) ; 4,81 fois plus pour le « jerky » au bœuf et 3,54 fois plus pour le « jerky » à la dinde. La consommation d’autres types de charcuteries préparées par déshydratation, tel le prosciutto et le salami n’étaient pas associées à une augmentation d’épisodes maniaques.
En résumé, la littérature scientifique indique que la consommation de viandes rouges, particulièrement de viandes transformées augmente le risque de plusieurs maladies chroniques, incluant les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et le cancer. Cesser ou diminuer notre consommation de viande rouge pourrait permettre de vivre en meilleure santé et plus longtemps, en plus de diminuer la dégradation de notre environnement causée par l’élevage intensif.