Dr Louis Bherer, Ph. D., NeuropsychologueProfesseur titulaire, Département de Médecine, Université de Montréal, Directeur adjoint scientifique à la direction de la prévention, chercheur et Directeur du Centre ÉPIC, Institut de cardiologie de Montréal.12 décembre 2022
Une multitude d’études ont montré que l’interaction des humains avec la nature génère plusieurs effets positifs sur la santé, autant du point de vue physique que psychologique. Une revue de ces études, récemment réalisée par notre équipe, a révélé que ces effets bénéfiques sont particulièrement convaincants en ce qui concerne la diminution du stress et de l’anxiété qui découle d’une interaction avec un milieu naturel.
Diminution de l’activité de l’amygdale
Pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans cette réduction du stress médiée par la nature, une équipe de chercheurs allemands s’est intéressée à la participation potentielle de l’amygdale, une région du cerveau qui joue un rôle prédominant dans la réponse au stress.
Dans cette étude, les chercheurs ont recruté 63 participants qu’ils ont répartis au hasard en deux groupes : 1) un groupe « ville », dans lequel les volontaires (31 participants) devaient marcher pendant une heure en milieu urbain (une rue commerciale de Berlin) et 2) un groupe « nature », dans lequel les volontaires (32 participants) devaient aussi marcher pendant une heure, mais cette fois dans la nature (la forêt de Grunewald, située au sud-ouest de Berlin).
En mesurant l’activité de l’amygdale de l’ensemble des participants à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), avant et après le trajet qui leur avait été assigné, les chercheurs ont observé des différences majeures entre les deux groupes : alors que la marche en milieu urbain n’a eu aucun effet mesurable, la marche en forêt a quant à elle provoqué une baisse importante (environ 50 %) de l’activité de l’amygdale des participants. De plus, cet effet était observé de façon équivalente quand les participants étaient exposés à des visages neutres ou à des visages exprimant la peur, supposés induire une réponse de stress supérieure. Il semble donc que le simple fait d’interagir avec la nature pendant une courte période de temps est suffisant pour influencer positivement le centre cérébral impliqué dans le stress.
Même s’il est à ce stade prématuré de conclure que cette diminution de l’activité de l’amygdale est responsable à elle seule des propriétés apaisantes de la nature, ces résultats demeurent néanmoins fort intéressants, car ils montrent pour la première fois que l’interaction avec la nature a des effets positifs mesurables sur l’activité de certaines zones du cerveau, notamment dans une zone impliquée dans la réponse au stress.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.7 avril 2021
EN BREF
- La concentration de cortisol dans la pousse récente des cheveux a été mesurée chez des personnes d’âge mûr peu après avoir subi un infarctus du myocarde, et chez des personnes du même groupe d’âge qui étaient en bonne santé apparente.
- La concentration médiane de cortisol dans les cheveux des personnes ayant subi un infarctus du myocarde était 2,4 fois plus élevée que celle mesurée dans le groupe témoin.
- Le risque d’infarctus du myocarde était approximativement 5 fois plus élevé chez les personnes ayant un taux de cortisol élevé par comparaison à celles qui avaient un taux de cortisol normal.
- Ces résultats indiquent que le stress chronique semble être un important facteur de risque d’infarctus du myocarde.
Il est bien établi que le stress physique et/ou émotionnel aigu (accident, colère, frayeur) est un facteur de risque pour provoquer une crise cardiaque (voir notre article sur le sujet). Par contre, on ne sait pas avec certitude si un niveau élevé de stress chronique contribue aussi au risque d’infarctus du myocarde. Une des raisons pour laquelle on sait peu de choses sur ce facteur de risque potentiel est que jusqu’à tout récemment, il n’était possible de mesurer que le stress aigu, et non pas le stress chronique. La réponse au stress implique l’activation de l’axe corticotrope (ou axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien) et du système nerveux autonome, incluant la sécrétion de cortisol, une des principales hormones du stress. Le stress chronique peut maintenant être évalué objectivement et commodément chez des personnes en mesurant les niveaux de cortisol dans les cheveux. En effet, à mesure que le cheveu pousse, une quantité de cortisol proportionnelle à la concentration sanguine est incorporée dans le cheveu. Un cheveu de 1,0 cm coupé à la base du cuir chevelu aura pris de 4 à 6 semaines à pousser, et son contenu en cortisol reflétera le niveau de stress chronique que la personne aura subi durant cette période. Les 5 à 10 derniers jours de pousse des cheveux se trouvent à l’intérieur et sous le cuir chevelu.
Dans une étude rétrospective réalisée en Suède auprès de femmes et d’hommes âgés de moins de 65 ans, on a comparé les niveaux de cortisol dans les cheveux de 174 personnes ayant subi un infarctus du myocarde à ceux de 3156 personnes en bonne santé apparente. La concentration médiane de cortisol dans les cheveux des personnes ayant subi un infarctus du myocarde était 2,4 fois plus élevée (53,2 pg/mg), que celle mesurée dans le groupe témoin (22,2 pg/mg).
L’analyse des données montre une relation dose-effet très nette, c.-à-d. que plus les niveaux de cortisol détectés dans les cheveux des participants étaient élevés, plus le risque d’infarctus augmentait. Cette relation dose-effet n’est pas linéaire comme on peut le constater dans la figure 1 : les niveaux de cortisol des 3 premiers quintiles ne sont pas associés à un risque significativement plus élevé d’infarctus du myocarde, mais ce risque augmente très significativement pour les niveaux de cortisol des quintiles 4 et 5.

Figure 1. Risque relatif d’infarctus du myocarde en fonction de la concentration de cortisol dans les cheveux des participants. *Très significatif (p<0,001). D’après Faresjö et coll., 2020.
Cette étude rétrospective montre une association entre un niveau élevé de cortisol et l’infarctus du myocarde, mais ce genre d’étude ne permet pas d’établir de lien causal. Des résultats provenant d’autres études suggèrent aussi que le cortisol pourrait causer l’infarctus du myocarde. Par exemple, les niveaux élevés de cortisol observés chez les personnes atteintes du syndrome de Cushing ou chez des patients recevant des traitements aux glucocorticoïdes sont liés à une prévalence accrue des facteurs de risque cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde. Il est donc plausible qu’une augmentation des niveaux de cortisol cause des désordres métaboliques qui mènent à l’athérosclérose et, à long terme, au blocage des artères coronariennes et à l’infarctus du myocarde. L’augmentation de la concentration sanguine de cortisol a aussi des effets directs sur le système cardiovasculaire, incluant une augmentation de la contractilité des vaisseaux sanguins, l’inhibition de l’angiogenèse et une activation plaquettaire accrue qui peut conduire à la thrombose.
L’exposition au stress chronique est typique de nos sociétés modernes et peut être la cause de plusieurs maladies. Il faut apprendre à gérer ce stress chronique, par exemple en pratiquant la cohérence cardiaque ou la méditation. J’encourage le lecteur à se documenter sur ce sujet : il existe de nombreux ouvrages très accessibles : Christophe André : Méditer jour après jour, Matthieu Ricard : L’art de la méditation, Jon Kabat-Zinn : Au cœur de la tourmente, la pleine conscience) et, en anglais, Rick Hanson : Hardwiring Happiness.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.3 novembre 2020
EN BREF
Avoir des plantes d’intérieur et les entretenir peut :
- Réduire le stress psychologique et physiologique.
- Améliorer la convalescence après une opération chirurgicale.
- Augmenter l’attention et la concentration.
- Augmenter la créativité et la productivité.
Dans nos sociétés modernes où tout semble aller de plus en plus vite, plusieurs ressentent les effets néfastes du stress et de l’anxiété ; or cela semble s’être accentué depuis le début de la pandémie de COVID-19. Pendant le printemps et l’été 2020, de nombreux Québécois ont profité de la belle saison pour se ressourcer dans la nature, soit en visitant un parc, en faisant du camping, de la marche en forêt ou en louant un chalet à la campagne. À l’approche de l’hiver, les contacts avec la verdure se raréfient et les voyages dans des contrées aux climats plus chauds sont risqués et fortement déconseillés par la Santé publique. À part les randonnées dans nos belles forêts de conifères, un des seuls contacts possibles avec la verdure durant ce long hiver sera nos plantes vertes dont nous prenons soin dans nos logements. Les plantes d’intérieur décorent et amènent une touche naturelle dans nos foyers, mais ont-elles des effets bénéfiques avérés sur notre santé physique et mentale ?
Réduction du stress
Une revue systématique réalisée en 2019 a répertorié quelques 50 études sur les bienfaits psychologiques des plantes d’intérieur, la plupart de ces études étant de qualité moyenne. Les effets positifs les plus notables des plantes d’intérieur sur les participants sont une augmentation des émotions positives et une diminution des émotions négatives, suivi d’une réduction de l’inconfort physique.
Dans une étude randomisée contrôlée à plan croisé auprès de jeunes adultes, les participants ont vu leur humeur s’améliorer davantage après avoir transplanté une plante d’intérieur qu’après avoir exécuté une tâche à l’ordinateur. De plus, la pression artérielle diastolique et l’activité du système nerveux sympathique (réponse physiologique au stress) des participants étaient significativement moins élevées après avoir transplanté une plante qu’après avoir exécuté une tâche à l’ordinateur. Ces résultats indiquent que l’interaction avec des plantes d’intérieur peut réduire le stress psychologique et physiologique par comparaison à un travail mental.
Les plantes au bureau
Une équipe japonaise a réalisé en 2020 une étude sur les effets des plantes en milieu de travail sur le niveau de stress psychologique et physiologique des travailleurs. Dans la première phase de l’étude (1 semaine), les travailleurs travaillaient à leur bureau en absence de plante, alors que durant la phase d’intervention (4 semaines) les participants pouvaient voir et entretenir une plante d’intérieur qu’ils ont pu choisir parmi 6 différents types (bonsaï, tillandsia, echeveria, cactus, plante à feuillage, kokedama). Les participants ont reçu l’instruction de prendre une pause de trois minutes lorsqu’ils ressentaient de la fatigue et de prendre leur pouls avant et après la pause. Durant ces pauses de 3 minutes, les travailleurs devaient regarder leur bureau (avec ou sans plante d’intérieur). Les chercheurs ont mesuré le stress psychologique avec le questionnaire sur l’anxiété chronique et réactionnelle (STAI ; State-Trait Anxiety Inventory). L’implication des participants était donc à la fois passive (regarder la plante) et active (arroser et entretenir la plante).
Le stress psychologique évalué par le STAI était significativement, quoique modérément, moins élevé durant l’intervention en présence d’une plante d’intérieur que durant la période sans plante. La fréquence cardiaque de la majorité des patients (89 %) n’était pas significativement différente avant et après l’intervention, alors qu’elle a diminué chez 4,8 % des participants et augmenté chez 6,3 % des patients. On doit conclure que l’intervention n’a pas eu d’effet sur le rythme cardiaque qui est un indicateur du stress physiologique, même si elle a réduit légèrement le stress psychologique.
Une étude réalisée auprès de 444 employés de l’Inde et des États-Unis indique que les environnements de bureau incluant des éléments naturels telles les plantes d’intérieur et l’exposition à la lumière naturelle influencent positivement la satisfaction et l’implication au travail. Ces éléments naturels semblent agir comme des « tampons » contre les effets du stress et de l’anxiété générés par le travail.
Convalescence après une opération chirurgicale
Il semble que les plantes favorisent la convalescence de patients après une opération chirurgicale selon une étude réalisée dans un hôpital en Corée. Quatre-vingts femmes en convalescence après une thyroïdectomie ont été assignées au hasard à une salle sans plantes ou à une salle avec des plantes d’intérieur (à feuillage et à fleurs). Les données recueillies pour chaque patiente incluaient la durée de l’hospitalisation, l’utilisation d’analgésiques pour contrôler la douleur, les signes vitaux, l’intensité de la douleur perçue, l’anxiété et la fatigue, l’index STAI (stress psychologique) et d’autres questionnaires. Les patientes qui ont été hospitalisées dans des chambres avec des plantes d’intérieur et des fleurs ont eu une durée d’hospitalisation plus courte, pris moins d’analgésiques, ressenti moins de douleur, d’anxiété et de fatigue, et elles ont eu davantage d’émotions positives et une plus grande satisfaction à propos de leur chambre que les patientes qui ont récupéré de leur opération dans une chambre sans plantes. Les mêmes chercheurs ont réalisé une étude similaire auprès de patients qui récupéraient après une appendicectomie. Ici encore les patients qui avaient des plantes et des fleurs dans leur chambre ont mieux récupéré de leur opération chirurgicale que ceux qui n’avaient pas de plantes dans leur chambre.
Amélioration de l’attention et de la concentration
23 élèves à l’école élémentaire (âgés de 11 à 13 ans) ont participé à une étude où ils ont été mis dans une pièce où se trouvait soit une plante artificielle, une vraie plante, une photographie d’une plante ou pas de plante du tout. Les participants portaient un appareil d’électroencéphalographie sans fil durant les 3 minutes d’exposition aux différents stimuli. Les enfants qui ont été mis en présence d’une vraie plante étaient plus attentifs, plus à même de se concentrer que ceux des autres groupes. De plus, la présence d’une vraie plante était associée à une meilleure humeur en général.
Productivité
Une étude transversale auprès de 385 travailleurs de bureau en Norvège a trouvé une association significative, quoique très modeste, entre le nombre de plantes présentes dans leur bureau et le nombre de jours de congé de maladie et la productivité. En effet, les travailleurs qui avaient davantage de plantes dans leur bureau ont pris un peu moins de journées de congé de maladie et ont été un peu plus productifs au travail. Dans une autre étude, des étudiants américains devaient accomplir des tâches à l’ordinateur, en présence ou en absence de plantes d’intérieur dans des pièces sans fenêtre. En présence de plantes, les participants ont été plus productifs (12 % plus rapide dans l’exécution des tâches) et moins stressé puisque leur pression artérielle était moins élevée qu’en absence de plantes d’intérieur.
Et la qualité de l’air ?
Les plantes purifient-elles l’air de nos logements ? C’est une question intéressante puisque nous passons beaucoup de temps dans des habitations de plus en plus étanches, et que les matériaux et notre activité (ex. : cuisine) dégagent des polluants tels les composés organiques volatils (COV), des composés oxydants (ex. : ozone) et des particules fines. Une étude de la NASA a montré que les plantes et les microorganismes associés contenus dans le sol pouvaient réduire le niveau de polluants dans une petite chambre expérimentale étanche. Ces résultats favorables obtenus en laboratoire sont-ils observables dans nos habitations, écoles et bureaux ? Certaines études (celle-ci par exemple) concluent que les plantes font diminuer les concentrations de CO2, de COV et de particules fines (PM10). Ces résultats ont cependant été remis en question par des chercheurs (voir cette étude), qui mettent en doute la méthodologie utilisée dans les études sur le sujet et qui sont d’avis que les plantes sont inefficaces pour améliorer la qualité de l’air de nos bâtiments. Selon ces chercheurs, il vaudrait mieux focaliser les efforts de la recherche sur d’autres technologies d’assainissement de l’air, ainsi que sur les effets bénéfiques des plantes sur la santé humaine.
Conclusion :
Les plantes d’intérieur peuvent procurer des bienfaits pour la santé en diminuant le stress psychologique et physiologique. Posséder et entretenir des plantes peut améliorer l’humeur et augmenter l’attention et la concentration. De nouvelles études, plus puissantes et mieux contrôlées seront nécessaires pour mieux cerner et comprendre les effets des plantes sur la santé humaine.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.6 mai 2019
Mis à jour le 4 septembre 2019
Au Canada, tout comme dans la plupart des pays industrialisés, la proportion du temps consacré au travail a considérablement diminué depuis le début du 20esiècle. À cette époque, la plupart des personnes travaillaient aux environs de 3000 heures par année (ce qui correspond à 60-70 heures par semaine), beaucoup plus que les quelque 1800 heures effectuées en moyenne par les travailleurs d’aujourd’hui (Figure 1). Cette diminution de la charge de travail a été particulièrement prononcée en Europe, avec une baisse de 50 % des heures travaillées entre 1870 et 2000 (et même de 60 % dans certains pays comme l’Allemagne ou la Hollande). Parmi les facteurs responsables de cette tendance, il faut mentionner l’importance des mouvements ouvriers, dont les revendications ont permis de limiter les excès et les abus qui étaient fréquents au début de la révolution industrielle (10 à 16 heures de travail par jour, 6 jours par semaine) et de réduire la semaine de travail à un maximum de 40 h.
Figure 1. Diminution du nombre d’heures travaillées annuellement entre 1870 et 2000 au Canada (rouge) et en Europe (noir). Adapté de Huberman et Minns (2007).
Cette diminution de la charge de travail ne touche cependant pas tous les travailleurs : dans certains pays, il existe une proportion significative de personnes qui travaillent encore énormément (plus de 50 h par semaine), une situation qui touche plus d’un travailleur sur cinq en Turquie, au Mexique, au Japon et en Corée (Figure 2). Dans les pays occidentaux (Royaume-Uni et États-Unis) de même qu’en Australie, les longues heures au travail sont également assez fréquentes (environ 15 % des travailleurs), tandis que ce phénomène est beaucoup plus marginal au Canada ainsi que dans les pays européens.

Figure 2. Comparaison de la proportion d’employés ayant travaillé plus de 50 h par semaine en 2016 dans différents pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). Tiré de OECD.Stat.
Il faut aussi noter que depuis les années 1990, la désindustrialisation et la révolution technologique qui ont touché les pays économiquement développés ont favorisé l’émergence d’une nouvelle économie, principalement basée sur les services. Il y a plusieurs conséquences à cette transformation, l’une d’entre elles étant qu’il est devenu courant de travailler plus de 8 heures par jour pour respecter les exigences imposées par le travail. Ce type de situation est particulièrement fréquente chez les travailleurs hautement qualifiés (high-skilled workers) (finance, santé, technologies, etc.), avec plus d’une personne sur cinq qui doit travailler en routine plus de 50 h par semaine (Figure 3). Les travailleurs moins qualifiés qui gagnent de plus petits salaires ne sont cependant pas épargnés pour autant, puisque plusieurs d’entre eux doivent cumuler les emplois à temps partiel pour parvenir à joindre les deux bouts. En d’autres mots, même si la majorité des gens travaillent actuellement moins qu’auparavant, il y a tout de même deux sous-populations de gros travailleurs : les travailleurs très qualifiés, qui doivent travailler de longues heures en échange d’un salaire élevé et/ou pour conserver leur emploi, et les travailleurs peu qualifiés à faible salaire, qui doivent travailler plus longtemps en raison de leur situation financière plus précaire.
Figure 3. Augmentation de la proportion de personnes travaillant beaucoup (50 h par semaine et plus) chez les travailleurs hautement qualifiés d’Europe de l’ouest et d’Amérique du Nord. Tiré de Burger (2015).
Effets sur la santé cardiovasculaire
Une conséquence immédiate des longues heures passées au travail est d’augmenter le niveau de stress, un important facteur de risque de maladies cardiovasculaires. Un des premiers indices en ce sens provient de l’étude INTERHEART, où le stress au travail était associé à un risque deux fois plus élevé de maladie coronarienne, une augmentation du même ordre que celle observée pour des agents stresseurs bien documentés comme le divorce ou la mort d’un proche.
Cet effet néfaste du surmenage sur la santé est particulièrement bien documenté au Japon. La loyauté, le sens du devoir et du sacrifice et le respect de la hiérarchie occupent une place très importante dans la culture nippone; en conséquence, le nombre d’heures passées au travail est considéré comme une preuve de loyauté envers l’entreprise et il est donc très courant de travailler énormément (jusqu’à 60 heures et plus par semaine) pour plaire à ses supérieurs et conserver le respect de ses collègues. Ce « dévouement » extrême à l’entreprise a particulièrement pris de l’ampleur au cours des années 1990 en raison de ce qu’on a appellé la « décennie perdue », caractérisée par une stagnation économique, une baisse des salaires et une plus grande précarité d’emploi.
On a observé au cours de cette période une augmentation importante de la mortalité causée par l’excès de travail, un phénomène connu au Japon sous le nom de karōshi (de karo « surmenage » et shi « mort »). Dans la plupart des cas, ces mortalités prématurées sont une conséquence de l’influence néfaste des longues heures travaillées sur le système cardiovasculaire : par exemple, une analyse des causes responsables de la mortalité de 203 victimes du karōshi a révélé que 60 % d’entre elles étaient décédées d’un AVC (hémorragies méningée ou intracérébrale et infarctus cérébral), 25 % d’insuffisance cardiaque aiguë, 13 % d’un infarctus et 2 % d’une rupture de l’aorte. En plus de ces morts subites cardiaques, il faut aussi mentionner que le surmenage au travail est également une cause importante de suicide (karojisatsu), qui peuvent représenter jusqu’à 12 % des morts volontaires au Japon. Des effets similaires liés à l’excès de travail ont été observés dans d’autres pays asiatiques, notamment en Corée du Sud (gwarosa) ainsi qu’en Chine (guolaosi); dans ce dernier cas, il est devenu courant pour les entreprises chinoises d’instaurer ce qu’on appelle familièrement le « 996 », c’est-à-dire un horaire de travail de 9 h le matin à 9 h le soir, 6 jours par semaine.
Dans les pays occidentaux, une méta-analyse d’études réalisées auprès de 600,000 travailleurs vivant en Europe, en Australie et aux États-Unis a montré une forte association entre les longues heures travaillées et le risque de maladies cardiovasculaires. Cette analyse a révélé que les personnes qui travaillent beaucoup (plus de 55 h par semaine) voient leur risque d’infarctus augmenter d’environ 13 % comparativement à celles qui travaillent 35-40 h par semaine, tandis que le risque d’AVC était quant à lui haussé de 33 %. Ce risque accru d’AVC est déjà observé chez les personnes qui travaillent 41-48 h (10 %), augmente à 27 % chez celles qui travaillent 49-54 h, pour enfin atteindre 33 % chez les très gros travailleurs (55 h et plus). Une étude française a observé un phénomène similaire, c’est-à-dire que les personnes qui travaillent énormément (plus de 10 heures par jours pendant au moins 50 jours durant l’année) voient leur risque d’AVC augmenté de 45 %.
Plusieurs facteurs psychosociaux, comportementaux et biologiques ont été proposés pour expliquer comment le stress peut contribuer à la hausse du risque d’événements cardiovasculaires observée chez les gros travailleurs (Tableau 1). Cependant, il faut noter qu’un lien entre le travail excessif et ces différents facteurs n’a pas été observé dans toutes les études et leur contribution exacte demeure à être clairement établie.
Facteurs | | | Description |
Comportements à risque (tabagisme, excès d’alcool) | | | Les personnes qui travaillent plus de 50 h par semaine sont plus à risque de fumer (Artazcoz et coll. 2009) et de boire des quantités excessives d’alcool (Virtanen et coll. 2015). |
Manque de sommeil | | | Travailler plus de 55 h par semaine est associé à une hausse du risque de dormir insuffisamment (2 fois), d’éprouver de la difficulté à s’endormir (4 fois) et de fatigue au réveil (2 fois). (Virtanen et coll. 2009).
|
Hypertension | | | Les personnes qui travaillent plus de 50 h par semaine ont 30 % plus de risque de présenter une pression artérielle élevée (Yang et coll. 2006). |
Sédentarité | | | Le nombre élevé d’heures passées au travail réduit la fenêtre de temps disponible pour d’autres activités, incluant l’exercice. Les études montrent que l’inactivité physique, combinée à un travail sédentaire, augmente le risque de maladies cardiovasculaires (Ekelund et coll. 2016). |
Fatigue et épuisement | | | Les jeunes hommes (< 55 ans) qui ont subi un infarctus aigu du myocarde rapportent fréquemment des épisodes de fatigue excessive et d’épuisement dans la période précédant l’accident coronarien (Sihm et coll. 1991). |
Tension au travail (job strain) | | | La tension au travail, c’est-à-dire une situation où le travailleur est confronté à des exigences élevées, mais sans les ressources adéquates pour les réaliser, est associée à une hausse de 23 % du risque de maladie coronarienne (Kivimäki et coll. 2012) et de 30 % du risque d’AVC (Huang et coll. 2015) |
Fibrillation auriculaire | | | Les personnes qui travaillent de longues heures sont plus à risque de présenter des épisodes de fibrillation auriculaire, un important facteur de risque d’AVC (Kivimäki et coll. (2017). |
Tableau 1. Principaux facteurs pouvant contribuer à la hausse du risque de maladies cardiovasculaires causée par le surmenage au travail.
L’augmentation du risque de fibrillation auriculaire par les longues heures est particulièrement intéressante, car cette arythmie cause la formation de caillots dans l’oreillette gauche qui peuvent atteindre le cerveau et obstruer l’arrivée de sang au cerveau, ce qui pourrait contribuer à la hausse du risque d’AVC observée chez les personnes qui travaillent beaucoup. Cette augmentation de l’incidence de fibrillation auriculaire est principalement observée chez les personnes qui travaillent plus de 50 h par semaine, pouvant atteindre 40 % chez celles qui font plus de 55 heures par semaine (Figure 4). Il faut aussi noter que la surcharge de travail a été associée à d’autres désordres de la coagulation, notamment la thrombose veineuse profonde (hausse de 68 % du risque), une cause importante d’embolie pulmonaire.
Figure 4. Effet du nombre d’heures travaillées sur le risque de fibrillation auriculaire. Tiré de Kivimäki et coll. (2017).
Tension au travail
Un autre facteur qui peut contribuer aux effets négatifs du surmenage est ce qu’on appelle la « tension au travail » (job strain), une forme particulière de stress qui a été à maintes reprises associée à des situations à risque pour la santé cardiovasculaire. Selon le modèle élaboré par Robert Karasek (voir encadré), cette tension au travail se définit comme une situation où les exigences sont élevées et la demande psychologique forte, combinées à une insuffisance de ressources disponibles pour y faire face et une faible latitude décisionnelle. En d’autres mots, une situation où on exige du travailleur une forte productivité, mais sans lui donner les ressources adéquates ou la marge de manœuvre nécessaire. Le risque est encore aggravé si le salarié bénéficie d’un faible soutien social (de ses collègues de travail, par exemple) et/ou si la forte exigence de productivité n’est pas associée à une valorisation du travail effectué (déséquilibre efforts-récompenses). Il va de soi que travailler de longues heures dans un environnement aussi défavorable ne peut qu’avoir un impact négatif sur la santé, autant physique que mentale.
Travail tendu
Une situation de travail est toujours le résultat d’une combinaison de deux facteurs : 1) Une « demande psychologique », c’est-à-dire les exigences imposées par le travail (quantité de travail à réaliser, contraintes de temps, interruptions, demandes contradictoires, etc.); 2) Une « latitude (autonomie) décisionnelle », c’est-à-dire la possibilité de prendre des décisions et d’être créatif, par exemple en ayant la possibilité de choisir comment faire son travail, de participer aux décisions et d’utiliser ses compétences. Selon Karasek, la combinaison de la demande psychologique et de la latitude décisionnelle permet de définir 4 types de situations de travail (voir figure ci-dessous).
La combinaison à risque est celle où la demande psychologique est élevée, soit en raison de la somme de travail à réaliser ou de sa difficulté, combinée à une dévalorisation du travailleur due à sa faible participation aux processus de décision.
En conclusion, l’excès de travail est associé à une hausse légère, mais significative du risque de maladies cardiovasculaires, en particulier les AVC. Il faut cependant noter que les études récentes suggèrent que l’effet du stress psychologique sur la santé cardiovasculaire est plus prononcé chez les personnes qui présentent déjà des anomalies cardiométaboliques. Par exemple, il a été montré que l’association entre la tension de travail et le risque de mortalité prématurée était plus élevée chez les personnes qui ont un historique de diabète, de maladie coronarienne ou d’AVC que chez celles qui n’avaient pas été touchées par ces conditions. Ces personnes à risque présentent généralement plusieurs anomalies métaboliques (glycémie élevée, inflammation, plaques d’athérosclérose) qui augmentent le risque d’événements cardiovasculaires suite à une exposition aux effets du stress de travail (arythmie, hypercoagulation, hypertension, etc.). À l’inverse, les personnes qui travaillent beaucoup, mais qui font régulièrement de l’exercice et sont en bonne forme physique, ne montrent aucune hausse du risque de maladie coronarienne. Comme pour la population en général, les gros travailleurs ont donc tout avantage à adopter un mode de vie globalement sain (poids normal, alimentation riche en végétaux, activité physique régulière) pour réduire les effets du stress sur le risque d’événements cardiovasculaires. Le travail n’a jamais tué personne…qui est en bonne santé.
Dr Martin Juneau, M.D., FRCPCardiologue et Directeur de la prévention, Institut de Cardiologie de Montréal. Professeur titulaire de clinique, Faculté de médecine de l'Université de Montréal. / Cardiologist and Director of Prevention, Montreal Heart Institute. Clinical Professor, Faculty of Medicine, University of Montreal.12 décembre 2017
L’American Heart Association (AHA) a publié en 2017 un énoncé scientifique dans lequel les données des études sur les bienfaits potentiels de la méditation sur le risque cardiovasculaire ont été systématiquement examinées.
Malgré les avancées dans la prévention et le traitement de l’athérosclérose, la maladie cardiovasculaire demeure la principale cause de morbidité et de mortalité dans les pays développés (voir ici et ici). Et bien que l’éducation, la modification du mode de vie et les interventions pharmacologiques aient diminué la prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire, la plupart des Nord-Américains ont toujours au moins un facteur de risque important. Le traitement des maladies cardiovasculaires entraîne des coûts élevés pour la société et il est estimé qu’ils doubleront ou tripleront dans les quelques décennies à venir. Par conséquent, il est d’intérêt d’introduire de nouvelles interventions thérapeutiques peu coûteuses, comme la méditation, qui pourraient contribuer à la prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires.
La pratique de la méditation remonte à plus de 5 000 ans. Elle est associée aux philosophies et religions orientales, incluant le bouddhisme et l’hindouisme, mais l’on peut trouver des références à cette activité dans la chrétienté, le judaïsme et l’islam. Depuis quelques décennies, la méditation est pratiquée en occident de plus en plus en tant qu’activité thérapeutique et profane, c.-à-d. sans aucun rapport à une croyance religieuse. Le tableau 1 présente un résumé des types de méditation les plus connus.
Tableau 1. Principaux types de méditation. (selon Levine et coll., J. Am. Heart Assoc., 2017)
Méditation | Description | Origines et professeurs connus en Occident |
Samatha | Samatha signifie « quiétude » et la méditation Samatha est souvent décrite comme une méditation calme et durable. Ce type de méditation consiste à calmer l’esprit en se concentrant sur un seul point comme la respiration, une image ou un objet. | Pratique bouddhiste, datant de l’époque du Bouddha ou même avant. |
Vipassana
(méditation intérieure)
| Vipassana est traduit par « voir les choses telles qu’elles sont réellement ». La méditation Vipassana insiste sur la conscience de la respiration, en ajustant la quantité d’air entrant et sortant par le nez. Vipassana apprend à classer les pensées et les expériences au fur et à mesure qu’elles se présentent, en prenant des notes mentales lorsque l’on identifie des sujets qui attirent notre attention. La méditation Vipassana est souvent enseignée lors de retraites d’une durée de 10 jours. | Méditation traditionnelle bouddhiste et indienne. Les professeurs occidentaux les plus connus sont Mahasi Sayadaw, S.N. Goenka, Sharon Salzberg, Joseph Goldestein, Jack Kornfield et Michael Stone. |
Pleine conscience | Un terme générique désignant la catégorie des techniques utilisées pour créer la prise de conscience et la perspicacité en pratiquant une attention concentrée, en observant et en acceptant tout ce qui survient sans jugement. Ce type de méditation est également appelé « surveillance ouverte », dans laquelle on permet à son attention de circuler librement sans jugements ni attachements. | Les origines viennent de l’enseignement bouddhiste. Les professeurs occidentaux les plus connus sont Jon-Kabat Zinn, Tara Brach, Sharon Salzberg, Joseph Goldestein, Jack Kornfield et Pema Chodron. |
Zen (zazen) | Un type de méditation où l’on concentre sa conscience sur sa respiration et observe les pensées et les expériences qui traversent l’esprit et l’environnement. Dans un certain sens semblable à la méditation Vipassana, mais avec un accent sur un foyer de la respiration au niveau du ventre et sur la posture en position assise. | Méditation bouddhiste du Japon. Les enseignants bien connus comprennent Thich Nhat Hanh et Joan Halifax Roshi. |
Raja yoga | Connu aussi sous les appellations de « yoga mental », « yoga de l’esprit », ou Kriya yoga. Une pratique de concentration pour calmer l’esprit et l’amener à un point de concentration. Comprend une combinaison de mantra, de techniques de respiration et de méditation sur les points focaux des chakras et de la moelle épinière. | Pratique hindoue datant de milliers d’années. Introduit en Occident en 1893 par Swami Vivekananda. Enseigné par Paramhansa Yogananda pour l’auditoire occidental. |
Méditation
de la
bienveillance
(metta) | La méditation de la bienveillance implique d’envoyer une bonté aimante à soi-même, puis de continuer à l’envoyer à un ami ou à un être cher, à quelqu’un qui est neutre dans sa vie, à une personne difficile, puis à l’univers. Par cette pratique, le méditant cultive un sentiment de bienveillance envers soi-même et envers les autres. | Provient des enseignements bouddhistes, principalement du bouddhisme tibétain. Les instructeurs bien connus incluent Sharon Saltzberg et Pema Chodron. |
La méditation transcendantale | Technique de méditation basée sur le mantra dans laquelle chaque pratiquant reçoit un mantra personnel qui est utilisé pour aider à installer l’esprit intérieurement. La méditation transcendantale est enseignée par des enseignants certifiés dans le cadre d’un cours standard de quatre jours. La méditation transcendantale est pratiquée pendant 20 minutes deux fois par jour. | Origines dans les anciennes traditions védiques de l’Inde. Popularisé en Occident par le Maharishi Mahesh Yogi et maintenant enseigné aux États-Unis par la Fondation Maharishi. |
Réponse de relaxation | Une pratique à multiples facettes qui peut impliquer la prise de conscience et le suivi de la respiration ou la répétition d’un mot, d’une courte phase, ou d’une prière. | Un terme et une pratique mis au point par le Dr Herbert Benson dans les années 1970, basé dans une partie de la pratique de la méditation transcendantale. |
Des études neurophysiologiques et neuroanatomiques ont démontré que la méditation peut avoir un effet durable sur le cerveau, ce qui rend plausibles des bienfaits pour l’état physiologique basal et le risque cardiovasculaire. Les études sur la méditation et le risque cardiovasculaire se sont penchées sur la réponse physiologique au stress, la désaccoutumance au tabac, la réduction de la pression artérielle, la résistance à l’insuline et le syndrome métabolique, la fonction endothéliale, l’ischémie myocardique et la prévention primaire et secondaire de la maladie cardiovasculaire (voir le résumé des observations du comité de l’AHA sur ces études dans le tableau 2). Dans l’ensemble, les études sur la méditation suggèrent un bienfait potentiel pour le risque cardiovasculaire, bien que la qualité et, dans certains cas, la quantité des données soient modestes. Étant donné les faibles coûts et les faibles risques de cette intervention, la méditation peut être considérée comme un complément aux directives existantes par ceux qui souhaitent modifier leur mode de vie, tout en sachant que les bienfaits d’une telle intervention demeurent à être mieux établis. Selon l’AHA, les études à venir sur la méditation et le risque cardiovasculaire sont justifiées et devraient, autant que possible, utiliser des essais randomisés contrôlés, être suffisamment puissantes pour satisfaire aux critères principaux de l’étude, s’efforcer d’obtenir de faibles taux d’abandon, inclure un suivi à long terme, et être menées par des personnes qui n’ont pas de préjugés inhérents quant aux résultats de l’étude. Les observations et suggestions du comité de l’AHA sont résumées dans le tableau 3.
Tableau 2. Résumé des observations sur les études sur la méditation et la réduction des risques cardiovasculaires. (selon Levine et coll., J. Am. Heart Assoc., 2017)
Sujet | Observations |
Neurophysiologie et neuroanatomie | • Des études neurophysiologiques et neuroanatomiques suggèrent que la méditation peut avoir des effets durables sur la physiologie et l’anatomie du cerveau.
• Les études sont généralement non randomisées et impliquent un nombre modeste de participants, parfois sous la direction de méditants extrêmement expérimentés (> 10 000 heures).
• Les différentes formes de méditation ont des effets psychologiques et neurologiques différents, et donc les résultats neurophysiologiques et neuroanatomiques d’un type de méditation ne peuvent pas être extrapolés à d’autres formes de méditation. |
Réponse psychologique, psychosociale et physiologique au stress | • De nombreuses études, mais pas toutes, rapportent que la méditation est associée à de meilleurs indices psychologiques et psychosociaux.
• Les différences dans les populations, le contrôle des facteurs de confusion potentiels et le type et la durée de la méditation évalués peuvent expliquer les résultats discordants. La petite taille des échantillons et le manque de randomisation sont des limites d’étude courantes.
• Une étude plus approfondie est nécessaire sur la façon dont la méditation influence les processus physiologiques associés à la réponse au stress. |
Pression artérielle | • L’ampleur des réductions de la pression systolique observées varie considérablement.
• Les limites de l’étude incluent les méthodes de mesure de la pression artérielle et les biais dans la confirmation des données, les taux élevés d’abandon et les différentes populations étudiées. |
Tabagisme et
usage du tabac | • Certaines données randomisées montrent que les instructions de méditation pleine conscience améliorent les taux de sevrage tabagique. |
Résistance à l’insuline et syndrome métabolique | • Données limitées sur les effets de la méditation sur la résistance à l’insuline et le syndrome métabolique. |
Athérosclérose subclinique | • Quelques études sous-optimales de la méditation et de l’intervention sur le mode de vie suggèrent un bienfait potentiel sur la régression de l’athérosclérose.
• Études limitées par l’approche multimodale, l’attrition et le suivi incomplet.
• Aucune conclusion ferme ne peut être tirée sur les effets de la méditation sur l’athérosclérose. |
Fonction endothéliale | • Trois études n’ont montré aucun bienfait de la méditation sur la réactivité brachiale dans l’ensemble des cohortes, bien qu’une étude ait suggéré un bienfait dans un sous-groupe de patients atteints de coronaropathie.
• Aucune conclusion ne peut être tirée sur les effets de la méditation sur la fonction endothéliale. |
Ischémie myocardique inductible | • Des études plus anciennes suggèrent que la méditation peut entraîner une amélioration de la durée de l’exercice et une diminution de l’ischémie myocardique.
• Aucune étude contemporaine n’a évalué les effets de la méditation sur le débit sanguin myocardique ou l’ischémie avec des techniques d’imagerie avancées. |
Prévention primaire des maladies cardiovasculaires | • Deux études d’intervention à court terme rapportent des réductions de mortalité surprenantes, et donc ces résultats doivent être reproduits dans des études multicentriques plus importantes.
• En général, en raison des données limitées à ce jour, aucune conclusion ne peut être tirée quant à l’efficacité de la méditation pour la prévention primaire des MCV. |
Prévention secondaire des maladies cardiovasculaires | • Les données sur les bienfaits potentiels de la méditation chez les patients atteints d’une maladie coronarienne établie peuvent être caractérisées comme étant généralement de qualité modeste et ils suggèrent, mais n’établissant pas un bienfait.
• En raison du temps de suivi généralement limité, il existe plus de données sur la réduction des facteurs de risque cardiaques et des indices psychologiques que sur les critères définitifs (p. ex. décès, infarctus du myocarde). |
Tableau 3. Résumé des conclusions et suggestions sur la méditation et la réduction du risque cardiovasculaire par un comité scientifique de l’AHA. (selon Levine et coll., J. Am. Heart Assoc., 2017)
• Les études sur la méditation suggèrent un bienfait potentiel sur le risque cardiovasculaire, bien que la qualité globale et, dans certains cas, la quantité des données soient modestes. |
• Le pilier de la prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires est l’ensemble des interventions guidées par les lignes directrices de l’American College of Cardiology et l’American Heart Association. |
• La méditation peut être considérée comme un complément aux directives existantes pour la réduction des risques cardiovasculaires, par ceux qui souhaitent modifier leur mode de vie, tout en sachant que les bienfaits d’une telle intervention demeurent à être mieux établis. |
• D’autres recherches sur la méditation et le risque cardiovasculaire sont justifiées. Ces études, dans la mesure du possible, devraient répondre aux critères suivants :
– Utiliser des essais randomisés contrôlés.
– Décision en aveugle lors de l’évaluation.
– Puissance suffisante pour satisfaire aux critères principaux de l’étude.
– Inclure un suivi à long terme.
– Avoir <20 % de taux d’abandon.
– Avoir >85 % de données de suivi.
– Être effectuée par des chercheurs sans biais financier ou intellectuel inhérent quant aux résultats.
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