Akkermansia muciniphila : une bactérie essentielle au maintien d’une bonne santé

Akkermansia muciniphila : une bactérie essentielle au maintien d’une bonne santé

EN BREF

  • La bactérie Akkermansia muciniphila colonise la couche de mucus de la paroi intestinale où elle contribue à son maintien et génère des métabolites qui ont plusieurs effets bénéfiques sur le métabolisme et l’immunité.
  • Akkermansia muciniphila est présente en quantité réduite chez les personnes souffrant de maladies tels le diabète de type 2, l’obésité, la maladie inflammatoire de l’intestin, le cancer colorectal et l’autisme.
  • Les résultats prometteurs de certaines études permettent d’envisager le traitement de maladies chroniques avec des prébiotiques ou par supplémentation avec Akkermansia muciniphila.

Le microbiote intestinal joue un rôle crucial dans le métabolisme, l’immunité et la régulation de l’axe intestin-cerveau chez les animaux, y compris chez l’humain. Le microbiote est impliqué dans la digestion de composants alimentaires non digestibles (cellulose, hémicellulose, amidon résistant, pectine, polysaccharides complexes, certains sucres et alcools) et génère, via son métabolisme, des composés qui ont de multiples effets bénéfiques sur la santé de l’hôte.

L’un des microorganismes intestinaux qui ont retenu l’attention des chercheurs depuis une vingtaine d’années est la bactérie Akkermansia muciniphila, un membre du phylum Verrucomicrobiota qui a été isolé pour la première fois dans des échantillons fécaux en 2004. Cette bactérie a été nommée ainsi en l’honneur du Dr Antoon Akkermans (1940–2006), un microbiologiste néerlandais reconnu pour ses contributions à l’écologie microbienne. Des analyses métagénomiques réalisées depuis suggèrent qu’il y aurait au moins huit espèces du genre Akkermansia qui coloniseraient l’intestin des humains, en plus d’Akkermansia muciniphila. Par ailleurs, des microorganismes apparentés à Akkermansia colonisent l’intestin de nombreux mammifères et non-mammifères.

Le mucus de la paroi intestinale
Il a été estimé qu’Akkermansia muciniphila représente 1-3% du microbiote entier, et jusqu’à 3 à 5% du microbiote intestinal chez des personnes en santé. Cette bactérie colonise la couche de mucus, une couche visqueuse qui recouvre et protège les cellules épithéliales qui tapissent la muqueuse intestinale. Le mucus est sécrété par des cellules épithéliales spécialisées, nommées cellules caliciformes ou cellules mucipares. Les constituants du mucus les plus abondants sont les mucines, des protéines fortement glycosylées qui ont comme principale caractéristique de pouvoir former un gel aux propriétés lubrifiantes. Akkermansia muciniphila est l’une des bactéries intestinales qui a la capacité de produire des enzymes (mucinases) qui dégradent les mucines, ce qui génère des produits contenant du carbone et de l’azote qui sont des sources d’énergie pour elle-même, ainsi que pour les autres microorganismes présents dans l’intestin. De plus, Akkermansia muciniphila  génère des métabolites, incluant des acides gras à courte chaînes tels l’acétate, le propionate, le butyrate et le 1,2-propanediol, qui ont plusieurs effets favorable sur le métabolisme et l’immunité (voir notre article sur le sujet).

Akkermansia muciniphila colonise la couche de mucus des enfants peu après leur naissance et atteint les niveaux observés chez l’adulte en à peine un an. La colonisation de l’intestin par Akkermansia muciniphila diminue cependant chez les personnes âgées (>80 ans).

Rôle dans le maintien de la muqueuse intestinale
La dégradation en continu de la mucine par les enzymes sécrétés par Akkermansia muciniphila participe au maintien de l’épaisseur optimale de la couche de mucus, et de l’intégrité de la barrière intestinale. En effet, la dégradation du mucus produit des nutriments pour les cellules caliciformes (productrices de mucus) et, par conséquent, stimule le renouvellement du mucus.

Akkermansia muciniphila et maladies chroniques
Plusieurs études ont montré qu’Akkermansia muciniphila est présente en moindre quantité chez les personnes souffrant de maladies tels le diabète de type 2, l’obésité, la maladie inflammatoire de l’intestin, le cancer colorectal et l’autisme.

Obésité
L’obésité est un facteur de risque majeur pour le diabète de type 2, la maladie coronarienne, la stéatose hépatique, certains cancers et la mortalité prématurée. Une étude réalisée chez la souris a montré qu’Akkermansia muciniphila est présente en quantité réduite (3 300 fois moins) dans l’intestin des souris obèses (génétiquement déficientes en leptine, une hormone de la satiété) que dans celui des souris minces. De plus, Akkermansia muciniphila était 100 fois moins abondante dans l’intestin de souris devenues obèses par un régime alimentaire très riche en gras que dans celui de souris minces, nourries normalement. L’ajout de prébiotiques (oligofructose) dans la nourriture des souris obèses a normalisé les niveaux d’Akkermansia muciniphila et amélioré leur profil métabolique. L’administration (par gavage) d’Akkermansia muciniphila aux souris obèses a aussi amélioré significativement les troubles métaboliques retrouvés chez ces souris : réduction de l’endotoxémie (présence d’endotoxines dans le sang), de l’adiposité, de l’inflammation du tissu adipeux, du poids corporel, du rapport masse adipeuse/masse maigre et la résistance à l’insuline. De plus, l’administration d’Akkermansia muciniphila a augmenté les niveaux intestinaux d’endocannabinoïdes (acylglycérols) qui contrôlent l’inflammation, l’intégrité de la barrière intestinale et la sécrétion de peptides dans l’intestin.

Une revue systématique publiée en 2021 a répertorié 10 études randomisées contrôlées de bonne qualité sur les effets de la supplémentation avec Akkermansia muciniphila sur l’obésité chez la souris. Dans l’ensemble, les études montrent que la supplémentation avec Akkermansia muciniphila améliore la sensibilité à l’insuline et le contrôle de la glycémie et réduit l’inflammation chez les souris obèses.

Des niveaux d’Akkermansia muciniphila significativement moins élevés ont été mesurés chez des enfants d’âge préscolaire en surpoids ou obèse et chez des femmes obèses adultes, par comparaison à des personnes du même groupe d’âge qui avaient un poids normal. Selon une étude française, il semble que les niveaux d’Akkermansia muciniphila sont encore plus bas chez les personnes atteintes d’obésité sévère (IMC : 35-39,9 kg/m2) ou morbide (IMC : ≥40 kg/m2) que chez celles qui sont atteintes d’obésité modérée (IMC : 30-34,9 kg/m2). Après une chirurgie bariatrique (dérivation gastrique Roux-en-Y), des personnes obèses ont vu leur niveau d’Akkermansia muciniphila augmenter significativement, mais sans que cela ne soit corrélé avec une amélioration métabolique.

La supplémentation avec Akkermansia muciniphila chez des humains a été testée en 2019 sur 32 volontaires en surpoids ou obèses. Le but principal de cette étude randomisée et contrôlée était d’établir l’innocuité, la tolérabilité de la supplémentation et de mesurer divers paramètres métaboliques liés à l’obésité. La supplémentation par voie orale durant trois mois avec 10 milliards de bactéries Akkermansia muciniphila (vivantes ou pasteurisées) par jour s’est avérée sécuritaire et a été bien tolérée. En comparaison avec le placebo, la supplémentation avec Akkermansia muciniphila a amélioré la sensibilité à l’insuline, et réduit l’insulinémie et le cholestérol sanguin total. Après les trois mois de supplémentation, Akkermansia muciniphila a réduit les niveaux sanguins de plusieurs marqueurs du dysfonctionnement du foie et de l’inflammation.

Une tendance dans l’utilisation des probiotiques est d’utiliser des micro-organismes non viables (pasteurisés, par exemple), afin de prévenir les risques potentiels liés à l’utilisation de micro-organismes vivants. Une étude a montré que chez des souris nourries avec une diète normale, Akkermansia muciniphila pasteurisée était plus efficace que la bactérie vivante (non pasteurisée) pour diminuer les marqueurs de l’inflammation et améliorer plusieurs paramètres biochimiques.

Diabète de type 2
Une étude clinique a montré que des patients prédiabétiques, intolérants au glucose, avaient moins d’Akkermansia muciniphila présentes dans leur intestin que des personnes dont la tolérance au glucose était normale. Dans une autre étude, l’administration d’Akkermansia muciniphila à des souris a renversé l’effet négatif de la cytokine IFN-γ sur la tolérance au glucose, ce qui suggère qu’une réduction d’Akkermansia muciniphila pourrait être responsable des mêmes effets de IFN-γ sur la tolérance au glucose chez l’humain. Il faut savoir que des niveaux élevés de IFN-γ sont associés avec une gravité accrue de la maladie coronarienne et du diabète de type 2, ainsi qu’avec une progression de la sclérose latérale amyotrophique et du lupus.

Maladies cardiovasculaires
L’athérosclérose est une maladie inflammatoire chronique qui est la principale cause de la mortalité cardiovasculaire. Les plaques d’athérome contiennent des bactéries qui résident normalement dans l’intestin et la bouche, ce qui suggère que le microbiote pourrait être impliqué dans le développement de cette maladie. On sait aussi que le risque cardiovasculaire est inversement associé au niveau d’Akkermansia muciniphila dans l’intestin. Dans un modèle animal d’athérosclérose (souris ApoE–/–, c.-à-d. déficiente en Apolipoprotéine E), il a été montré que l’administration d’Akkermansia muciniphila atténue les lésions athérosclérotiques en diminuant l’inflammation induite par l’endotoxémie. Une autre étude a montré que la supplémentation en berbérine (utilisée dans la médecine traditionnelle chinoise) chez des souris ApoE–/– nourries avec une diète riche en gras augmente les niveaux intestinaux d’Akkermansia muciniphila et diminue l’athérosclérose. La supplémentation en berbérine a aussi diminué l’endotoxémie et l’expression de cytochines et chimiokines proinflammatoires.

Longévité
Un groupe de recherche espagnol a examiné le rôle du microbiote intestinal dans le vieillissement et la progéria (syndrome de Hutchinson-Gilford), une maladie génétique très rare caractérisée par un vieillissement accéléré dès la première ou deuxième année de vie. Dans les deux modèles de la progéria chez la souris, il y avait moins de bactéries du phylum Verrucomicrobiota et plus de bactéries des phyla Proteobacteria et Cyanobacteria, que chez des souris saines. La transplantation du microbiote entier de souris saines à des souris modèles de la progéria a amélioré la durée de vie et atténué les manifestations du vieillissement accéléré. La transplantation du seul microorganisme Akkermansia muciniphila a aussi augmenté significativement la durée de vie des souris modèles de la progéria, quoique plus modestement. Chez l’humain, les analyses ont montré une diminution des bactéries du phylum Verrucomicrobiota (dont Akkermansia muciniphila fait partie) chez des enfants atteints de progéria par comparaison à des enfants en santé, et une augmentation chez des centenaires par comparaison à des adultes en santé. Cette étude permet d’envisager des traitements par supplémentation en Akkermansia muciniphila cultivée en laboratoire, pour traiter la progéria ainsi que pour vieillir en meilleure santé et vivre plus longtemps.

Prébiotiques
Les prébiotiques sont des substances qui favorisent la croissance des microorganismes dans l’intestin.  Quelques exemples de prébiotiques sont : les fructo-oligosaccharides, les galacto-oligosaccharides, l’arabinose, le galactose, l’inuline, le raffinose et le mannose. L’inuline, un polymère linéaire de D-fructose, est retrouvée dans plusieurs plantes où elle constitue une réserve de glucides. Plusieurs études réalisées chez la souris et quelques études chez l’humain ont montré que l’inuline augmente la quantité de plusieurs bactéries intestinales, incluant Akkermansia muciniphila. Pour maximiser la consommation d’inuline, il peut être utile de savoir que certains aliments en contiennent de bonnes quantités, tels le topinambour (16-20%), la chicorée (15-20%), les feuilles de pissenlit (12-15%), l’ail (9-16%), l’artichaut (3-10%), le poireau (3-10%) et l’oignon (2-6%).

Conclusion
La composition du microbiote intestinal a de très importants et nombreux effets sur la santé humaine. La bactérie Akkermansia muciniphila joue un rôle essentiel dans le maintien de la barrière intestinale et elle génère des métabolites qui ont plusieurs effets bénéfiques sur le métabolisme et l’immunité. Une faible quantité de cette bactérie dans l’intestin est un indicateur d’une mauvaise santé intestinale et est associée à plusieurs maladies chroniques, incluant l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et la maladie inflammatoire de l’intestin. Des interventions qui ont pour but d’augmenter Akkermansia muciniphila (prébiotique ou supplémentation) dans l’intestin améliorent les troubles métaboliques tels que l’endotoxémie, la résistance à l’insuline et l’inflammation. Il est encore trop tôt pour envisager de traiter des patients atteints d’un trouble métabolique, mais cette avenue prometteuse devra être étudiée dans des essais cliniques rigoureux. Adopter un régime alimentaire sain, tel le régime de type méditerranéen (constitué principalement de légumes, légumineuses, fruits, noix, huile d’olive, et d’un peu de vin et de viande rouge) est une approche qui maximise les chances d’avoir un microbiote intestinal en santé et de prévenir les troubles métaboliques et certaines maladies chroniques.

Les bénéfices cardiovasculaires de l’avocat

Les bénéfices cardiovasculaires de l’avocat

EN BREF

  • L’avocat est une source exceptionnelle de gras monoinsaturés, avec un contenu similaire à celui de l’huile d’olive.
  • Ces gras monoinsaturés améliorent le profil lipidique, notamment en haussant les taux de cholestérol-HDL, un phénomène associé à une réduction du risque de maladies cardiovasculaires.

  • Une étude récente confirme ce potentiel cardioprotecteur de l’avocat, avec une réduction de 20 % du risque de maladie coronarienne qui est observée chez les consommateurs réguliers (2 portions ou plus par semaine).

Il y a actuellement un consensus dans la communauté scientifique sur l’importance de privilégier les sources alimentaires de matières grasses insaturées (en particulier monoinsaturés et polyinsaturés oméga-3) pour diminuer significativement le risque de maladie cardiovasculaire et de mortalité prématurée (voir notre article à ce sujet). À l’exception des poissons gras riches en oméga-3 (saumon, sardine, maquereau), ce sont les aliments d’origine végétale qui sont les principales sources de ces gras insaturés, en particulier  les huiles (huile d’olive et celles riches en oméga-3 comme celle de canola), les noix, certaines graines (lin, chia, chanvre) ainsi que des fruits comme l’avocat.  La consommation régulière de ces aliments riches en gras insaturés a été à maintes reprises associée à une diminution marquée du risque d’accidents cardiovasculaires, un effet cardioprotecteur qui est particulièrement bien documenté pour l’huile d’olive extra-vierge et les noix.

Un profil nutritionnel unique

Bien que l’impact de la consommation d’avocats ait été moins étudié que celui des autres sources végétales de gras insaturés, on soupçonne depuis plusieurs années que ces fruits exercent également des effets positifs sur la santé cardiovasculaire.  D’une part, l’avocat se distingue des autres fruits par sa teneur exceptionnellement élevée en gras monoinsaturés, avec un contenu (par portion) similaire à celui de l’huile d’olive (Tableau 1).  D’autre part, une portion d’avocat contient des quantités très élevées de fibres (4 g), de potassium (350 mg), de folate (60 µg) et plusieurs autres vitamines et minéraux reconnus pour participer à la prévention des maladies cardiovasculaires.

Acides grasAvocat (68 g)Huile d'olive (15 mL)
Totaux10 g12,7 g
Monoinsaturés6,7 g9,4 g
Polyinsaturés1,2 g1,2 g
Saturés1,4 g2,1 g

Tableau 1. Comparaison du profil lipidique de l’avocat et de l’huile d’olive. Les données correspondent à la quantité d’acides gras contenus dans la moitié d’un avocat Haas, la principale variété consommée dans le monde, ou d’huile d’olive (1 cuillère à soupe ou 15 mL).  Tiré du FoodData Central du USDA.

Cet impact positif sur le cœur est également suggéré par les résultats des études d’intervention qui ont examiné l’impact des avocats sur certains marqueurs d’une bonne santé cardiovasculaire.  Par exemple, une méta-analyse de 7 études (202 participants) indique que la consommation d’avocats est associée à une hausse du cholestérol-HDL et à une baisse du ratio cholestérol total/ cholestérol HDL, un paramètre qui est considéré comme un bon facteur prédictif de la mortalité liée aux maladies coronariennes.  Une diminution des taux de triglycérides, de cholestérol total et de cholestérol LDL associée à la consommation d’avocats a également été rapportée, mais n’est cependant pas observée dans toutes les études.  Malgré tout, la hausse du cholestérol HDL observée dans l’ensemble des études est très encourageante et suggère fortement que les avocats pourraient contribuer à la prévention des maladies cardiovasculaires.

Un fruit cardioprotecteur

Ce potentiel cardioprotecteur des avocats vient d’être confirmé par les résultats d’une étude épidémiologique d’envergure, réalisée auprès des personnes enrôlées dans deux grandes cohortes chapeautées par l’Université Harvard, soit la Nurses’ Health Study (68 786 femmes) et la Health  Professionals  Follow-up  Study (41 701 hommes).  Pendant une période de 30 ans, les chercheurs ont recueilli périodiquement des informations sur les habitudes alimentaires des participants aux deux études et ont par la suite examiné l’association entre la consommation d’avocats et le risque de maladies cardiovasculaires.

Les résultats obtenus sont fort intéressants : comparativement aux personnes qui n’en mangent jamais ou très rarement, les consommateurs réguliers d’avocats ont un risque de maladie coronarienne diminué de 16 % (1 portion par semaine) et de 21 % (2 portions ou plus par semaine) (Figure 1).

Figure 1.  Association entre la fréquence de consommation d’avocats et le risque de maladie coronarienne.  Les quantités indiquées font référence à une portion d’avocat, correspondant à environ une moitié du fruit. Tiré de Pacheco et coll. (2022).

Il n’y a donc que des avantages à intégrer les avocats à nos habitudes alimentaires, surtout si ses gras monosaturés remplacent d’autres sources de gras moins bénéfiques pour la santé. Selon les calculs réalisés par les chercheurs, le remplacement quotidien d’une demi-portion d’aliments riches en gras saturés (beurre, fromage, charcuteries) par une quantité équivalente d’avocats permettrait de réduire d’environ 20 % le risque de maladies cardiovasculaires.

L’avocat est de plus en plus populaire, en particulier auprès des jeunes, et on prévoit même qu’il deviendra le 2e fruit tropical le plus commercialisé d’ici 2030 à l’échelle mondiale, tout juste derrière les bananes. À la lumière des effets positifs de ces fruits sur la santé cardiovasculaire, on ne peut que se réjouir de cette nouvelle tendance.

Évidemment, la demande élevée pour les avocats crée de fortes pressions sur les systèmes de production du fruit, notamment en termes de déforestation pour l’implantation de nouvelles cultures et d’une demande accrue en eau. Il faut cependant rappeler que l’empreinte hydrique (la quantité d’eau requise pour la production) de l’avocat est beaucoup plus faible que celle de l’ensemble des produits d’origine animale, en particulier la viande de bœuf (Tableau 2). De plus, comme c’est le cas pour l’ensemble des végétaux, l’empreinte carbone de l’avocat est également très inférieure à celle des produits animaux, la production d’un avocat générant environ 0,2 kg de CO­2-eq comparativement à 4 kg pour la viande de bœuf.

AlimentsEmpreinte hydrique
(mètres cubes/tonne)
Viande de boeuf15,400
Agneau et mouton10,400
Porc6,000
Poulet4,300
Oeufs3,300
Avocats1,981

Tableau 2. Comparaison de l’empreinte hydrique de l’avocat et différents aliments d’origine animale. Tiré de UNESCO-IHE Institute for Water Education (2010)

Bien choisir ses sources de glucides est primordial pour la prévention les maladies cardiovasculaires

Bien choisir ses sources de glucides est primordial pour la prévention les maladies cardiovasculaires

EN BREF

  • Des études récentes montrent que les personnes qui consomment régulièrement des aliments contenant des glucides de mauvaise qualité (sucres simples, farines raffinées) ont un risque accru d’accidents cardiovasculaires et de mortalité prématurée.
  • À l’inverse, un apport alimentaire élevé en glucides complexes, comme les amidons résistants et les fibres alimentaires, est associé à une baisse du risque de maladies cardiovasculaires et à une amélioration de la santé en général.
  • Privilégier la consommation régulière d’aliments riches en glucides complexes (grains entiers, légumineuses, noix, fruits et légumes), tout en réduisant celle d’aliments contenant des glucides simples (aliments transformés, boissons sucrées, etc.), représente donc une façon simple d’améliorer sa santé cardiovasculaire.

Il est maintenant bien établi qu’une alimentation de bonne qualité est indispensable à la prévention des maladies cardiovasculaires et au maintien d’une bonne santé en général. Ce lien est particulièrement bien documenté en ce qui concerne les matières grasses de l’alimentation : plusieurs études épidémiologiques ont en effet rapporté qu’un apport alimentaire trop élevé en gras saturés augmente les taux de cholestérol-LDL, un important contributeur au développement de l’athérosclérose, et est associé à une hausse du risque de maladies cardiovasculaires. En conséquence, la plupart des experts s’entendent pour dire qu’il faut limiter l’apport en aliments contenant des quantités importantes de gras saturés, les viandes rouges par exemple, et plutôt privilégier les sources de matières grasses insaturées, comme les huiles végétales (en particulier l’huile d’olive extra-vierge et celles riches en oméga-3 comme celle de canola), de même que les noix, certaines graines (lin, chia, chanvre) et les poissons (voir notre article à ce sujet). Cela correspond en gros au régime méditerranéen, un mode d’alimentation qui a été à maintes reprises associé à une diminution du risque de plusieurs maladies chroniques, en particulier les maladies cardiovasculaires.

Du côté des glucides, le consensus qui a émergé au cours des dernières années est qu’il faut privilégier les sources de glucides complexes comme les céréales à grains entiers, les légumineuses et les végétaux en général, tout en réduisant l’apport en glucides simples provenant des farines raffinées et des sucres ajoutés. Suivre cette recommandation peut cependant être beaucoup plus ardu qu’on peut le penser, car de nombreux produits alimentaires qui nous sont proposés contiennent ces glucides de mauvaise qualité, en particulier toute la gamme de produits ultratransformés qui comptent pour près de la moitié des calories consommées par la population. Il est donc très important d’apprendre à distinguer les bons des mauvais glucides, d’autant plus que ces nutriments constituent la principale source de calories consommées quotidiennement par la majorité des gens. Pour y arriver, nous croyons utile de rappeler d’où proviennent les glucides et à quel point la transformation industrielle des aliments peut affecter leurs propriétés et leurs impacts sur la santé.

Polymères de sucre

Tous les glucides de notre alimentation proviennent, d’une façon ou d’une autre, des végétaux. Au cours de la réaction de photosynthèse, en plus de former de l’oxygène (O2) à partir du gaz carbonique de l’air (CO2), les plantes transforment aussi en parallèle l’énergie contenue dans le rayonnement solaire en énergie chimique, sous forme de sucre :

6 CO2 + 12 H2O + lumière  C6H12O6  (glucose) + 6 O2 + 6 H2O

Dans la très grande majorité des cas, ce sucre fabriqué par les végétaux ne reste pas sous cette forme de sucres simples, mais sert plutôt à la fabrication de polymères complexes, c’est-à-dire des chaines contenant plusieurs centaines (et dans certains cas des milliers) de molécules de sucre liées chimiquement les unes aux autres. Une conséquence importante de cet arrangement est que le sucre contenu dans ces glucides complexes n’est pas immédiatement accessible et doit être extrait par digestion avant d’atteindre la circulation sanguine et servir de source d’énergie aux cellules de l’organisme. Ce prérequis permet d’éviter une entrée trop rapide du sucre dans le sang qui déséquilibrerait les systèmes de contrôle chargés de maintenir la concentration de cette molécule à des niveaux tout juste suffisants pour subvenir aux besoins de l’organisme. Et ces niveaux sont beaucoup plus faibles qu’on peut le penser : en moyenne, le sang d’une personne en bonne santé contient un maximum de 4 à 5 g de sucre au total, soit à peine l’équivalent d’une cuillerée à thé.  Un apport alimentaire en glucides complexes permet donc d’apporter suffisamment d’énergie pour soutenir notre métabolisme, tout en évitant des fluctuations trop importantes de la glycémie qui pourraient entrainer les problèmes de santé.

La figure 1 illustre la répartition des deux principaux types de polymères de sucre dans la cellule végétale, soit les amidons et les fibres.

Figure 1. Caractéristiques physicochimiques et impacts physiologiques des amidons et fibres alimentaires provenant des cellules végétales.  Adapté de Gill et coll. (2021).

Les amidons. Les amidons sont des polymères de glucose que la plante entrepose comme réserve d’énergie dans des granules (amyloplastes) localisées à l’intérieur des cellules végétales. Cette source de glucides alimentaires fait partie de l’alimentation humaine depuis la nuit des temps, comme en témoigne la découverte récente de gènes de bactéries spécialisées dans la digestion des amidons dans la plaque dentaire d’individus du genre Homo ayant vécu il y a plus de 100,000 ans. Encore aujourd’hui, un très grand nombre de végétaux couramment consommés sont riches en amidon, en particulier les tubercules (pomme de terre, etc.), les céréales (blé, riz, orge, maïs, etc.), les pseudocéréales (quinoa, chia, etc.), les légumineuses et les fruits.

La digestion des amidons présents dans ces végétaux permet de relâcher des unités de glucose dans la circulation sanguine et ainsi apporter l’énergie nécessaire pour soutenir le métabolisme cellulaire. Par contre, plusieurs facteurs peuvent influencer le degré et la vitesse de digestion de ces amidons (et la hausse de la glycémie qui en résulte).  C’est notamment le cas des « amidons résistants » qui ne sont pas du tout (ou très peu) digérés au cours du transit gastrointestinal et qui demeurent donc intacts jusqu’à ce qu’ils atteignent le côlon. Selon les facteurs responsables de leur résistance à la digestion, on peut identifier trois principaux types de ces amidons résistants (AR) :

  • AR-1 : Ces amidons sont physiquement inaccessibles à la digestion, car ils sont trappés à l’intérieur des cellules végétales non brisées, par exemple les grains entiers.
  • AR-2 : La sensibilité des amidons à la digestion peut aussi varier considérablement selon la source et le degré d’organisation des chaines de glucose à l’intérieur des granules. Par exemple, la forme d’amidon la plus répandue dans le règne végétal est l’amylopectine (70-80 % de l’amidon total), un polymère formé de plusieurs embranchements de chaines de glucose.  Cette structure ramifiée augmente la surface de contact avec les enzymes spécialisées dans la digestion des amidons (amylases) et permet une meilleure extraction des unités de glucose présentes dans le polymère. L’autre constituant de l’amidon, l’amylose, possède quant à lui une structure beaucoup plus linéaire qui réduit l’efficacité des enzymes à extraire le glucose présent dans le polymère.  En conséquence, les  aliments contenant une plus grande proportion d’amylose sont plus résistants à la dégradation, relâchent moins de glucose et causent donc une plus faible hausse de la glycémie.  C’est le cas par exemple des légumineuses, qui contiennent jusqu’à 50 % de leur amidon sous forme d’amylose, soit beaucoup plus que d’autres sources d’amidons couramment consommées, comme les tubercules et les céréales.
  • AR-3 : Ces amidons résistants sont formés lorsque les granules d’amidon sont chauffées et par la suite refroidies. La cristallisation de l’amidon qui s’ensuit, un phénomène appelé rétrogradation, crée une structure rigide qui protège l’amidon des enzymes digestives. Les salades de pâtes, de pomme de terre ou encore le riz à sushi sont tous des exemples d’aliments contenant des amidons résistants de ce type.

Une conséquence immédiate de cette résistance des amidons résistants à la digestion est que ces polymères de glucose peuvent être considérés comme des fibres alimentaires au point de vue fonctionnel. Ceci est important, car, comme discuté ci-bas, la fermentation des fibres par les centaines de milliards de bactéries (microbiote) présentes au niveau du côlon génère plusieurs métabolites qui jouent des rôles extrêmement importants dans le maintien d’une bonne santé.

Fibres alimentaires. Les fibres sont des polymères de glucose présent en grandes quantités dans la paroi des cellules végétales où elles jouent un rôle important dans le maintien de la structure et de la rigidité des végétaux. La structure de ces fibres les rend totalement résistantes à la digestion et le sucre qu’elles contiennent ne contribue aucunement à l’apport en énergie. Traditionnellement, on distingue deux principaux types de fibres alimentaires, soit les fibres solubles et insolubles, chacune dotée de propriétés physicochimiques et d’effets physiologiques qui leur sont propres. Tout le monde a entendu parler des fibres insolubles (dans le son de blé, par exemple) qui augmentent le volume des selles et accélèrent le transit gastro-intestinal (la fameuse « régularité »).  Ce rôle mécanique des fibres insolubles est important, mais d’un point de vue physiologique, ce sont surtout les fibres solubles qui méritent une attention particulière en raison des multiples effets positifs qu’elles exercent sur la santé.

En captant l’eau, ces fibres solubles augmentent la viscosité du contenu digestif, ce qui contribue à réduire l’absorption du sucre et des graisses alimentaires et ainsi à éviter des hausses trop importantes de la glycémie et des taux sanguins de lipides pouvant contribuer à l’athérosclérose (cholestérol-LDL, triglycérides).  La présence de fibres solubles ralentit également la vidange gastrique et peut donc diminuer l’apport calorique en augmentant le sentiment de satiété.  Enfin, la communauté bactérienne qui réside au niveau du côlon (le microbiote) raffole des fibres solubles (et des amidons résistants) et cette fermentation bactérienne génère plusieurs substances bioactives, notamment les acides gras à courtes chaines (SCFA) acétate, propionate et butyrate. Plusieurs études réalisées au cours des dernières années ont montré que ces molécules exercent une myriade d’effets positifs sur l’organisme, que ce soit en diminuant l’inflammation chronique, en améliorant la résistance à l’insuline, en diminuant la pression artérielle et le risque de maladies cardiovasculaires ou encore en favorisant l’établissement d’un microbiote diversifié, optimal pour la santé du côlon (Tableau 1)

Une compilation  de plusieurs études réalisées au cours des dernières années (185 études observationnelles et 58 essais randomisés, ce qui équivaut à 135 millions de personnes-années), indique  qu’une consommation de 25 à 30 g de fibres par jour semble optimale pour profiter de ces effets protecteurs, soit environ le double de la consommation moyenne actuelle.

Effets physiologiquesImpacts bénéfiques sur la santé
MétabolismeAmélioration de la sensibilité à l'insuline
Réduction du risque de diabète de type 2
Amélioration de la glycémie et du profil lipidique
Contrôle du poids corporel
Microbiote intestinalFavorise un microbiote diversifié
Production d'acides gras à courtes chaines
Système cardiovasculaireDiminution de l'inflammation chronique
Réduction du risque d'événements cardiovasculaires
Réduction de la mortalité cardiovasculaire
Système digestifDiminution du risque de cancer colorectal

Tableau 1. Principaux effets physiologiques des fibres alimentaires. Adapté de Barber (2020).

Globalement, on peut donc voir que la consommation de glucides complexes est optimale pour notre métabolisme, non seulement parce qu’elle assure un apport adéquat en énergie sous forme de sucre, sans provoquer de fluctuations trop importantes de la glycémie, mais aussi parce qu’elle procure au microbiote intestinal les éléments nécessaires à la production de métabolites indispensables à la prévention de plusieurs maladies chroniques et au maintien d’une bonne santé en général.

Sucres modernes

La situation est cependant bien différente pour plusieurs sources de glucides de l’alimentation moderne, en particulier ceux qui sont présents dans les aliments industriels transformés.  Trois grands problèmes sont associés à la transformation :

Les sucres simples.  Les sucres simples (glucose, fructose, galactose, etc.) sont les molécules responsables du goût sucré : l’interaction de ces sucres avec des récepteurs présents au niveau de la langue envoie au cerveau un signal l’alertant de la présence d’une source d’énergie. Le cerveau, qui consomme à lui seul pas moins de 120 g de sucre par jour, raffole du sucre et répond positivement à cette information, ce qui explique notre attirance innée pour les aliments possédant un goût sucré. Par contre, puisque la grande majorité des glucides fabriqués par les plantes sont sous forme de polymères (amidons et fibres), les sucres simples sont en réalité assez rares dans la nature, étant principalement retrouvés dans les fruits, des légumes comme la betterave ou encore certaines graminées (canne à sucre).  C’est donc seulement avec la production industrielle de sucre à partir de la canne à sucre et de la betterave que la « dent sucrée » des consommateurs a pu être satisfaite à une grande échelle et que les sucres simples sont devenus couramment consommés : par exemple, les données recueillies aux États-Unis montrent qu’entre 1820 et 2016, l’apport en sucres simples est passé de 6 lbs (2,7 kg) à 95 lbs (43 kilos) par personne par année, soit une hausse d’environ 15 fois en un peu moins de 200 ans (Figure 2).

Figure 2. Consommation de sucres simples aux États-Unis entre 1820 et 2016.  Tiré de Guyenet (2018).

Notre métabolisme n’est évidemment pas adapté à cet apport très élevé en sucres simples, sans commune mesure avec ce qui est normalement retrouvé dans la nature. Contrairement aux sucres présents dans les glucides complexes, ces sucres simples sont absorbés très rapidement dans la circulation sanguine et causent des hausses très rapides et importantes de la glycémie. Plusieurs études ont montré que les personnes qui consomment fréquemment des aliments contenant ces sucres simples risquent plus de souffrir d’obésité, de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires. Par exemple, des études ont révélé que la consommation quotidienne de 2 portions de boissons sucrées était associée à une hausse de 35 % du risque de maladie coronarienne. Lorsque la quantité de sucres ajoutés consommés représente 25 % des calories quotidiennes, le risque de maladie du cœur est même triplé. Parmi les facteurs qui contribuent à cet effet néfaste des sucres simples sur la santé cardiovasculaire, mentionnons une augmentation de la tension artérielle et des taux de triglycérides, une diminution du cholestérol-HDL et augmentation du cholestérol-LDL (plus spécifiquement les LDL de petite taille, très denses, qui sont plus nuisibles pour les artères), ainsi qu’une hausse de l’inflammation et du stress oxydatif.

Il faut donc restreindre autant que possible l’apport en sucres simples, qui ne devrait pas  dépasser 10 % de l’apport énergétique quotidien selon l’Organisation mondiale de la santé.  Pour un adulte moyen qui consomme 2000 calories par jour, cela représente seulement 200 calories, soit environ 12 cuillerées à thé de sucre ou l’équivalent d’une seule cannette de boisson gazeuse.

Farines raffinées. Les céréales représentent une des principales sources de glucides (et de calories) dans la plupart des cultures alimentaires du globe. Lorsqu’elles sont sous forme entière, c’est-à-dire qu’elles conservent l’enveloppe externe riche en fibres et le germe renfermant plusieurs vitamines et minéraux, les céréales représentent une source de glucides complexes (amidons) de grande qualité et bénéfique pour la santé. Cet impact positif des grains entiers est bien illustré par la réduction du risque d’accidents coronariens et de la mortalité observée dans un grand nombre d’études populationnelles. Par exemple, des méta-analyses ont récemment montré que la consommation d’environ 50 g de grains entiers par jour était associée à une réduction de 22 à 30 % de la mortalité due aux maladies cardiovasculaires, de 14 à 18 % de la mortalité liée au cancer et de 19 à 22 % de la mortalité totale.

Par contre, ces effets positifs sont complètement abolis lorsque les grains sont raffinés  avec les moulins métalliques industriels modernes pour produire la farine utilisée dans la fabrication d’un très grand nombre de produits couramment consommés (pains, pâtisseries, pâtes, desserts, etc.). En éliminant l’enveloppe externe du grain et son germe, ce procédé permet d’améliorer la texture et la durée de conservation de la farine (les acides gras insaturés du germe sont sensibles au rancissement), mais au prix d’une élimination quasi totale des fibres et d’un appauvrissement marqué en plusieurs éléments nutritifs (minéraux, vitamines, acides gras insaturés, etc.) Les farines raffinées ne contiennent donc essentiellement que du sucre sous forme d’amidon, ce sucre étant beaucoup plus facile  à assimiler en raison de l’absence de fibres qui en temps normal ralentissent la digestion de l’amidon et l’absorption du sucre libéré (Figure 3).

Figure 3. Représentation schématique d’un grain de blé entier et raffiné.

Carence en fibres. Les procédés de fortification permettent de compenser en partie les pertes de certains nutriments (l’acide folique, par exemple) qui se produisent au cours du raffinage des grains céréaliers. Par contre, la perte des fibres lors du raffinage des grains est irréversible et est directement responsable d’une des plus graves carences alimentaires modernes étant donné  les nombreux effets positifs des fibres sur la prévention de plusieurs maladies chroniques.

Glucides de mauvaise qualité

Les sources de glucides de mauvaise qualité, ayant un impact négatif sur la santé, sont donc des aliments contenant une quantité élevée de sucres simples, ayant un contenu plus élevé en grains raffinés qu’en grains entiers ou encore qui renferment une faible quantité de fibres alimentaires (ou plusieurs de ces caractéristiques simultanément). Une façon couramment utilisée pour décrire ces glucides de mauvaise qualité est de comparer la hausse de glycémie qu’ils produisent à celle du glucose pur, ce qu’on appelle l’indice glycémique (IG) (voir encadré). La consommation d’un aliment à indice glycémique élevé cause une hausse rapide et importante de la glycémie, ce qui entraine la sécrétion d’une forte quantité d’insuline par le pancréas pour faire entrer le glucose dans les cellules. Cette hyperinsulinémie peut faire chuter le glucose à des niveaux trop bas, et l’hypoglycémie qui s’ensuit peut paradoxalement stimuler l’appétit, en dépit de l’ingestion d’une forte quantité de sucre quelques heures plus tôt.  À l’inverse, un aliment à faible indice glycémique produit une glycémie plus faible, mais soutenue, ce qui réduit la demande en insuline et permet d’éviter les fluctuations des taux de glucose sanguins souvent observées avec les aliments à indice glycémique élevé. Les pommes de terre, les céréales du petit déjeuner, le pain blanc et les pâtisseries sont tous des exemples d’aliments à indice glycémique élevé, tandis que les légumineuses, les légumes et les noix sont à l’inverse des aliments ayant un indice glycémique faible.

Indice et charge glycémique

L’indice glycémique (IG) est calculé en comparant la hausse de taux de sucre sanguin produite par l’absorption d’un aliment donné à celle du glucose pur. Par exemple, un aliment qui a un indice glycémique de 50 (lentilles, par exemple) produit une glycémie moitié moins importante que le glucose (qui, lui, a un index glycémique de 100). En règle générale, on considère que des valeurs inférieures à 50 correspondent à un IG faible alors que celles qui sont supérieures à 70 sont élevées. L’indice glycémique ne tient pas cependant pas compte de la quantité de glucides présents dans les aliments et il est souvent plus approprié d’utilisé le concept de charge glycémique (CG). Par exemple, même si le melon d’eau et les céréales du petit déjeuner possèdent toutes deux des IG élevés (75), le faible contenu en glucides du melon (11 g pour 100 g) équivaut à une charge glycémique de 8 alors que les 26 g de glucides présents dans ce type de céréales entraînent une charge de 22, soit trois fois plus. Des CG ≥ 20 sont considérées comme étant élevées, de niveau intermédiaire lorsque situées entre 11-19, et faibles lorsque ≤ 10.

Étude PURE

Des résultats provenant de l’étude épidémiologique PURE (Prospective Urban and Rural Epidemiology), menée par le cardiologue canadien Salim Yusuf, viennent de confirmer le lien existant entre les glucides de mauvaise qualité et le risque de maladies cardiovasculaires.  Dans la première de ces études, publiée dans le prestigieux New England Journal of Medicine, les chercheurs ont examiné l’association entre l’indice glycémique et la charge glycémique totale de l’alimentation et l’incidence d’accidents cardiovasculaires majeurs (infarctus, AVC, mort subite, insuffisance cardiaque) chez plus de 130,000 participants âgés de 35 à 70 ans, répartis sur l’ensemble des cinq continents. L’étude révèle qu’une alimentation ayant un indice glycémique élevé est associée à une hausse significative (25 %) du risque de subir un accident cardiovasculaire majeur chez les personnes sans maladie cardiovasculaire, une augmentation qui atteint 51 % chez celles qui ont une maladie cardiovasculaire préexistante (Figure 4).  Une tendance similaire est observée pour la charge glycémique, mais dans ce dernier cas, la hausse du risque semble toucher seulement les personnes ayant une maladie cardiovasculaire au début de l’étude.


Figure 4. Comparaison du risque d’accidents cardiovasculaires selon l’indice ou la charge glycémique de l’alimentation de personnes en bonne santé (bleu) ou avec des antécédents de maladies cardiovasculaires (rouge). Les valeurs médianes des index glycémiques étaient de 76 pour le quintile 1 et de 91 pour le quintile 5.  Pour la charge glycémique, les valeurs moyennes étaient de 136 g de glucides par jour pour le Q1 et de 468 g par jour pour le Q5. Notez que la hausse du risque d’accidents cardiovasculaires associée à un indice ou une charge glycémique élevée est principalement observée chez les participants ayant une maladie cardiovasculaire préexistante.  Tiré de Jenkins et coll. (2021).

L’impact de l’indice glycémique semble particulièrement prononcé chez les personnes en surpoids (Figure 5).  Ainsi, alors que la hausse du risque d’accidents cardiovasculaires majeurs est de 14 % chez les personnes minces, ayant un IMC inférieur à 25, elle atteint 38 % chez celles qui souffrent d’embonpoint (IMC supérieur à 25).


Figure 5. Impact du surpoids sur la hausse du risque d’accidents cardiovasculaires lié à l’indice glycémique de l’alimentation.  Les valeurs indiquées représentent la hausse du risque d’accidents cardiovasculaires observée pour chaque catégorie (quintiles 2 à 5) d’indice glycémique comparativement à la catégorie présentant l’indice le plus bas (quintile 1).  Les valeurs médianes des indices glycémiques étaient de 76 pour le quintile 1; 81 pour le quintile 2; 86 pour le quintile 3; 89 pour le quintile 4 et de 91 pour le quintile 5.  Tiré de Jenkins et coll. (2021).

Ce résultat n’est pas tellement étonnant, dans la mesure où on sait depuis longtemps que l’excès de graisse perturbe le métabolisme du sucre, notamment en produisant une résistance à l’insuline.  Une alimentation ayant un indice glycémique élevé exacerbe donc la hausse de la glycémie postprandiale déjà en place en raison de l’excès de poids, ce qui conduit à une hausse plus grande du risque de maladies cardiovasculaires. Le message à tirer de cette étude est donc très clair : une alimentation contenant trop de sucres facilement assimilables, telle que mesurée à l’aide de l’indice glycémique, est associée à une hausse significative du risque de subir un accident cardiovasculaire majeur.  Le risque de ces accidents est particulièrement prononcé pour les personnes dont l’état de santé n’est pas optimal, soit en raison de la présence d’un excès de graisse ou d’une maladie cardiovasculaire préexistante (ou les deux).  Diminuer l’indice glycémique de l’alimentation en consommant plus d’aliments contenant des glucides complexes (fruits, légumes, légumineuses, noix) et moins de produits contenant des sucres ajoutés ou des farines raffinées représente donc un prérequis essentiel pour prévenir le développement des maladies cardiovasculaires.

Farines raffinées

Un autre volet de l’étude PURE s’est penché plus spécifiquement sur les farines raffinées comme source de sucres facilement assimilables pouvant augmenter anormalement la glycémie et hausser le risque de maladies cardiovasculaires.   Les chercheurs ont observé qu’un apport élevé (350 g par jour, soit 7 portions) en produits contenant des farines raffinées (pain blanc, céréales du petit déjeuner, biscuits, craquelins, pâtisseries) était associé à une hausse de 33 % du risque de maladie coronarienne, de 47 % du risque d’AVC et de 27 % du risque de mort prématurée. Ces observations confirment donc l’impact négatif des farines raffinées sur la santé et l’importance d’inclure autant que possible des aliments contenant des grains entiers dans l’alimentation. Le potentiel préventif de cette modification alimentaire toute simple est énorme puisque la consommation de grains entiers demeure extrêmement faible, avec la majorité de la population des pays industrialisés qui consomment quotidiennement moins de 1 portion de céréales entières, soit bien en deçà du minimum recommandé (la moitié de tous les produits céréaliers consommés, soit environ 5 portions par jour).

Les pains complets demeurent une excellente façon de hausser l’apport en grains entiers.  Il faut cependant porter une attention particulière à la liste d’ingrédients : au Canada, la loi permet de retirer jusqu’à 5 % du grain lors de la fabrication de la farine de blé entier, et la partie éliminée contient la majeure du germe et une fraction du son (fibres). Ce type de pain est supérieur au pain blanc, mais il est préférable de choisir des produits à base de farines intégrales qui, elles, contiennent toutes les parties du grain. Notons aussi que les pains multicéréales (7-14 grains) contiennent toujours 80 % de farine de blé et d’un maximum de 20 % d’un mélange d’autres céréales (sinon le pain ne lève pas). Le nombre de grains importe donc peu et ce qui compte est que la farine soit de blé entier ou idéalement intégrale, ce qui n’est pas toujours le cas.

En somme, une façon simple de diminuer le risque d’accidents cardiovasculaires et d’améliorer la santé en général est de remplacer autant que possible l’apport en aliments riches sucres simples et en farines raffinées par des aliments d’origine végétale, contenant des glucides complexes. En plus des glucides, cette simple modification influencera à elle seule la nature des protéines et des lipides ingérés ainsi que, du même coup, l’ensemble des phénomènes qui favorisent l’apparition et la progression des plaques d’athérosclérose.

Diminuer l’apport calorique en mangeant plus de végétaux

Diminuer l’apport calorique en mangeant plus de végétaux

EN BREF

 

  • 20 volontaires ont été nourris avec un régime faible en gras ou faible en glucides  à tour de rôle pendant deux semaines.
  • Les participants soumis au régime faible en gras consommaient en moyenne près de 700 calories par jour de moins qu’avec le régime faible en glucides, une diminution corrélée avec une perte plus importante de masse adipeuse.
  • Comparativement au régime faible en glucides, le régime faible en gras a aussi entrainé une baisse des taux de cholestérol, une diminution de l’inflammation chronique et une baisse du rythme cardiaque et de la pression artérielle.
  • Globalement, ces résultats suggèrent qu’une alimentation principalement composée de végétaux et faible en gras est optimale pour la santé cardiovasculaire, autant pour sa supériorité à diminuer l’apport calorique que pour son impact positif sur plusieurs facteurs de risque de maladies cardiovasculaires.
On estime qu’il y a actuellement dans le monde environ 2 milliards de personnes en surpoids, dont 600 millions qui sont obèses.  Ces statistiques sont vraiment alarmantes, car il est clairement établi que l’excès de graisse favorise le développement de plusieurs maladies qui diminuent l’espérance de vie en bonne santé, notamment les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et plusieurs types de cancers.   L’identification des facteurs responsables de cette forte prévalence de surpoids et des moyens susceptibles de renverser le plus rapidement possible cette tendance est donc primordiale pour améliorer la santé de la population et éviter des pressions insoutenables sur les systèmes de santé publics dans un proche avenir.

Déséquilibre énergétique

La cause fondamentale du surpoids, et de l’obésité en particulier, est un apport calorique qui excède les besoins énergétiques du corps. Pour perdre du poids, il s’agit donc essentiellement de rétablir l’équilibre entre les calories ingérées et les calories dépensées.

Cela peut sembler simple en théorie, mais, en pratique, la plupart des gens éprouvent énormément de difficulté à perdre du poids. D’une part, il est beaucoup plus facile de grossir que de maigrir : au cours de l’évolution, nous avons dû faire face à des périodes de disettes prolongées (et même de famine, dans certains cas) et notre métabolisme s’est adapté à ces carences en devenant extrêmement performant pour accumuler et conserver l’énergie sous forme de graisse. D’autre part, l’environnement dans lequel nous vivons actuellement encourage fortement la surconsommation de nourriture : nous sommes littéralement submergés par une variété infinie de produits alimentaires attrayants, souvent peu coûteux, facilement accessibles et promus par un marketing très agressif qui encourage leur consommation.  L’épidémie actuelle de surpoids et d’obésité reflète donc à la fois notre prédisposition biologique à accumuler des réserves sous forme de graisse, une prédisposition qui est exacerbée par l’environnement obésogène qui nous entoure.

Manger moins pour rétablir l’équilibre

La tendance innée du corps à conserver l’énergie stockée en réserve sous forme de graisse fait en sorte qu’il est extrêmement difficile de maigrir en « brûlant » ces calories excédentaires par une augmentation du niveau d’activité physique.  Par exemple,  une personne qui mange un simple morceau de tarte au sucre (400 calories) devra marcher environ 6,5 km pour dépenser complètement ces calories, ce qui est bien sûr impossible à faire sur une base quotidienne. Cela ne signifie pas que l’exercice est complètement inutile pour perdre du poids :  la recherche des dernières années montre que l’exercice peut cibler spécifiquement certaines réserves de graisse, en particulier au niveau abdominal.   Les études montrent également qu’une activité physique régulière est très importante pour le maintien à long terme du poids perdu par un régime hypocalorique.  Par contre, il n’y a pas de doute que ce sont d’abord et avant tout les calories consommées qui sont les facteurs déterminants dans la prise de poids.  D’ailleurs, contrairement à ce qu’on peut penser, les niveaux d’activité physique n’ont pratiquement pas changé depuis les trente dernières années dans les pays industrialisés, et la hausse phénoménale du nombre de personnes en surpoids est donc principalement une conséquence d’une surconsommation de nourriture.  L’exercice est indispensable à la prévention de l’ensemble des maladies chroniques et au maintien d’une bonne santé en général, mais son rôle dans la perte de poids est relativement mineur.  Pour les personnes en surpoids, la seule façon réaliste de maigrir significativement, et surtout de maintenir ces pertes sur des périodes prolongées, est donc de diminuer l’apport calorique.

Moins de sucre ou moins de gras ?

Comment y arriver ? Premièrement, il est important de réaliser que la hausse fulgurante du nombre de personnes en surpoids a coïncidé avec une plus grande disponibilité d’aliments riches en sucre ou de gras (et parfois les deux à la fois).  Tous les pays du monde, sans exception, qui ont adopté ce type d’alimentation ont vu leur taux de surpoids grimper en flèche et il est donc vraisemblable que ce changement dans les habitudes alimentaires joue un rôle primordial dans l’épidémie actuelle d’obésité.

Les contributions respectives du sucre et du gras à cette augmentation de l’apport calorique et au surpoids font cependant encore aujourd’hui l’objet d’un vigoureux débat :

1) D’un côté, il a été proposé que les aliments riches en gras sont particulièrement obésogènes, car les graisses sont deux fois plus caloriques que les glucides, sont moins efficaces pour provoquer un sentiment de satiété et améliorent les propriétés organoleptiques des aliments, ce qui globalement encourage une surconsommation (bien souvent inconsciente) de nourriture. En conséquence, la meilleure façon d’éviter de trop manger et de développer un surpoids serait de réduire l’apport total en gras (en particulier en gras saturés en raison de leur impact négatif sur les taux de cholestéol-LDL) et de les remplacer par des sources de glucides complexes (végétaux, légumineuses, céréales à grains entiers).  C’est ce qu’on appelle familièrement l’approche faible en gras (« low-fat »), préconisée par exemple par le régime Ornish.

2) De l’autre côté, on propose exactement l’inverse, c’est-à-dire que ce serait surtout les glucides qui contribueraient à une surconsommation de nourriture et à la hausse de l’incidence d’obésité.  Selon ce modèle, les glucides présents dans les aliments sous forme de sucres libres ou de farines raffinées provoquent une hausse marquée des taux d’insuline, ce qui cause un stockage massif de l’énergie dans le tissu adipeux. En conséquence, moins de calories demeurent disponibles dans la circulation pour être utilisées par le reste du corps, provoquant une hausse de l’appétit et une surconsommation de nourriture pour compenser ce manque. Autrement dit, ce ne serait pas parce qu’on mange trop qu’on engraisse, mais plutôt parce qu’on est trop gros qu’on mange trop.

En empêchant des fluctuations trop importantes des taux d’insulines, une alimentation faible en glucides (« low-carb ») permettrait donc de limiter l’effet anabolique de cette hormone et, par conséquent, d’empêcher de trop manger et d’accumuler un excès de graisse.

Moins de gras au menu, moins de calories ingérées

Pour comparer l’impact des régimes « low-carb » et « low-fat » sur l’apport calorique, le groupe du Dr Kevin Hall (NIH) a recruté 20 volontaires qu’ils ont nourris avec chacun de ces régimes à tour de rôle pendant deux semaines.  La force de ce type d’étude croisée est que chacun des participants consomme les deux types de régimes et qu’on peut donc comparer directement leurs effets sur une même personne.

Comme l’illustre la Figure 1, les deux régimes étudiés étaient complètement à l’opposé l’un de l’autre, avec 75 % des calories du régime « low-fat » (LF)  qui provenaient des glucides contre seulement 10 % provenant des graisses, tandis que dans le régime « low-carb » (LC), 75 % des calories sont sous forme de graisses, comparativement à seulement 10 % qui proviennent des glucides.  Le régime LF à l’étude était exclusivement composé d’aliments d’origine végétale (fruits, légumes, légumineuses, légumes racines, produits de soja, grains entiers, etc.), tandis que le régime LC contenait principalement (82 %) des aliments d’origine animale (viande, volaille, poisson, œufs, produits laitiers).

Figure 1.  Comparaison des quantités de glucides, lipides et protéines présentes dans les régimes faibles en glucides (LC) et faibles en gras (LF) consommés par les participants de l’étude.

L’étude montre qu’il existe effectivement une grande différence entre les deux types de régimes quant au nombre de calories consommées par les participants (Figure 2). Sur une période de deux semaines, les participants qui se nourrissaient avec un régime LF (faible en gras) consommaient en moyenne près de 700 calories (kcal) par jour de moins qu’avec un régime LC (faible en glucides).  Cette différence de l’apport calorique est observée pour l’ensemble des repas, autant au petit déjeuner (240 calories de moins pour le régime LF), au diner (143 calories de moins), au souper (195 calories de moins) que lors des collations prises entre les repas (128 calories de moins).  Cette diminution n’est pas causée par une différence d’appréciation des deux régimes par les participants, car des analyses parallèles n’ont noté aucune différence dans le niveau d’appétit des participants, ni dans le degré de satiété et de satisfaction générées suite à la consommation de l’un ou l’autre des régimes.  Par contre, le régime LF était composé exclusivement d’aliments d’origine végétale et donc beaucoup plus riche en fibres non digestibles (60 g par jour comparativement à seulement 20 g pour le régime LC) qui diminuent grandement la densité énergétique des repas (quantité de calories par g de nourriture) comparativement à celle du régime LC, riche en gras.  Il est donc fort probable que cette différence de densité énergétique contribue à l’apport calorique plus faible observé pour le régime LF faible en gras.

Dans l’ensemble, ces résultats indiquent donc qu’une alimentation constituée de végétaux, et donc faible en gras et riche en glucides complexes, est plus efficace qu’une alimentation principalement composée de produits animaux, riche en gras et faible en glucides, pour limiter l’apport calorique.

Figure 2.  Comparaison de l’apport calorique quotidien des participants soumis à un régime faible en glucides (LC) ou faible en gras (LF). Tiré de Hall et coll. (2021).

Perte de poids

Malgré la différence significative de l’apport calorique observée entre les deux régimes, leur impact respectif sur la perte de poids à court terme est plus nuancé. À première vue, le régime LC a semblé plus efficace que le régime LF pour provoquer une perte rapide de poids, avec environ 1 kg de perdu en moyenne dès la première semaine et presque 2 kg après deux semaines, comparativement à seulement 1 kg après deux semaines du régime LF (Figure 3). Par contre, une analyse plus poussée a révélé que la perte de poids causée par le régime LC était principalement sous forme de masse maigre (protéines, eau, glycogène), tandis que ce régime n’a pas eu d’impact significatif sur la perte de graisse durant cette période.  À l’inverse, le régime LF n’a pas d’effet sur cette masse maigre, mais cause cependant une diminution significative de la masse graisseuse, aux environs de 1 kg après deux semaines.  Autrement dit, seul le régime LF a causé une perte de gras corporel au cours de la période d’étude, ce qui suggère fortement que la diminution de l’apport calorique rendue possible par ce type d’alimentation peut faciliter le maintien d’un poids corporel stable et pourrait même favoriser la perte de poids chez les personnes en surpoids.

Figure 3.  Comparaison des variations du poids corporel (haut), de la masse maigre (centre) et de la masse grasse (bas) provoquées par les régimes faibles en glucides ou en lipides.  Tiré de Hall et coll. (2021).

Facteurs de risque cardiovasculaire

En plus de favoriser un plus faible apport calorique et la perte de masse adipeuse, le régime LF semble également supérieur au régime LC quant à son impact sur plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire (Tableau 1):

Cholestérol. Il est bien établi que les taux de cholestérol-LDL sont augmentés en réponse à un apport élevé en gras saturés (voir notre article sur la question). Il n’est donc pas surprenant que le régime LF, qui ne contient que 2 % de l’ensemble des calories sous forme de gras saturés, provoque une diminution significative du cholestérol, autant en termes de cholestérol total que de cholestérol-LDL. À première vue, le régime LC riche en gras (contenant 30 % de l’apport calorique quotidien sous forme de gras saturés) ne semble pas avoir d’effet majeur sur le cholestérol-LDL; il faut cependant noter que ce régime modifie de façon très importante la répartition des particules de cholestérol-LDL, avec notamment une hausse significative des particules LDL petites et denses.  Plusieurs études ont rapporté que ces petites particules LDL denses s’infiltrent plus facilement  dans les parois des artères et semblent également s’oxyder plus facilement, deux événements clés dans le développement et la progression de l’athérosclérose.   En somme, deux semaines à peine d’un régime LC riche en gras ont été suffisantes pour modifier significativement (et négativement) le profil athérogénique des participants, ce qui peut soulever des doutes sur les effets à long terme de ce type d’alimentation sur la santé cardiovasculaire.

Tableau 1. Variations de certains facteurs de risque de maladies cardiovasculaires suite à une alimentation pauvre en glucides ou pauvre en gras. Tiré de Hall et coll. (2021).

Acides aminés à chaine latérale. Plusieurs études récentes ont montré une association très nette entre les taux sanguins d’acides aminés à chaine latérale (leucine, isoleucine et valine) et une augmentation du risque de syndrome métabolique et de diabète de type 2, deux très importants facteurs de risque de maladies cardiovasculaires  (voir notre article à ce sujet).  En ce sens, il est fort intéressant de noter que les taux de ces acides aminés sont presque deux fois plus élevés suite à deux semaines de régime LC comparativement au régime LF, ce qui suggère un effet positif d’une alimentation riche en plantes et pauvre en gras dans la prévention de ces désordres.

Inflammation.  L’inflammation chronique participe activement à la formation et à la progression des plaques qui se forment sur la paroi des artères et qui peuvent mener à l’apparition d’accidents cardiovasculaires comme l’infarctus du myocarde et les AVC.  En clinique, ce degré d’inflammation est souvent déterminé en mesurant les taux de la protéine C réactive haute sensibilité (hsCRP), une protéine fabriquée par le foie et relâchée dans le sang en réponse à des conditions inflammatoires. Comme le montre le Tableau 1, le régime LF faible en gras diminue significativement les taux de ce marqueur inflammatoire, un autre effet positif qui milite en faveur d’une alimentation riche en végétaux pour la prévention des maladies cardiovasculaires.

En plus de ces données de laboratoire, les chercheurs ont noté que les participants qui s’étaient nourris avec le régime LF présentaient une fréquence cardiaque plus lente (73 vs 77 battements/min) ainsi qu’une pression artérielle plus faible (112/67 vs 116/69 mm Hg) qu’observées suite régime LC.  Dans ce dernier cas, cette différence pourrait être liée, au moins en partie, à la consommation beaucoup plus élevée de sodium dans le régime LC comparativement au régime LF (5938 vs 3725 mg/jour).

L’ensemble de ces résultats confirme la supériorité d’une alimentation principalement composée de végétaux sur l’ensemble des paramètres impliqués dans la santé cardiovasculaire, que ce soit en termes du profil lipidique, de l’inflammation chronique et du contrôle adéquat de l’apport calorique nécessaire au maintien du poids corporel.

 

Contrôler l’inflammation grâce à l’alimentation

Contrôler l’inflammation grâce à l’alimentation

EN BREF

  • L’inflammation chronique participe activement à la formation et à la progression des plaques qui se forment sur la paroi des artères et qui peuvent mener à l’apparition d’accidents cardiovasculaires comme l’infarctus du myocarde et les AVC.
  • Deux études montrent que les personnes dont l’alimentation est anti-inflammatoire en raison d’un apport élevé en végétaux (légumes, fruits, grains entiers), en boissons riches en antioxydants (thé, café, vin rouge) ou en noix ont un risque significativement plus faible d’être touchées par une maladie cardiovasculaire.
  • Ce type d’alimentation anti-inflammatoire peut être facilement reproduit en adoptant le régime méditerranéen, riche en fruits, légumes, légumineuses, noix et grains entiers et qui a été à maintes reprises associé à une diminution du risque d’accidents cardiovasculaires.
En clinique, on estime habituellement le risque de subir un accident coronarien en se basant sur l’âge, l’historique familial, le tabagisme et la sédentarité ainsi que sur une série de mesures chiffrées comme le taux de cholestérol, la glycémie et la pression artérielle.  La combinaison de ces facteurs permet d’établir un « score » de risque de maladie cardiovasculaire, c’est-à-dire la probabilité que le patient soit touché par une maladie du cœur au cours des dix prochaines années.  Lorsque ce score est modéré (10 à 20 %) ou élevé (20% et plus), on prescrit généralement un ou plusieurs  médicaments spécifiques  en plus de préconiser des changements d’habitudes de vie afin de réduire le risque d’accident cardiovasculaire.

Ces estimations sont utiles, mais elles ne tiennent cependant pas compte d’autres facteurs connus pour jouer un rôle important dans le développement des maladies cardiovasculaires. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne l’inflammation chronique, un processus qui participe activement à la formation et à la progression des plaques qui se forment sur la paroi des artères et qui peuvent mener à l’apparition d’accidents cardiovasculaires comme l’infarctus du myocarde et les AVC.

L’importance clinique de cette inflammation chronique est bien illustrée par les études réalisées auprès de patients qui ont subi un infarctus du myocarde et qui sont traités avec une statine pour diminuer leur taux de cholestérol-LDL.  Les études montrent qu’une forte proportion (environ 40 %) de ces personnes présentent des concentrations sanguines de protéines inflammatoires trop élevées et il est probable que ce risque inflammatoire résiduel contribue au fort taux de mortalité cardiovasculaire (près de 30 %) qui touche ces patients dans les deux années suivant le début du traitement, et ce malgré une réduction importante du cholestérol-LDL.  En ce sens, il est intéressant de noter que l’anticorps canakinumab, qui neutralise une protéine inflammatoire (l’interleukine-1β), provoque une diminution légère mais significative d’accidents cardiovasculaires majeurs chez des patients coronariens.  Les statines, utilisées pour abaisser les taux de cholestérol-LDL, auraient également un effet anti-inflammatoire (réductions des taux de protéine C réactive) qui contribuerait à une diminution du risque d’accidents cardiovasculaires. Un rôle de l’inflammation est également démontré par les travaux du Dr Jean-Claude Tardif de l’ICM montrant que l’anti-inflammatoire colchicine réduit significativement le risque de récidives d’incidents cardiovasculaires.

La réduction  de l’inflammation chronique  s’avére donc une approche très prometteuse pour diminuer le risque de maladies cardiovasculaires, autant chez les personnes qui ont déjà subi un infarctus et qui sont à très haut risque de récidive que chez les personnes en santé mais à risque élevé de maladies cardiovasculaires.

Alimentation anti-inflammatoire

Deux études récemment parues dans le Journal of the American College of Cardiology suggèrent que la nature de l’alimentation peut grandement influencer le degré d’inflammation chronique et, par le fait même, le risque de maladies cardiovasculaires. Dans le premier de ces 2 articles, les chercheurs ont analysé le lien entre l’inflammation induite par l’alimentation et le risque de maladie cardiovasculaire auprès de 166 000 femmes et 44 000 hommes suivis pendant une période de 24 à 30 ans. Le potentiel inflammatoire du régime alimentaire des participants a été estimé  à l’aide d’un indice basé sur l’effet connu de divers aliments sur les taux sanguins de 3 marqueurs inflammatoires (interleukine-6, TNFα-R2, et la protéine C-reactive ou CRP).  Par exemple, la consommation de viandes rouges, charcuteries et produits industriels ultratransformés est associée à une hausse de ces marqueurs, tandis que celle de légumes, fruits, grains entiers et de breuvages riches an antioxydants (thé, café, vin rouge) est au contraire associée à une diminution de leurs taux sanguins. Les personnes qui consomment régulièrement des aliments pro-inflammatoires ont donc un indice alimentaire inflammatoire plus élevé, alors que ceux dont l’alimentation est riche en aliments anti-inflammatoires présentent un indice plus faible. En utilisant cette approche, les chercheurs ont observé qu’un indice inflammatoire alimentaire plus élevé était associé à un risque accru de maladie cardiovasculaire, avec une hausse de 40 % du risque chez les personnes présentant l’indice le plus élevé (Figure 1). Cette hausse du risque associé à l’inflammation est particulièrement prononcée pour la maladie coronarienne  (syndomes coronariens aigus dont l’infarctus du myocarde) avec un risque accru de 46 %, mais semble moins prononcée pour les accidents vasculaires cérébraux (AVC) (hausse de 28 % du risque).  L’étude montre qu’un indice d’inflammation d’origine alimentaire plus élevé était également associé à deux marqueurs de risque de maladie cardiovasculaire, soit des taux de triglycérides circulants plus élevés ainsi qu’un cholestérol-HDL plus faible. Ces résultats indiquent donc qu’il existe un lien entre le degré d’inflammation chronique généré par l’alimentation et le risque de maladies cardiovasculaires à long terme, en accord avec les données d’une méta-analyse récente de 14 études épidémiologiques qui ont exploré cette association. Figure 1.  Variation du risque de maladie cardiovasculaire en fonction du potentiel inflammatoire de l’alimentation.  Tiré de Li et coll. (2020). Les pointillés indiquent l’intervalle de confiance à 95%.

Noix anti-inflammatoires

Une  deuxième étude par un groupe de chercheurs espagnols s’est quant à elle intéressée au potentiel anti-inflammatoire des noix de Grenoble.  Plusieurs études épidémiologiques  ont rapporté que la consommation régulière de noix est associée à une diminution marquée du risque de maladie cardiovasculaire. Par exemple, une méta-analyse récente de 19 études prospectives montre que les personnes qui consomment le plus de noix (28 g par jour) ont un risque moindre de développer une maladie coronarienne (18 %) ou de décéder de ces maladies (23%). Ces réductions du risque de maladies cardiovasculaires pourraient s’expliquer en partie par les réductions des taux de cholestérol-LDL (4%) et des triglycérides (5 %) observées suite à la consommation de noix dans les études d’intervention. Par contre, ces baisses demeurent relativement modestes et ne peuvent pas expliquer à elles seules la réduction marquée du risque de maladie cardiovasculaire observée dans les études.

Les résultats de l’étude espagnole suggèrent fortement qu’une réduction de l’inflammation pourrait grandement contribuer à l’effet préventif des noix.  Dans cette étude, 708 personnes âgées de 63 à 79 ans ont été séparées en deux groupes, soit un groupe contrôle dont l’alimentation était complètement dépourvue de noix et un groupe d’intervention, dans lequel les participants consommaient environ 15 % de leurs calories quotidiennes sous forme de noix de Grenoble (30-60 g/jour).  Après une période de 2 ans, les chercheurs ont observé d’importantes variations des taux sanguins de plusieurs marqueurs inflammatoires entre les deux groupes (Figure 2), en particulier pour le GM-CSF (une cytokine qui favorise la production de cellules inflammatoires) et l’interleukine-1β (une cytokine très inflammatoire dont les taux sanguins sont corrélés avec un risque accru de mortalité lors d’un infarctus).  Cette réduction des taux de IL-1β est particulièrement intéressante, car, comme mentionné plus tôt, une étude clinique randomisée (CANTOS) a montré qu’un anticorps neutralisant cette cytokine entraine une réduction du risque d’infarctus du myocarde chez les patients coronariens. Figure 2. Réduction des taux sanguins de plusieurs marqueurs inflammatoires par une alimentation enrichie en noix.  Tire de Cofán et coll. (2020). N.B. GM-CSF: granulocyte-monocyte colony stimulating factor; hs-CRP: high-sensitivity C-reactive protein; IFN: interferon; IL: interleukin; SAA: serum amyloid A; sE-sel: soluble E-selectin; sVCAM: soluble vascular cell adhesion molecule; TNF: tumor necrosis factor.

Dans l’ensemble, ces études confirment donc qu’une alimentation anti-inflammatoire procure des bénéfices concrets en termes de prévention des maladies cardiovasculaires. Ce potentiel préventif demeure largement inexploité, car les Canadiens consomment environ la moitié de toutes leurs calories sous forme d’aliments ultratransformés pro-inflammatoires, tandis que moins du tiers de la population mange le minimum recommandé de 5 portions quotidiennes de fruits et de légumes et moins de 5 % les trois portions recommandées de grains entiers. Ce déséquilibre fait en sorte que l’alimentation de la plupart des gens est pro-inflammatoire, contribue au développement des maladies cardiovasculaires de même que celui d’autres maladies chroniques, incluant certains cancers communs comme celui du côlon, et diminue l’espérance de vie.

La façon la plus simple de rétablir cet équilibre et de diminuer l’inflammation est d’adopter une alimentation riche en végétaux, tout en diminuant l’apport en produits industriels.  Le régime méditerranéen, par exemple, est une alimentation anti-inflammatoire exemplaire en raison de son abondance en fruits, légumes, légumineuses, noix et grains entiers et son impact positif sera d’autant plus grand si la consommation régulière de ces aliments permet de réduire celle d’aliments pro-inflammatoires comme les viandes rouges, charcuteries et les produits ultratransformés.  Sans compter que  ce mode d’alimentation est également associé à un apport important en fibres, qui permettent la production d’acides gras à courtes chaînes anti-inflammatoires par le microbiote intestinal, et en composés phytochimiques comme les polyphénols qui possèdent des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires.

En résumé, ces études récentes démontrent une fois de plus l’importance du rôle de l’alimentation pour prévenir les maladies chroniques et améliorer l’espérance de vie en santé.

Un apport insuffisant en fibres alimentaires nuit au microbiote intestinal et à l’équilibre du système immunitaire

Un apport insuffisant en fibres alimentaires nuit au microbiote intestinal et à l’équilibre du système immunitaire

EN BREF

  • Le régime alimentaire typique dans les pays occidentaux ne contient pas suffisamment de fibres.
  • Cet apport insuffisant en fibres nuit aux bactéries du microbiote intestinal et par conséquent à l’immunité et à la santé de l’hôte.
  • Une consommation abondante et variée de fibres alimentaires permet de maintenir un microbiote diversifié et en santé, qui produit des métabolites qui contribuent à la physiologie et la santé humaine.

Les fibres alimentaires sont constituées de sucres complexes non digestibles par les enzymes digestives humaines, mais elles constituent une source importante d’énergie pour les bactéries intestinales qui ont la capacité de les dégrader. Ces fibres proviennent principalement des plantes, mais on en retrouve aussi dans les tissus animaux (viande, abats), les fungi (champignons, levures, moisissures) et les microorganismes d’origine alimentaire. Les principales fibres sont la cellulose, lignines, pectine, inuline, amidons et dextrines résistant aux amylases, chitines, bêta-glucanes et autres oligosaccharides. Cependant, toutes les fibres alimentaires ne peuvent être utilisées par le microbiote intestinal (la cellulose par exemple), aussi les chercheurs s’intéressent-ils plus particulièrement aux « glucides accessibles au microbiote » ou MAC (de l’anglais : microbiota-accessible carbohydrates) qui sont retrouvés dans les légumineuses, le blé et l’avoine, par exemple.

Recrudescence des allergies, maladies inflammatoires et auto-immunes
Les maladies non transmissibles, telles les allergies et les maladies inflammatoires et auto-immunes sont en hausse importante dans les pays occidentaux depuis un siècle. Même si l’on ne connaît pas toutes les causes de ces augmentations, il est fort plausible qu’elles aient une composante environnementale. La transition du régime alimentaire traditionnel au régime alimentaire occidental qui est survenu après la révolution industrielle est souvent mise en cause.   Le régime alimentaire occidental typique consiste principalement en des aliments transformés, riches en sucres et en gras, mais pauvres en minéraux, vitamines, et fibres. L’apport quotidien en fibres alimentaires recommandé est d’au moins 30 grammes (1 once), alors que les adeptes du régime alimentaire occidental n’en consomment que 15 grammes en moyenne. Par ailleurs, les personnes vivant dans des sociétés traditionnelles consomment jusqu’à 50-120 g/jour de fibres et ont un microbiote intestinal beaucoup plus diversifié que celui des Occidentaux. Un microbiote diversifié est associé à une bonne santé en général alors qu’un microbiote peu diversifié a été associé à des maladies chroniques courantes dans les pays occidentaux, telles que le diabète de type 2, l’obésité, les maladies inflammatoires de l’intestin (colite ulcéreuse, maladie de Crohn), le cancer colorectal, l’arthrite rhumatoïde et l’asthme.

Les métabolites du microbiote intestinal
Le microbiote intestinal contribue à la physiologie humaine par une production d’une multitude de métabolites. Ceux qui ont été les plus étudiés sont les acides gras à courte chaîne (AGCC), qui sont des composés organiques tels l’acétate, le propionate et le butyrate qui constituent ensemble ≥95 % des AGCC. Ces métabolites sont absorbés et se retrouvent dans la circulation sanguine via la veine porte et agissent sur le foie puis, via la circulation sanguine périphérique, sur les autres organes du corps humain. Les AGCC jouent des rôles clés dans la régulation du métabolisme humain, du système immunitaire et de la prolifération cellulaire. Les AGCC sont des métabolites produits par les microorganismes du microbiote intestinal à partir des fibres alimentaires qui sont des sucres complexes. Le microbiote produits d’autres métabolites à partir des acides aminés provenant des protéines alimentaires, incluant l’indole et ses dérivés, tryptamine, sérotonine, histamine, dopamine, p-crésol, phénylacetylglutamine, phénylacetylglycine.

Un manque de fibres alimentaires mène à la génération par le microbiote de métabolites toxiques pour l’humain
Un apport insuffisant en fibres ne mène pas seulement à une diversité réduite du microbiote et à une réduction de la quantité d’AGCC produits, mais cause aussi un changement dans le métabolisme des microorganismes vers l’utilisation de substrats moins favorables pour la santé de l’hôte. Parmi ces substrats alternatifs, les acides aminés provenant des protéines alimentaires sont fermentés par le microbiote en acides gras à chaîne ramifiée, ammoniaque, amines, composés N-nitrosés, des composés phénoliques tel le p-Crésol, sulfures et des composés indoliques. Ces métabolites sont soit cytotoxiques et/ou pro-inflammatoires et ils contribuent au développement de maladies chroniques, particulièrement le cancer colorectal.

Effets sur la production de mucus qui protège la muqueuse intestinale
Les principaux substrats utilisés par le microbiote lorsque l’apport en fibres est faible sont les mucines, des glycoprotéines contenues dans les mucus qui couvrent et protègent l’épithélium de la muqueuse intestinale. Le maintien de cette couche de mucus est très important pour prévenir les infections ; or un régime alimentaire à faible teneur en fibres altère la composition du microbiote intestinal et mène à une détérioration importante de la couche de mucus, ce qui peut augmenter la susceptibilité aux infections et à des maladies inflammatoires chroniques (voir la figure, ci-dessous). Des analyses transcriptomiques ont révélé que lorsqu’il y a un manque de fibres de type MAC, les enzymes qui dégradent le mucus sont exprimées en plus grande quantité dans les micro-organismes du microbiote. Les conséquences de la détérioration et de l’amincissement de la couche de mucus sont un dysfonctionnement de la barrière intestinale, c.-à-d. à une hausse de la perméabilité qui augmente la susceptibilité à l’infection par des bactéries pathogènes. Une alimentation riche en fibres a l’effet contraire : le microbiote est diversifié et la production abondante des métabolites AGCC stimule la production et la sécrétion de mucus par les cellules épithéliales spécialisées, dites caliciformes ou en gobelets.

Figure. Effet d’un régime alimentaire à haute teneur ou à faible teneur en fibres sur la composition et la diversité du microbiote intestinal et les répercussions sur la physiologie humaine. MAC : glucides accessibles au microbiote (microbiota-accessible carbohydrates). D’après Makki et coll., 2018.

Système immunitaire
Un microbiote intestinal en santé contribue à la maturation et au développement du système immunitaire (voir cet article de revue en français et cet article de revue en anglais). Par exemple, les acides gras à chaîne courte (AGCC) produits par le microbiote stimulent la production de lymphocytes T régulateurs. Les AGCC ont de nombreux effets sur la fonction et l’hématopoïèse des cellules dendritiques, ainsi que sur les neutrophiles qui sont les premiers leucocytes mobilisés par le système immunitaire en présence d’un agent pathogène.

Inflammation et cancer du côlon
L’incidence de maladies inflammatoires de l’intestin a augmenté considérablement en Occident depuis quelques décennies. Un régime alimentaire à faible teneur en fibres a été corrélé avec l’augmentation de l’incidence de la maladie de Crohn. Au contraire, un apport suffisant en fibres alimentaires semble protéger contre le développement de la colite ulcéreuse, un effet qui a été associé à une baisse des AGCC produits par le microbiote, le butyrate en particulier qui a des propriétés anti-inflammatoires.

Les maladies inflammatoires de l’intestin peuvent mener au développement du cancer du côlon. De plus, un apport alimentaire réduit en fibres a été associé à une incidence accrue du cancer colorectal.

Les fibres alimentaires jouent un rôle bien plus complexe qu’on le croyait il y a peu de temps, alors qu’on pensait qu’elles avaient un rôle purement mécanique dans le transit intestinal, par une augmentation du volume du bol alimentaire et par ses propriétés émollientes. Un apport alimentaire en fibres adéquat permet de maintenir un microbiote intestinal diversifié et en santé, ce qui peut prévenir le développement d’allergies, de maladies inflammatoires et auto-immunes. Le microbiote intestinal est l’objet d’intenses efforts de recherche, tel qu’en témoignent les nombreuses publications scientifiques publiées chaque mois, il n’a certainement pas livré tous ses secrets !