Des microorganismes intestinaux stimulent la motivation à faire de l’exercice

Des microorganismes intestinaux stimulent la motivation à faire de l’exercice

EN BREF

  • La composition du microbiote intestinal a un effet important sur la motivation de souris de laboratoire à faire de l’exercice selon une étude publiée récemment.
  • Deux bactéries intestinales sont particulièrement associées à une meilleure performance durant l’exercice : Eubacterium rectale et Coprococcus eutactus.
  • Ces bactéries produisent des métabolites, les amides d’acides gras (AAG), qui se lient au récepteur des endocannabinoïdes de type 1 (CB1), situés dans les nerfs sensitifs au niveau de l’intestin et qui sont connectés au cerveau via la moelle épinière.
  • La stimulation du récepteur CB1 cause une augmentation des niveaux de dopamine durant l’exercice, dans une région particulière du cerveau nommée striatum ventral où se trouvent les circuits de récompense.

Il est bien établi que l’exercice physique, pratiqué sur une base régulière, diminue le risque de développer des maladies chroniques, améliore la fonction cognitive et diminue le risque de mourir prématurément. Pour pouvoir profiter pleinement de ces nombreux bienfaits, il faut s’entraîner régulièrement et préférablement sur de longues périodes. Pourtant, nombreux sont ceux qui adoptent un style de vie sédentaire, et pour qui la motivation à faire de l’exercice est basse, voire inexistante. La motivation à faire de l’exercice est régie dans le système nerveux central et nécessite des signaux initiés par la dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans une foule de fonctions, dont le contrôle moteur, l’attention, la mémoire, la cognition, le sommeil, le plaisir et la motivation. Les neurones qui produisent la dopamine sont retrouvés dans des régions du cerveau nommées aire tegmentale ventrale (ATV) et la substancia nigra. Les neurones dopaminergiques se prolongent dans d’autres parties du cerveau afin de réguler les aspects cognitif, émotionnel et motivationnel liés aux comportements associés à une récompense.

La motivation à faire de l’exercice dépend-elle uniquement de notre cerveau et de notre état d’esprit vis-à-vis cette activité ? Il semble que non selon une étude récente réalisée sur des souris qui montre que la motivation est en partie attribuable à des bactéries présentes dans l’intestin. Une découverte surprenante qui est le résultat des efforts combinés de plusieurs équipes de chercheurs.

Afin d’identifier de nouveaux régulateurs de la performance à l’exercice, les chercheurs ont utilisé une cohorte de 199 souris ayant une grande diversité génétique. La cohorte de souris a été soumise à des analyses poussées du génome, de métabolome, du microbiome et leur performance à l’exercice à été évaluée (tapis roulant, roue d’exercice). Les analyses génomiques suggèrent que les gènes contribuent très peu aux différences observées entre la performance à l’exercice des différentes souris.

Puisque des travaux antérieurs (voir ici, ici, ici, et ici) suggéraient que le microbiome aurait un rôle potentiel sur la performance durant l’exercice, les chercheurs ont voulu vérifier si la variabilité de la performance des différentes souris pouvait être attribuée au microbiome, en faisant des expériences dites de « perte de fonction » (déplétion du microbiome) et de « gain de fonction » (transplantation du microbiome). La déplétion complète du microbiome des souris avec des antibiotiques à large spectre a causé une diminution de la performance à l’exercice des souris d’environ 50 %. Au contraire, la transplantation du microbiome de souris performantes à l’exercice à des souris exemptes de germes (souris « germ-free », élevées dans des conditions stériles et ne contenant aucun microorganisme) a augmenté la performance à l’exercice des souris receveuses. De plus, la performance relative à l’exercice des souris receveuses était en corrélation avec celle des souris donneuses. Lorsque les traitements aux antibiotiques à large spectre ont cessé, la performance à l’exercice des souris est revenue à la normale, ainsi que celle des souris exemptes de germes lorsqu’on a cessé de les maintenir dans des conditions stériles. Dans l’ensemble, les résultats de ces expériences suggèrent que le microbiome contribue fortement à la capacité à faire de l’exercice chez la souris.

Afin d’identifier la classe de microorganismes et plus précisément quelles bactéries contribuent à la stimulation de la performance à l’exercice des souris, les souris ont été traitées par des antibiotiques à spectre plus étroit, et les intestins de souris exemptes de germes ont été colonisés avec un seul microorganisme. Parmi les bactéries testées, celles des genres Eubacterium et Coprococcus ont amélioré la performance à l’exercice des souris, à des niveaux comparables à ceux observés pour les souris ayant reçu une transplantation du microbiome complet.

Au niveau mécanistique, les chercheurs ont d’abord vérifié si l’amélioration de la performance à l’exercice par le microbiome n’était pas causée par un effet favorable sur la fonction musculaire. Or les résultats de plusieurs tests indiquent que le microbiome n’a pas d’effet significatif sur la physiologie des muscles. L’attention des chercheurs s’est ensuite portée sur la motivation, un des facteurs importants contribuant à la performance à l’exercice, avec la fonction musculo-squelettique.

Une région du cerveau qui est particulièrement impliquée dans le contrôle de la motivation est le striatum. Comme attendu, les niveaux du principal neurotransmetteur impliqué dans les signaux neuronaux de motivation/récompense dans le striatum, la dopamine, ont augmenté après que les souris ont fait de l’exercice. Or cette augmentation était beaucoup moins importante dans les souris dont le microbiome a été déplété, indiquant un rôle du microbiome dans le relargage de dopamine après l’exercice. Les niveaux de deux autres neurotransmetteurs importants dans le striatum, tels que le glutamate et l’acétylcholine, n’ont pas changé suite à l’exercice ou à la déplétion du microbiome.

De quelle façon des bactéries qui colonisent l’intestin peuvent-elles stimuler les niveaux de dopamine dans le cerveau ? Il y a deux voies possibles : 1) par des facteurs circulant, soit des métabolites produits par les bactéries ou 2) à travers des circuits neuronaux afférents. Des analyses protéomiques sur des échantillons de sang n’ont pas permis d’identifier de métabolite associé significativement à la performance à l’exercice qui est lié au microbiome. Les chercheurs se sont donc concentrés sur les neurones sensitifs qui innervent l’intestin.

Les chercheurs ont utilisé une lignée de souris (Trpv1DTA) dans laquelle une grande partie des nerfs vague et spinaux afférents qui expriment le récepteur vanilloïde sont absents. La performance à l’exercice des souris Trpv1DTA est peu élevée, comparable à celle des souris normales dont le microbiome a été déplété par des antibiotiques. La déplétion du microbiome dans les souris Trpv1DTA n’a pas modifié la performance à l’exercice.

Comment les bactéries intestinales peuvent-elles activer les nerfs sensitifs de l’intestin ? Les chercheurs ont montré que, in vitro, des neurones du nerf spinal isolés sont activés par des extraits fécaux de souris normales, mais beaucoup moins par des extraits provenant de souris sans microbiome. Ce résultat suggère qu’un métabolite provenant du microbiome est impliqué dans l’activation des nerfs sensitifs. Des analyses métabolomiques ont permis d’identifier des candidats, dont plusieurs parmi les plus puissants étaient des amides d’acides gras (AAG), tel le N-oléoyléthanolamide (OEA). Afin de prouver que ces composés peuvent à eux seuls stimuler la performance à l’exercice, les chercheurs ont introduit des suppléments de cinq AAG au régime alimentaire des souris dont le microbiome a été déplété par des antibiotiques. Cette supplémentation a rétabli les signaux générés par les nerfs sensitifs, la hausse des niveaux de dopamine dans le cerveau et la performance à l’exercice. Puis, les astucieux chercheurs ont transformé des bactéries E. coli que ne produisent normalement pas d’AAG en introduisant les gènes responsables de la production de ces métabolites. Les intestins de souris germ-free ont été colonisés avec cette bactérie modifiée pour produire des AAG ou avec la lignée parentale qui ne produit pas d’AAG. La performance à l’exercice a été améliorée par la colonisation avec les bactéries produisant des AAG, mais pas par celle avec les bactéries parentales. Finalement, les chercheurs ont montré que l’effet des AAG est médié par les récepteurs des endocannabinoïdes de type 1 (CB1), situés dans les nerfs sensitifs au niveau de l’intestin et qui sont connectés au cerveau via la moelle épinière.

Les études réalisées sur des souris ne se traduisent pas toujours chez l’humain, mais l’un comme l’autre possède un système endocannabinoïde similaire connecté au striatum ventral. Les résultats de cette étude laissent entrevoir de possibles interventions basées sur l’alimentation pour augmenter la motivation des personnes à faire de l’exercice et d’optimiser la performance des athlètes d’élite.

 

La modulation du microbiote intestinal par des interventions alimentaires pour prévenir les maladies cardiométaboliques

La modulation du microbiote intestinal par des interventions alimentaires pour prévenir les maladies cardiométaboliques

EN BREF

  • Dans une étude auprès de 307 participants, le régime de type méditerranéen était associé à une composition du microbiote intestinal favorable à une bonne santé cardiométabolique.
  • Dans une autre étude, le jeûne intermittent a altéré le microbiote intestinal et a prévenu le développement de l’hypertension chez des rats qui deviennent spontanément hypertendus en vieillissant.
  • Le métabolisme des acides biliaires modulé par le microbiote a été identifié comme un régulateur de la pression artérielle.
  • Des interventions alimentaires visant à modifier le microbiote intestinal pourraient être une approche non pharmacologique viable pour prévenir et traiter l’hypertension artérielle et d’autres pathologies.
Les maladies cardiométaboliques incluant le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires sont en hausse au Canada et dans le monde. Ces maladies qui réduisent la qualité et l’espérance de vie des personnes atteintes, et qui engendrent des coûts importants pour la société, peuvent être prévenues par le maintien de bonnes habitudes de vie, incluant une alimentation saine et l’exercice régulier.

Des études récentes ont établi un lien entre le métabolisme microbien et les interactions immunes dans l’intestin et le risque de maladie cardiométabolique (voir nos articles sur le sujet ici, ici et ici). Deux nouvelles études montrent que le type de régime alimentaire et la fréquence des repas ont des effets sur le risque de maladie métabolique qui sont dus en partie à des altérations du microbiote intestinal. Les résultats de ces nouvelles études suggèrent que la modulation du microbiote intestinal par des interventions alimentaires pourrait être une nouvelle approche préventive et thérapeutique.

Des chercheurs américains ont analysé les données sur le microbiome de 307 participants mâles à l’étude « Health Professionals Follow-up Study », ainsi que leurs habitudes alimentaires et les biomarqueurs de la régulation de la glycémie, du métabolisme des lipides et de l’inflammation. Le régime de type méditerranéen (constitué principalement de légumes, légumineuses, fruits, noix, huile d’olive, et d’un peu de vin et de viande rouge) était associé à une composition du microbiote intestinal favorable à une bonne santé cardiométabolique. L’association favorable entre le régime de type méditerranéen et le risque de maladie cardiométabolique était particulièrement forte parmi les participants dont le microbiote contenait peu de bactérie Prevotella copri. Les chercheurs ne comprennent pas encore pourquoi le régime méditerranéen est moins efficace chez les personnes dont le microbiote contient la bactérie Prevotella copri, ils émettent cependant plusieurs hypothèses qui devront être vérifiées dans des études à venir. Quoiqu’il en soit, on peut envisager que des approches de prévention pourront un jour être personnalisées en fonction du profil microbien intestinal de chaque personne.

Bienfaits du jeûne intermittent sur l’hypertension
Le jeûne intermittent consiste à compresser la période durant laquelle on s’alimente sur une courte période (6-8h) et de « jeûner » durant le reste de la journée (16-18h). Le jeûne intermittent a des effets favorables sur la perte de poids et de gras corporel, l’inflammation chronique, le métabolisme et sur la santé cardiovasculaire (voir nos articles sur le sujet ici et ici). Les principaux bienfaits du jeûne intermittent sur le métabolisme sont une réduction des niveaux sanguins de cholestérol-LDL, une sensibilité accrue à l’insuline et un meilleur contrôle de la glycémie chez les diabétiques, une réduction du stress oxydatif et de l’inflammation. L’on sait d’une part qu’un déséquilibre du microbiote intestinal (dysbiose intestinale) contribue au développement de l’hypertension. D’autre part, des études réalisées ces dernières années ont montré que le jeûne et la restriction calorique réduisent significativement la pression artérielle, autant dans des modèles animaux que chez des patients hypertendus.

Une étude récente montre que les effets bénéfiques du jeûne intermittent sur la pression artérielle sont attribuables, au moins en partie, à une modulation du microbiote intestinal. Les chercheurs ont utilisé un modèle animal couramment utilisé dans le domaine de la recherche fondamentale en hypertension: les rats spontanément hypertendus prédisposés aux accidents vasculaires cérébraux (SHPAVC), un modèle génétique unique d’hypertension sévère et d’AVC. Des rats hypertendus SHPAVC et des rats normotendus Wistar-Kyoto (WKY) ont été soumis durant 8 semaines à l’un ou l’autre des régimes alimentaires suivant: 1) nourriture à volonté durant la totalité de l’étude (groupes témoins) ou 2) un régime alternant une journée avec nourriture à volonté et une journée sans accès à la nourriture (jeûne intermittent). Les rats hypertendus (SHPAVC) et normotendus (WKY) dans les groupes témoins ont ingéré la même quantité de nourriture. Par contre, les rats soumis au jeûne intermittent ont mangé davantage les jours avec nourriture à volonté que ceux des groupes témoins, probablement pour compenser le jour de jeûne. Malgré cela, la quantité totale de nourriture ingérée durant l’étude était significativement moins élevée chez les rats hypertendus (-27 %) et normotendus (-35 %) soumis au jeûne intermittent, par comparaison aux animaux des groupes témoins respectifs qui avaient accès à de la nourriture à volonté. Malgré un apport alimentaire similaire, les rats hypertendus du groupe témoin ont pris significativement moins de poids que les rats normotendus.

Comme attendu, la pression artérielle des rats hypertendus mesurée hebdomadairement était significativement plus élevée que celle des rats normotendus. Par contre, le jeûne intermittent a considérablement réduit la pression artérielle des rats hypertendus, d’environ 40 mmHg en moyenne vers la fin de l’étude, par comparaison aux rats hypertendus qui avaient accès à de la nourriture à volonté. Cette baisse importante a ramené la pression artérielle des rats hypertendus à des niveaux comparables à ceux des rats normotendus.

Rôle du microbiote intestinal dans la régulation de la tension artérielle
Les modèles animaux permettent la réalisation d’expériences sur le rôle du microbiote intestinal qui ne pourraient être faites chez l’humain. Dans le but de savoir si le microbiote intestinal joue un rôle dans l’effet du jeûne intermittent, les chercheurs ont poursuivi leur étude en « transplantant » le microbiote des rats hypertendus et normotendus dans des rats aseptisés (« germ-free ») c.-à-d. des rats reproduits dans des conditions particulières, de telle manière qu’ils ne contiennent aucun micro-organisme.

Les rats aseptisés qui ont reçu le microbiote des rats hypertendus avaient une pression artérielle significativement plus élevée que ceux qui ont reçu le microbiote des rats normotendus, lorsque soumis au régime alimentaire témoin (nourriture à volonté). Par contre, le jeûne intermittent a réduit la pression artérielle des rats aseptisés qui ont reçu le microbiote des rats hypertendus à des niveaux comparables à ceux des rats qui ont reçu le microbiote des rats normotendus. Ces résultats démontrent que les altérations du microbiote des rats hypertendus provoqués par le jeûne intermittent sont suffisantes pour provoquer une baisse de pression artérielle. L’analyse du microbiote par séquençage du génome entier (whole-genome shotgun sequencing) a permis aux chercheurs d’identifier le métabolisme des acides biliaires comme un médiateur potentiel de la régulation de la pression artérielle. Des analyses ont par la suite révélé que les niveaux sanguins de 11 acides biliaires (sur 18) des rats hypertendus SHPAVC étaient significativement moins élevés que ceux des rats normotendus (WKY). En appuis à l’hypothèse, l’ajout d’acide cholique (un précurseur des acides biliaires) dans la nourriture ou l’activation du récepteur des acides biliaires (TGR5) ont réduit significativement la pression artérielle (18 mmHg) des rats hypertendus (SHPAVC).

En résumé, la qualité des aliments et la fréquence à laquelle nous nous alimentons a des répercussions importantes sur les micro-organismes de notre microbiote, sur les facteurs de risques cardiométaboliques et, ultimement, sur notre santé globale. En modifiant le régime alimentaire et la fréquence des repas, il serait peut-être possible d’améliorer considérablement la condition des personnes atteintes de maladies chroniques.

 

 

 

 

 

 

 

Un apport insuffisant en fibres alimentaires nuit au microbiote intestinal et à l’équilibre du système immunitaire

Un apport insuffisant en fibres alimentaires nuit au microbiote intestinal et à l’équilibre du système immunitaire

EN BREF

  • Le régime alimentaire typique dans les pays occidentaux ne contient pas suffisamment de fibres.
  • Cet apport insuffisant en fibres nuit aux bactéries du microbiote intestinal et par conséquent à l’immunité et à la santé de l’hôte.
  • Une consommation abondante et variée de fibres alimentaires permet de maintenir un microbiote diversifié et en santé, qui produit des métabolites qui contribuent à la physiologie et la santé humaine.

Les fibres alimentaires sont constituées de sucres complexes non digestibles par les enzymes digestives humaines, mais elles constituent une source importante d’énergie pour les bactéries intestinales qui ont la capacité de les dégrader. Ces fibres proviennent principalement des plantes, mais on en retrouve aussi dans les tissus animaux (viande, abats), les fungi (champignons, levures, moisissures) et les microorganismes d’origine alimentaire. Les principales fibres sont la cellulose, lignines, pectine, inuline, amidons et dextrines résistant aux amylases, chitines, bêta-glucanes et autres oligosaccharides. Cependant, toutes les fibres alimentaires ne peuvent être utilisées par le microbiote intestinal (la cellulose par exemple), aussi les chercheurs s’intéressent-ils plus particulièrement aux « glucides accessibles au microbiote » ou MAC (de l’anglais : microbiota-accessible carbohydrates) qui sont retrouvés dans les légumineuses, le blé et l’avoine, par exemple.

Recrudescence des allergies, maladies inflammatoires et auto-immunes
Les maladies non transmissibles, telles les allergies et les maladies inflammatoires et auto-immunes sont en hausse importante dans les pays occidentaux depuis un siècle. Même si l’on ne connaît pas toutes les causes de ces augmentations, il est fort plausible qu’elles aient une composante environnementale. La transition du régime alimentaire traditionnel au régime alimentaire occidental qui est survenu après la révolution industrielle est souvent mise en cause.   Le régime alimentaire occidental typique consiste principalement en des aliments transformés, riches en sucres et en gras, mais pauvres en minéraux, vitamines, et fibres. L’apport quotidien en fibres alimentaires recommandé est d’au moins 30 grammes (1 once), alors que les adeptes du régime alimentaire occidental n’en consomment que 15 grammes en moyenne. Par ailleurs, les personnes vivant dans des sociétés traditionnelles consomment jusqu’à 50-120 g/jour de fibres et ont un microbiote intestinal beaucoup plus diversifié que celui des Occidentaux. Un microbiote diversifié est associé à une bonne santé en général alors qu’un microbiote peu diversifié a été associé à des maladies chroniques courantes dans les pays occidentaux, telles que le diabète de type 2, l’obésité, les maladies inflammatoires de l’intestin (colite ulcéreuse, maladie de Crohn), le cancer colorectal, l’arthrite rhumatoïde et l’asthme.

Les métabolites du microbiote intestinal
Le microbiote intestinal contribue à la physiologie humaine par une production d’une multitude de métabolites. Ceux qui ont été les plus étudiés sont les acides gras à courte chaîne (AGCC), qui sont des composés organiques tels l’acétate, le propionate et le butyrate qui constituent ensemble ≥95 % des AGCC. Ces métabolites sont absorbés et se retrouvent dans la circulation sanguine via la veine porte et agissent sur le foie puis, via la circulation sanguine périphérique, sur les autres organes du corps humain. Les AGCC jouent des rôles clés dans la régulation du métabolisme humain, du système immunitaire et de la prolifération cellulaire. Les AGCC sont des métabolites produits par les microorganismes du microbiote intestinal à partir des fibres alimentaires qui sont des sucres complexes. Le microbiote produits d’autres métabolites à partir des acides aminés provenant des protéines alimentaires, incluant l’indole et ses dérivés, tryptamine, sérotonine, histamine, dopamine, p-crésol, phénylacetylglutamine, phénylacetylglycine.

Un manque de fibres alimentaires mène à la génération par le microbiote de métabolites toxiques pour l’humain
Un apport insuffisant en fibres ne mène pas seulement à une diversité réduite du microbiote et à une réduction de la quantité d’AGCC produits, mais cause aussi un changement dans le métabolisme des microorganismes vers l’utilisation de substrats moins favorables pour la santé de l’hôte. Parmi ces substrats alternatifs, les acides aminés provenant des protéines alimentaires sont fermentés par le microbiote en acides gras à chaîne ramifiée, ammoniaque, amines, composés N-nitrosés, des composés phénoliques tel le p-Crésol, sulfures et des composés indoliques. Ces métabolites sont soit cytotoxiques et/ou pro-inflammatoires et ils contribuent au développement de maladies chroniques, particulièrement le cancer colorectal.

Effets sur la production de mucus qui protège la muqueuse intestinale
Les principaux substrats utilisés par le microbiote lorsque l’apport en fibres est faible sont les mucines, des glycoprotéines contenues dans les mucus qui couvrent et protègent l’épithélium de la muqueuse intestinale. Le maintien de cette couche de mucus est très important pour prévenir les infections ; or un régime alimentaire à faible teneur en fibres altère la composition du microbiote intestinal et mène à une détérioration importante de la couche de mucus, ce qui peut augmenter la susceptibilité aux infections et à des maladies inflammatoires chroniques (voir la figure, ci-dessous). Des analyses transcriptomiques ont révélé que lorsqu’il y a un manque de fibres de type MAC, les enzymes qui dégradent le mucus sont exprimées en plus grande quantité dans les micro-organismes du microbiote. Les conséquences de la détérioration et de l’amincissement de la couche de mucus sont un dysfonctionnement de la barrière intestinale, c.-à-d. à une hausse de la perméabilité qui augmente la susceptibilité à l’infection par des bactéries pathogènes. Une alimentation riche en fibres a l’effet contraire : le microbiote est diversifié et la production abondante des métabolites AGCC stimule la production et la sécrétion de mucus par les cellules épithéliales spécialisées, dites caliciformes ou en gobelets.

Figure. Effet d’un régime alimentaire à haute teneur ou à faible teneur en fibres sur la composition et la diversité du microbiote intestinal et les répercussions sur la physiologie humaine. MAC : glucides accessibles au microbiote (microbiota-accessible carbohydrates). D’après Makki et coll., 2018.

Système immunitaire
Un microbiote intestinal en santé contribue à la maturation et au développement du système immunitaire (voir cet article de revue en français et cet article de revue en anglais). Par exemple, les acides gras à chaîne courte (AGCC) produits par le microbiote stimulent la production de lymphocytes T régulateurs. Les AGCC ont de nombreux effets sur la fonction et l’hématopoïèse des cellules dendritiques, ainsi que sur les neutrophiles qui sont les premiers leucocytes mobilisés par le système immunitaire en présence d’un agent pathogène.

Inflammation et cancer du côlon
L’incidence de maladies inflammatoires de l’intestin a augmenté considérablement en Occident depuis quelques décennies. Un régime alimentaire à faible teneur en fibres a été corrélé avec l’augmentation de l’incidence de la maladie de Crohn. Au contraire, un apport suffisant en fibres alimentaires semble protéger contre le développement de la colite ulcéreuse, un effet qui a été associé à une baisse des AGCC produits par le microbiote, le butyrate en particulier qui a des propriétés anti-inflammatoires.

Les maladies inflammatoires de l’intestin peuvent mener au développement du cancer du côlon. De plus, un apport alimentaire réduit en fibres a été associé à une incidence accrue du cancer colorectal.

Les fibres alimentaires jouent un rôle bien plus complexe qu’on le croyait il y a peu de temps, alors qu’on pensait qu’elles avaient un rôle purement mécanique dans le transit intestinal, par une augmentation du volume du bol alimentaire et par ses propriétés émollientes. Un apport alimentaire en fibres adéquat permet de maintenir un microbiote intestinal diversifié et en santé, ce qui peut prévenir le développement d’allergies, de maladies inflammatoires et auto-immunes. Le microbiote intestinal est l’objet d’intenses efforts de recherche, tel qu’en témoignent les nombreuses publications scientifiques publiées chaque mois, il n’a certainement pas livré tous ses secrets !

Les substituts de viande à base végétale réduisent certains facteurs de risque cardiovasculaire

Les substituts de viande à base végétale réduisent certains facteurs de risque cardiovasculaire

EN BREF

  • Les participants à une étude ont été partagés en deux groupes, l’un a consommé quotidiennement durant huit semaines deux portions de substituts de viande à base végétale (produits Beyond Meat: burger, simili-bœuf, saucisses, simili-poulet), alors que l’autre groupe a consommé la même quantité de viandes (bœuf, porc, poulet).
  • Les participants qui ont consommé des substituts de viande à base végétale ont perdu un peu de poids et avaient des taux sanguins d’oxyde de triméthylamine (TMAO) et de cholestérol-LDL significativement moins élevés que ceux qui ont consommé de la viande durant la même période.
  • Les substituts de viande à base végétale semblent favorables pour la santé par rapport à la viande puisque des taux élevés de TMAO et de cholestérol-LDL sont deux facteurs de risque de maladies cardiovasculaires.

Dans un article publié dans ces pages en 2019, nous avons discuté des mérites et des défauts des nouveaux produits alimentaires qui imitent le goût et la texture de la viande, tels les produits Beyond Meat et Impossible Burger. Ces produits sont certainement plus écologiques que la viande rouge (bœuf et porc en particulier) qui demande énormément de ressources qui taxent l’environnement mondial. D’autre part, ce sont des produits ultra-transformés qui contiennent de bonnes quantités de gras saturés et de sel.

Afin de valider si les substituts de viande à base végétale pourraient être meilleurs pour la santé que la viande, la compagnie Beyond Meat a subventionné le Dr Christopher D. Gardner un chercheur indépendant et renommé à l’école de médecine de l’université Stanford en Californie pour faire une étude randomisée contrôlée. Il faut être extrêmement prudents avec les études subventionnées par l’industrie alimentaire, puisque cette dernière a avantage à ne publier que des résultats qui appuieront la vente de leurs produits. Par contre, dans le cas de cette étude toutes les précautions semblent avoir été prises pour qu’il n’y ait pas d’influences sur les résultats : désign de l’étude (randomisée et contrôlée avec plan d’étude croisée), analyses statistiques par une tierce personne qui n’était pas impliquée dans le désign de l’étude et la récolte des données. Beyond Meat n’était pas impliquée ni dans le désign de l’étude, la réalisation de l’étude, non plus que dans l’analyse des données. De plus, le Dr Gardner a déclaré avoir déjà réalisé six études subventionnées par l’industrie alimentaire dont les résultats étaient nuls par rapport à l’hypothèse de départ.

Les 36 participants à l’étude ont été partagés au hasard en deux groupes. Durant les huit premières semaines, un groupe de participants a été assigné à manger deux portions/jour de substituts de viande à base végétale (produits Beyond Meat: burger, simili-bœuf, saucisses, simili-poulet), alors que l’autre groupe a consommé deux portions/jour de viande (bœuf, porc, poulet). Les deux groupes ont ensuite permuté de régime alimentaire pour les huit semaines suivantes (plan d’étude croisé). Les taux à jeun de lipides, de glucose, d’insuline, d’oxyde de triméthylamine (TMAO) ont été mesurés avant le début de l’étude et à chaque deux semaines durant les deux phases de l’étude.

Le principal paramètre de l’étude était le niveau sanguin de TMAO, un facteur de risque émergeant associé à l’athérosclérose et autres maladies cardiovasculaires. Le groupe qui a consommé de la viande durant les huit premières semaines avait un taux moyen de TMAO significativement plus élevé que le groupe qui a consommé des substituts de viande à base végétale (4,7 vs 2,7 µM), ainsi qu’un taux moyen de cholestérol-LDL (le « mauvais cholestérol ») plus élevé (121 vs 110 mg/dL) alors que le taux moyen de cholestérol-HDL (le « bon cholestérol ») n’était pas significativement différent.

Une surprise attendait les chercheurs : les participants qui ont d’abord consommé des produits à base de végétaux durant les huit premières semaines n’ont pas vu leur taux de TMAO augmenter lorsqu’ils ont mangé de la viande durant la seconde partie de l’étude. Les chercheurs n’ont pas été en mesure d’identifier de changements dans le microbiome (flore intestinale) qui aurait pu expliquer cette différence. Néanmoins, il semble que le fait d’avoir rendu les participants « végétariens » durant huit semaines leur a fait perdre la capacité à produire du TMAO à partir de la viande. Cet effet d’une alimentation végétarienne sur le microbiome a déjà été démontré par l’équipe du Dr Stanley L. Hazen de la Cleveland Clinic (voir aussi notre article « Athérosclérose : le rôle du microbiome intestinal »). Après quelques semaines de retour à une alimentation carnivore, le microbiome recommence à produire du TMAO à partir de la viande rouge et des œufs.

Le TMAO est un métabolite produit par le microbiome intestinal à partir de carnitine et de choline, deux composés présents en grande quantité dans les viandes rouges telles les viandes de bœuf et de porc. Des concentrations élevées de TMAO peuvent promouvoir l’athérosclérose et des thromboses. En effet, de nombreuses études d’observation et sur des modèles animaux ont montré qu’il y a une association entre le TMAO et le risque cardiovasculaire, et qu’il est bénéfique de réduire les niveaux de TMAO. Notons cependant qu’un lien de causalité entre le TMAO et les maladies cardiovasculaires n’a pas été établi et qu’il est possible qu’il soit un marqueur plutôt qu’un agent causal de ces maladies.

En plus de l’effet favorable sur le TMAO, les participants qui ont consommé des substituts de viande à base végétale ont perdu du poids (1 kg en moyenne) et avaient un taux de cholestérol-LDL significativement moins élevé que ceux qui ont mangé de la viande (110 vs 121 mg/dL). Ces différences ont été observées, peu importe l’ordre dans lequel les participants ont suivi les deux régimes alimentaires.

Beyond Meats espère probablement que ces résultats lui permettront de répondre aux critiques sur leurs produits qui sont ultra-transformés et qui contiennent beaucoup de sel et pratiquement autant de gras saturés que la viande. Plusieurs personnes souhaitent réduire leur consommation de viandes rouges, mais n’aiment pas pour autant les plats végétariens classiques. Il nous apparaît que si ces substituts de viande plaisent aux consommateurs soucieux de maintenir une bonne santé et qu’ils leur permettent de diminuer leur consommation de viande, cela leur sera bénéfique et les encouragera peut-être à cuisiner eux-mêmes des végé-burgers et autres substituts de viande à base végétale. Qui sait si ces produits ne faciliteront pas dans l’avenir des modifications significatives au régime alimentaire ? Réduire sensiblement notre consommation de viande ne pourra qu’être bénéfique pour notre santé et celle de la planète.

Un nouveau métabolite du microbiote lié aux maladies cardiovasculaires

Un nouveau métabolite du microbiote lié aux maladies cardiovasculaires

EN BREF

  • Un criblage métabolomique a permis d’identifier un nouveau métabolite associé aux maladies cardiovasculaires dans le sang de personnes atteintes de diabète de type 2.
  • Ce métabolite, la phénylacétylglutamine (PAGln), est produit par le microbiote intestinal et par le foie, à partir de l’acide aminé phénylalanine provenant des protéines alimentaires.
  • Dans le sang, le PAGln se lie à des récepteurs adrénergiques, exprimés à la surface de la membrane cellulaire des plaquettes, ce qui a pour résultat de les rendre hyper-réactives.
  • Un médicament bêta bloquant couramment utilisé en clinique (Carvedilol) bloque l’effet prothrombotique du PAGln.

Un groupe de recherche de la Cleveland Clinic aux États-Unis a récemment identifié un nouveau métabolite du microbiote qui est lié cliniquement et par son mécanisme à des maladies cardiovasculaires (MCV). Cette découverte a été rendue possible par l’utilisation d’une approche métabolomique (c.-à-d. l’étude des métabolites dans un organisme ou tissu donné), une méthode puissante et non biaisée qui avait permis, entre autres, d’identifier l’oxyde de triméthylamine (TMAO) comme un métabolite favorisant l’athérosclérose et les acides aminés à chaîne latérale ramifiée (BCAA) comme des marqueurs de l’obésité.

Le nouveau criblage métabolomique a permis d’identifier dans le sang, chez des personnes atteintes de diabète de type 2, plusieurs composés associés à l’un ou plusieurs de ces critères : 1) événement cardiovasculaire majeur (ÉCM : infarctus du myocarde, AVC ou mort) dans les 3 dernières années ; 2) niveau élevé de diabète de type 2 ; 3) une faible corrélation avec les indices de contrôle glycémique. Parmi ces composés, cinq étaient déjà connus:  deux qui sont dérivés du microbiote intestinal (TMAO et triméthyllysine) et trois autres qui sont des diacyl-glycérophospholipides. Parmi les composés inconnus, celui qui était le plus fortement associé avec des ÉCM a été identifié par spectrométrie de masse comme la phénylacétylglutamine (PAGln).

En résumé voici comment le PAGln est généré (voir la partie gauche de la figure 1) :

  • L’acide aminé phénylalanine provenant des protéines alimentaires (d’origine animale et végétale) est majoritairement absorbé au niveau du petit intestin, mais une portion qui n’est pas absorbée aboutit au gros intestin.
  • Dans le gros intestin, la phénylalanine est d’abord transformée en acide phénylpyruvique par le microbiote intestinal, puis en acide phénylacétique par certaines bactéries, particulièrement celles exprimant le gène porA.
  • L’acide phénylacétique est absorbé et acheminé au foie via la veine porte où il est rapidement métabolisé en phénylacétylglutamine ou PAGln.


Figure. Résumé schématique de l’implication du PAGln dans l’augmentation de l’agrégation plaquettaire, l’athérothrombose et les événements cardiovasculaires majeurs. Traduit de Nemet et coll., 2020.

Les chercheurs ont montré que le PAGln augmente les effets liés à l’activation plaquettaire et le potentiel de thrombose dans le sang complet, sur des plaquettes isolées et dans des modèles animaux de lésions artérielles.

Le PAGln se lie à des sites cellulaires de manière saturable, ce qui suggère une liaison spécifique à des récepteurs membranaires. Les chercheurs ont ensuite démontré que le PAGln se lie à des récepteurs adrénergiques liés aux protéines G, exprimés à la surface de la membrane cellulaire des plaquettes. La stimulation de ces récepteurs cause une hyperstimulation des plaquettes qui deviennent alors hyper-réactives et accélèrent l’agrégation plaquettaire et le processus de thrombose.

Finalement, en utilisant un modèle de thrombus chez la souris, il a été démontré qu’un médicament bêta bloquant couramment utilisé en clinique (Carvedilol) bloque l’effet prothrombotique du PAGln. Ce résultat est particulièrement intéressant parce qu’il suggère que les effets bénéfiques des bêta bloquants pourraient être en partie causés par un renversement des effets de niveaux élevés de PAGln. L’identification du PAGln pourrait permettre de développer de nouvelles stratégies ciblées et personnalisées pour le traitement de maladies cardiovasculaires.

Efficacité de l’exercice pour prévenir et atténuer le diabète : un rôle important du microbiote intestinal

Efficacité de l’exercice pour prévenir et atténuer le diabète : un rôle important du microbiote intestinal

EN BREF

  • Chez des hommes en surpoids, prédiabétiques et sédentaires, l’exercice a induit des modifications du microbiote intestinal qui sont corrélées avec des améliorations du contrôle de la glycémie et de la sensibilité à l’insuline.
  • Le microbiote des participants « répondants » à l’exercice avait une capacité plus grande à produire des acides gras à courte chaîne (AGCC) et à éliminer les acides aminés à chaîne latérale ramifiée (BCAA). Au contraire, le microbiote des « non-répondants » était caractérisé par une production accrue de composés nocifs métaboliquement.
  • La transplantation du microbiote fécal des « répondants » à l’exercice dans des souris obèses a produit en gros les mêmes effets bénéfiques prodigués par l’exercice sur la résistance à l’insuline. De tels effets n’ont pas été observés après transplantation du microbiote de « non-répondants » à l’exercice.
L’exercice pratiqué régulièrement a des effets bénéfiques sur le contrôle de la glycémie, la sensibilité à l’insuline et constitue par conséquent une stratégie intéressante pour prévenir et atténuer le diabète de type 2. Malheureusement, chez certaines personnes, l’exercice ne provoque pas de réponse métabolique favorable, un phénomène dénommé « résistance à l’exercice ». Les causes de ce phénomène n’ont pas été clairement établies, bien que certains chercheurs aient proposé que des prédispositions génétiques et des modifications épigénétiques puissent y contribuer.

Une quantité croissante de données indiquent qu’un déséquilibre du microbiote intestinal (dysbiose) joue un rôle important dans le développement de la résistance à l’insuline et du diabète de type 2. Plusieurs mécanismes différents sont impliqués, dont une augmentation de la perméabilité intestinale et une endotoxémie accrue, des changements dans la production de certains acides gras à courte chaîne et d’acides aminés à chaîne latérale ramifiée et des perturbations dans le métabolisme des acides biliaires. Des changements dans la composition et la fonction du microbiote intestinal ont été observés chez des personnes atteintes de diabète de type 2 ou prédiabétiques. Une étude a par ailleurs montré que la transplantation du microbiote d’une personne en bonne santé dans l’intestin de personnes atteintes de syndrome métabolique a pour résultat d’augmenter la diversité microbienne et d’améliorer le contrôle de la glycémie ainsi que la sensibilité à l’insuline.

Le microbiote intestinal (anciennement : flore intestinale) est un écosystème complexe de bactéries, archées (micro-organismes de petite taille sans noyau), micro-organismes eucaryotes (champignons, protistes) et virus qui a évolué avec les êtres humains depuis plusieurs milliers d’années. Le microbiote intestinal d’un être humain, qui peut peser jusqu’à 2 kg, est absolument nécessaire pour la digestion, la fonction métabolique et la résistance à l’infection. Le microbiote intestinal humain a une énorme capacité métabolique, avec plus de 1000 espèces différentes de bactéries et 3 millions de gènes uniques (le microbiome).

Des données récentes indiquent que l’exercice module le microbiote intestinal chez l’homme autant que chez d’autres espèces d’animaux. Par exemple, on a trouvé que le microbiote intestinal d’athlètes professionnels est plus diversifié et qu’il a une capacité métabolique plus favorable pour la santé que le microbiote de personnes sédentaires. Cependant, on ne comprend pas encore bien comment ces altérations du microbiote induites par l’exercice sont impliquées dans les bienfaits sur le métabolisme (voir la figure ci-dessous).

 

Figure. Modifications du microbiote intestinal et de l’épithélium intestinal par l’exercice et les effets favorables pour la santé. BDNF : Facteur neurotrophique issu du cerveau (facteur de croissance). D’après Mailing et coll., 2019.

 

Une étude publiée dans Cell Metabolism a tenté de répondre à cette question en procédant à une intervention chez des hommes en surpoids, prédiabétiques et sédentaires. Les participants à l’étude ont été assignés au hasard à un groupe témoin (sédentaire) ou à suivre un programme d’entraînement supervisé de 12 semaines. Des échantillons sanguins et fécaux ont été recueillis avant et après l’intervention. Après les 12 semaines, on a observé une perte de poids et une diminution de l’adiposité modeste, mais significative, chez les personnes qui ont fait de l’exercice, avec des améliorations de plusieurs paramètres métaboliques, tels la sensibilité à l’insuline, des profils lipidiques favorables, une meilleure capacité cardiorespiratoire et des niveaux d’adipokines (molécules de signalisation sécrétées par les tissus adipeux) qui sont associées fonctionnellement à la sensibilité à l’insuline. Les chercheurs ont observé qu’il y avait une grande variabilité interpersonnelle dans les résultats. Après avoir reclassé les participants en « non-répondants » et « répondants », selon leur score de sensibilité à l’insuline, les chercheurs ont analysé la composition du microbiote de chaque participant.

Chez les « répondants », l’exercice a altéré la concentration de plus de 6 espèces de bactéries faisant partie des genres Firmicutes, Bacteroidetes, et Probacteria. Parmi ces bactéries, celles faisant partie du genre Bacteroidetes sont impliquées dans le métabolisme des acides gras à courte chaîne (AGCC). Parmi les différences les plus marquantes entre le microbiote des « répondants » et des « non-répondants » les chercheurs ont noté une augmention de 3,5 fois du nombre de Lanchospiraceae bacterium, un producteur de butyrate (un AGCC) qui est un indicateur de la santé intestinale. La bactérie Alistipes shahii, qui a été déjà associée à l’inflammation et qui est présente en plus grande quantité chez des personnes obèses, a diminué de 43 % chez les « répondants », alors qu’elle a augmentée 3,88 fois chez les « non-répondants » à l’exercice. La bactérie Prevotella copri prolifère à un rythme réduit chez les « répondants » ; or elle est l’une des principales bactéries responsables de la production d’acides aminés à chaîne latérale ramifiée (BCAA) dans l’instestin et elles contribuent à la résistance à l’insuline.

Les chercheurs ont ensuite transplanté le microbiote fécal des « répondants » et « non-répondants » à l’exercice dans des souris obèses. La transplantation du microbiote fécal (TMF) des « répondants » a eu pour effet chez la souris de réduire la glycémie et l’insulinémie, d’améliorer la sensibilité à l’insuline, alors que de tels effets favorables n’ont pas été observés chez les souris qui ont reçu une TMF provenant de « non-répondants » à l’exercice.

Les souris ont vu leur taux sanguin d’AGCC augmenter significativement, alors que les taux d’acides aminés de type BCAA (leucine, isoleucine, valine) et aromatiques (phénylalanine, tryptophane) ont diminué après avoir reçu le microbiote de « répondants » à l’exercice. Au contraire, les souris qui ont reçu le microbiote provenant de « non-répondants » à l’exercice ont vu des changements opposés des niveaux de ces mêmes métabolites. Une supplémentation en BCAA atténue les effets bénéfiques de la TMF provenant de « répondants » à l’exercice sur la régulation de la glycémie et de la sensibilité à l’insuline, alors qu’une supplémentation en AGCC chez des souris qui ont reçu le microbiote de « non-répondants » à l’exercice a partiellement corrigé le défaut de régulation de la glycémie et de la sensibilité à l’insuline.

Considérés dans leur ensemble, ces résultats suggèrent que le microbiote intestinal et ses métabolites sont impliqués dans les effets métaboliques bénéfiques provoqués par l’exercice. De plus, cette étude indique qu’une mauvaise adaptation du microbiote intestinal est en partie responsable de l’absence de réponse métabolique favorable chez les personnes qui ne répondent pas à l’exercice.